Les villes américaines / On the road to recovery : le retour de l’État fédéral dans la gestion de la crise urbaine à Detroit
Henri Briche
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L’article d’Henri Briche au format PDF
« S’il y a une chose dont on peut être sûr à propos de Detroit, c’est que Detroit revient toujours »1 clame Barack Obama le 7 janvier 2015 lors de sa visite à l’usine Michigan de Ford en référence au rebond spectaculaire de l’industrie automobile après la crise de 2008. Detroit, la Motor City, longtemps laissée pour morte après des années de désindustrialisation2, est désormais sous le feu des projecteurs. D’abord parce qu’après les déboires liés au renflouement de General Motors (GM) et de Chrysler en 2008-2009, ces fleurons industriels et symboles de Detroit sont de nouveau des moteurs de la croissance américaine. Ensuite et surtout parce que la ville est redevenue attractive pour une partie de la jeunesse américaine à la recherche d’opportunités professionnelles, d’un logement au coût abordable et d’un sentiment de participation à la reconstruction d’une ville longtemps stigmatisée. Ces éléments permettent d’alimenter l’hypothèse selon laquelle Detroit serait donc bel et bien « revenue » dans le giron des villes américaines qui comptent, en incarnant pour beaucoup l’image de la « nouvelle frontière » à reconquérir après des années d’abandon.
Dans cette dynamique de revitalisation économique et urbaine, le rôle de l’État fédéral et de l’administration démocrate occupent une place spécifique. Les relations entre Washington et Detroit ont alterné entre des périodes privilégiées et d’autres marquées par le scepticisme et la défiance. Les années 1960 voient éclore Detroit, la Model City, où se déploient les programmes de la « Guerre contre la pauvreté » portée par le président Lyndon Johnson. L’élection en 1974 du premier maire africain-américain de la ville, Coleman Young, réaffirme les liens avec le gouvernement fédéral : Young est l’un des plus proches partisans de Jimmy Carter et il l’aide à conquérir la présidence en 1977. Cette affinité permet à Detroit d’être la ville à recevoir le plus de fonds fédéraux par habitant durant le mandat présidentiel de Carter. Mais ces liens d’affinité s’affaiblissent dans les décennies suivantes, à mesure que la ville plonge dans la crise urbaine. Dépopulation, fuite des capitaux et des sites de production manufacturiers, renforcement de la ségrégation raciale, criminalité en forte progression… sont autant d’éléments isolant Detroit dans une période où les centres urbains sont mis à mal par les politiques de décentralisation et d’austérité urbaine amorcées par les administrations républicaines de Nixon puis de Reagan (Peck, 2012). La méfiance du gouvernement fédéral à l’égard de Detroit culmine lors de la révélation des multiples scandales de corruption liés au mandat du maire Kwame Kilpatrick, lequel se voit forcé de démissionner en 2008. Cet épisode alimente le discours relayé par les conservateurs reposant sur la dénonciation d’une mauvaise gestion politique des maires démocrates successifs comme racine principale de la crise urbaine3. La réputation de Detroit est désormais entachée par des soupçons d’incompétence des équipes municipales et par la mise en cause de leur responsabilité dans les difficultés que traverse la ville.
La crise urbaine qui s’éternise à Detroit fait de cette shrinking city (« ville en décroissance ») une entorse au paradigme de croissance caractérisant le développement urbain américain. Conceptualisé à travers la théorie des « coalitions de croissance », celui-ci repose sur la capacité de l’équipe municipale à s’aligner sur les intérêts des représentants des propriétaires privés dans l’optique d’accroitre la valeur d’échange des terrains et du bâti de la ville (Logan et Molotch, 1987 ; Peterson, 1981). Toutefois, la valeur d’usage de la plupart des terrains à Detroit s’est effondrée à la suite de plusieurs décennies de désindustrialisation, empêchant la ville et les milieux économiques locaux de se conformer à l’impératif entrepreneurial qui domine les orientations des gouvernements urbains depuis les années 1980 (Harvey, 1989) : cette shrinking city est contrainte de se tourner vers d’autres ressources pour assurer si ce n’est la dynamique de développement urbain sinon la régulation du déclin urbain4 (Hollander et Németh, 2011). Detroit, berceau de l’automobile américaine et située au carrefour des Grands Lacs, incarne l’un des exemples les plus emblématiques de la trajectoire des villes désindustrialisées de la Rust Belt : depuis 1952, la ville a perdu plus de 60 % de ses habitants dont la plupart sont partis peupler les banlieues cossues de l’agglomération où se concentrent désormais emplois et investissements. Cette hémorragie démographique s’est intensifiée par la résignation des gouvernements fédéraux successifs à investir massivement dans les centres urbains depuis la fin des années 1970. À l’image des autres shrinking cities de la région, les pouvoirs publics de Detroit ont longtemps souffert de l’absence de soutien fédéral dans la rénovation de quartiers de plus en plus paupérisés et ségrégués.
Cet article revient alors sur la politique volontariste de démolition massive conduite par la nouvelle équipe municipale, laquelle symbolise la façon dont les acteurs politiques locaux essayent d’enrayer la dynamique de décroissance de la ville. Cette stratégie fait de l’État fédéral5 un partenaire incontournable pour le développement urbain par l’accès à de nouvelles ressources financières nécessaires à la régulation du déclin de Detroit. Dans un premier temps, l’analyse sera consacrée aux facteurs témoignant de la défiance que porte Washington à l’égard de ce type de villes mais aussi la solidarité politique qu’une administration démocrate présidée par un Africain-Américain cherche à garantir à un centre urbain acquis à sa cause6. Le deuxième temps de l’article reviendra sur le moment du basculement, au cours duquel Detroit s’émancipe progressivement de l’image de ville dysfonctionnelle qu’elle entretenait aux yeux de l’administration Obama. Enfin, le troisième temps s’attachera aux impacts politiques de ce basculement et au retour concret de l’État fédéral dans l’orientation des politiques locales.
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Une classe politique locale perçue comme responsable des maux de la ville
Ville traditionnellement démocrate et peuplée à 80 % d’Africains-Américains, Detroit incarne l’archétype du bastion électoral du Parti Démocrate. Mais la victoire fédérale des Démocrates en 2008 ne s’est pas soldée par un retour en grande pompe de l’État fédéral dans la régulation des centres urbains (Katz, 2010 ; Swanstrom, 2015) et ceci est particulièrement manifeste à Detroit. À la fois parce que la ville, par manque d’ingénierie locale, n’a pas été en mesure de candidater aux différents programmes fédéraux malgré son éligibilité, mais aussi parce que l’administration Obama ne faisait pas de la Motor City l’une de ses priorités. Trois facteurs principaux expliquent cet évitement mutuel durant la majeure partie du mandat présidentiel d’Obama.
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L’héritage de la ségrégation raciale, puissant frein à la construction d’une « coalition de croissance »
La composition raciale de la ville est le premier frein à la constitution d’une « coalition de croissance ». Espace historique de tensions interethniques, Detroit détient le taux de ségrégation ethnique le plus important parmi les 50 plus grandes villes du pays7 : l’indice de dissimilarité entre les populations africaines-américaines et blanches atteint 79.6 en 2010 (Logan et Stults, 2011). Cette intense ségrégation est le fruit de décennies de politiques encourageant le « white flight » vers les suburbs8 débuté dès les années 1940. Aujourd’hui, les comtés d’Oakland et de Macomb qui jouxtent Detroit au nord sont composés respectivement de 81 % et 92 % de ménages blancs, d’après les chiffres du recensement de 2010 (voir fig. 1). Pourtant, malgré le vote traditionnel de la population africaine-américaine en faveur du Parti Démocrate, Detroit n’a pu se constituer en tant que bastion démocrate capable de mobiliser les fonds fédéraux nécessaires au développement urbain. Bien au contraire : la ségrégation raciale recoupant la division ville/suburb agit comme un handicap pour la municipalité dans sa quête de fonds fédéraux. La plupart des villes composant ces suburbs continuent aujourd’hui encore à s’opposer à toute politique d’envergure régionale, que ce soit en matière de transports, d’habitat ou d’environnement9. L. Brooks Patterson, président du Comté d’Oakland depuis 1992, présente en ces termes sa relation avec Detroit : « J’adore l’étalement urbain. J’en ai besoin. Et je l’encourage. Le comté d’Oakland ne peut pas s’en passer (…) Je dis toujours à mes enfants : « Il n’y a aucune raison pour vous d’aller à Detroit. Nous avons des restaurants ici ». Là-bas, il n’y a même pas de cinémas, pas un seul. Je ne peux pas imaginer trouver quelque chose à Detroit que nous n’avons pas à la pelle ici »10. L’opposition systématique des banlieues résidentielles à toute coopération régionale prive Detroit de l’un des critères devenus déterminants pour l’obtention de fonds fédéraux.
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En 1974, lorsque Coleman Young devient le premier maire africain-américain de la ville, il prononce l’un des discours les plus controversés de son mandat : « J’ai un message d’avertissement à adresser aux dealers, escrocs et autres agresseurs en tout genre : il est temps de quitter Detroit. Franchissez Eight Mile ! »11. En faisant référence à la route qui sépare Detroit des suburbs habitées par les ménages blancs, Coleman Young ethnicise son propos et se présente comme l’un des premiers à opposer la ville-centre africaine-américaine en voie de paupérisation, à ses suburbs, alors presque uniquement peuplées et dirigées par des classes moyennes blanches ayant « fui » la ville-centre. Néanmoins, cette ambition de fonder une coalition locale défendant les intérêts d’une ville majoritairement peuplée d’Africains-Américains se heurte rapidement au désintérêt des milieux économiques blancs partis développer les suburbs.
Cette ségrégation raciale a pour effet d’accentuer l’isolement de Detroit en matière de captation de capitaux et de mobilisation des acteurs privés dans la conduite du développement urbain. La ville n’est plus la cible des investissements privés désormais largement tournés vers la satisfaction de la demande des suburbs : privés de relais économiques et politiques au niveau régional et fédéral, les intérêts propres à la ville-centre sont déconnectés du reste de l’agglomération (Hall et Hall, 1993). Ford ou Chrysler ont depuis longtemps délocalisé leur siège social de Detroit vers les suburbs. Depuis les années 1960, Detroit est entourée par plus de 120 gouvernements suburbains différents dont l’autonomie politique est presque inaliénable (Farley, 2015). La compétition féroce entre ces suburbs, redoublée par la séparation raciale entre celles-ci et la ville-centre, entravent la formation d’un pouvoir métropolitain. Cette incapacité à construire des partenariats public-privé (PPP) entre le gouvernement municipal et les investisseurs privés localisés dans les banlieues empêche la ville de mettre sur pied une véritable politique de développement économique caractéristique de la growth machine (Orr et Stoker, 1994), ce qui leur permettrait de postuler aux programmes urbains du gouvernement fédéral. Ces derniers requièrent en effet depuis les années 1980 l’émergence de PPP et la participation de capitaux privés dans la construction d’une candidature sérieuse pour l’obtention de fonds fédéraux (Wallin, 1998). Les pouvoirs publics locaux se retrouvent donc affaiblis face à cette fuite des capitaux et à la pérennisation de la ségrégation raciale dans les décisions d’investissement. Isolée politiquement et économiquement, Detroit n’est plus en mesure d’apparaitre comme un partenaire compétent aux yeux de Washington. L’épisode de la rénovation urbaine des années 1990-2000 aggrave les relations entre les deux niveaux de gouvernement.
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Une expérience traumatisante : l’occasion manquée du programme HOPE VI
Le cas du bailleur social municipal est peut-être l’exemple le plus éclairant de l’incapacité de Detroit à mobiliser de manière efficiente des fonds fédéraux. La Detroit Housing Commission (DHC), bailleur social contrôlé par la ville, est placée sous tutelle fédérale (2005-2015) à la suite de soupçons de corruption dans la gestion des projets HOPE VI12 locaux, symbolisant le dysfonctionnement d’une ville en crise aux yeux des organes fédéraux.
L’administration locale défaillante des projets HOPE VI provoque une crise institutionnelle à la DHC : tensions internes, incompétence dans la gestion du parc social et corruption dans l’utilisation des fonds fédéraux entravent durablement son application. La saga débute en 1993 lorsque le maire Denis Archer annonce la candidature de Detroit pour obtenir des fonds fédéraux HOPE VI. Trois sites sont alors retenus : Parkside, Jeffries et Herman Gardens. Entre 1994 et 1999, la DHC réussit à obtenir plus de 126 millions de dollars de subventions fédérales pour mener à bien ces trois projets de rénovation urbaine13. Néanmoins, le déroulement de ces opérations révèle les problèmes structurels qui traversent l’agence depuis des années en matière de gouvernance14. D’abord, la nouveauté du dispositif fait de la DHC l’un des premiers bailleurs à expérimenter le processus HOPE VI et à devoir mobiliser des capitaux privés pour mener à bien ces rénovations. Ce type de dispositif demande à ce que l’agence modifie ses procédures classiques de maîtrise d’œuvre des projets par la nature des nouveaux partenariats publics-privés à monter, ainsi que par le type d’opération à gérer : il s’agit de démolir des quartiers jusqu’alors composés uniquement de logements sociaux et d’y reconstruire à grande échelle une mixité d’habitat et de peuplement. Mal préparée à ces changements induits par l’architecture des projets HOPE VI et mal informée de l’état de son parc, le bailleur social découvre l’ampleur de la tâche qu’il doit accomplir dès la première de rénovation de Parkside : pensant à l’origine ne réhabiliter que quelques unités, les employés de la DHC se rendent rapidement compte de la nécessité de démolir la quasi-totalité des logements15. En 2003, la DHC n’avait construit que 25 % du total de nouveaux logements prévus (GAO, 2003).
Ensuite, les projets HOPE VI mettent à disposition de l’agence une manne financière sans précédents pour un secteur ayant souffert de sous-financement chronique depuis sa création dans les années 1930. L’accès à de tels financements est une aubaine pour certains membres du conseil d’administration et techniciens de l’agence, lesquels voient dans ces fonds une ressource illimitée et peu régulée dans leur utilisation. Néanmoins, face aux retards accumulés et aux soupçons de mésusage de l’argent public, le Ministère Fédéral du Logement (Department of Housing and Urban Development, ou HUD) commande un audit en 200116. Le rapport est sans appel : la DHC est accusée de mauvaise administration du programme (mismanagement), d’une réhabilitation trop coûteuse des Parkside Homes jusque-là non réalisée et d’un manque évident de régulation de l’ensemble des opérations. Mais surtout, l’audit accuse la DHC d’avoir détourné quelques 20 millions de dollars fédéraux. Le soupçon de corruption se porte d’ailleurs sur l’ensemble du programme : au total, le bailleur a déjà dépensé plus de 103 millions de dollars dans les trois projets alors qu’aucun n’a encore vu le jour au début des années 2000. Les employés qualifieront eux-mêmes dans nos entretiens de « désastreuse » la rénovation urbaine conduite à Parkside en matière de qualité de finition des nouveaux logements et de délais dans le relogement des locataires17.
Empêtrée dans des démarches administratives qu’elle ne sait pas surmonter et dans la gestion de fonds publics abondants, la DHC plonge dans une crise interne visant à remettre en cause un mode de gouvernance qualifié d’« obscur » et de « peu efficace » par le gouvernement fédéral (GAO, 2003). Le HUD s’oppose ainsi à la démarche d’autonomisation menée par la DHC qui souhaite sortir du giron municipal18. Cette volonté de séparatisme correspond à la fois au désir de l’agence d’accroitre son pouvoir discrétionnaire en matière d’allocation des fonds fédéraux et à celui de réduire les obstacles liés aux nécessaires validations par le conseil municipal de toute décision prise par le bailleur : ces approbations ralentissent et complexifient une procédure qualifiée par les employés de la DHC de « processus incroyablement complexe »19. Malgré ces arguments, le HUD recommande la mise sous tutelle immédiate de la DHC face à l’incompétence de ses agents et aux soupçons de malversations (HUD, 2001). Le constat d’une gestion catastrophique des fonds fédéraux et d’une gouvernance interne dysfonctionnelle entre le bailleur et la ville écornent durablement l’image du gouvernement municipal. En juillet 2005, le HUD prend le contrôle de l’agence et neutralise le conseil d’administration (Board of commissioners) après avoir défini la DHC comme « agence en grave difficulté ». Le HUD nomme ainsi à la tête de la DHC un « Agent de Redressement » afin de mener les opérations courantes et de remettre l’agence sur le bon chemin. Ce n’est qu’en 2015 que le ministère décide de mettre fin à cette tutelle, estimant que le bailleur avait réalisé des progrès significatifs et que, pour la première fois depuis 20 ans, l’ensemble du parc social avait passé avec réussite l’inspection des agents du ministère.
Cet épisode trouble durablement la confiance accordée par l’administration fédérale à une municipalité perçue comme dysfonctionnelle dans sa façon de gérer un programme fédéral et de superviser les décisions de son bailleur social. La récente faillite décrédibilise encore plus une ville désormais au bord du gouffre.
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Une faillite économique et symbolique aux yeux de Washington
La faillite qui a touché Detroit entre 2013 et 2014 renforce la méfiance de Washington à agir pour freiner la dynamique de déclin de la ville. La mise sous tutelle de la municipalité lors de la nomination d’un « administrateur judiciaire » (Emergency Manager) pendant 18 mois a mis sur le devant de la scène la crise urbaine que traverse la ville depuis de nombreuses années. Malgré le renflouement fédéral de deux fleurons locaux de l’industrie automobile en 2009, General Motors et Chrysler, la ville n’a pas réussi à renverser des décennies de désindustrialisation : en 2010, la ville compte 60 % d’habitants de moins qu’en 1950, 14 % de logements vacants en 2013 et 40 % de ménages vivent sous le seuil de pauvreté en 2014 (Census Bureau, 2010 ; 2014 ; 2015). Detroit n’a toujours pas accompli sa transition vers une économie post-industrielle.
Mais ces facteurs structurels sont souvent éludés au profit d’une lecture privilégiant celle d’une classe politique locale corrompue, incompétente et responsable des 18 milliards de dollars de dette accumulés par la ville20. En imputant la crise financière à une bureaucratie coupable de tous les maux, le gouvernement fédéral se désolidarise du sort de la ville. Detroit n’est d’ailleurs plus un élément moteur pour Washington : « Pour que le gouvernement intervienne, il faut que le jeu en vaille la chandelle. On le fait uniquement s’il y a une menace réelle sur l’économie du pays. Il ne semble pas que ce soit le cas cette fois-ci » affirme ainsi Jared Bernstein, ancien conseiller économique du vice-président Joe Biden et architecte du renflouement de GM et Chrysler en 2009 (Isidore, 2013). En 1975, lorsque New York City était au bord de la faillite, le Congrès, alors dominé par une majorité démocrate, avait voté en faveur d’un plan de sauvetage de plusieurs milliards de dollars. Detroit est perçue pour l’administration Obama et pour le parti Démocrate bien plus comme un « canard boiteux » qu’une ville déterminante pour le sort du parti ou du pays. La faillite semble sceller l’isolement politique de la Motor City.
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La rupture Duggan ou la rédemption par une politique volontariste de démolition
En novembre 2013, les résidents de Detroit choisissent à nouveau un démocrate, Mike Duggan, comme maire de la ville. Il devient le premier maire blanc à diriger Detroit depuis Roman Gribbs en 1970. Élu sur un programme ambitieux de retour de la croissance urbaine, des investissements privés et publics et d’une sortie rapide de la faillite, Mike Duggan apparaît comme un véritable entrepreneur politique désirant mettre à disposition son réseau forgé par ses expériences précédentes pour engager la revitalisation de la ville. Mike Duggan s’appuie en particulier sur son passage (2004-2012) en tant que directeur du Detroit Medical Center (DMC) durant lequel il évite à cet hôpital de faire faillite. Fort de cette expérience, il annonce dès le soir de son élection vouloir renverser le déclin de la ville en promettant un retour de la croissance démographique à la fin de son mandat : « plus que toute autre chose, dans cinq ans à compter d’aujourd’hui, je m’attends à ce que la population de Detroit augmente à nouveau »21. L’objectif est donc clairement annoncé : Duggan fera de son passage à la mairie de Detroit celui de la reconstitution d’une growth coalition générant l’arrivée de nouveaux habitants principalement en provenance des suburbs. Pour y parvenir, il décide de faire de la politique de démolition l’outil de rédemption d’un gouvernement municipal en quête de légitimité. La démolition massive devient, avec Mike Duggan, le moyen de fédérer les intérêts privés et de mobiliser des fonds fédéraux, jusqu’alors peu exploités, afin de positionner Detroit à la pointe des villes en reconversion. Dès lors, les conditions de réalisation d’un partenariat public-privé à la recherche de la croissance démographique et économique prennent la forme, à Detroit, d’une ambitieuse politique de résorption du « blight ». Le choix de la démolition résulte du constat partagé au niveau national d’un lien établi entre diffusion du « blight », chute des valeurs immobilières et déclin démographique. L’élimination des structures abandonnées aurait, à elle seule, le pouvoir de régénérer des quartiers entiers (Hackworth, 2016).
La stratégie de démolition revêt donc, aux yeux des acteurs locaux, le caractère d’une véritable politique de retour de la croissance à la fois économique – des valeurs immobilières en hausse – mais aussi urbaine – un retour des habitants dans ces espaces abandonnés. En ce sens, elle se différencie des coalitions ad hoc et éphémères qu’a étudiées Matthias Bernt (2009) dans le cas des villes est-allemandes où l’urgence de l’intervention prime sur la structuration d’une action collective stable et durable. Ainsi, Mike Duggan promet d’éradiquer l’ensemble des structures abandonnées en cinq années, au rythme de 10 000 démolitions annuelles bien qu’aucun plan de reconversion foncière de ces terrains nouvellement libérés ne soit adopté ni même réfléchi22. Il s’agit d’abord de construire un objectif commun à plusieurs partenaires locaux et nationaux, de permettre le retour de capitaux privés et publics au sein de la ville centre et d’atténuer le stigmate associé à la prolifération de structures urbaines en déliquescence. La question du réinvestissement de ces terrains demeure un horizon lointain dans une ville où le marché du logement et l’attractivité résidentielle sont encore peu dynamiques et où la croyance à des « effets de ruissellement » positifs découlant des démolitions reste très ancrée.
C’est dans cette optique que Duggan se lance à la reconquête de fonds fédéraux disponibles mais jusqu’alors peu utilisés par la ville. C’est ici la première étape pour séduire une partie des investisseurs privés en rendant plus solvables des opérations de démolition jusque-là trop coûteuses pour attirer des entrepreneurs opérant plutôt dans les banlieues résidentielles. Mike Duggan réussit en effet le tour de force de modifier le fléchage des subventions issues du Hardest Hit Fund (HHF), fond fédéral voté par le Congrès à la suite de la crise des subprimes et destiné à aider les propriétaires éprouvant des difficultés à rembourser leur prêt immobilier ou à régulariser leurs taxes résidentielles. Jusque-là, la municipalité était dépendante du (faible) montant des fonds fédéraux alloués via le Neighborhood Stabilization Program (NSP). L’initiative de Duggan, rare dans l’histoire des politiques publiques américaines, a été motivée par l’assèchement des fonds du NSP et par la nécessité affichée par la mairie de se débarrasser coûte que coûte de ce « cancer urbain »23. Profitant d’un soutien de la part d’investisseurs locaux et de certaines fondations convaincus de l’opportunité d’une telle manne financière, Duggan met sur pied une coalition centrée sur la mobilisation de fonds fédéraux pour l’éradication des friches urbaines perçues comme les symboles mais aussi les racines du déclin de la ville. Afin de débloquer les subventions fédérales, Duggan fait appel à des relais démocrates au sein du Sénat et de la Chambre des Représentants, lesquels seront de véritables lobbies prêchant pour le cas de Detroit dans chacune des deux chambres.
L’émergence de cette growth coalition prend un tournant décisif en décembre 2015 lorsque Duggan mobilise le pasteur et activiste local Jesse Jackson pour faire pression en faveur de Detroit auprès des députés. Depuis quelques mois déjà, le député démocrate de Flint, Dan Kildee et la Sénatrice démocrate du Michigan Debbie Stabenow travaillent de concert pour empêcher le Sénat aux mains des Républicains de couper le HHF, après une tentative avortée en octobre 2015, dans l’optique de continuer à financer les projets de démolition. Dan Gilbert, milliardaire travaillant jusque peu dans les suburbs et désormais principal investisseur à Detroit, aurait aussi personnellement passé plus d’une centaine d’appels, d’e-mails et de messages pour impulser le changement en faveur d’une nouvelle allocation fédérale. Jamie Dimon, directeur de la banque JPMorgan Chase, a contacté Paul Ryan, alors Président de la Chambre des Représentants (House Speaker), et Mitch McConnell, leader de la majorité républicaine au Sénat, et les a convaincus de ne pas s’opposer au plan. D’autres représentants locaux ont également œuvré en faveur de cette loi : le second Sénateur démocrate du Michigan, Gary Peters, et les députés démocrates John Conyers et Brenda Lawrence de Southfield ainsi que la Sénatrice républicaine Candice Miller d’Harrison Township ont eux aussi porté eux le projet de Mike Duggan devant les chambres fédérales (Spangler, 2015). Si la finalité de ce partenariat réside dans le développement de la capacité de la municipalité et de ses partenaires à pouvoir démolir à grande échelle pour retendre les valeurs immobilières de certains quartiers en déclin, celui-ci prend la forme d’une véritable « coalition de subventionnement » (Bernt, 2009) regroupant des acteurs de nature différente unis sous la bannière de la captation de fonds publics.
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À l’aide de cette coalition formée à partir des besoins de Detroit, le Congrès décide de rallonger de deux milliards de dollars le HHF à la fin de l’année 2015. À ce titre, Detroit est crédité de 130 millions de dollars supplémentaires accordés en deux tranches en avril et juin 2016, ce qui en fait la ville la mieux dotée du pays24. Au total, celle-ci aura obtenu quelques 260 millions de dollars pour la démolition de logements délabrés depuis 2013 (voir fig. 3 et 4). Grâce à cette mobilisation des fonds fédéraux, Detroit a détruit plus de 9 000 structures en deux années, soit un rythme de 90 maisons par semaine. Sous l’administration précédente, la ville avait démoli 5 400 maisons en quatre années à l’aide des fonds limités du NSP et d’autres financements ponctuels, soit 26 maisons par semaine (Ferretti, 2015). Ces chiffres font de Detroit le représentant d’un programme de démolition (blight removal) sans précédent et s’érige en tant que nouveau modèle d’intervention publique dans les centres urbains délabrés de la Rust Belt. Même si le seuil de 40 000 démolitions effectuées durant le mandat de Duggan ne sera sans doute pas atteint, Detroit reste, à ce jour, la ville américaine ayant reçu la plus grande quantité de fonds fédéraux pour la démolition du « blight » et pilotant le programme le plus ambitieux en la matière. Ce pilotage s’effectue à l’aide de la banque foncière de la ville, laquelle administre la totalité de la politique de démolition : elle perçoit les fonds fédéraux, acquiert les parcelles à traiter, les dépollue, les démolit et les prépare à un redéveloppement futur. La banque foncière garde le titre de propriété jusqu’à l’arrivée d’un investisseur à qui elle peut vendre à un prix inférieur au marché. Cette ultime étape n’a toujours pas connu de traitement stratégique de la part du gouvernement municipal : aucun document d’urbanisme contraignant n’a été adopté ni aucun investisseur potentiel n’a été identifié pour orienter le devenir de ces terrains25. Pour le moment, la ville se constitue une réserve foncière de grande ampleur – elle détient quelques 100 000 parcelles à démolir ou déjà libérées de toute structure – qu’elle pourra utiliser pour alimenter une possible future « coalition de croissance » dans la ville.
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Detroit, nouveau partenaire du gouvernement fédéral
Remobilisés par le programme de démolition et ses succès en matière d’octroi de subventions publiques, la ville de Detroit et ses partenaires privés décident en 2016 de candidater au programme phare de l’administration Obama en matière d’intervention urbaine, le Choice Neighborhood Program. Après avoir été mis au ban, la Motor City apparaît désormais comme le « bon élève » des villes en reconversion industrielle.
Ce changement d’image dû à la nouvelle notoriété de Detroit à l’égard d’une politique de démolition largement publicisée et valorisée dans tout le pays permet désormais à la ville de mobiliser de nouveau l’État fédéral comme ressource pour son développement urbain et économique. Le Choice Neighborhoood Program lancé par Obama en 2010 avait permis de lancer des projets pilotes dans une dizaine de villes (Wilson, 2010). Detroit n’avait alors pas candidaté, du fait d’un bailleur social toujours en délicatesse et sous tutelle fédérale et d’une coalition encore balbutiante. En janvier 2016, forte de son expérience du « blight removal », la ville de Detroit monte une candidature pour obtenir une subvention de 30 millions de dollars de HUD dans le cadre du Choice Neighborhood Program. Ce projet vise à redévelopper 10 hectares à quelques encablures seulement du centre-ville.
Pour cela, la ville s’appuie sur des projets immobiliers portés par des investisseurs privés locaux déjà lancés sur ce terrain, tels que les 337 logements prévus par Bedrock – la filiale immobilière de Dan Gilbert – ou les 200 logements du promoteur Sachse fléchés à destination des classes moyennes. Signe de l’émergence d’une nouvelle coalition locale en faveur du renouvellement urbain du cœur de la ville, la municipalité sélectionne l’équipe composée du promoteur Bedrock et d’Enterprise Community Partners chargée de rédiger le dossier de candidature de la ville et du bailleur que recevra HUD. James Arthur Jemison, chargé de la revitalisation et de la politique du logement de la ville, justifie ainsi ce choix : « c’est la seule équipe qui rassemble une entreprise nationale de développement de logements abordables et deux promoteurs africains-américains, un basé à Detroit et tous les deux ayant de l’expérience dans la production de logements à destination des classes populaires » (Gallagher, 2016).
En contrepartie, la ville, ayant déjà démoli le grand ensemble des Brewster-Douglass Homes en 2015, promet la reconstruction sur site de 224 logements sociaux (voir fig. 5). Ce partenariat n’aurait pu voir le jour sans l’expérience accumulée au sein de la politique de démolition, laquelle a permis d’établir de nouveaux liens de confiance entre la municipalité et les principaux acteurs privés de la région. Si cette candidature a sa logique propre en matière de production de logements et d’augmentation des valeurs immobilières d’un espace à proximité du centre-ville, elle est aussi un moyen de fédérer la municipalité et son bailleur avec des investisseurs privés issus des suburbs ou d’autres États du pays coopérant ensemble pour réaliser un projet urbain de grande ampleur (Pinson, 2009). La publication d’un document de présentation de la candidature et du rôle de chacun des partenaires du projet à l’été 2016 officialise les nouvelles relations établies entre la ville et certains investisseurs immobiliers (City of Detroit, 2016). Ce partenariat public-privé de grande envergure devrait ainsi peser quelques 267 millions de dollars. La candidature sera envoyée au ministère au plus tard le 28 juin 2016. En cas d’accord, elle représenterait le projet de rénovation urbaine le plus important à Detroit depuis la période de construction des logements sociaux des années 1940 et 1950 et égalerait la subvention la plus élevée obtenue par une ville dans le cadre de ce programme, statut jusqu’alors détenu par Pittsburgh. La fondation Kresge a financé à hauteur de 500 000 dollars les études pré-opérationnelles menées par la Detroit Housing Commission afin de s’assurer de la capacité de la ville et des investisseurs privés à répondre aux critères de sélection qu’impose le Choice Neighborhood Program. Si les critères associés à une « coalition de croissance » demandent un recul plus important que cette analyse ne peut fournir à ce jour, il semble que la coopération public-privé née de la captation de fonds publics en faveur de la politique du « blight removal » a produit ses premiers effets en constituant une candidature pour le programme Choice dans laquelle se retrouvent des partenaires déjà présents dans la lutte « anti-blight »26. Cette nouvelle étape permet de surmonter le caractère instable et souvent temporaire des « coalitions de subventionnement » que décrit Matthias Bernt (2009) : à l’instar d’autres shrinking cities, ce projet de régénération urbaine devient une véritable tentative de structuration de l’action collective locale (Dormois, 2008).
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Le fait que la ville soit désormais capable de monter une équipe composée de partenaires publics et privés fédérés derrière l’objectif de revitalisation du centre-ville témoigne du changement de perspective et de la capacité à mobiliser les forces économiques et politiques locales en faveur du renouveau de Detroit. À chaque fois, les fonds publics ont été des leviers indispensables pour fédérer ces acteurs dont la coopération n’allait pas de soi au regard de l’héritage historique. À ce titre, la politique massive de démolition menée par la municipalité ne se résume pas à une simple reprise de contact avec le gouvernement fédéral. Elle permet aussi, par la mobilisation d’acteurs extérieurs à la ville, d’apporter des éléments de réponse à la rupture ville/suburbs qui a longtemps fragilisé la métropole de Detroit. La démolition puis la revitalisation d’un quartier du centre-ville ont été utilisées par Mike Duggan et ses services pour permettre l’alignement des intérêts de la ville centre avec ceux des capitaux privés localisés majoritairement dans les banlieues résidentielles. L’émergence future d’une véritable « coalition de croissance » reste toutefois tributaire de la reconversion de ces nouveaux espaces libérés : l’objectif de croissance économique cohabite aujourd’hui avec d’autres utilisations moins rentables de ces terrains, notamment dans les quartiers les plus touchés par le déclin (Briche, 2016).
Ces débats et ces interrogations tirés de l’exemple de Detroit sont loin d’être isolés dans le paysage des shrinking cities. La démolition comme levier de croissance urbaine a été expérimentée à Cleveland ou en Allemagne de l’Est avec un résultat tout aussi paradoxal : comment susciter une dynamique de croissance et stabiliser une coalition d’acteurs en démolissant une ville tout entière (Bernt, 2009 ; Rosenman et Walker, 2016) ? Le regard porté sur la démolition révèle la dépendance des shrinking cities aux fonds publics et pose alors avec acuité la question du rôle du gouvernement fédéral dans la gestion des centres urbains en déclin : doit-il accompagner la croissance ou conserver son rôle contra-cyclique qu’il lui avait conféré durant la période keynésienne ? Or, en intégrant l’impératif néolibéral d’une nécessaire participation des capitaux privés dans les projets éligibles aux subventions publiques, le gouvernement fédéral s’est longtemps détourné des centres urbains. Ce prérequis fait des shrinking cities comme Detroit des proies encore plus vulnérables au déclin urbain : provoquée par la fuite des capitaux, la dynamique de décroissance urbaine dans ces villes ne peut se raccrocher à un soutien massif du gouvernement fédéral désormais tourné vers le soutien aux pôles urbains compétitifs (Brenner, 2004). Le retour de l’investissement privé dans le renouvellement urbain de ce type de ville semble donc dépendant d’une conjoncture locale favorable à la création d’un partenariat public-privé stable. À Pittsburgh, Baltimore ou Cleveland, celui-ci s’est développé autour de puissantes fondations et d’institutions universitaires au rayonnement mondial (Mallach, 2012). À Detroit, il a fallu attendre l’élection d’un maire proche des milieux économiques locaux pour qu’un partenariat émerge autour d’une politique ambitieuse et innovante en matière de démolition des logements. Dans chacune de ces shrinking cities, l’État fédéral n’est intervenu qu’a posteriori, en tant que soutien à des initiatives déjà constituées recherchant des financements publics. En ce sens, les mandats d’Obama n’ont pas bouleversé les relations entre les niveaux de gouvernements en matière d’investissements publics urbains : le « laissez-faire » a dominé la gouvernance de ces espaces en crise. Les villes américaines en décroissance nous apprennent qu’il n’existe pas aujourd’hui à proprement parler de politique démocrate résolument tournée vers la rénovation des centres urbains, lesquels restent avant tout tributaires de la capacité des acteurs politiques locaux à mobiliser des fonds privés dans leur projet de rénovation urbaine. C’est un peu en filigrane ce qu’affirme Barack Obama en visite à Detroit le 20 janvier 2016 : « Il y a encore du travail à faire ici. Mais on peut déjà sentir la différence, on peut déjà sentir que quelque chose de spécial est en train de se passer à Detroit »[28]. Le gouvernement américain semble être spectateur plutôt qu’acteur de ces changements, même s’il prend parfois part à la reconstruction de ces villes après s’être assuré de la mobilisation du secteur privé.
HENRI BRICHE
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Henri Briche est doctorant en science politique à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne au sein du laboratoire Triangle. Il termine actuellement une thèse analysant les politiques de rénovation urbaine et leurs effets en matière de mobilités résidentielles sur les minorités ethniques à Detroit et Saint-Étienne.
henri.briche AT hotmail DOT fr
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Illustration de couverture : Aperçu de structures abandonnées ou « blighted » (Le terme « blight » signifie littéralement « rouille », que l’on peut adapter au contexte urbain par « friche », « taudis », « bidonvilles » ou plus généralement « abandon urbain » en français) dans le centre-ville de Detroit (Briche, 2015)
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- « If there’s one thing that you can take to the bank when talking about Detroit, is that Detroit always comes back » [↩]
- La ville a perdu 134 000 emplois industriels entre 1947 et 1963 (Sugrue, 1996). Cette désindustrialisation s’est poursuivie à un rythme élevé puisque le taux d’emploi diminue encore de 5 % annuellement entre 1972 et 1992 (Boyle, 2004). Le recensement américain rappelle ainsi que 39,3 % des habitants de Detroit vivent sous le seuil de pauvreté en 2014, faisant de Motor City la ville la plus paupérisée des États-Unis parmi les centres urbains de plus de 300 000 habitants [↩]
- Les élections municipales de Detroit sont considérées comme « non-partisanes » depuis 1918 : les candidats ne doivent pas déclarer leur appartenance à un parti politique durant la campagne. On estime cependant que depuis 1962 les personnalités ayant occupé le poste de maire de Detroit étaient idéologiquement proches du Parti Démocrate [↩]
- Par régulation du déclin urbain il faut entendre ici l’ensemble des initiatives adoptées pour freiner le départ des habitants et limiter la dynamique de décroissance plutôt qu’une politique ambitieuse de retour à la croissance urbaine et démographique [↩]
- Le rôle de l’État du Michigan en matière de politiques urbaines reste limité : il ne fait qu’allouer des fonds fédéraux et répercuter les décisions de Washington sur les villes et comtés de son territoire. Seule la nomination décidée unilatéralement par l’État du Michigan d’un « administrateur judiciaire » pour réguler la faillite de Detroit a pu avoir des effets propres sur la conduite des affaires urbaines à Detroit [↩]
- Lors des élections présidentielles de 2012, le ticket Obama/Biden a remporté 97,6 % des votes à Detroit (Wayne County Clerk, 2012) ! [↩]
- À égalité avec la ville de Milwaukee [↩]
- Le départ massif des populations blanches et solvables vers les banlieues résidentielles (« white flight ») a été largement encouragé par des politiques fédérales, lesquelles ont financé d’une part la construction d’autoroutes urbaines permettant une desserte rapide entre le downtown et ces nouveaux espaces résidentiels éloignés du centre, et d’autre part l’accession à la propriété par des taux d’emprunt réduits et fléchés uniquement pour la construction de nouvelles maisons à l’extérieur des centres urbains. Matérialisation physique du rêve américain et longtemps réservé à la population blanche, la suburb se distingue de la banlieue française par ses caractéristiques socioéconomiques et raciales ainsi que par la quasi absence de logements sociaux. Cependant, l’homogénéité sociale, raciale et physique des suburbs est aujourd’hui de plus en plus remise en cause par l’accès croissant des ménages Africains-Américains à la première couronne. Pour une histoire de la création de la banlieue américaine et de ses spécificités, voir Jackson (1985) ; sur ses dynamiques contemporaines, voir Kneebone et Berube (2013) [↩]
- Au mois de novembre 2016, Detroit avec l’appui de certaines personnalités politiques de l’agglomération, proposera pour la 27e fois au vote populaire un plan de financement pour la mise en place d’un véritable réseau de transport urbain et suburbain. Les 26 premières tentatives s’étaient soldées par un échec à la suite d’importantes campagnes menées par les suburbs opposés à une telle coopération financière (Freep, 2016) [↩]
- « I love sprawl. I need it. I promote it. Oakland County can’t get enough of it (…) I used to say to my kids, ‘First of all, there’s no reason for you to go to Detroit. We’ve got restaurants out here.’ They don’t even have movie theatres in Detroit—not one. I can’t imagine finding something in Detroit that we don’t have in spades here ». Interview de L. Brooks Patterson dans The New Yorker (Williams, 2014) [↩]
- « I issue a warning to all those pushers, to all rip-off artists, to all muggers: It’s time to leave Detroit; hit Eight Mile Road! » [↩]
- HOPE VI est le programme de rénovation urbaine lancé par le Congrès en 1993 visant à démolir les grands ensembles frappés d’obsolescence et leur substitution par des petits collectifs construits par des promoteurs privés censés œuvrer en faveur d’un retour de la mixité sociale de ces quartiers [↩]
- La DHC reçoit 39.8 millions de dollars en 1994 pour Jeffries, 47.6 millions de dollars en 1995 pour Parkside, et 24.2 millions de dollars en 1996 pour Herman Gardens, plus d’autres subventions mineures (13.8 millions de dollars) pour mener à bien le processus de démolition des logements [↩]
- La DHC inquiétait déjà le gouvernement fédéral avant les déboires du projet HOPE VI puisqu’elle était inscrite sur la liste nationale des « institutions en difficultés » (troubled list) entre 1979 et 1997 (Kaffer, 2013) [↩]
- Entretien avec l’un des chargés du projet HOPE VI de la DHC, novembre 2013 [↩]
- Le HUD avait suspendu la DHC de toute possibilité de demande de fonds supplémentaires entre 1999 et 2000 [↩]
- La plupart des éléments de cette sous-partie ont été recueillis lors d’entretiens conduits avec plusieurs employés de la DHC en 2013. Certains membres de la DHC ayant été soupçonnés de corruption et de malversations financières, l’accès aux archives et à des données plus précises sur le déroulement des évènements n’a pas été rendu possible par l’agence [↩]
- En 1995, la DHC fait part de sa volonté d’indépendance administrative. Le Public Act de 1996 voté par l’État du Michigan met en place les conditions légales de cette autonomie mais le conseil municipal et les syndicats s’y opposent. Après de vifs débats, la DHC devient entièrement autonome en 2002. Au niveau national il n’existe pas de mouvement en faveur d’un séparatisme des bailleurs sociaux de leur municipalité, cette évolution étant tributaire des relations locales établies entre ces deux entités [↩]
- « An incredible byzantine process », selon les termes utilisés par l’un des employés de la DHC. Signe de cette instabilité récurrente, la DHC change de directeur à trois reprises entre 1996 et 1999. À chaque nouveau directeur correspondait une nouvelle orientation des projets HOPE VI [↩]
- Pour un retour sur les facteurs sociopolitiques et raciaux qui ont conduit à un endettement de cette ampleur, voir Reese et al. (2014) ; Farley (2015), ainsi que Peck et Whiteside (2016) sur le rôle de la financiarisation de l’urbain dans la crise qu’a connue Detroit [↩]
- « But more than anything else, five years from now, I expect the population of the city of Detroit to be growing again », interviewé dans le New York Times (Davey, 2013) [↩]
- À ce jour, la maitrise foncière des terrains libérés est assurée par la municipalité via sa banque foncière, la Detroit Land Bank Authority (DLBA) mais aucun plan global de reconversion de ces parcelles n’est prévu. Leur devenir reste, aujourd’hui encore, très incertain et la cible de nombreuses interrogations (Gallagher, 2015) [↩]
- Expression utilisée par la plupart des acteurs locaux, qu’ils soient publics ou privés, journalistes ou politiques. La formule « blight is a cancer » est ainsi mentionnée dès le second paragraphe du dernier rapport commandé par l’équipe municipale pour définir sa stratégie « anti-blight » (voir DBTF, 2014) [↩]
- L’État du Michigan est, parmi les 16 États ayant reçu des fonds du HHF pour la démolition, celui ayant reçu la plus grosse enveloppe, soit 381 millions de dollars. Le Michigan est loin devant l’Ohio, le deuxième État le mieux doté, avec 79 millions de dollars (SIGTARP, 2016:2) [↩]
- On peut toutefois évoquer ici le Detroit Future City Plan, document produit par les fondations locales réfléchissant sur l’avenir de la ville à 50 ans, notamment en matière d’aménagement urbain. Ce plan n’a cependant aucune valeur juridique et ne sert qu’à orienter partiellement les débats sur l’avenir du développement urbain. Sur ce point, voir Briche (2016) [↩]
- En particulier la ville, le bailleur social, Dan Gilbert et sa filiale immobilière Bedrock, la fondation Kresge ou encore l’agence parapublique de développement économique Detroit Economic Growth Corporation (DEGC) [↩]