Appel #13 / Minorités / Majorités

 

L’article au format PDF


« Si vous critiquez le gouvernement, craignez-vous d’être perçu comme un individu de culture étrangère ? Ou, qu’on vous demande de “repartir à X”, “X” étant un lieu situé hors des États-Unis ?

Si vous êtes mal reçu dans un magasin élégant, et demandez à voir “le responsable”, vous attendez-vous à recevoir une personne d’une autre race ?

Si un agent de la circulation vous arrête, vous demandez vous si c’est à cause de votre race ? (…)

Si vous voulez vous installer dans un beau quartier, vous inquiétez-vous de ne pas être bien accueilli à cause de votre race ? »

Chimamanda Ngozi Adichie, Americanah, 2013

 

 

Des villes coupées, couturées, rafistolées, des vies assignées, comptées mais aussi émancipées : les acteurs publics s’emparent de plus en plus de principes politiques « multiculturels », en particulier dans les villes américaines (Kobayashi, 1993). Cette rhétorique de la « diversité », ou de la « mixité sociale » est parfois érigée en catégories d’action, comme en témoignent certains dispositifs scolaires1 ou certaines politiques du logement, qui visent à flouter les limites entre catégories de population pour créer un creuset commun urbain. Ces politiques de « correction » témoignent cependant de la persistance de ces lignes de séparation, qu’elles soient socioéconomiques, ethniques, genrées ou autres. À ce titre, les villes restent des lieux privilégiés d’observation de la (re)production des rapports de pouvoir entre groupes sociaux, tant dans la production urbaine que dans les interactions quotidiennes. Pour son #13, la revue Urbanités a décidé d’explorer le doublet Minorités/Majorités en ville.

À travers le couple minorités/majorités, nous souhaitons d’emblée mettre en avant l’idée d’une asymétrie, mais aussi d’un rapport de force qui se construit de manière dynamique. S’il s’agit d’insister sur les rapports de domination, d’oppression et d’exploitation qui se jouent dans les espaces urbains, on rappellera que la minorité n’existe pas sans la majorité qui la définit comme telle, et inversement. Par ce numéro, Urbanités souhaite donc explorer la fabrique des rapports de pouvoir en ville : existe-t-il une spécificité des espaces urbains dans la production des rapports de pouvoir et dans la définition de groupes majoritaires et minoritaires ? Comment l’échelon urbain s’articule-il avec certaines instances normatives, des lois aux entrepreneurs de morale (Becker, 1985) ? Comment la construction des hiérarchies sociales s’opère dans et par les espaces urbains ? Les réflexions sur les logiques d’appropriation et de dépossession, d’invisibilisation, de stigmatisation, ou encore de légitimation différenciées de groupes spécifiques dans certains espaces seront ainsi particulièrement bienvenues dans ce numéro.

Trois aspects des rapports entre les majorités et les minorités en ville pourront ici être explorés. D’abord, la question des mécanismes et outils de la production urbaine ; ensuite, le lien entre action publique, normes sociales et (re)production de rapports de domination, notamment autour des pratiques renouvelées de redlining par certains acteurs de la production urbaine (banques, services publics, etc.) ; enfin, un dernier axe sera davantage attentif aux formes de résistances. Dans chacun de ces registres, nous attendons une réflexion sur ce que ces dispositifs produisent, ce qu’ils font à la ville, en termes de pratiques et de formes urbaines, d’institutions et de rapports de force. Nous voulons par ce biais insister sur la dimension matérielle des rapports majorités/minorités. L’intérêt pour la dimension dialectique tout comme celui pour les expériences des groupes considérés permet ainsi de se garder de toute passivité des groupes minoritaires vis-à-vis des structures qui les définissent comme tels (Chassain, Clochec, Couffignal et al., 2016).

« Adopté à la majorité » : gouvernances et démocraties urbaines

S’intéresser à la gouvernance urbaine, c’est d’abord se pencher sur les mécanismes qui produisent la ville. On se penchera sur les jeux d’acteurs qui se manifestent à travers les outils décisionnels, les formes de représentation, mais aussi sur les découpages territoriaux : autant de mécanismes qui reflètent des capacités à agir différenciées pour produire la ville. C’est d’abord à travers ces mécanismes décisionnels et capacités différenciées à produire l’espace urbain que peut être défini qui est majoritaire et qui est minoritaire en ville.

Droits à la ville : quels intérêts sont représentés dans la fabrique urbaine ?

À l’heure de la concentration des ressources dans les espaces urbains et de la multiplication des acteurs qui font la ville, on pourra s’interroger sur la dimension matérielle du droit à la ville tout comme sur les conditions de représentation de l’ensemble des intérêts des citadin·e·s dans la fabrique urbaine. Si les villes sont produites comme des « outils d’ordonnancement spatial d’une société inégalitaire » pour reprendre les mots de Mélina Germes (in Gintrac et Giroud, 2014), on pourra d’abord se pencher sur les mécanismes qui contribuent à dessiner une frontière entre des acteurs et des groupes sociaux qui ont des capacités différenciées à décider de la manière dont s’organise l’espace dans lequel ils ou elles vivent.

La condition de minoritaire en ville est-elle liée ainsi à des problèmes d’accessibilité, à un accès limité non seulement aux instances décisionnelles qui produisent la ville mais aussi à certains services essentiels qui constituent le cœur de ce que Chatterjee nomme une « citoyenneté matérielle » (Chatterjee, 2004) ? Dans quelle mesure les instances de décisions urbaines et les services qui forgent le fonctionnement des villes reflètent-ils les rapports de pouvoir qui traversent l’espace social ? On peut par exemple penser au fait que ce n’est qu’en 2016 qu’une femme a été élue maire d’une des plus grandes aires urbaines du monde, quand Yuriko Koike, est devenue gouverneure de Tokyo. Comment cela joue-t-il dans les manières de penser et de produire la ville ? Cela a-t-il conduit à des choix urbains nouveaux2, et à un urbanisme plus soucieux de la place des femmes en ville ? De façon plus générale, y a-t-il et sur quoi repose une revendication pour un urbanisme intégrant les minorités, qu’elles soient genrées, sociales ou politiques (quel est, par exemple, l’urbanisme d’une ville des suprémacistes) ?

1. Les city stades, un aménagement pour tous ou seulement pour hommes ? (Ouest France, 2015)

On pourra déplacer la question pour voir dans quelle mesure les attentes des groupes en position minoritaire s’articulent avec les décisions prises à l’échelle municipale. Comment s’accommode-t-on, notamment en contexte démocratique, d’un souci de représentation et de représentativité d’intérêts communautaires ? En se gardant d’une opposition systématique des intérêts des groupes dominants et des groupes dominés, on pourra voir comment ces intérêts peuvent converger et être recomposés, notamment lorsque les planificateurs, publics et privés, prennent en compte les opinions des habitant·e·s, comme dans le cas du community planning par exemple (Bacqué, 2011).

La question des décalages temporels entre agendas des majoritaires et des minoritaires urbains pourra également être abordée. Le projet du Grand Paris Express en donne une illustration. Il s’agit, pour le moment, du seul projet d’aménagement d’envergure métropolitaine du Grand Paris ; il mobilise des acteurs dont les intérêts obéissent à des temporalités divergentes (les élus locaux devant rendre des comptes sur le court terme à leurs administré·e·s, alors que la Société du Grand Paris dépend davantage des décisions émanant de l’État central). Les acteurs mobilisés à l’échelle locale, intercommunale, départementale et métropolitaine agissent en fonction d’agendas qui leur sont propres, ce qui est parfois une source de conflits, comme l’a illustré en novembre 2018 le refus des conseils départementaux d’Ile-de-France de financer le Grand Paris Express.

Découpages électoraux et rapports de pouvoir

S’intéresser à la manière dont peuvent s’exprimer la diversité des voix citadines, c’est aussi porter le regard vers la manière dont elles sont représentées dans les instances décisionnelles urbaines. Quel lien peut-on faire entre cartes des résultats électoraux et inégalités ? Thomas Le Cour Grandmaison pointait par exemple le fait que le groupe ethnique était l’un des paramètres de l’inégale inscription sur les listes électorales à Chicago (2015), la vie politique reflétant ainsi les profondes inégalités présentes en ville. Dans le même mouvement, les découpages électoraux peuvent être modifiés de telle façon à promouvoir la représentation de certains groupes sociaux, en dessinant des circonscriptions comprenant des quartiers populaires ou au contraire, en les rattachant à des circonscriptions électorales à la composition sociale différente, comme c’est le cas à travers la pratique du Gerrymandering. On pourra ainsi s’intéresser aux régimes de représentativité à l’œuvre dans les espaces urbains : sous quelles modalités s’opèrent les découpages électoraux ? Quels sont les principes qui les guident ? Ne peuvent-ils pas eux-mêmes être l’objet de luttes, entre tentative d’effacement de voix contestataires d’une part, et d’autre part, volonté de faire apparaître des groupes invisibilisés ?

Quels outils pour la démocratie urbaine ?

De nombreux travaux soulignent une crise de la participation citoyenne et habitante (Bacqué et al. 2005 ; Gilli, 2018), pointant du doigt une mise en œuvre inefficace de cette dernière, dans un contexte caractérisé par une technicisation croissante des processus de production de la ville. La diversification des acteurs de la production urbaine (maîtres d’ouvrage, prestataires de services en concertation locale, promoteurs) et la technicisation des procédures d’aménagement compliquent les modalités de la participation, et constituent une épreuve pour les groupes qui souhaitent ou pourraient l’investir, en raison de la demande d’une expertise technique croissante. Quels sont les effets de ces transformations sur la manière de se saisir des dispositifs de la « fabrique urbaine » ? Qui sont les groupes et individus qui disposent des ressources suffisantes pour s’en saisir ? Les arènes de la participation citoyenne sont ainsi de façon récurrente des espaces de crispation des tensions et des défiances entre administré·e·s, élu·e·s et décisionnaires. La mobilisation de plusieurs collectifs d’habitant·e·s de Seine-Saint-Denis autour des enjeux locaux liés à l’héritage urbain des Jeux Olympiques de 2024 et des chantiers du Grand Paris en est un exemple particulièrement intéressant. Ces collectifs, comme le Comité de Vigilance JO 2024, ou Pleyel à Venir, ont investi les réunions de concertation, à l’échelon municipal et intercommunal, interpelant élu·e·s et collectivités territoriales sur les limites de ces arènes participatives. Les outils de la participation, de l’information à l’enquête publique en passant par la consultation, le débat public, la médiation ou le référendum local, pourront faire l’objet d’une attention particulière dans ce numéro, pour voir quels types de minorités ou majorités se recréent à cette occasion et ce que cela produit en termes de choix urbains. Ces dispositifs sont mis en place pour éviter les écueils d’une vision descendante. Une analyse de la manière dont ils ont évolué dans le temps et dans des contextes différents, reflet d’un réajustement des rapports de pouvoir entre des visions différenciées de la fabrique urbaine, sera également bienvenue.

Action publique et normes sociales

Ce deuxième axe propose d’explorer un apparent paradoxe. À l’heure du développement de politiques sécuritaires et de l’éviction « d’indésirables » des espaces publics, les espaces urbains sont aussi marqués par la mise en œuvre de mécanismes de redistribution des richesses, et à une mobilisation croissante de la « diversité » comme élément cadrant une partie du marketing territorial : à l’intérieur même de la catégorie de « minoritaire » sont finalement construites des minorités plus ou moins désirables.

Le visible et le légitime : qui est minoritaire, qui est majoritaire en ville ?

S’interroger sur la manière dont certains groupes sont considérés comme minoritaires en ville nécessite d’abord de se pencher sur le rôle de l’action publique dans la production de normes sociales : la norme, c’est ce qui a été défini comme légitime par des acteurs sociaux dominants à un moment donné (Bourdieu, 1979). Les producteurs de ces normes sont donc en mesure de disqualifier, au moins partiellement, certains groupes. Les acteurs institutionnels, publics ou privés, peuvent rentrer dans cette catégorie, en ce qu’ils contribuent à produire par un ensemble de dispositifs spatiaux et de régulations une « mise en ordre ». Ils construisent par ce biais des usager·ère·s plus ou moins légitimes des espaces publics, comme l’a notamment montré Muriel Froment Meurice (2016).

2. Dispositifs anti-SDF à Liège (lavenir.net, 2017)

On pourra s’intéresser à la manière dont ces dispositifs sont mis en place, avec quels outils, sans se limiter à la seule question de l’espace public : c’est également dans l’accès aux espaces domestiques que se construisent des usager·ère·s plus ou moins légitimes des espaces urbains. Ainsi, la loi Elan projette de réduire considérablement les normes d’accessibilité des logements neufs, en proposant un système de quota : quels sont les enjeux soulevés par cette réforme, notamment en termes d’accès des personnes en situation de handicap aux logements ? L’espace urbain en tant qu’espace générique pourrait aussi être envisagé comme vecteur de production de hiérarchies sociales. On peut ici penser aux populations autochtones : parfois déplacées mais surtout longtemps assignées aux espaces de réserve au Canada et aux États-Unis, elles ont souvent été ainsi marginalisées économiquement (Comat, 2012 ; Desbiens et Hirt, 2012). Ces groupes restent en marge de la production urbaine, et certains lieux sacrés se trouvent aujourd’hui invisibilisés par la progression de l’urbanisation. Des projets tels que Mapping Indigenous Los Angeles cherchent à montrer que les peuples autochtones ont également compté dans la production de la ville. Dans le même esprit, certaines municipalités, comme l’équipe à la tête de la ville de Thessalonique en Grèce, cherchent à faire revivre et redécouvrir le passé multiculturel (en l’occurrence, juif et ottoman) d’une ville qui a longtemps cherché à le nier voire à l’enfouir3.

Au-delà de la seule question de la légitimité, c’est aussi les régimes de visibilité à l’œuvre en ville qui pourront être questionnés. Peut-on parler d’un « droit » à être visible en ville ? Qui en décide ? Qu’est-ce que l’invisibilité spatiale dit de l’invisibilité sociale ? On peut penser notamment aux stratégies mises en place pour cacher la pauvreté de certains îlots ou quartiers lors de grands évènements, comme lors de la venue de Dimitri Medvedev à Lytkarino en 2011, où la municipalité s’est inspirée de la légende des villages Potemkine afin de dissimuler les dégradations ; ou encore en prenant des formes plus directes à travers des politiques d’expulsion, comme lors des Jeux Olympiques de Rio et de l’expulsion du quartier de Metro. C’est enfin la place d’individus ou de groupes spécifiques dans les espaces urbains qui pourra être interrogée. Certain·e·s chercheur·e·s, (voir par exemple, Fassin & Fassin, 2006) mais également certains acteurs publics parlent de « minorités visibles » pour désigner les personnes non-blanches dans les villes américaines et européennes, qui font l’objet d’assignations qui marquent leurs vies en ville, via les contrôles au faciès dans l’espace public par exemple. Sur un autre plan, le contrôle de la gestuelle amoureuse des minorités sexuelles par crainte de devenir « discréditable » (Blidon, 2008) sont autant de manifestations du rôle des espaces urbains dans l’assignation des individus à un groupe stigmatisé, qu’ils passent par la « race », la classe, le sexe, les sexualités, ou encore, l’âge. Ce premier point invite ainsi à une approche intersectionnelle des processus de minorisation, comme à un intérêt particulier à la manière dont les groupes minoritaires interagissent entre eux : dans quelle mesure peut-on dès lors considérer les différents espaces urbains (banlieue, centre-ville, quartiers dits « communautaires ») et la localisation comme un paramètre de la fabrique des rapports de pouvoir ?

Des mots et des images : effets et usages des catégorisations

Réfléchir au rôle de la ville dans la construction de la situation de minoritaire implique également de se pencher sur les termes et les catégories employées par l’action publique, lorsqu’elle cherche à lutter contre les discriminations ou les différentes formes de ségrégation et leurs effets. La revue Urbanités sera ainsi particulièrement attentive aux propositions qui s’intéresseront à la manière dont ces formes de catégorisations produisent (ou non) des formes de frontières urbaines lorsqu’elles prétendaient les effacer : on peut penser aux formes de « marquage » territorial opéré par la politique de la ville ou par le ciblage sur les quartiers sensibles. Alors que l’entrée territoriale est souvent pensée comme un dispositif color blind, elle reproduit des formes de racialisation (Doytcheva, 2007 ; Hamidi, 2010)4 : quels liens peut-on ainsi faire entre stigmatisation territoriale et d’autres formes de stigmatisation et de discriminations, passant par le racisme, le classisme ou encore l’agisme ?

Analyser la dialectique Minorités/Majorités en ville par le biais des formes de catégorisation opérées par l’action publique, c’est donc aussi chercher à comprendre comment elle se positionne par rapport aux groupes minoritaires, au-delà de la seule (re)production de fractures urbaines. On attendra ainsi des propositions relatives aux différentes politiques de « gestion de la diversité » en ville et à leurs effets : quand et comment les groupes minoritaires sont-ils visibilisés par les acteurs publics ? Dans quel but ? Comment les effets de ces politiques peuvent-ils se combiner et se renforcer ? Les approches critiques des politiques multiculturalistes soulignent ainsi que la rhétorique de la « diversité » est ainsi parfois mobilisée dans une logique instrumentale, comme forme de marketing territorial : on peut penser au slogan adopté par Toronto en 1998, « Diversity, our strength », alors que Donya Ahmadi a bien montré que la diversité n’était pensée comme une force que tant qu’elle avait un intérêt économique (2018) ou encore, à Paris se revendiquant « capitale des droits LGBTQI+ » – certains collectifs militants y reconnaissant une forme de pinkwashing, dénoncée lors de la Pride de Paris en juin 2018. À l’intérieur même de la catégorie de « minoritaire » sont finalement construites des désirabilités différenciées, qui peuvent renforcer les systèmes d’oppression qu’il s’agira ici de mettre au jour.

 

3. « Diversity, our strength », nouvelle devise de Toronto depuis 1998 (site de la ville de Toronto)

Faire (avec) le rapport de force : comment transformer le quotidien par la ville ?

Un dernier axe de réflexion pourra être envisagé autour des formes de résistances aux formes de dépossessions, de stigmatisation ou d’invisibilisation de certains groupes dans les espaces urbains. La question de l’échelle choisie pour limiter les inégalités et injustices pourra être ici soulevée. On considérera que toute manifestation d’un pouvoir appelle à des formes de résistances : les villes comme espaces où se concentrent les différentes formes de pouvoir peuvent ainsi être construites comme espaces privilégiés pour lire les résistances (Harvey, 2008 ; Clerval, Fleury et Rebotier, 2015). La revue Urbanités sera ainsi particulièrement attentive aux propositions qui donnent à voir les « armes des faibles » tout comme les résistances qui se jouent au quotidien, sans « oser se déclarer », pour reprendre les mots de James Scott (2018). On pourra penser au squat comme lutte contre le mal logement ou encore pour les « oubliés de l’État », comme l’avance le collectif qui occupe l’Espace Culture sur la Canebière à Marseille. Au-delà de l’occupation de l’espace, on pourra également évoquer les formes de résistances plus individualisées, qui cherchent à jouer sur les régimes de visibilité dans les espaces publics. On peut penser aux stratégies de déplacements, de dissimulation et d’accords avec les acteurs institutionnels déployées par les vendeurs ambulants à Gênes tels qu’étudiés par Sébastien Jacquot et Cristina Notarangelo (2016), ou encore aux mouvements écoféministes et à leur approche de l’espace public urbain, qui cherche à lier les préoccupations d’accès égalitaire et de respect de l’environnement.

Pour ce #13 consacré à Minorités / Majorités, nous attendons donc des contributions issues des sciences sociales, sans restriction disciplinaire a priori. Les contributions pourront s’inscrire dans l’un des trois axes tout comme à leur croisement. Des approches originales, tant dans le domaine des sciences que des arts sont aussi les bienvenues. Notre appel peut aussi bien donner lieu à des propositions de portfolios, d’articles portant sur des cas d’étude ou sur des propositions à vocation épistémologique, proposant un état des savoirs sur un point spécifique ayant trait à la fabrique des rapports de pouvoir en ville (voir les modalités de soumission).

Modalités de soumission

La proposition comprendra un résumé́ d’une page maximum (notes comprises, Times New Roman 12, interligne simple). Elle devra énoncer une problématique de recherche claire, ainsi que les axes que l’article abordera s’il est retenu. Pour les propositions de portfolio, veuillez joindre au moins 5 photos qui refléteront le travail final proposé s’il est retenu. La claire mention de quelques références bibliographiques que l’article utilisera sera appréciée.

La proposition précisera les nom, prénom, statut et email de l’auteur·e. La date limite de soumission des propositions est le lundi 18 mars 2019.

Elle est à renvoyer à l’adresse suivante : contact@revue-urbanites.fr

Rédacteur.trice.s en chef du #13 / Minorités / Majorités : Marine Duc, marine.duc@revue-urbanites.fr  et Daniel Florentin, daniel.florentin@revue-urbanites.fr

Calendrier prévisionnel

Retour des propositions : lundi 18 mars 2019

Acceptation du comité de rédaction : Fin mars 2019

Première version de l’article : début juin 2019

Publication : janvier 2020

Bibliographie indicative

Ahmadi D., 2018, « Is diversity our strength ? An analysis of the facts and fancies of diversity in Toronto », City, Culture and Society, 13, 64-72.

Bacqué M.-H., Blanc M., Hamel P. et Sintomer Y., 2005, « Éditorial », Espaces et sociétés, 123, 4, 2005, 7-19.

Bacqué M.-H. et Gauthier M., 2011, « Participation, urbanisme et études urbaines. Quatre décennies de débats et d’expériences depuis ‘A ladder of citizen participation’ de S. R. Arnstein », Participations, 2011/1, 36-66.

Becker H., 1985, Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 249p.

Blidon M., 2008, « La casuistique du baiser. L’espace public, un espace hétéronormatif », EchoGéo, 5 | 2008, en ligne.

Bourdieu P., 1979, La distinction : critique sociale du jugement, Paris, Editions de Minuit, 670 p.

Chatterjee, P. 2004, Politics of the Governed: Reflections on Popular Politics in Most of the World. New York: Columbia University Press, 173p.

Clerval A., Fleury A., Rebotier J. et Weber S. (dir.), 2015, Espaces et rapports de domination, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 400p.

Comat I., 2012, « Sortir de l’invisibilité », Géographie et cultures, 81 | 2012, en ligne.

Chassain A., Clochec P., Couffignal G., Le Meur C., Trégan M. et Lenormand M., 2016, « Approche expérientielle du fait minoritaire », Tracés. Revue de sciences humaines, 7-26. En ligne.

Desbiens C. & Hirt I., 2012, « Les Autochtones au Canada : espaces et peuples en mutation », L’Information géographique, vol. 76, no. 4, 2012, 29-46.

Doytcheva M., 2007, Une discrimination positive à la française. Ethnicité et territoire dans les politiques de la ville, Paris, La Découverte, 228p.

Fassin E. et Fassin D. (dir.), 2006, De la question sociale à la question raciale ? Représenter la société française, Paris, La Découverte, 280p.

Froment Meurice M., 2016, Produire et réguler les espaces publics contemporains : Les politiques de gestion de l’indésirabilité à Paris, thèse de doctorat en géographie, Université Paris-Est, 388p.

Gilli F., 2018, « Participation : et si on changeait enfin les règles du jeu ? », Métropolitiques. En ligne.

Gintrac C. et Giroud M. (dir.), 2014, Villes contestées. Pour une géographie critique de l’urbain, Paris, Les prairies ordinaires, 401p.

Hamidi C., 2010, « Catégorisations ethniques ordinaires et rapport au politique. Eléments sur le rapport au politique des jeunes des quartiers populaires », Revue française de science politique, 60, 4, 2010, 719-743.

Harvey, D., 2008, Géographies de la domination, Paris, Les prairies ordinaires, 118p.

Jacquot S. et Notarangelo C., 2016, « Vendeurs ambulants dans l’espace touristique à Gênes : politiques d’éviction, résistances et arrangements », L’Espace Politique, 28 | 2016-1, en ligne.

Kobayashi A., 1993, « Multiculturalism: representing a Canadian institution »,  in Duncan J.S. et Ley J., , Place/culture/representation,  205-31, Londres, Routledge.

Le Cour Grandmaison T. 2015, « La crise de la démocratie municipale ? Le cas de Chicago », Géoconfluences, en ligne.

Scott J., 2018, « The resistance which doesn’t dare declare itself », Colloque international « Donner la parole aux ‘sans-voix’ ? Acteurs, dispositifs, discours », Université Paris Est-Créteil, mai 2018.

 

Image de couverture : inscriptions sur une agence bancaire barricadée dans le quartier du Marais à Paris après les mobilisations des Gilets Jaunes (Duc, 2018)

  1. Voir par exemple le dispositif secteurs multi-collèges mis en place dans le Nord et l’Est parisien : la fusion des zones de recrutement des collèges parisiens ayant pour objectif de « faire de la diversité sociale un facteur de réussite » (G. Pécout). []
  2. C’est l’hypothèse suivie par l’association Womenability, qui avait organisé un tour du monde exploratoire dans des villes gérées par des femmes. []
  3. Enfouissement dont le paroxysme fut sans doute la construction d’une partie de l’université locale à partir des pierres tombales du cimetière juif. []
  4. On pourra penser notamment aux apports du colloque « Questions raciales/questions urbaines : frontières territoriales et racialisation » organisé à Grenoble en février 2019. Nous porterons une attention particulière aux cas d’études non français. []

Comments are closed.