Entendu / Les entretiens des maires : La fabrique des transitions

Entretien avec Jean-François Caron, par Daniel Florentin

L’entretien au format PDF


Les entretiens des maires : la revue Urbanités a décidé d’aller observer l’urbanité de certains territoires en allant interroger leurs premiers représentants, les maires. Ces entretiens cherchent à explorer leur vision de l’urbain, de ses défis, de ses transformations, autour de cinq grands thèmes. Ces cinq grands thèmes sont : l’expérience urbaine, ville et engagement, ville et vulnérabilité, ville et politique, ville du futur

Jean-François Caron est le maire Europe-Écologie-les-Verts de la commune de Loos-en-Gohelle, dans le département du Pas-de-Calais. Depuis 2001, il a fait de ce territoire marqué très fortement par une activité minière désormais fermée un laboratoire de transformations sociales et environnementales.

Thème 1 : L’expérience urbaine.

RACONTEZ-NOUS UNE EXPÉRIENCE URBAINE MARQUANTE.

Une expérience urbaine marquante, c’est la transformation du site du 11-19. C’est une ancienne fosse minière, où descendaient jusqu’à 2 000 mineurs par jour, sur laquelle on s’est battus pendant quarante ans pour empêcher qu’elle soit détruite. On l’a transformée par la réappropriation « Sons et lumières », on y a ouvert un accès culturel, on a réussi à enclencher un premier travail de clos couvert grâce à la politique « Friches » financée à l’époque par l’Union Européenne, à 100 %, et puis on l’a faite inscrire à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques par le Service de l’État. C’est tout cela qui a permis d’empêcher qu’elle soit détruite, puisqu’en fait les Houillères voulaient la raser. Et, à partir de cette préservation physique et la sauvegarde en « clos couvert », a commencé une aventure urbaine qui fait qu’aujourd’hui, 35 ans plus tard, on est sur le point d’en faire un démonstrateur européen de la transition et de la résilience territoriale.

1. Son et Lumières sur le 11-19 en 2003 (compte Flickr de la mairie de Loos)

2. Le site de la fosse du 11-19 (compte Flickr de la mairie de Loos, 2015)

La fosse du 11-19 est en quelque sorte un étendard de ce que recoupent les questions de résilience et de transformation. L’intérêt est que les terrils et la fosse symbolisent magnifiquement le monde d’hier : c’est une sorte d’incarnation de la dette en carbone. Sur le même lieu, aujourd’hui, on a des activités qui donnent un vrai contenu à la résilience. On a une énorme avance sur le plan des éco-activités. On a le seul pôle de compétitivité de France sur l’économie circulaire, on a une pépinière d’éco-entreprises, une centrale solaire, une centrale de recherche sur l’analyse en cycle de vie, on a la Fondation d’Auteuil qui est venue s’installer là, pour former les jeunes aux métiers de l’éco-construction, on a le théâtre de l’éco-construction qui met en scène tous les éco-matériaux du bâtiment, on a des opérations-témoins sur l’habitat, aussi bien en réhabilitation qu’en construction neuve. En un mot comme en cent, c’est un étendard des éco-activités : notre rêve, c’est d’aller vers la Silicon Valley des éco-activités dans ce territoire. Cet étendard de transformation, on le voit également à travers d’autres équipements, comme le CERDD, le Centre ressource sur le développement durable, ou des éléments qui construisent une culture commune, comme la scène nationale, qui travaille sur la reprise d’autonomie des personnes, ou le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) de la chaîne des terrils qui fait de l’éducation nature et patrimoine.

3. Le 11-19 de nuit (compte Flickr de la mairie de Loos, 2015)

VOTRE FONCTION DE MAIRE VOUS A-T-ELLE FAIT VOIR LA VILLE D’UNE MANIÈRE DIFFÉRENTE DE L’ÉPOQUE OÙ VOUS N’ÉTIEZ QU’UN CITOYEN LAMBDA ?

Évidemment. Lorsqu’on est juste un usager, on ne perçoit pas la globalité. On ne perçoit pas les enjeux financiers, on ne perçoit pas par exemple les conflits, les conflits d’usages, on ne les perçoit qu’à travers son propre prisme. Quand on arrive en situation de maire, on se trouve à gérer le vivre ensemble, on se trouve à gérer des usagers qui doivent cohabiter. Si je reprends l’exemple du 11-19, on doit gérer les chasseurs, on doit gérer les parapentistes, on doit gérer la marche nordique, on doit gérer les VTTistes qui viennent y faire des compétitions, on doit y gérer les motos et les quads, les naturalistes, qui veulent isoler des zones parce qu’il y a des espèces rares.

Un territoire, c’est comme un chaudron, dans lequel on a tous les ingrédients : il y a des éléments liquides, il y a des éléments solides, et tout cela est complexe à gérer. Donc, oui, bien entendu, cela change radicalement le regard sur la ville. Et quand on est maire en plus, on fabrique la ville. Enfin, on en fabrique des bouts, il y a des éléments immuables, mais on infléchit la production de la ville. Quand on pense à un éco-quartier et qu’on se dit « on va créer plusieurs centaines de logements », on voit bien qu’on va créer un mouvement par rapport aux polarités de la ville. C’est un questionnement permanent.

Thème 2 : Ville et engagement.

POUR QUELS COMBATS URBAINS ÊTES-VOUS PRÊTS À VOUS ENGAGER ?

L’enjeu est local et global, et c’est lié à ma structuration politique, pour aller vers une ville juste, pertinente. Il y a des enjeux de gestion qui répondent à des besoins locaux, et je pense que tous les maires de France ont cela en tête, enfin j’espère. En revanche, moi j’y rajoute, je ne suis pas le seul, mais je suis parmi les plus incisifs là-dessus, j’y rajoute le fait qu’on vit des bouleversements, que j’assimile à un changement civilisationnel au niveau mondial. Ce changement, c’est, au niveau global, la fin de la phase de l’accès facile aux ressources naturelles, c’est la gestion de ce que l’homme rejette et les conséquences du dérèglement climatique, mais aussi l’arrivée de la société du numérique et tous les bouleversements que cela produit. Or, mon analyse, c’est que les réponses viendront massivement du local, que les territoires sont les endroits où s’inventent les réponses et que les gouvernants sont plutôt suivistes de ce mouvement, que véritablement initiateurs. Dit autrement, je fais partie de ceux qui pensent que l’entrée par la dimension territoriale est décisive, comme cela s’est d’ailleurs fait à l’occasion de la COP21.

On ne prend pas les habitants comme des cobayes : on part de leurs besoins et on essaye d’y répondre tout en réfléchissant à une transformation de la ville qui contribue à la transformation du monde. Est-ce que cela éclaire la transformation du monde à un milliardième ? Est-ce à un millionième ? Est-ce à un millième ? Est-ce à un centième ? On n’en sait rien, mais on prend notre part, comme le colibri.

Si on regarde bien, peu de villes le font, parce que beaucoup de maires sont simplement dans la gestion et ne se posent pas trop de questions. En plus, il est de coutume de dire que des maires bâtisseurs sont plus souvent battus, parce qu’il est plus simple de gérer le quotidien sans aller plus loin.

Ce matin, j’étais en train de discuter du lancement du plan solaire de la ville et d’investissements dans les écoles sur le plan thermique. Cela répond à des besoins des habitants. Mais, en même temps, on participe de l’apparition de réponses aux problèmes sociétaux et, pour moi, je vis la ville sous ces deux angles, ça ne peut pas être autrement. On ne peut pas, on n’est pas dans une île, on n’est pas indifférents au reste du monde, qui de toute façon s’applique à nous : on a une responsabilité. On est tous habitants du village planétaire, et c’est la raison pour laquelle je suis profondément écolo et pas nationaliste. Qu’il y ait des appartenances à des groupes, qu’il y ait des cultures, je suis d’accord avec cela : j’ai développé le projet d’inscription du bassin minier à l’UNESCO parce que je pense que ces questions culturelles comptent beaucoup, mais fondamentalement, ce qui transforme tout ça c’est quand on est habitant du village planétaire. La question est alors : quelle part on prend pour le transformer ?

4. Villavenir: site d’expérimentation de l’éco-construction (compte Flickr de la mairie de Loos)

LA VILLE DE LOOS-EN-GOHELLE S’EST ENGAGÉE DANS UN PROCESSUS DE TRANSITION SOCIAL-ÉCOLOGIQUE. SUR QUELS LEVIERS VOUS ÊTES-VOUS APPUYÉ POUR LANCER CE PROCESSUS DE TRANSITION ?

On a publié deux livres, toute une documentation : c’est le Code Source de Loos. Tout est dit dans le Code Source. Tout repose sur un socle de valeurs, tout un travail sur qui on est, d’où on part : nous ne sommes pas dans un reniement de l’histoire : à partir de ce socle de valeurs, l’idée est de penser en trajectoires. C’est un des premiers éléments de la posture sur Loos. On a beaucoup travaillé la question « d’où on vient », de nos racines, mais comme étant un puissant moteur d’avenir.

Deuxièmement, dans l’analyse du modèle Loossois, il y a la question du leadership, qui est quand même une vraie question, on veut souvent passer à côté, mais quand on regarde les territoires qui ont bougé c’est toujours passé par des histoires humaines, toujours. Il faut donc l’assumer à un moment donné : la transformation passe par des individus, des petits groupes, mais qui sont sortis du moule.

Ensuite on a les quatre piliers du Code Source de Loos. Le premier pilier, méthodologiquement, c’est l’implication habitante. L’implication habitante, cela doit s’entendre au sens de habitant-acteur et non se résumer à des postures du type « je demande aux gens ce qu’ils veulent », parce qu’alors se produit quelque chose de monstrueux. Pour moi, comme je le dis souvent, participation sans responsabilisation = piège à con. C’est la raison pour laquelle on essaye de tout développer à Loos pour mettre les gens en posture impliquée et responsabilisée.

5. Plantations citoyennes en 2015 (compte Flickr de la mairie de Loos)

Deuxième pilier c’est la pensée et l’action systémiques. On pourrait dire transversale finalement, c’est-à-dire comment on décloisonne, comment, dans tous les choix qu’on fait, on analyse les impacts qu’on a, on analyse les effets environnementaux, sociaux, enfin on généralise l’approche des externalités. Cet aspect a amené des changements profonds dans notre organigramme, dans la manière de penser nos recrutements. On cherche des personnes à profil coopératif et qui s’inscrivent dans une logique systémique.

Troisième paramètre c’est la culture de l’innovation, du « comment oser ? » Cela renvoie au droit à l’erreur, à la capacité de conduire progressivement des innovations de plus en plus décalées. On a fait les « Sons et lumières » dans une fosse, c’était une énorme innovation, puis ensuite on a fait des décorations sur les terrils, puis ensuite on s’est lancés dans l’inscription au Patrimoine mondial, puis on a osé proposer d’accueillir la COP21 : on avait un TGV rempli de délégataires internationaux et de chefs d’États pour venir à Loos. Malheureusement, cela a été annulé à cause des attentats terroristes ayant éclaté à Paris et Saint Denis quelques jours auparavant. Et désormais, on porte un démonstrateur de rang européen, donc mondial, sur la résilience. La culture de l’innovation requiert de la confiance : à chaque fois qu’on a franchi une étape, elle nous permet d’entreprendre plus loin et pour les habitants de Loos, en gros ce qu’ils disent c’est « nous on est capables de tout maintenant à Loos. » On a acquis des compétences collectives d’innovation qui sont très puissantes.

Le quatrième pilier, c’est le management de la transition par l’étoile et les cailloux blancs. L’étoile c’est le désir, ce qui nous fait rêver, nous fait envie : c’est l’utopie on pourrait dire, une utopie mobilisatrice et moi je suis pour la réhabilitation du rêve en politique. Mais, en même temps, si on se contente d’un raisonnement sur l’étoile, alors l’étoile nous fait rêver mais elle n’est pas pour nous, elle est inaccessible, elle reste dans le ciel et donc il faut des cailloux blancs qui mènent à l’étoile. Et quand on fait la toiture de l’église, cela ne produit que l’équivalent de la consommation de douze ménages, c’est un caillou blanc. Ce matin, on travaillait sur le plan solaire à l’échelle d’une quinzaine de toitures publiques, c’est un caillou blanc un peu plus gros et puis peut-être que dans dix ans ce sera l’intégralité des toitures de la ville, publiques et privées. On essaie de construire un management par l’étoile et les cailloux blancs, par le désir et par le réel. C’est cette dialectique entre les deux qui permet de tenir une ambition et en même temps de rester dans le concret, dans le réel et du coup de susciter de l’adhésion, parce que pour les gens quand ils voient la toiture et les panneaux dessus, c’est le réel. Les panneaux solaires, cela nous ramène cinq milles euros de courant par année, c’est intéressant.

6. L’église solaire de Loos (compte Flickr de la mairie de Loos)

VOUS AVEZ BEAUCOUP TRAVAILLÉ DANS LE CADRE DÉTAILLÉ PAR JÉRÉMY RIFKIN DE TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE, DONT L’UNE DES PISTES EST L’UTILISATION DE L’HYDROGÈNE. EST-CE À DIRE QUE LA PRINCIPALE ENTRÉE DANS LE PROCESSUS DE TRANSITION TERRITORIALE EST ÉNERGÉTIQUE ?

La différence avec Rifkin c’est qu’il envisage cette transition avec une approche très business et émergence de nouveaux marchés. C’est ce qui d’ailleurs explique sa réussite, puisque cela parle au monde économique et du coup crédibilise son discours. Rifkin, il entre par la question énergie. Sauf que là où il y a peut-être un décalage dans l’opinion c’est qu’il n’y a pas une perception fine du fait que c’est l’ensemble de notre modèle économique qui dépend de la question énergétique. C’est-à-dire que le modèle reposant sur une énergie fossile à bas prix est un modèle qui fait qu’une tomate qui a fait six mille kilomètres de déplacement quand elle arrive dans notre assiette, plus ou moins transformée, n’est pas forcément plus chère que la tomate produite sur place, parce qu’on chauffe les tomates dans des serres à fioul en Hollande, parce que ça part en camion en Italie.

Rifkin, sur l’énergie, est souvent dans une entrée assez classique, autour surtout de la production des énergies renouvelables, dans un modèle qui reste un peu productiviste. Mais quand on lit bien ses ouvrages, il y a une dimension sociétale qu’il n’affiche pas forcément d’emblée. Alors que moi je prends cette question-là par le sociétal. C’est autant l’économie d’énergie par des investissements, par exemple sur notre patrimoine, les bâtiments scolaires par exemple, pour qu’ils consomment moins, que la question de la mobilité (comment on arrive ou pas à réduire l’usage de la voiture), que la question des circuits courts alimentaires (dont l’impact carbone est monstrueux si on reste dans les schémas classiques), que l’isolation maximum de tous les logements sociaux qu’on fait construire aujourd’hui (on est en passif sur presque tous les bâtiments sociaux). Pour moi, il y a une entrée très sociétale de ce modèle reposant sur une énergie à déplacement des personnes et des biens qui n’est pas tenable pour la société.

QUELS SONT LES OUTILS À LA DISPOSITION DU MAIRE POUR ACTIVER, COORDONNER ET FAIRE DURER CETTE TRANSITION ? COMMENT LE RÉFÉRENTIEL DE LA TRANSITION TRANSFORME-T-IL LA FAÇON DE CONCEVOIR DES POLITIQUES PUBLIQUES URBAINES ?

Le point important, c’est comment on convoque à la discussion préalable à la décision, comment on convoque les générations futures. C’est un changement profond : ce n’est pas seulement gérer ici et maintenant, mais comment y ajouter une entrée prospective, une entrée projet de territoire.

Ensuite, les outils, c’est toute l’action de la ville. Quand on fait un PLU, il est par essence prospectif. Un PLU ne se fait pas pour les deux ans qui viennent. Quand on fait nos stratégies d’investissements, ce n’est pas pareil si on investit dans le solaire ou si on refait tous les trois ans le tapis des routes par exemple. Pour moi, il n’y a pas d’outils de la transition, mais une manière d’utiliser les outils existants.

La transition, c’est parce que ça fait système, c’est parce que ça créé de l’emploi, c’est parce que ça remet de la nourriture locale dans l’assiette des habitants, c’est parce que ça montre qu’on est une ville innovante et que du coup ça donne de la fierté aux habitants. C’est tout cela qui fait qu’à un moment donné on génère de l’adhésion. D’une manière générale, ce qui m’intéresse c’est finalement la stratégie de conduite du changement1. Ce n’est pas tellement de faire des réalisations qu’on alignerait côte à côte. Pour avoir de la stratégie de conduite de changement, il faut retrouver de la confiance en l’avenir. C’est long à élaborer la confiance, il faut de la cohérence dans ce qu’on fait. Si, par exemple, en tant que maire, je développe des politiques anti-gaspi et que je me déplace avec un gros 4×4 et que je me gare sur les trottoirs, tout s’écroule. Il y a donc quelque chose de l’ordre d’une pensée systémique. C’est pour cela qu’il y a une exemplarité de la commande publique.

C’est toute la souffrance de mes collègues écologistes ailleurs en France, qui sont adjoints à quelque chose, adjoints au développement durable par exemple, c’est une équipe, et donc ils doivent souvent se claquer contre les murs. Alors que moi j’ai la chance d’avoir bâti un programme, une équipe : cela a pris du temps, cela ne se fait pas comme ça, des services municipaux qui sont au service d’une entrée systémique de la transition. Cela n’a plus rien à voir avec une mairie classique désormais.

Mais mon premier mandat, il fallait que je fasse la démonstration d’une manière plus analytique « on peut faire ça, on peut faire ça, on peut faire ça » et puis progressivement, cela nous a donné un cadre institutionnel et politique, notamment par le vote massif de la population.

QUELS SONT LES POINTS DURS DANS LA MISE EN PLACE D’UNE TELLE POLITIQUE ? QUELS SONT LES ACTEURS LES PLUS RÉTIFS À CETTE TRANSFORMATION TERRITORIALE ?

Les points durs c’est d’abord le « on a toujours fait comme ça », c’est-à-dire le règne de l’inertie des systèmes qui fait que, globalement, tout le monde a un peu tendance à reproduire le moule. Comme je le dis souvent, l’innovation, c’est une désobéissance qui a réussi. Loos-en-Gohelle, ce ne sont que des désobéissances. Par exemple, quand on voulait infiltrer les eaux, l’agglomération de prime abord ne voulait pas ; quand on voulait récupérer les eaux de pluie pour vider les wc d’une école, le préfet me l’interdisait au début. Quand on voulait faire du solaire sur une église, c’était une première en France, cela tétanisait tout le monde : que va dire l’évêque ? Que va dire la communauté catholique ? C’est de l’ordre de l’infraction au fil normal des choses.

C’est très compliqué, parce que ce phénomène va se nicher jusque dans les détails. Les services juridiques par exemple, m’expliquent certains points sur les appels d’offre : « mais vous comprenez Monsieur le Maire, pour vous sécuriser, je vous recommande [en gros] de ne rien faire » Et puis ils disent « mais moi je ne veux pas que vous alliez en prison », donc c’est imparable. Mais je n’ai pas non plus envie d’aller en prison. Donc c’est compliqué. La pensée unique reste un problème.

COMMENT ARRIVE-T-ON À ASSOCIER CES DIFFÉRENTS ACTEURS ?

C’est un long travail, qui implique beaucoup de volontarisme. Il faut être quasiment en posture de combattant permanent ou de missionnaire, même si je n’aime pas forcément la connotation religieuse du mot, mais il faut quand même la foi dans le projet municipal alternatif. Après, comme tout le monde, mais peut-être plus que d’autres parce qu’on a une commune pauvre, on a quand même des limites financières énormes. Loos est une commune qui a des recettes extrêmement faibles. En même temps, c’est intéressant du point de vue pédagogique, parce que ça veut dire que si on est capable de le faire dans une ville qui n’a pas de sous, on peut le faire partout. Cela renforce notre côté démonstrateur territorial. Néanmoins, un de mes anciens directeurs des Services Techniques, qui a quitté la ville de Loos et qui a travaillé dans deux villes depuis, d’une taille comparable à Loos, me racontait que, dans l’une, il avait deux fois et demi notre budget, dans l’autre il avait trois fois notre budget. C’est beaucoup plus facile de gérer une ville avec 18 millions qu’avec 6,5 millions.

C’est quand même compliqué, même si, en même temps, je peux facilement démontrer que le développement durable n’est pas une affaire d’argent, puisqu’il y a des projets qui coûtent moins cher. Par exemple, infiltrer les eaux usées, cela coûte moins cher que de les renvoyer à la station d’épuration. Il y a des projets qui coûtent le même prix. Si on met un bâtiment exposé au sud ou au nord, en gros cela ne change pas le coût de construction, mais les performances sont bien meilleures. Et il y a des projets qui coûtent plus cher. Si on met 20 centimètres d’isolant dans les écoles, cela coûte plus cher que si on n’en met pas. Donc il n’y a pas de systématisation d’un surcoût associé au développement durable. Mais l’innovation a un coût, parce qu’il y a de l’apprentissage, il y a des échecs. Il faut avoir le droit à l’erreur, sinon on ne fait rien. L’expérimentation ne marche pas à tous les coups, sinon ce n’est pas une expérimentation.

7. Exemple d’écoconstruction à Loos (compte Flickr de la mairie de Loos, 2016)

Malgré tout, nous avons quand même été beaucoup aidés : comme nous sommes innovants et reconnus comme tels, dès qu’il y a des dispositifs d’État ou européens sur des projets innovants, on peut en général y accéder. On a bénéficié de fonds européens pour la fosse 11-19 par exemple. On va faire des travaux sur les terrils et on va avoir des fonds FEDER. On n’arriverait jamais à le faire seulement avec des crédits de la ville.

Donc oui, ce sont des blocages culturels, des blocages financiers, il peut y avoir des obstacles politiques aussi, parce que l’action d’une ville s’inscrit dans le paysage politique. Mes collègues maires aiment bien ce qui se fait à Loos et viennent y chercher des idées. Et en même temps, certains disent « oui mais attention il faut mettre un cordon sanitaire autour de Loos ». Il y a du marquage à la culotte politique qui, à un moment donné, fait que le développement du 11-19 aurait pu être beaucoup plus puissant si l’agglomération l’avait voulu, ce qui n’a pas été le cas.

DANS L’ORGANISATION DE LA TRANSITION, AVEZ-VOUS SUIVI LE MODÈLE ANGLAIS EN TRANSITION ? QUEL LIEN PEUT-ON FAIRE ENTRE LE MODÈLE « À LA RIFKIN » ET LE MODÈLE « À LA ROB HOPKINS » ? OÙ SE SITUE LE MODÈLE LOOSSOIS DANS CE PAYSAGE ?

J’en ai beaucoup parlé à Rob Hopkins que j’ai rencontré à plusieurs reprises. Le réseau des villes en transition est un réseau citoyen de gens qui portent la transition dans leur quartier, dans leurs logements mais sans forcément être en coproduction avec la ville institution. Par exemple, à Totnes les initiatives sont développées sans que la municipalité ne les accompagne ou ne les facilite. C’est aussi au cœur de la posture de Rob Hopkins qui cherche – et il a raison de son point de vue – à démontrer que les gens peuvent prendre leur avenir en main sans attendre après la mairie. Loos est une ville en transition dans un sens un peu différent, on facilite, on incite, on impulse davantage la transition en tant qu’institution en cherchant à développer des espaces de prises d’initiatives, d’autonomie des citoyens. Aujourd’hui je recherche des territoires où il y a vraiment une entrée systémique, ce qu’on ne voit pas forcément dans les villes en transition, même dans l’exemple de Totnes qui est souvent cité.

Faire des choses alternatives avec des groupes de citoyens, comme à Freibourg où des citoyens se sont auto-determinés, c’est très intéressant. Mais la question, c’est comment, à un moment donné, cela s’inscrit en systémique sur l’ensemble de la commune, l’ensemble de l’agglomération, et comment cela fait système ? La permaculture, c’est très bien, mais quid du modèle industriel ? Pour moi, les villes en transition, c’est des bouts d’expérimentation, passionnants, mais incomplets. Je cherche, à l’échelle mondiale, des territoires qui essayent d’être dans le systémique : il y a eu des esquisses de cela au Brésil, par exemple, à Curitiba. J’aimerais participer à un réseau mondial des territoires comme Loos, qui sont en transition, mais avec une approche systémique.

Pour moi, sur ce type de territoires, il y a trois paramètres structurants. Le premier, c’est d’avoir des résultats concrets, parce que cela permet d’évaluer et d’en tirer des leçons générales. Sinon, si c’est sur du déclaratif, cela n’a que peu d’intérêt, On ne sait pas en sortir des méthodes de ce qui marche.

Deuxième paramètre, il faut que la transition repose sur une implication des habitants, des acteurs. Pourquoi ? On est dans le siècle du collaboratif, et Rifkin dit que le pouvoir devient de plus en plus latéral et horizontal : du coup, je ne crois pas à la tenue dans le temps d’un dispositif qui n’est pas appuyé sur l’implication des acteurs.

Et le troisième paramètre, c’est d’avoir une pensée et une action systémique. Certains territoires ont fait des énormes projets passionnants sur le bio, d’autres sur les nouvelles formes urbaines, aux Pays-Bas, en Belgique par exemple. D’autres ont mené des projets ambitieux sur l’écologie industrielle, la mise en réseau de leur chaleur, l’énergie, etc. Moi, ce que je cherche, c’est à quel moment tout cela fait système et comment cela traite aussi bien les questions sociales, économiques, sociétales et comment cela se traduit même dans les urnes.

En France, parmi les territoires qui réfléchissent en systémique, à part Loos bien sûr, il y a Mouans-Sartoux ; Le Mené, même s’ils peuvent paraître moins avancés sur les questions de gouvernance participative ; il y a Grande Synthe. On pourrait citer Ungersheim, mais c’est quand même plus petit. Il y en a d’autres, Fourmies, L’Ile St Denis, Malaunay… mais finalement, il y a peu d’endroits où cela fait système. On est justement en train de travailler à la structuration d’un groupe de travail aux niveaux européen et mondial, pour croiser les regards avec des villes comme Medellin par exemple. Je pense qu’il reste à franchir un cran.

Y A-T-IL UN EFFET DE TAILLE QUI PERMET À CETTE TRANSITION D’EXISTER SEULEMENT DANS DES PETITES VILLES ?

Sur une petite ville, l’effet d’impact est beaucoup plus immédiat. L’implication des habitants est beaucoup plus facile. La gouvernance politique est beaucoup plus facile. Dans certains lieux, les antagonismes politiques sont d’une violence inouïe.

Oui, je pense que « small is beautiful » et que l’échelle de Loos est une échelle intéressante parce qu’elle nous permet quand même d’avoir des moyens, des équipes en mairie, pas comme dans un commune de 300 habitants, où on a un secrétaire de mairie à tiers-temps.

Thème 3 : Ville et vulnérabilité.

QU’EST-CE QUI MENACE LES VILLES ?

Les questions environnementales sont réelles dans les villes : les problèmes de pollution dans les grandes métropoles, ce n’est pas une lubie. On a quand même beaucoup de monde qui se retrouve aux urgences de l’hôpital. Les conditions de pollution, de cadre de vie restent une difficulté non résolue, même si la France a pris conscience de cela plus que d’autres pays.

On a potentiellement, avec la montée en puissance des métropoles, des villes qui ne correspondent plus à la superposition des trois temps des géographes : le temps du travail, le temps du sommeil et le temps du loisir. On a, de plus en plus, des utilisations du territoire spécialisées. Cela génère de vrais problèmes de mobilité, qui font partie des problèmes de la ville, de déplacement, et qui peuvent potentiellement créer une forte ségrégation. Quand on n’a pas assez d’argent, qu’on est obligé d’habiter à 40 kilomètres de la métropole, que du coup on a 2 heures 30 de déplacement matin et après-midi, qu’on n’a pas de temps à passer avec ses enfants, on n’a pas de temps à passer dans l’investissement de la ville où on habite : il y a derrière ces éléments ponctuels des questions de vivre ensemble, des colères rentrées.

Oui, il y a un risque de la ville inhumaine, de la ville froide, où les gens deviennent des consommateurs du fait urbain et non pas des producteurs. Beaucoup d’habitants sont dans une posture de consommation de l’action publique, avec des habitants qui viennent me voir en disant « je paye mes impôts donc j’y ai droit ». C’est comme si payer ses impôts revenait à adhérer à une mutuelle. « J’ai droit à, c’est normal. » Pour eux, la question de l’intérêt général, « c’est géré par les autres, cela va de soi », et chacun se dit « I want my money back ».

Je pense que les générations précédentes étaient encore dans la culture de l’après-guerre, où il fallait tout reconstruire, où les gens étaient pauvres, où du coup il y a eu du développement et une forme de mobilisation sociétale. Finalement là, on commence à arriver avec des générations qui voient tout fonctionner depuis qu’elles sont nées.

Cela dit, je pense qu’à Loos-en-Gohelle, où on a un très fort sentiment d’appartenance, une forte solidarité, qui nous vient de l’histoire des mines, on est assez peu attaqués par cette évolution-là, on est assez peu touchés, on la voit, mais assez peu. En revanche, beaucoup de maires veulent jeter l’éponge quand ils font face à des habitants qui agissent comme si tout leur était dû.

VOUS ÉVOQUIEZ LES MINES, AVEC UN TERRITOIRE QUI ÉTAIT CELUI DES PLUS GRANDS TERRILS D’EUROPE. EST-CE QUE CES ANCIENNES ACTIVITÉS D’EXTRACTION FONT ENCORE PORTER UN CERTAIN NOMBRE DE MENACES SUR LE FONCTIONNEMENT URBAIN ACTUEL ?

Oui, on a des séquelles. Notre habitat par exemple a été fracturé par les affaissements miniers. À Loos-en-Gohelle, on a dû détruire 1 100 logements, miniers. Cela veut dire qu’il y a un coût très fort du traitement des séquelles. On a également des séquelles sur nos réseaux. Par exemple, on a des réseaux d’eau qui fuient beaucoup plus qu’ailleurs en France parce que les tuyaux cassent avec les mouvements miniers.

On a une eau qui est très chère, parce qu’elle est très polluée au départ et elle a besoin d’être beaucoup plus traitée que si elle descendait des montagnes. On a un territoire qui a été en partie dévasté, en particulier la végétation, donc il faut replanter. Il y a un gigantesque effort de reverdissement du territoire à mener.

8. La planification de la nature en ville (compte Flickr de la mairie de Loos, 2015)

Nous, on a une difficulté qui est liée au fait qu’on a été formatés pour un modèle de production industrielle, où tout était pris en charge dans le cadre de l’exploitation industrielle. L’exploitation industrielle est partie, l’argent est parti d’ici, elle nous laisse les séquelles à traiter et, dans les séquelles notamment, une image catastrophique. Et c’est extrêmement perturbant, parce que c’est très compliqué de développer une ville répulsive. La chance que j’ai, à Loos, c’est que je suis devenu le maire d’une commune qui maintenant a une très belle image.

ET COMMENT FAIT-ON PASSER LA POPULATION D’UN SYSTÈME DE PRODUCTION INDUSTRIELLE, QUAND ON EST AUTOUR D’ACTIVITÉS D’EXTRACTION QUI SONT AUSSI DATÉES, À UN MODÈLE DE TRANSITION ?

C’est ce qu’on appelle le « code source », ce dont on a parlé plus tôt. C’est aussi ne pas renier notre histoire et notre mémoire. Cela se fait selon un gradient. Il y a de cela 15 ans, 1 % des gens devaient parler de transition. Aujourd’hui il y en a peut-être 10 %, ou plus. Pour les gens, la transition, ce sont  nos propos à nous, nos mots d’experts. Par exemple, pour les gens, le développement durable, ils ne savent pas trop ce que c’est. Quand on récupère les eaux, ils disent que c’est du bon sens. Quand on isole les bâtiments, ils disent que c’est du bon sens plutôt que d’envoyer les calories dans l’air.

Un jour, il y avait une messe au 15 août dans les champs. J’y vais. Et je rencontre sur le chemin une dame, avec qui on commence à discuter. Elle me dit à un moment : « Vous savez monsieur le maire, vous avez raison ». Je dis : « Ah bon ? Sur quoi ? » Et elle dit : « Vous avez raison, ça ne peut pas continuer ce monde-là, ce n’est pas possible. Vous ne voyez pas comment on se comporte ? » Et elle ne m’en a pas dit plus, elle ne savait pas comment le formuler.

À Loos-en-Gohelle, il y a aussi un élément important à avoir en tête : on a tapé dans le mur bien avant les autres. Et en plus on a tapé dans le mur sans aucune possibilité de l’éviter. Donc il y a une culture à Loos-en-Gohelle à se relever. Ce n’est pas automatique. À Hénin-Beaumont, à 12 kilomètres de là, c’est le Front National qui récupère cela sous l’angle « c’est la faute des autres, c’est de la faute des arabes, c’est de la faute de l’Europe, c’est de la faute de machin », ce qui est totalement l’opposé de ce que Loos joue.

La politique, c’est l’art de la tension de l’élastique. Par mes contacts, par le fait que j’ai été au conseil régional, mon ouverture quand je fais des travaux du schéma régional d’aménagement du territoire, je parle avec des prospectivistes à propos de choses qui vont nous arriver. Dans mon travail de maire, en même temps, je dois aider à intégrer ces paramètres là, mais avec une relative incompréhension de la population parfois. C’est cela que j’appelle la tension de l’élastique. Si, par exemple, je dis à la population « à partir de demain c’est toilettes sèches dans tous les wc de toutes les salles de la ville », les gens vont me regarder et l’élastique va casser, les gens se diront « mais le maire il est fou ». Ce n’est pas raisonnable. Cette mise en mouvement de la population, finalement, c’est comme un train. Quand un train démarre, il roule à 0,5 km/h, c’est tout doucement. On voit les quais s’éloigner petit à petit et puis, à un moment donné, quand on est sorti de la ville, on met le plein pot et on est à 350 km/h, comme le TGV. Moi c’est ce que je vis avec Loos. L’initialisation était compliquée, surtout dans l’univers des mines. Parler d’un autre modèle de développement dans un univers qui a été industriel, productiviste, où on acceptait de mourir pour nourrir ses gosses, mourir au fond de la mine, etc. Arriver avec le ménagement de la planète, le ménagement des individus, une pensée éco-systémique, etc. Si on fait cela dans les Yvelines ou à Nanterre, c’est bon, avec des gens qui ont bac +8, cela fonctionne, on peut parler à leur raison. Mais ici, on ne peut pas faire ça. Donc oui, il y a un art de la tension de l’élastique. Mais là on doit être pas loin du  310 km/h, ça tourne, ça turbine.

Thème 4 : Ville et politique

VOUS AVEZ ÉTÉ ÉLU MUNICIPAL MAIS AUSSI RÉGIONAL. EST-CE QUE LA VILLE EST LE BON ÉCHELON POUR GÉRER LES QUESTIONS CLIMATIQUES ? COMMENT GÈRE-T-ON LES MULTIPLES ÉCHELLES DE CES QUESTIONS CLIMATIQUES ? PEUT-ON IMAGINER DUPLIQUER CE SCHÉMA DE TRANSITION À UNE ÉCHELLE PLUS LARGE ?

Bien sûr que ce schéma est transposable. Les ressorts sont les mêmes. Les ressorts du Code Source sont les mêmes. On est d’ailleurs en train de travailler à mettre en réseau ces villes, à confronter leurs réussites et leurs échecs, notamment à partir du Code Source de Loos-en-Gohelle. L’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) a ainsi lancé un gros travail sur quatre territoires et on regarde dans des territoires qui sont sur la route de la transition, pour comprendre sur quoi ils buttent et en quoi l’exemple de Loos peut leur apporter quelque chose, puisque l’avantage de Loos, c’est que ça été fortement évalué.

Ces quatre territoires, c’est Val d’Ille-Aubigné (communauté de communes au nord de Rennes), les Crêtes ardennaises (communauté de communes des Crêtes ardennaises, pilier historique du développement local dans le secteur durable), Plaine commune et Malaunay (ville en banlieue de Rouen).

L’Agence Française de Développement (AFD) aimerait bien qu’on le fasse sur des territoires à l’international, et donc du coup on est effectivement en train d’essayer de caractériser ces nouvelles formes politiques au service de la transition. Quel changement de posture des élus ? Quels changements de posture de la population ? C’est lié mais pas seulement. On a besoin de maires qui ont des savoir-être. Si on veut qu’une équipe travaille dans le coopératif, il faut que le maire ait une capacité d’être animateur de collectif et donc cela, c’est des savoir-être : c’est écouter, reformuler, savoir arbitrer intelligemment.

Enfin, les maires deviennent des managers de transition. C’est une nouvelle donne, parce que souvent les maires sont les taureaux ou les mâles dominants, ou les notables. Pour certains maires, leur voiture est par exemple un instrument de leur puissance. Alors, c’est en train de changer, mais pas tant que ça. La population aime bien un maire-seigneur. Balkany, il est réélu. Kucheida également, malgré des méthodes insupportables.

Avec cette esquisse de territoires, on creuse cette question pour faire apparaître des ressorts de nouvelles formes politiques, de nouvelles formes d’engagement : ce soir, je serai à Paris pour parler avec les élus de Saillans, où une nouvelle expérience se lance. Mais pour moi, ils vont peut-être trop loin et courent le risque d’exploser en vol : à mon sens, il est impossible pour un habitant de consacrer presque toutes ses soirées à produire la ville. Cela ne marche pas.

Thème 5 Ville et futur

À QUOI VOUDRIEZ-VOUS QUE VOTRE VILLE RESSEMBLE DANS CINQ ANS ?

Dans 5 ans, on est en train d’installer toutes nos toitures de la ville en solaire, parce qu’on a mis un plan d’investissement citoyen qui récupère toutes les toitures. On a des systèmes alimentaires qui sont arrivés à 50 % d’une production locale, que ce soit dans les cantines, dans les systèmes de paniers. Tous les jardins sont re-cultivés. On a une ville dans laquelle on a encore plus de « fifty-fifty » et de co-production de la ville avec les habitants, à qui on remet la carte d’ambassadeur-bâtisseur de la ville et donc on a de nouvelles formes d’engagement politique qui ne sont plus des engagements pour un parti, mais pour remettre du sens dans leur territoire. On accueille des délégations du monde entier qui viennent voir que sur la terre du charbon on peut finalement basculer dans le monde du renouvelable. Si on l’a fait alors qu’on était formatés par le charbon, c’est possible partout. Et on organise un gigantesque banquet Républicain sur le plateau du terril avec un festival de musique métal le soir, et on cultive le vivre-ensemble plutôt que l’accumulation.

Entretien réalisé en décembre 2017, par Daniel Florentin.

Image de couverture : centrale solaire Lumiwatt, au pied des terrils.

  1. La ville de Loos a été désignée par l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) territoire démonstrateur des politiques de conduite du changement pour le développement durable. []

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