Chroniques / L’urbanisme résilient, nouveau paradigme de la fabrique de la ville face au risque d’inondation ? L’exemple du quartier Matra à Romorantin-Lanthenay

Julie Lenouvel

L’article de J. Lenouvel au format PDF


Publié en octobre 2018, le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) annonce, dans un monde à +1,5°C par rapport à l’époque préindustrielle, la progression de la fréquence d’épisodes de submersion et d’inondation dans les prochaines années (GIEC, 2018). Dès 2014, il indiquait que de nombreux risques allaient se concentrer dans les zones urbaines européennes, notamment les précipitations extrêmes et les inondations. Cette observation est reconnue tant par les scientifiques (Planton, 2016) que par des acteurs institutionnels (Mortureux, 2017), et l’Europe en subit déjà les premiers effets (European Environment Agency, 2017).

En France, l’inondation constitue un risque majeur : près de la moitié des communes françaises, soit deux tiers des habitants du pays, sont exposées au risque d’inondation (CGDD, 2020). Les événements de juin 2016, de janvier et d’octobre 2018 l’ont montré : 15 personnes sont mortes dans l’Aude en 2018, 99 ont été blessées et la crue de la Seine de mai-juin 2016 a coûté un milliard d’euros.

En parallèle, la résilience est massivement employée et diffusée dans les sphères académiques, institutionnelles1 et chez les professionnels de l’aménagement et de l’urbanisme (ONU, 2012 ; Rufat, 2012 et 2015). Elle montre surtout une double convergence : d’un côté, le champ de l’adaptation au changement climatique rejoint celui de la gestion des inondations, de l’autre, l’urbanisme et la gestion des risques qui ont longtemps fonctionné de façon largement cloisonnée, se rapprochent. Et la résilience apparaît comme une notion séduisante pour se saisir de ces questions. Toutefois, le surinvestissement dont elle fait l’objet et son transfert pluridisciplinaire depuis la physique des matériaux et la psychologie, ont produit un concept séducteur mais porteur d’une équivocité consensuelle.

Dès lors se pose la question de la prise en compte du risque d’inondation dans la fabrique de la ville, tant dans la planification urbaine que dans les cahiers de prescription des maîtres d’ouvrage. Les opérations d’aménagement en zone inondable doivent composer avec la définition institutionnelle du risque. Beaucoup de travaux ont aujourd’hui privilégié une approche conceptuelle de la résilience (Dauphiné et Provitolo, 2007 ; Serre, 2011 ; Djament-Tran et Reghezza-Zitt, 2012 ; Pigeon, 2014), tandis que d’autres ont insisté sur l’intégration de ses apports théoriques dans l’aménagement de l’espace urbain (Barroca et al., 2012 ; CEPRI, 2015 ; ou les travaux du Centre de recherche sur les risques et les crises de l’École des Mines comme : Adrot et al., 2017), dont s’inspire notre travail. Celui-ci est l’aboutissement d’un mémoire de recherche de Master 2 sur le quartier Matra (Lenouvel, 2017) qui a allié à la réalisation de dix entretiens semi-directifs2 et à l’observation in situ un travail de documentation bibliographique. Matra, à Romorantin-Lanthenay, est un quartier qui fait aujourd’hui l’objet d’un consensus au point d’être défini comme un modèle pour l’urbanisme résilient français par les pouvoirs publics locaux et nationaux (MLHD et MEED, 2016) depuis qu’il a démontré la pertinence de ses aménagements face à une montée des eaux d’1,45 m en 2016. Notre travail consiste à interroger l’appropriation du concept d’urbanisme résilient et ses limites par les concepteurs du projet Matra.

Après avoir présenté le site et diagnostiqué le risque d’inondation à Matra, une deuxième partie montre que l’appropriation du concept d’urbanisme résilient s’est traduite par des choix techniques et urbanistiques classiques guidés par une pensée architecturale novatrice. À Matra, la résilience est très localisée, elle est propre au projet et a fait école : aussi une troisième partie explique-t-elle que cette appropriation inventive a été rendue possible par une chronologie favorable et un portage politique volontariste.

1. Plan masse du quartier Matra à Romorantin-Lanthenay au 1/10 000ème (Lenouvel, 2017, à partir du plan masse du Bureau d’architecture d’Éric Daniel-Lacombe, 2017)

Densifier la friche industrielle des usines Matra : une problématique d’urbanisation en zone inondable

Dans un contexte de raréfaction des ressources foncières et d’encouragement à « construire la ville sur elle-même3 », les zones inondables constituent souvent des espaces à investir et les collectivités doivent faire face à une double injonction : densifier et protéger les habitants du risque (Charriau, 2016). Matra est un quartier emblématique de cette logique : s’il est situé dans une zone particulièrement exposée au risque d’inondation – la Sauldre a connu six crues importantes depuis 1910 – la friche constituait également une véritable opportunité foncière pour la commune.

Une problématique de réhabilitation d’une friche industrielle

Le quartier Matra est situé dans un méandre de la Sauldre, un affluent en rive droite du Cher, à proximité immédiate du centre-ville de Romorantin-Lanthenay, une ville d’environ 18 000 habitants (INSEE, 2014) dans le Loir-et-Cher. Dès le Moyen-Âge, l’implantation de manufactures de draps est favorisée par la présence de la rivière et par l’élevage des moutons en Sologne et en Berry. À partir de 1798, le terrain de l’actuel projet Matra est occupé par les usines de draperies de la famille Normant. La présence de l’eau de la rivière est alors essentielle à la production, jusqu’à la fermeture en 1969, qui signe le développement de l’industrie automobile avec les ateliers de construction René Bonnet, rachetés par Matra en 1964. L’arrêté du 3 octobre 2002 protège au titre des monuments historiques une partie du site et, en 2003, le départ de ces usines signale la fin du caractère industriel du quartier. La commune s’est alors rapidement saisie de l’opportunité foncière que représentaient ces six hectares de friche urbaine pour dessiner un projet de densification urbaine. Néanmoins, si la localisation le long du cours d’eau a permis le développement des activités industrielles du site, celui-ci demeurait particulièrement exposé au risque d’inondation.

Identification et définition du risque d’inondation à Matra

Matra est situé dans le talweg de Romorantin, au cœur d’un bassin versant de 2 030 km2, sur des sols sablo-argileux (DDT Loir-et-Cher et Ingerop, 2015) et au bord d’une rivière caractérisée par la forte mobilité de son lit mineur4. La ville et le site ont connu de nombreuses crues avec des hauteurs d’eau comprises entre 2,25 m en 2001 et 2,88 m en 1910, année d’une crue centennale. Le bassin versant ne dispose pas d’ouvrages de protection, seulement de remblais le long du lit mineur. Il comporte de nombreux étangs qui peuvent assumer un rôle d’écrêtage en cas de crues décennale ou vingtenale et des ouvrages qui équipent les moulins (clapets et réservoirs). Toutefois, cette fonction est menacée lors des crues cinquantennales ou centennales : la capacité de stockage des étangs est saturée, et le débordement de l’eau généralisé. Cette saturation peut conduire à un risque de rupture de digue, comme ce fut le cas le 26 novembre 1770.

Avec le Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) de la Sauldre, le Plan de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI) de la Sauldre est le document règlementaire qui encadrait la construction du site5. Le repère de la crue de 1910 est placé sur l’île des Poulies, en face du projet. Matra est également localisé dans une zone de courants potentiels (est-ouest) : une crue centennale aurait un débit de 270 m3/s à 300 m3/s (Sogreah, 2010), contre habituellement 9 m3/s au printemps et au maximum 35 m3/s l’hiver (Giraud, 2019). Le PPRI classe le site du projet en secteur d’aléa moyen, qui doit notamment respecter le principe de transparence hydraulique, c’est-à-dire faire en sorte que « l’aménagement soit le moins possible un obstacle au libre écoulement de l’eau (Moulin et al., 2013, p. 177) » : l’emprise au sol des constructions autorisées est limitée, toute habitation doit être située au-dessus des Plus Hautes Eaux Connues et les clôtures doivent être ajourées. La réhabilitation de l’existant est préférée aux constructions et aux installations nouvelles.

Ce rapide diagnostic permet de mieux comprendre la nature du risque d’inondation. Dès lors, en décidant d’urbaniser ce site plutôt que de le sanctuariser, la maîtrise d’ouvrage a accru la vulnérabilité du futur projet. La conception architecturale actuelle du quartier traduit l’appropriation de l’urbanisme résilient qui s’est opérée à Matra.

Une appropriation du concept d’urbanisme résilient par des choix techniques et urbanistiques classiques combinés à une pensée architecturale novatrice

Le terme de résilience fait aujourd’hui l’objet d’un surinvestissement dans les productions des experts, des journalistes et des acteurs politiques ou associatifs. Il est utilisé à des fins diverses à partir d’approches transdisciplinaires et holistiques et inclut l’ensemble des mesures de préparation, de prévention et de gestion des risques et des crises. Sous l’égide des Nations Unies, les deuxième et troisième Conférences mondiales sur la prévention des catastrophes naturelles (CMPCN) de Hyogo (2005) et Sendaï (2015), et les cadres d’actions qui en résultent en font un objectif et un outil incontournable de la lutte contre le changement climatique (Quenault, 2015). Dans ce contexte, la mise à l’épreuve liminaire du concept permet de comprendre, d’une part, quelles sont ses significations, et d’autre part, dans quel contexte il a été approprié par les acteurs du projet Matra.

Un « urbanisme résilient » pour répondre à la multiplication des risques et à l’injonction généralisée à intégrer la résilience ?

La résilience a fait l’objet d’un transfert pluridisciplinaire : issue de la physique des matériaux, elle est utilisée pour la première fois en 1901 par Georges Charpy pour mesurer la résistance à la rupture ou à la déformation d’un matériau. Elle est alors quasiment entendue en tant que synonyme de résistance. La psychologie s’en empare dans les années 1940, et en fait un modèle explicatif appliqué à des événements ou à des contextes traumatiques dont on pourrait dépasser les conséquences (Ionescu, 2016). À partir des années 1970, l’écologie la définit comme une analyse des stratégies qui expliquent la capacité des écosystèmes à assurer leur survie dans des conditions difficiles (Holling, 1973). La résilience est alors synonyme d’un retour à l’équilibre6. Le début des années 2000 signe le transfert de la notion aux cindyniques (aux recherches sur les risques). La résilience est alors notamment mobilisée pour insister sur l’adaptation continue des systèmes socio-spatiaux au changement climatique (Quenault, 2013). Elle est magnifiée dans les discours étatsuniens au lendemain de chaque catastrophe et s’inscrit dans le mythe d’une nation capable de sortir des crises renforcée (Kendra, 2003 ; Harter, 2004 ; Vale et Campanella, 2005 ; Lhomme et al., 2015). Sa diffusion s’explique par l’espérance d’une réponse aux « nouveaux risques » (parmi lesquels les catastrophes naturelles et les attaques terroristes, avec une focalisation sur le terrorisme de masse, le changement climatique et les incertitudes qui en résultent) du XXIe siècle (Godard et al., 2002) : multiples, divers, multiscalaires, et avec des effets en chaîne imprévisibles. Comparée aux approches par la vulnérabilité, elle offre d’une certaine manière un projet de reconstruction plus consensuel légitimé par les gestionnaires des risques (Folke, 2006).

Dès lors, dans cet arc-en-ciel de sens, comment définir la résilience ? Elle peut signifier un redressement (recover), une reconstruction (rebuilt), une restauration (restore), un renouvellement (renew), ou un rebond (rebound) (Lhomme et al., 2015). Plusieurs acceptions consensuelles se dégagent : d’une part, elle rend compte d’une trajectoire non linéaire à la suite de l’affectation d’un système par un choc, et d’autre part, elle est un processus ou une propriété intrinsèque à un système. Mais elle ouvre toujours plus de débats et de questionnements : un système qui échappe à la crise est-il résilient ? Que signifie être résilient lorsque la crise dure ? Un système qui sort d’une crise en se modifiant radicalement est-il résilient ? Finalement, certains auteurs la considèrent comme une « utopie discursive inatteignable » (Lhomme et al., 2015), un idéal nécessaire pour affronter la crise, tandis que d’autres critiquent sa mise en récit politique (Rufat, 2012 et 2015).

On peut synthétiser l’appréhension actuelle de la résilience à partir de trois approches :

Gérer les aléas (la mitigation de l’impact de l’aléa) : la résilience fait de la diminution de la puissance et des conséquences de l’aléa un objectif (Quenault, 2015). Elle s’inscrit dans un paradigme technocentriste en se focalisant sur une approche quantitative du danger et sur un déplacement des moyens matériels en amont de la crise. Elle est alors un état, une capacité à résister et à rebondir.

Gérer la crise, permettre l’autonomie des populations : avec cette approche, les risques sont appréhendés comme des construits discursifs et cognitifs. La résilience désigne le processus et les capacités collectives des individus à faire face. Elle est une stratégie plus ou moins consciente et proactive qui dépasse la simple reconstruction matérielle ou fonctionnelle (Woods et Wreathall, 2003), et qui écarte l’idée de la possibilité d’un retour à l’identique (l’équivalent de l’anglais recovery).

Build back better : dans cette approche post-crise, la résilience est pensée comme une stratégie locale de reconstruction préventive. L’accent est davantage mis sur la préparation des infrastructures que sur celle des populations, et les réalisations s’effectuent à l’échelle du bâtiment.

L’« urbanisme résilient » s’est traduit sur le plan opérationnel par la réalisation d’opérations urbaines acceptant et s’adaptant au risque : celles-ci l’intègrent pour éventuellement faire de la présence de l’eau un bénéfice et un atout. Les exemples sont nombreux (synthétisés dans le tableau 1), et les projets urbains se sont multipliés en France ces dernières années, notamment sous l’influence de modèles des pays du nord de l’Europe et du modèle chinois des « villes éponges7 » (Jia et al., 2017).

2. Tableau de synthèse des principes techniques d’aménagements exemplaires définis par le Centre européen de prévention du risque d’inondation (Lenouvel, 2017 à partir de CEPRI, 2015)

Des aménagements techniques et urbanistiques classiques pour vivre avec le risque d’inondation

Certains des choix urbanistiques, architecturaux et paysagers qui ont été faits à Matra s’inscrivent dans un continuum de principes et de pratiques déjà observés ailleurs et considérés comme résilients. Si l’on reprend la distinction de Bruno Barroca (2015 : 105), le quartier présente une appropriation différenciée du concept d’urbanisme résilient avec :

  • Une stratégie d’évitement des apports en eau (ou « méthode sèche », dry floodproofing) comparable au build back better post-crise, avec des aménagements comparables à ceux mentionnés dans la figure 2 : les maisons individuelles au nord du quartier sont construites sur pilotis (figure 4), l’emprise au sol des bâtiments est limitée à 20 % de la surface de l’unité foncière, les systèmes de distribution d’électricité, de téléphonie, de chauffage, d’eau potable et d’assainissement sont exhaussés d’un mètre par rapport au terrain naturel, enterrés sous les routes et protégés par des longrines en béton. On retrouve par ce biais certains des aménagements inscrits dans la figure 2 (« Assurer le maintien du fonctionnement des réseaux techniques » et « Concevoir des bâtiments adaptés à l’inondation » ; CEPRI, 2015). ;
  • Une stratégie d’acceptation de l’inondabilité du site pour ralentir et canaliser le flot ou « méthode humide », wet floodproofing) de l’approche aléa-centrée de l’urbanisme résilient (Quenault, 2015) : l’imperméabilisation des sols est compensée par un jardin qui est aussi une zone d’expansion de la crue (photographie de couverture), les parkings sont percés d’ouvertures (figure 3), l’inondation des espaces publics est prévue (figure 5), le trajet qu’empruntera l’eau aussi, aucune digue ou murette anti-crue n’est intégrée, les bas des immeubles sont équipés de douves qui fonctionnent comme des réservoirs, le rez-de-chaussée en béton armé du bâtiment Hennebique dispose de clapets et de structures alvéolées pour permettre à l’eau de pénétrer et d’évacuer (figure 3). On retrouve ainsi par ces choix techniques certains des aménagements de la figure 2 (« Donner ou redonner plus de place à l’eau » ; CEPRI 2015).

Ces choix urbanistiques ont déjà été observés ailleurs, mais c’est leur articulation avec une pensée architecturale nouvelle qui fait système, et donne son caractère exemplaire à Matra.

3. Rez-de-chaussée inondable (à gauche) et clapets (à droite) permettant l’évacuation et la circulation de l’eau en cas d’inondation, au rez-de-chaussée du bâtiment Hennebique (Lenouvel, 2017)

Une pensée architecturale novatrice, qui renouvelle les modes d’habiter et réinvente le rapport à l’eau et au risque en zone inondable

Le caractère ambitieux de l’intégration de la résilience dans l’opération réside dans un véritable travail de mise en scène de l’eau et d’évocation permanente du risque qui réinvente le rapport à cet élément naturel, à l’inondation et aux modes d’habiter. Son architecte, Éric-Daniel Lacombe, a proposé une « ville poreuse » (Secchi et Vigano, 2011) : qui renouvelle le rapport des habitants du quartier – des humains – au biotique, aux éléments naturels, au « non-humain ». Le fil directeur du projet est de jouer, par les formes urbaines et paysagères, sur l’imaginaire du quartier et de contribuer à la construction collective d’une culture du risque : « on [peut] lire les mouvements futurs de l’eau envahissant le quartier en observant la rencontre entre les façades et la terre […] La montée des eaux s’impose à l’imagination […] abriter ne suffit pas, il faut aussi faire réfléchir à la nature de cet abri » (Daniel-Lacombe et Paquot, 2016 : 6).

4. Carte postale du quai Saint-Étienne à Romorantin et logements du bâtiment bateau-lavoir sur la Sauldre (Daniel-Lacombe, non datée ; Lenouvel, 2017)

Ainsi, à proximité de la rivière, le tracé sinueux des rues et la forme courbe des bâtiments épousent parallèlement celui du cours d’eau, là où l’exposition au risque est la plus forte tandis que le tracé de la route plus éloignée de la rivière est rectiligne (figure 1). La résidence pour personnes âgées se décompose en trois bâtiments décalés dans l’espace (figure 1) et les toits des pavillons sont tordus, comme si leur positionnement avait été guidé par l’onde de crue (figure 5). Matra a été conçu pour que ses habitants voient l’eau monter en cas de crue : les vues depuis les bâtiments sont multiples, le parc pensé comme « un nouveau lit à la Sauldre » devient un bassin de rétention (figure 1), les ripisylves ne sont volontairement pas plantées d’arbres et des moulins séparent les bâtiments (figure 4). Enfin, les logements à proximité immédiate de l’eau prennent la forme de bateaux-lavoirs, tels des navires amarrés dans un port (figure 3), et des repères de crue signalent expressément sur certains bâtiments le seuil de l’inondation de 1910.

5. Pavillon au toit tordu, comme impacté par l’onde de crue, disposant d’une passerelle d’accès en bois comme le ponton d’un lac ; maison sur pilotis dont le niveau habitable est situé au-dessus des Plus Hautes Eaux Connues ; logements frondaisons aux balcons ouverts sur le parc avec des parkings inondables ; surélévation des trottoirs par rapport à la chaussée et au terrain naturel avenue Nelson Mandela (Lenouvel, 2017)

À Matra, l’appropriation du concept d’urbanisme résilient s’opère à travers une évocation permanente de l’eau et du risque. Cette inventivité n’a été toutefois rendue possible qu’à certaines conditions, il est intéressant de la confronter à l’appropriation du projet par ses différentes parties prenantes (État, élus locaux et habitants).

Une appropriation inventive de la résilience urbaine rendue possible par une chronologie unique et par un écosystème d’acteurs fécond

Quand la genèse du projet s’inscrit dans le calendrier de l’élaboration de la règle d’urbanisme

La conception de Matra s’inscrit dans une chronologie particulière qui a créé des conditions temporelles favorables à une appropriation inventive du concept d’urbanisme résilient par les acteurs du projet. En 2006, la commune fait appel au couple architecte-promoteur Éric Daniel-Lacombe/Georges Rocchietta pour débuter les travaux en 2010. Le PPRI de la Sauldre est alors en cours d’élaboration : prescrit le 11 août 2004, il en est à sa phase d’étude, qui consiste à collecter des données sur les crues historiques, recenser les enjeux, réaliser les cartes d’aléas et élaborer le projet de zonage réglementaire et du règlement associé, avant son approbation par arrêté préfectoral 2 octobre 2015.

Aussi, l’architecte, les services de la Ville et ceux de l’État ont-ils pu discuter plus facilement le contenu de la règle d’un PPRI qui n’était pas encore définitif. Le PPRI n’a pas gelé le site du projet mais l’a classé en « zone B2 » qui correspond à un secteur d’aléa moyen déjà urbanisé dans lequel la construction est autorisée sous certaines conditions. Le tracé des limites de la zone inondable épouse quasiment les contours du quartier Matra. La règle a pu faire l’objet de négociations sur l’autorisation de déblais et remblais (normalement interdits en zone inondable) ou sur l’emprise au sol des bâtiments, par exemple, au cours d’une coproduction multipartite.

Au moment de ces discussions, la compétence de Gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) n’était pas encore déléguée au Syndicat mixte d’aménagement de la Sauldre. Les Régions, les Départements, les Communes et leurs Intercommunalités pouvaient s’en saisir, mais aucune de ces collectivités n’en était spécifiquement responsable, tant que les lois de décentralisation n°2014-58 du 27 janvier 2014 et n°2015-991 du 7 août 2015, qui confiaient cette compétence à une entité administrative, n’avaient pas été votées et appliquées. La non-attribution de cette compétence à une entité administrative désignée et la volonté des concepteurs du projet urbain (notamment du sénateur-maire de Romorantin) de travailler sur un projet résilient au risque ont créé les conditions d’un dialogue fécond sur l’appropriation du concept de résilience urbaine entre les différentes parties prenantes impliquées.

 

Une expérience de l’anticipation des usages de l’espace favorable à une coproduction de la ville entre acteurs locaux et nationaux

L’architecte de Matra a apporté son expérience de la gestion « des conflits ordinaires de la vie quotidienne8 » pour mieux structurer une maîtrise d’ouvrage et une maîtrise d’œuvre collective réunissant des acteurs d’horizons divers. Les réunions entre services de l’État (DREAL et DDT), élus et architectes au sujet de la conformité du projet avec les règles du PPRI sont une obligation légale. C’est bien le rassemblement de ces acteurs avec d’autres (pompiers, service du patrimoine et d’urbanisme de la Ville et société d’ingénierie Ingerop) qui est ici spécifique. La concertation de l’ensemble des parties n’était donc pas une nouveauté en soi mais elle a permis ici une coproduction qui a grandement facilité le processus de production de ce morceau de ville.

Dans ce contexte, la continuité politique locale et le rôle des représentants de l’État, des prémices du projet jusqu’à sa réalisation, sont une autre explication à sa réussite. Le chargé de mission à la DREAL coordonnait les PPRI de Tours, d’Angers et de Saint-Pierre-des-Corps, une ville pionnière qui intègre depuis plus de vingt ans le risque d’inondation. Il s’est dès le départ opposé au gel des terrains de Matra, qui était selon lui préconisé par la DDT9 . Son expérience et son engagement ont permis d’avoir un représentant de l’État favorable au réaménagement du site et fin connaisseur des PPRI. Le sénateur-maire de Romorantin s’est également grandement impliqué dans l’opération : dans la recherche des financements, dans l’organisation de la concertation inter-partite et au sein de ses discussions. Ce dernier reconnaît que sa connaissance de l’administration et son statut de sénateur ont pu contribuer à débloquer certains points dans le dialogue entre la Ville (le local) et les représentants de l’État (le national).

 

« Vivre avec l’indiscipline des eaux10 » et rendre sensible l’aléa : Matra, un dispositif de prévention et une expérience d’éducation au risque pour ses usagers

Toutefois, les futurs usagers de Matra n’ont pas été impliqués en amont dans la genèse du projet. Chaque acteur concepteur a considéré qu’il représentait ses usagers : le bailleur social 3F connaissait les futurs habitants du quartier parce qu’ils étaient déjà logés dans son parc dans le quartier voisin de Saint-Marc et attendaient un relogement à Matra, le maire représentait ses administrés et le promoteur a orienté les débats sur la pertinence de loger des personnes vulnérables en zone inondable.

La restriction de la concertation aux services de la Ville et de l’État a renforcé, selon l’architecte, sa volonté personnelle d’intégrer concrètement les usagers de Matra à travers une évocation permanente du risque dans les formes architecturales et paysagères du quartier. Au-delà d’aménagements techniques, elles procèdent par « un travail didactique11  » en invoquant la capacité des usagers à s’interroger sur ces formes urbaines. Les productions architecturales antinomiques choisies (entre ouvert et abri, mouillé et sec, surélevé et enterré) et la mise en scène de l’eau sont censées interroger. Les concepteurs du projet sont alors moins dans la maîtrise du risque que dans sa gestion, la résilience est alors entendue comme une stratégie de gestion de la crise (Woods et Wreathall, 2003). En cohérence avec ces alertes visuelles et sensibles, le quartier permet des départs des habitants en sécurité. Les trottoirs sont surélevés au-dessus des Plus Hautes Eaux Connues, le toit-terrasse de la résidence pour personnes âgées peut servir de refuge. Une passerelle de sécurité large relie les logements individuels à la voirie (figure 5). Ce dispositif a fait ses preuves en 2016 : l’eau a envahi le quartier, les trottoirs et les habitations sont restés émergés et les réseaux ont continué à fonctionner (figure 6). Si certains habitants ont souhaité être évacués par les services de la Ville, d’autres ont continué à occuper leurs logements en toute sécurité pendant la crue.

6. Les pavillons et le réseau viaire immergés lors de la crue de juin 2016 (à gauche) tandis que la rue des Trois rois, dans le centre-ville, est inondée (à droite) le 2 juin 2016 (Bureau d’architecture d’Éric Daniel-Lacombe, Archives du Musée de Sologne)

Conclusion – Perspectives

Lauréat du Grand prix d’aménagement 2015 « Comment mieux bâtir en terrains inondables constructibles ? » du ministère de l’Écologie, le quartier Matra est aujourd’hui présenté comme un exemple pour l’urbanisme résilient français (MLHD et MEED, 2016). Ses concepteurs ont répondu positivement à la question de densifier un espace exposé à un aléa identifié. Ils se sont approprié le concept d’urbanisme résilient à travers une combinaison d’aménagements classiques conformes aux attentes du PPRI (comparable aux approches aléa-centrée ou build back better déjà observées ailleurs), allié à un travail urbanistique, architectural et paysager inédit qui prend pour modèle la « ville poreuse » (Secchi et Vigano, 2011). Cette appropriation du concept de résilience et sa traduction opérationnelle ont été rendues possibles par le calendrier de la conception du projet (le PPRI était en cours d’élaboration et la compétence Gemapi n’était pas définie), par un portage politique volontariste qui a permis un dialogue entre le local et le national et par la création d’un écosystème d’acteurs fécond grâce à l’anticipation des conflits d’usages possibles, par l’architecte du projet.

Toutefois, la réunion de ces conditions est unique et montre aussi les limites de cette appropriation du concept par les concepteurs de Matra. Peu de projets urbains en zone inondable ont été construits parallèlement à la règle d’urbanisme pour occasionner une négociation de cette dernière, et rares sont les démarches qui anticipent autant les conflits d’usages potentiels de l’espace. L’autre limite de cette appropriation réside dans la non-implication des habitants et usagers en amont du projet. Ces derniers n’ont pas pu exprimer leur perception de l’esprit des lieux, leurs besoins et leurs souhaits. D’autre part, en les associant via une expérience quotidienne de l’incertitude du risque, il ne faut pas pour autant que ces usagers vivent pour mais puissent bien vivre avec le risque pour consentir lucidement à sa récurrence. On peut regretter l’absence d’une évaluation post-occupation (une post-occupancy evaluation – POE) pour tirer les premières leçons des usages pré et post-crise d’un quartier destiné à accueillir l’eau et présenté aujourd’hui comme un modèle.

Aussi, il semble essentiel aujourd’hui de s’accorder sur une gestion coordonnée des logiques de projets urbains et de gestion des risques et donc de projet d’aménagement intégrant l’environnement qui les entoure, avec une implication croissante et généralisée des populations en amont de la conception du projet urbain et à travers l’expérience quotidienne de l’incertitude du risque.

JULIE LENOUVEL

Julie Lenouvel est diplômée du département Géographie et Territoires de l’École normale supérieure de Paris (ENS Ulm), avec une mineure en environnement, et du Master Urbanisme et Aménagement de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Elle s’intéresse à la traduction opérationnelle du concept de résilience dans des projets urbains exposés à un risque.

julie.lenouvel [at] ens [dot] fr

Pour citer cet article : Lenouvel J., 2020, « L’urbanisme résilient, nouveau paradigme de la fabrique de la ville face au risque d’inondation ? L’exemple du quartier Matra à Romorantin-Lanthenay », Revue Urbanités, Chronique, en ligne.

Bibliographie

Adrot A., Friedrich F., Lotter A., Münzberg T., Rigaud E., Wiens M. et al., 2017, « Challenges in Establishing Cross-Border Resilience » in Fekete A. et Friedrich F. (dir.), Urban Disaster Resilience and Security. Addressing Risks in Societies, New York City, Springer International Publishing, The Urban Book Series, 429-457.

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Image de couverture : Le jardin-bassin de rétention des crues au cœur du quartier Matra (Lenouvel, 2017)

  1. Lancée en 2013 par la Fondation Rockefeller, l’Organisation non-gouvernementale (ONG) « 100 Resilient cities » accompagne un réseau international de 100 villes dans la construction de leur stratégie de résilience, notamment à travers la nomination d’un Haut responsable de la résilience qui veille à la bonne application de cette stratégie dans chaque ville et opère en tant que relais auprès des autorités municipales. En avril 2019, la Fondation a annoncé supprimer les financements de l’ONG. []
  2. Entre le 4 juillet et le 7 septembre 2017, nous avons rencontré dix acteurs du projet : des acteurs institutionnels (le service de prévention des risques ingénierie de crise éducation routière de la Direction départementale du Loir-et-Cher, une chargée de mission du CEPRI, la direction du patrimoine de la Ville), des acteurs politiques (Jeanny Lorgeoux, le maire de Romorantin et sénateur du Loir-et-Cher), des professionnels de l’aménagement (Éric Daniel-Lacombe, l’architecte du projet ; Daniel Boitte, l’architecte du bâtiment Hennebique et Bernard Lassus, le paysagiste) et des acteurs locaux (le directeur de la maison de l’emploi de l’arrondissement de Romorantin et le bailleur social de Matra). Nous avons également consulté les habitants sous la forme de micro-trottoirs, afin d’appréhender leur connaissance du risque et de recueillir leurs avis sur le projet. []
  3. Expression issue du titre d’un ouvrage de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME, 2015), aujourd’hui fréquemment employé dans les politiques de la rénovation urbaine. []
  4. Cette forte mobilité peut s’expliquer par plusieurs facteurs. La rivière est située dans une large plaine alluviale qui permet au lit mineur de bénéficier d’un vaste « espace de liberté » (ou « espace de divagation »). Celle-ci est soumise à des crues d’origine océanique : les fronts pluvieux venant de l’océan se déversent dans le lit mineur et accentuent sa mobilité. Enfin, les aménagements (creusement de chenaux, de cloisons, etc.) et les extractions de sédiments d’origine anthropique auraient fortement perturbé le fonctionnement hydraulique de la Sauldre, d’après le SAGE (Commission Locale de l’Eau du SAGE Sauldre. Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux de la Sauldre. État des lieux. Comité de bassin Loire-Bretagne, 1er mai 2009, p. 86). []
  5. Le Syndicat mixte d’aménagement du bassin de la Sauldre (Smabs) ne dispose de la compétence de Gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) que depuis le début de l’année 2019. Il entend notamment mener de nouvelles études hydromorphologiques à Romorantin pour réactiver les mécanismes naturels de fonctionnement de la Sauldre (en réduisant le lit de la rivière pour éviter que l’eau stagne ou en restaurant les zones éponges et les étangs, capables d’absorber une partie des inondations). []
  6. Pas nécessairement à l’équilibre antérieur, à la différence de la résilience vue par la physique – et à une forme de stabilité (pour l’engineering resilience), ou bien à un cheminement vers différents états stables et instables (pour l’ecological resilience). []
  7. Depuis 2015, le gouvernement chinois a lancé le programme « ville éponge », un modèle technocentré alternatif aux systèmes traditionnels de prévention des inondations et de la pollution de l’eau qui procède par infiltration, rétention ou retenue, stockage, réutilisation, et rejet de l’eau, via des aménagements inspirés de l’écologie (jardins pluviaux, revêtements perméables, toitures végétalisées, etc.). []
  8. L’architecte a recours à cette expression pour rendre compte de son expérience passée. Il a réalisé plusieurs opérations pour lesquelles le projet architectural pouvait mener à des situations de blocage et en a déduit la nécessité d’une concertation élargie entre acteurs en amont. Ensuite, en aval, ce sont aussi les formes architecturales elles-mêmes, et l’organisation des espaces qui peuvent parfois conduire à des conflits, d’où la nécessité de co-concevoir. Selon lui, l’architecte a un rôle à jouer dans l’anticipation des situations qui pourraient advenir au sein de son opération. Il peut, par de simples observations ou par la conduite d’enquêtes, affiner sa connaissance des conflits potentiels qui pourraient advenir au sein de l’opération achevée (entretien du 30 juin 2017). []
  9. Entretien réalisé le 7 août 2017 avec le chargé de la coordination de tous les PPR du bassin de la Loire, auprès de la DREAL. []
  10. Daniel-Lacombe É. et Paquot T., 2016, « Romorantin : vivre avec l’indiscipline des eaux », Ecologik, no52, 40-45, en ligne. []
  11. Entretien réalisé avec Éric Daniel-Lacombe, architecte du quartier Matra, le 4 juillet 2017. []

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