Les villes nord-américaines / Denver, « capitale mondiale du cannabis » : les effets contrastés du développement local métropolitain post-légalisation

Alexandre Grondeau et Chloé Realini

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En juin 2016, le magazine Fortune qualifiait Denver de « capitale mondiale du cannabis » (Alsever, 2016), quand le New York Times désignait la même année l’État dont elle est la capitale, le Colorado, la « terre promise du pot. » (Feuer, 2016). En 2019, le magazine Challenges enfonçait le clou en titrant : « Denver, la capitale mondiale du cannabis légal » (Fayolle, 2019). Dans le même temps, de nombreux reportages télévisés présentaient régulièrement les « bienfaits » ou « effets positifs » de ce qu’il est convenu d’appeler le nouvel « or vert » pour le développement territorial, en particulier celui pratiqué à Denver, la métropole la plus peuplée du premier État américain à avoir légalisé le cannabis récréatif.

À cette même période, l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis interrogeait les tenants de la nouvelle économie du cannabusiness, tant ses positions sur la légalisation du cannabis avaient fluctué en fonction des moments de la campagne électorale, puis de son élection. Le grand public a ainsi pu entendre Donald Trump assurer ne pas vouloir recevoir de salaires une fois élu et que ceux-ci ainsi économisés devraient être reversés aux associations de prévention et de lutte contre le cannabis, selon Le Cannabiste. En avril 2018, il affirmait pourtant à Fox News qu’il pensait se « résoudre » à la légalisation fédérale.

Si ce paradoxe n’est pas étonnant venant de la part d’un président qui a plus d’une fois défrayé la chronique, il illustre néanmoins une situation schizophrénique d’un pays où le cannabis récréatif est interdit au niveau fédéral (selon le Controlled Substance Actdatant de 1970) mais légalisé depuis 2012 dans un certain nombre d’États ayant organisé des référendums proposant sa libéralisation.

Il faut dire qu’en l’espace de seulement quelques années, les États-Unis sont devenus le « plus grand marché de cannabis au monde » (Weinberger et al., 2019). La légalisation du cannabis aux États-Unis a ainsi engendré l’apparition de toute une filière économique, particulièrement rentable. De la production au conditionnement en passant par la vente, le marché du cannabis se structure ainsi en trois secteurs distincts. La légalisation a permis à cette filière de se professionnaliser grâce à « un afflux constant d’investissements financiers dans les entreprises de cannabis » (Kang, 2018) : de la production, au conditionnement à la vente. En 2016, cet afflux d’investissements s’est traduit au niveau national par un bénéfice de 6,7 milliards de dollars pour l’ensemble de la filière. Deux ans plus tard, ce sont plus de 51 400 emplois qui ont été créés pour la seule année 2018 dans l’industrie du cannabis à l’échelle nationale selon le site Leafly. En 2021, les prévisions de bénéfices calculées par le groupe Arcview dépassent les 20 milliards de dollars.

Dans cette filière du cannabusiness, l’État du Colorado a été un pionnier puisque qu’il est devenu en 2012, le premier État américain à avoir légalisé le cannabis à des fins récréatives, après avoir légalisé le cannabis médical en 2000. Une avance importante qui lui a permis de devenir au niveau national, le « haut lieu de la marijuana à des fins récréatives » (Kang  et al., 2014 ; Kang, 2019). Pour cela, le Colorado a autorisé dès 2014 l’instauration d’un véritable marché du cannabis avec l’ouverture des marijuana retail stores, les dispensaires de cannabis. De ce fait, l’État du Colorado a favorisé l’apparition de nouvelles activités de production, de lieux de vente, la création d’emplois mais également initié l’apparition d’un tourisme en lien avec la consommation de cannabis. Dans ces deux derniers cas, la ville de Denver a particulièrement profité de ces nouvelles activités.

En 2019, sur les 565 magasins de marijuana (marijuana retail stores) recensés au Colorado selon le CDOR – Colorado Deparment of Revenue – et sa sous-branche le MED – Marijuana Enforcement Division – 244 étaient localisés à Denver (recensement des magasins du Colorado par ville). La métropole est ainsi la ville de l’État qui concentre le plus de boutiques fréquentées par les habitants mais également par les touristes. Le tourisme cannabique s’est en effet largement développé dans les États et les villes qui ont légalisé le cannabis, en particulier dans le Colorado et à Denver (Hudak, 2015).

Dans cet article, nous nous proposons d’analyser les effets de la légalisation du cannabis sur le développement local et touristique de la ville. Pour cela, nous avons réalisé une mission de terrain à Denver entre mars 2019 et juin 2019 qui nous a permis d’interroger deux types d’acteurs métropolitains : les résidents et les touristes1 de manière formelle (via le passage de questionnaires) et informelle (via une approche plus spontanée des acteurs et des discussions qui pouvaient en découler). Nous avons également cartographié et analysé la géographie des commerces et dispensaires ayant pour activité la vente légale de cannabis afin de mesurer leur répartition dans la ville et d’identifier un certain nombre de cohérences. Enfin nous avons mesuré les évolutions de notoriété de la ville de Denver avant et après le développement du cannabusiness dans la métropole du Colorado via l’application Google Trends recensant les occurrences sur le moteur de recherche Google. Nous avons également analysé un certain nombre de commentaires d’internautes sur le réseau social Facebook (netnographie). Ces enquêtes et études nous ont permis de mettre en lumière les éléments qui ont fait de Denver une ville pionnière en matière de légalisation et de mieux appréhender les différentes réalités du développement local lié au cannabis.

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Le Colorado et Denver, pionniers de la légalisation du cannabis

Le 6 novembre 2012, un référendum d’initiative populaire actait la modification de la constitution de l’État démocrate du Colorado, avec 55,3 % d’électeurs favorables à l’autorisation de la consommation récréative du cannabis pour les citoyens de plus de 21 ans. Deux ans plus tard, le 1er janvier 2014, les premiers dispensaires possédant une licence permettant de vendre cette substance psychotrope étaient autorisés à fonctionner, faisant de l’État du Colorado un État pionnier en la matière.

Ce changement de position locale quant à la prohibition illustre la mobilisation et l’activisme d’une partie de la population de l’État à la suite d’un premier vote qui s’était déroulé en novembre 2006 ( Obradovic et al., 2013 ; Green 2014 ; Lalam et al.,2017). À cette date, 58,92 % des électeurs avaient refusé l’Initiative 44 modifiant la constitution afin de légaliser le cannabis. 8 ans plus tard, les associations et militants anti-prohibition ont réussi à mobiliser plus de 210 000 $ (soit 176 545,95 €) afin de sensibiliser la population et réunir plus que les 35 000 signatures (l’équivalent de 5 % du nombre de suffrages exprimés lors de la précédente élection du secrétaire général de l’État du Colorado) nécessaires pour soumettre à nouveau à ratification leur amendement.

À l’échelle du Colorado, la première incarnation territoriale de la légalisation du cannabis a été la possibilité de création d’entreprises de vente de produits, appelés dispensaires, sous réserve d’obtenir une licence payante (les frais de licence s’élèvent à plusieurs milliers de dollars à payer à l’État, puis à près de 5 000 $ à payer à la ville de Denver quand l’autorisation du Colorado a été signifiée, auxquels il faut ajouter un capital de démarrage exigé par l’État de plus de 100 000 $ pouvant s’élever jusqu’à 300 000 $ en fonction des activités développées) octroyée par les pouvoirs publics. Il faut noter à ce propos que malgré la légalisation actée au niveau de l’État dans son entièreté, ce sont une minorité de comtés2 du Colorado qui autorisent depuis 2014 le commerce du cannabis (Zobel et Marthaler, 2016). À la suite d’un référendum d’initiative populaire validé au niveau de l’État, les collectivités ayant voté en majorité contre conservent en effet le droit de refuser l’application de la nouvelle réglementation (Obradovic, 2017).

L’observation de la localisation des commerces de vente de cannabis montre que ce sont les centres urbains, en particulier Denver, qui concentrent les entreprises revendeuses de cannabis. De fait, les villes d’Aurora (36 dispensaires), de Boulder (30 dispensaires), de Colorado Springs (116 dispensaires), de Denver (244 dispensaires), de Pueblo (43 dispensaires) et de Trinidad (27 dispensaires) (cf. figure 2  ci-dessous) sont les plus concernées par l’implantation de ces magasins. Plus anecdotique, mais symptomatique de l’importance de l’arrivée d’un nouveau secteur d’activités dans des territoires peu dynamiques, les villes de Pueblo et Trinidad ont pu faire face à leur propre faillite économique annoncée, en raison d’importantes difficultés financières, grâce à l’essor de l’industrie du cannabis et à ses retombées économiques (Alsever, 2016).

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1. Localisation des principales villes où sont situés les dispensaires de cannabis dans le Colorado (réalisation P. Pentsch, AMU, 2021)

2. Dispensaires de cannabis au bord des axes routiers à Denver (Chloé Realini, 2019)

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À l’échelle de l’aire urbaine (metropolitan statistical area) de Denver, qui concentre près de la moitié des dispensaires du Colorado, la localisation des commerces de vente de cannabis se répartit de manière inégale. Elle est plus intense dans le centre-ville et au nord dans les quartiers de Five Points, Union Station, Central Business District (CBD), Lincoln Park, Elyria Swansea, Colfax Avenue, Federal Boulevard ou encore de Baker. Un peu plus au sud, South Broadway Avenue est surnommée la « green mile » en raison de sa concentration de commerces de vente de cannabis (Migoya et Baca, 2016). De manière générale, la localisation des dispensaires vendant du cannabis se fait d’abord en fonction des principaux axes routiers de la ville (South Broadway Avenue est l’un des principaux axes de transport métropolitain, à l’instar de Colfax Avenue, Santa Fe drive…), la place de la voiture dans la société de consommation états-unienne restant une caractéristique importante des pratiques commerciales et quotidiennes locales. À Denver, bien que les transports en commun soient développés (bus et rail light), la voiture reste majoritairement utilisée par les habitants et la ville, dans sa période récente (20e siècle), a été aménagée en fonction de l’automobile (présence de nombreuses voies rapides et axes de circulations à plusieurs voies).

3. Répartition des dispensaires de cannabis dans les quartiers de Denver (Chloé Realini, avec P. Pentsch, AMU, 2021)

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Si l’on observe la localisation des points des dispensaires en fonction de critères sociodémographiques et économiques, on note que les commerces de vente légale de cannabis se concentrent principalement dans les quartiers pauvres.

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4. Localisation des dispensaires et niveau de revenu par quartier (Chloé Realini, 2021)

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Cette cartographie nous montre que les dispensaires sont localisés principalement dans la moitié la plus pauvre des quartiers de la ville, un espace pouvant toutefois inclure des quartiers de classe moyenne inférieure. Cette localisation privilégiée s’explique par les opportunités foncières qui y sont plus importantes, la densité urbaine qui y est plus faible, et la situation à l’écart des zones résidentielles métropolitaines. Autre argument déterminant : le décret réglementaire « Zoning and industry laws marijuana dispensaries » encadre les implantations de commerces de vente légale de cannabis en les tenant à l’écart des écoles et des jardins d’enfants.

La localisation ainsi constatée permet aux dispensaires de bénéficier d’un montant de loyers meilleur marché que dans les zones métropolitaines les plus commerciales et d’un degré d’acceptabilité de l’installation de ces commerces plus favorable dans des quartiers où les activités économiques restent rares. Zobel et Marthaler (2016) confirment ces principes de localisation des magasins de vente de cannabis en expliquant que les propriétaires de dispensaires s’installent en priorité dans « certains quartiers où ils sont plus facilement acceptés et où les loyers sont moins élevés. Ces quartiers sont aussi ceux où vivent les populations les plus défavorisées ».

Les impacts de ces nouvelles implantations restent toutefois contrastés. Si la création d’emplois et le flux de clients permet de revaloriser manifestement ces quartiers, la concentration de commerces peut néanmoins s’avérer problématique quand elle participe ou initie l’inflation immobilière (Obradovic et Gandihon, 2018) et peut générer une certaine forme de gentrification (nous y reviendrons ensuite).

À Denver, la localisation des commerces de vente de cannabis apparaît donc organisée en fonction d’indicateurs classiques de localisation commerciale. Elle se fait en priorité le long des principaux axes routiers, dans des arrondissements à opportunités foncières et des zones plutôt non-résidentielles. Une exception demeure toutefois dans le quartier créatif et festif de Five Points (cf. figure 4) où l’on constate la présence de 8 dispensaires (bien plus que dans d’autres quartiers).

C’est dans ce contexte urbain que le cannabusiness local s’est développé depuis 2012 en accompagnant la croissance positive du PIB du Colorado, et celle de la ville de Denver qui depuis le milieu des années 2000 a misé sur les activités de service et les industries de pointe, notamment les laboratoires de recherche médicale, avec la création d’un technopôle spécialisé dans le domaine.

En 2018, le cannabusiness représentait ainsi, dans la fourchette haute de l’estimation officielle, 150 000 emplois dans l’État dont une majorité se situait à Denver, et réalisait plus 1,5 milliards de dollars de chiffres d’affaires (Marijuana fact Book, 2018) répartis dans les différents secteurs d’activités (dispensaires, cultivateurs, laboratoires, services…), mais dans une minorité de comtés (seuls 25 comtés sur 64 acceptent l’implantation de dispensaires). En 2017, l’ensemble des taxes liées à l’industrie du cannabis récoltées dans le Colorado représentait 247 millions de dollars (pour rappel, elles atteignaient près de 60 millions de dollars en 2014). Un rapport3 mentionnait ainsi que, en 2017, il existait plus de dispensaires de cannabis dans le Colorado (491) que de McDonalds (208) ou de Starbucks (392). La légalisation du cannabis a ainsi clairement contribué à la croissance de l’emploi local (Kang, O’Leary et Miller, 2016 ; Lalam Weinberger, Alimi, Obradovic, Gandilhon, 2017 ; Felix et Chapman, 2018 ; Obradovic et Gandilhon, 2018) même si elle ne constitue pas l’unique, ni la principale, source de développement économique local. L’État du Colorado et sa capitale Denver, jouissent donc d’une économie diversifiée avec un PIB de 292,512 milliards de dollars en 2016. À titre d’exemple, le secteur manufacturier, l’exploitation minière, l’agriculture (qui a rapporté 2,4 milliards de dollars en 2019 à l’État) et le tourisme font partie des industries qui rapportent le plus à l’État.

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L’émergence du tourisme cannabique local post légalisation

À partir de ces éléments de cadrage, nous souhaitons à présent nous intéresser à deux dimensions de la croissance économique du cannabusiness à Denver. La première, que nous allons traiter à présent, concerne le tourisme cannabique qui s’est développé dans la capitale du Colorado à partir de 2014 et qui a été présenté comme un secteur à fort potentiel de développement. La seconde, que nous aborderons dans la troisième partie, concerne les liens existants entre développement local, pratiques et représentations de la population métropolitaine. Il s’agira pour nous d’appréhender, et de déconstruire, un certain nombre de phénomènes liés, ou prétendument liés, à la légalisation : fin du marché noir, gentrification, augmentation de l’insécurité et du nombre de sans domicile fixe.

À la suite de la légalisation du cannabis récréatif dans le Colorado en 2012, premier État américain à la réaliser, la métropole de Denver est devenue pionnière en matière de tourisme cannabique (Kang  et al., 2014 ; Hudak, 2015 ; Kang, 2019). Le tourisme cannabique, s’il est pratiqué de manière plus ou moins légale depuis plusieurs décennies notamment en Inde et au Maroc, a été conceptualisé récemment dans les sciences sociales (Peretti-Watel et Lorente, 2004 ; Uriely et Belhassen, 2005 ; Kang, 2018). Il désigne les activités ludiques et de divertissement proposées légalement autour de la production et de la consommation de cannabis, et ce malgré la mauvaise image que peut avoir conservé une activité longtemps considérée comme illégale (Chouvy, 2019). Pour schématiser, on peut en identifier quatre sources de motivation : l’expérience, le plaisir, l’authenticité et l’achat (Belhassen et al., 2007). À Denver, en nous fondant sur les activités cannabiques récréatives proposées aux consommateurs par les dispensaires, nous avons recensé sept types d’activités différentes liées à la production et/ou la consommation de cannabis (que nous avons présentées dans le tableau 5, de haut en bas, en fonction de la régularité et de l’intensité des activités proposées).

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5. Tableau récapitulatif des activités liées au cannabis à Denver (réalisée par Chloé Realini, 2021)

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Pour évaluer les pratiques touristiques locales et leurs liens avec le cannabis, nous avons mené une enquête auprès de 200 touristes4 visitant Denver. Sur notre échantillon, seulement 9 % ont répondu être venus dans la capitale du Colorado avec pour principal motif la consommation de cannabis. Ils sont en revanche 19 % à avoir réalisé une des sept activités en lien avec le tourisme cannabique local. Le tour group et le cooking sont les deux activités les plus prisées par les touristes interrogés. Ils sont également 50 % à déclarer s’être rendus dans un point de vente légal de cannabis pendant leur séjour et 54 % à répondre être intéressés par cette forme de tourisme à l’issue de leur séjour. Ces derniers pourcentages tendent à prouver que les dispensaires, en particulier ceux à vocation récréative plutôt que médicaux, sont devenus des emblèmes de la notoriété récente de Denver, liée à la légalisation de 2012 et l’ouverture des commerces en lien avec le cannabis en 2014. Ils sont d’ailleurs les lieux d’organisation de la plupart des activités liées au tourisme cannabique.

De ce point de vue, il semble bien que le tourisme cannabique se soit développé à Denver à partir de la légalisation effective (ouverture des premiers dispensaires), et mondialement relayée par les journaux TV, radio, Internet, même si son développement s’est tassé rapidement à l’instar de la couverture médiatique dont la ville a bénéficié depuis la légalisation. Pour évaluer cette notoriété digitale de la capitale du Colorado liée au cannabis, nous avons utilisé l’application Google Trends qui nous a permis d’évaluer la distribution de recherches Internet effectuées pour l’association des termes « cannabis » et « Denver » entre décembre 2012 et mars 2019. Le graphique ci-dessous montre une augmentation manifeste de ces occurrences recherchées entre 2012 et 2015 puis, à partir de 2016, un certain déclin dans les recherches concernant le cannabis à Denver. On observe également quelques pics de consultation en avril 2013, 2014, 2015 (expliqué par le fait que le mois d’avril est réputé dans la ville avec l’organisation du « Mile High 420 Festival », un événement festif dédié au cannabis). On observe enfin un pic dans les recherches en janvier 2014, date à laquelle les dispensaires de cannabis ont ouvert leurs portes dans la ville. À partir de février 2016, on voit clairement une stagnation voire un déclin dans les recherches concernant le cannabis à Denver avec deux légers pics en avril 2017 et avril 2019.

6. Résultats Google Trends pour les recherches « cannabis Denver » depuis 2012 (réalisée par Chloé Realini, 2020)

Autre indicateur du tassement du tourisme cannabique à Denver à partir de 2016, le classement des lieux touristiques liés au cannabis produit par Kush Tourism5 indique que le Colorado se situe désormais loin derrière la Californie, le Nevada, le Maine, l’Ohio ou encore l’Arizona en matière d’attractivité touristique cannabique. L’État pionnier a perdu progressivement son intérêt pour les amateurs de tourisme cannabique dans la mesure où, toujours selon le site d’information Kush Tourism, « avec autant de nouveaux États légalisant le cannabis à des fins récréatives en 2016, moins de personnes cherchent à se rendre dans cet État pour leurs besoins légaux en marijuana. L’État tente de contourner ce problème en instituant un programme pilote qui permettra la consommation publique dans des endroits approuvés, mais leurs efforts ne sont pas assez forts pour maintenir l’intérêt touristique antérieur ».

Après avoir été précurseur dans la mise en place d’une offre touristique liée au cannabis, Denver a vu son rayonnement touristique, en lien avec le cannabis, diminuer. Il semble ainsi que le développement de cette activité novatrice ait été quelque peu éphémère et ne constitue pas, au-delà de la période 2014-2016, autre chose qu’une activité économique de complément à l’activité touristique globale locale, par ailleurs en continuelle augmentation depuis 2005 (de l’ordre de 48 % selon la municipalité). Comme l’explique Li (2012), si lieu et pratique touristique sont intimement liés, dans l’État du Colorado, le tourisme est principalement lié à la montagne (grâce à ses stations de ski à la renommée mondiale comme Aspen par exemple), et non au cannabis.

Par ailleurs, il est important de préciser que la promotion touristique officielle de Denver cherche plutôt à effacer le cannabis plutôt qu’à le promouvoir. Généralement, la mise en place d’un nouveau secteur touristique nécessite « d’identifier une pratique nouvelle, puis à rechercher les lieux qui ont permis la production de cette pratique ainsi que les lieux qui ont à leur tour adopté/importé/adapté la pratique en question » (Equipe MIT, 2005). Dans le Colorado, les activités liées au cannabis sont très réglementées et à la différence du modèle hollandais et de ses coffee shops, les personnes qui achètent leur produit dans un dispensaire de cannabis ne peuvent consommer le produit sur place. La consommation dans un lieu public est également interdite, elle ne peut se faire que dans un lieu privé. À cela s’ajoute une réglementation sur la quantité accordée aux touristes qui souhaiteraient se procurer du cannabis dans les dispensaires (de l’ordre de 7 grammes maximum). En fixant ce seuil, l’État souhaite contrôler le tourisme cannabique et non pas le promouvoir.

Développement local et perception des résidents

Nous avons vu que le canabusiness a des effets en  termes de développement économique local (créations d’emplois, chiffres d’affaires, taxes récoltées). Ils s’inscrivent dans un contexte socioéconomique métropolitain favorable depuis une vingtaine d’années. Malgré cela, un certain nombre de débats et de polémiques relatifs à la fin de la prohibition du cannabis récréatif ont été prolongés après le référendum d’initiative populaire : les effets contrastés de la légalisation, la fin annoncée du marché noir ou encore l’explosion de l’insécurité et du nombre de sans domicile fixe. Pour appréhender ces phénomènes, en plus d’associer la littérature grise et scientifique aux statistiques officielles, nous avons mené une enquête auprès de 200 résidents (choisis de manière aléatoire6.) ainsi qu’une étude des débats ayant eu lieu sous des publications sponsorisées par les opposants à la légalisation du cannabis.

Le premier résultat notable de notre enquête est que six ans après la fin de la prohibition du cannabis récréatif, le nombre d’enquêtés favorables à la légalisation a augmenté (passant de 75 % à 79 % entre l’opinion qu’ils ont déclaré avoir en 2012 et celle qu’ils avaient lors de la période de l’enquête, 2019) ce qui semble indiquer une relative satisfaction quant aux effets de la nouvelle politique locale où les habitants semblent avoir une perception plutôt positive de la légalisation (Kang et Lee, 2018). Autre résultat remarquable, la majorité des résidents interrogés utilisent les dispensaires à vocation récréative (56 %) plutôt que médicale (7 %) (le reste des résidents consommateurs interrogés se rendant dans des dispensaires à vocation récréative et médicale). Ce résultat était également attendu, dans la mesure où après la première phase de la légalisation médicale à Denver (pendant laquelle il fallait posséder une ordonnance pour acheter du cannabis), le nombre de dispensaires à vocation médicale a stagné quand celui des dispensaires à vocation récréative a nettement augmenté.

Plus original, la fin du marché noir, entendu comme un marché illicite sortant des circuits légaux et participant d’une économie que l’on qualifie de souterraine ou de parallèle (Bergeron et Colson, 2015), était attendue par les autorités locales qui voyaient dans la légalisation un moyen de « couper l’herbe sous le pied des revendeurs et des trafiquants » et des « circuits mafieux » (Hautefeuille et Wieviorka, 2014 ; Stewart, 2018). À l’instar de Smith (2017), nous émettions plutôt l’hypothèse de la continuité d’un marché noir en parallèle de la création d’un marché légal de la consommation de cannabis. Les résultats de notre enquête indiquent que 36 % des interrogés continuent d’emprunter des voies illégales (10 % dans la rue, 26 % chez des amis)7 Ces chiffres à Denver rejoignent les chiffres du Colorado qui  indiquent que 41 % des consommateurs de cannabis de l’État utilisent encore le marché noir (Smith, 2017). Les principales raisons avancées lors de nos entretiens sont le niveau de taxation du produit, augmentant considérablement le coût du cannabis vendu par voie légale, et la limite d’âge, où seules les personnes de plus de 21 ans ont le droit de se rendre dans un dispensaire. Au regard de ces deux explications principales, il parait difficile que le marché noir ne survive pas à la légalisation du cannabis, ce qui a surpris de nombreux habitants, au premier rang desquels le procureur général du Colorado, Mike Coffman (Alsever, 2016).

Le dernier débat sur lequel nous souhaitons revenir concerne les représentations liées à la légalisation du cannabis, en particulier en ce qui concerne la dichotomie entre des effets supposés économiquement positifs, mais socialement négatifs8. À partir des verbatim récoltés lors de nos enquêtes, nous avons identifié différents thèmes qui ressortent de ces entretiens : Denver est une ville en pleine croissance, la légalisation a été un vecteur d’accroissement démographique, ce dernier engendrant une certaine gentrification tout comme la venue de sans-abris et la montée de l’insécurité dans la ville.

En matière de gentrification, la localisation d’une majorité de dispensaires dans des quartiers pauvres et souvent marginalisés a effectivement transformé ces lieux avec de nouveaux bâtiments et logements qui souvent ne correspondent pas aux moyens ni aux attentes de la population locale : « Denver n’était pas comme ça avant, il y a dix ans. Il n’y avait pas toutes ces constructions. Cela montre sa nouvelle puissance et sa croissance. Tout a augmenté ici (le coût de la vie, le coût du logement…) mais pas les revenus des ménages. C’est comme un paradoxe9 » (enquêté R042). La construction de nouveaux programmes immobiliers semble avoir accentué les différentiels socioéconomiques de la population : « Depuis la légalisation, Denver a gagné beaucoup d’argent avec cette nouvelle industrie. Cela a eu pour conséquence une augmentation du niveau de vie, entraînant une gentrification de la ville10 » (enquêté R076). Ce rapport entre transformation sociologique et légalisation doit être cependant grandement nuancé par le contexte économique local très favorable. La fin de la prohibition du cannabis s’intègre en effet à une phase de croissance économique métropolitaine favorable. Ainsi si l’on regarde l’évolution du prix moyen du m2 à Denver il est passé de 3 500 $ en avril 2016 à 4 500 $ en mars 2020. Un habitant résume ainsi cette idée : « Vous savez, selon moi, le Colorado connaît un véritable boom économique. Il y a différents secteurs qui rapportent beaucoup ici, en plus de la marijuana (minerais…). Cela explique son attractivité qui fait que beaucoup de personnes viennent ici pour chercher un emploi par exemple. Il faut également savoir qu’il y a eu une augmentation du niveau de vie ici grâce à ces changements économiques.11 » (enquêté R076). La légalisation du cannabis semble donc plutôt accompagner les transformations sociologiques de Denver plutôt qu’elle les initierait. Il est difficile à ce titre de parler véritablement de gentrification engendrée par la légalisation du cannabis. Ainsi, « l’impact de la légalisation du cannabis sur la hausse des valeurs immobilières est difficile à quantifier » (Eaton, 2017). Cela n’empêche pas un certain nombre d’habitants de faire de la légalisation du cannabis la responsable de tous les maux locaux.

Autre critique forte supposément liée à la légalisation et avancée lors de notre enquête, l’explosion du nombre de sans domicile fixe et de l’insécurité, qui sont revenus de manière très régulière dans nos entretiens : « Vous pouvez voir beaucoup de sans-abris ici, ils n’étaient pas là avant. Beaucoup d’entre eux sont venus après la légalisation, parce que c’était une nouveauté, et la consommation de marijuana n’était plus un crime12 » (enquêté R046) ; « Je suis originaire du Colorado et je n’ai pas vu autant de sans-abris depuis la légalisation… Je le jure ! Ils viennent ici pour la drogue, pour la marijuana13 » (enquêté R060). Depuis la légalisation, on voit de plus en plus de SDF. Il y en a à la gare, à la colline du Capitole, à la bibliothèque publique, etc. Il y en a partout dans Denver. Ils viennent pour la drogue parce qu’ils n’étaient pas là avant 2014, en tout cas ils étaient beaucoup moins.14 » (enquêté R191). On retrouve ces critiques ciblées dans les commentaires d’un certain nombre de publications Internet sponsorisées sur le réseau social Facebook par les opposants à la légalisation15. Là encore quand on regarde les chiffres officiels, le nombre de sans domicile fixe à Denver a tendance à baisser sensiblement depuis 2012 (cf. figure 7). En aucun cas, les statistiques officielles n’expriment l’augmentation évoquée lors de nos entretiens ou dans les commentaires issus des réseaux sociaux que nous avons analysés.

7. Nombre de sans domicile fixe, dans la ville et les comtés de Denver (Chloé Realini, 2021, d’après Métro Denver Homeless Initiative)

En matière d’insécurité, enfin, l’association de la légalisation du cannabis avec une  hausse des délits et des crimes dans la métropole est également récurrente dans les entretiens que nous avons menés. Les chiffres officiels montrent pourtant que si le nombre de crimes a sensiblement augmenté entre 2012 et 2017 (passant de 27 000 à 31 000), en particulier les crimes violents, ceux en lien avec le cannabis ont plutôt tendance à baisser. La police de Denver estime ainsi qu’ils sont passés de 234 en 2013 à 183 en 2017.

Conclusion

Dans cet article, nous avons analysé les impacts de la légalisation du cannabis sur la ville de Denver en essayant d’aller au-delà du mirage de « l’or vert » présenté dans de nombreux articles de presse ou reportages télévisés. Nous avons ainsi nuancé le potentiel de croissance et de développement lié au tourisme cannabique local en montrant sa stagnation, voire son déclin, à la suite de la légalisation du cannabis récréatif dans d’autres États américains. Nous avons également cherché à mettre en perspective et/ou déconstruire un certain nombre d’idées reçues concernant les effets socio-urbains de la légalisation : fin du marché noir, gentrification, augmentation du nombre de sans domicile fixe et de l’insécurité.

Finalement, la légalisation du cannabis récréatif à Denver s’est inscrite dans des dynamiques économiques métropolitaines qui la dépassent largement. Ses effets positifs d’un point de vue économique se sont accompagnés d’un certain nombre de transformations urbaines qui n’ont pas modifié la mauvaise image que le cannabis peut avoir pour une partie importante de la population locale, confirmant en cela l’idée que « les opinions sur la drogue […] sont influencées non seulement par l’observation et l’expérience des consommateurs de drogue, mais aussi par les normes et les croyances socioculturelles » (Laudati, 2019).

La récente pandémie de la Covid-19 et le confinement qui est allé de pair, participeront probablement à l’évolution des perceptions concernant le cannabis. En effet, le Colorado a fait partie des huit États américains ayant permis de continuer la vente de cannabis récréatif, quand le cannabis médical a été intégré aux commerces jugés essentiels lors du  confinement, là où les bars et restaurants fermaient, bien que la situation sanitaire ait eu des incidences en termes de fréquentation touristique. Finalement, au regard des bénéfices, en particulier économiques, engendrés par l’industrie du cannabis à Denver, dans le Colorado et plus largement dans les États américains l’ayant déjà légalisé, la tendance, aux États-Unis, est à « un avenir très vert » de l’industrie du cannabis (Halperin, 2018).

ALEXANDRE GRONDEAU ET CHLOÉ REALINI

 

Alexandre Grondeau est géographe, maître de conférences au laboratoire TELEMME, Aix-Marseille Université – CNRS. Ses thèmes de recherche sont la géographie urbaine, la géographie économique et l’aménagement.

alexandre.grondeau@univ-amu.fr

Chloé Realini est chargé d’études statistiques à l’IMSEE (Institut monégasque de la statistique et des études économiques), chercheuse associée au laboratoire TELEMME. Son domaine de recherche est la géographie économique.

chloe.realini@laposte.net

Couverture : Dispensaire de cannabis à Denver (Chloé Realini, 2019).

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Pour citer cet article : Grondeau A. et Realini C., 2021, « Denver, ‘capitale mondiale du cannabis’ : les effets contrastés du développement local métropolitain post-légalisation », Urbanités, Dossier / Les villes nord-américaines à l’ère de Trump, novembre 2021, en ligne.

  1. Pour chacun de ces acteurs, 200 personnes ont été interrogées de manière aléatoire dans les rues de Denver et dans la gare centrale où l’on demandait aux personnes interrogées si elles habitaient à Denver et, si elles n’y habitaient pas, si elles y étaient pour un motif touristique. []
  2. Comté et municipalité sont les principales subdivisions territoriales de l’État fédéral américain. Un comté contient plusieurs municipalités. Pour plus d’informations : https://www.adcf.org/files/Papier-Katia_Paulin-DossierUSA-in-interco125.pdf []
  3. Rapport The Legalization of Marijuana in Colorado: The Impact, volume 5, 2018, RHMIDTA. Mise à jour pour les années 2019 et 2020 sur le site de l’organisme : https://rmhidta.org/ []
  4. Notre enquête s’est déroulée lors des mois de mars et d’avril 2019. Notre sélection des enquêtés a été aléatoire dans les principales rues de Denver (downtown) et à la gare. Si les personnes interrogées ne venaient pas de Denver (non-résident) on leur demandait alors quelle était la raison de leur venue à Denver. Si c’était pour du tourisme alors ils étaient comptabilisés dans l’échantillon comme étant des touristes en visite dans la ville de Denver. Notre échantillon est composé en majorité de touristes américains (178) même si nous avons réussi à interroger 22 touristes internationaux. Ce sont principalement des touristes relativement jeunes, âgés entre 21 et 29 ans, pour la plupart ayant des revenus relativement élevés et qui sont titulaires dans la majorité des cas de diplômes de l’enseignement supérieur. Le faible nombre de touristes internationaux s’explique d’une part, nous allons le voir, par la banalisation de ce type de tourisme aux États-Unis, mais également par un effet saisonnier, puisque les mois de mars et avril ne sont pas les mois les plus favorables au tourisme international, contrairement à la période estivale. []
  5. Les ordonnateurs de ce classement justifient leur méthodologie ainsi : « en tant que société basée sur le tourisme, nous avons accès aux statistiques de l’industrie et à d’autres informations auxquelles personne n’a accès, ce qui nous permet d’être une source privilégiée d’information sur le tourisme de la marijuana. Nous avons agrégé nos données concernant les endroits où les gens cherchent à voyager avec intérêt, et nous avons classé les zones en fonction de la taille de l’audience et du pourcentage d’augmentation ou de diminution de l’intérêt ». []
  6. Comme pour les touristes la sélection a été aléatoire dans les principales rues de Denver et dans la gare (voir note n°4). Le profil des résidents interrogés présente une majorité d’habitants ayant moins de trente ans, dans la majorité un emploi à temps plein et étant diplômés (entre le bac et la licence pour l’essentiel). Un peu moins de la moitié des résidents interrogés ont voté pour la légalisation, mais une partie de nos enquêtés n’avaient pas l’âge de voter en 2012 tout en y étant favorables. []
  7. Les enquêtés pouvaient donner plusieurs réponses. []
  8. L’analyse des perceptions des résidents est basée sur les propos tenus durant notre enquête. []
  9. « Denver wasn’t like that before, ten years ago. I mean… There were not all these constructions. It shows its new power and growth. Everything has increased here (the cost of life, the cost of the urban housing…) but not the household revenue. This is like a paradox » []
  10. « Since the legalization, Denver has made a lot of money with this new industry. This has resulted in an increase in the standard of living, resulting in gentrification in the city » []
  11. «You know, according to me, Colorado is experiencing a real economic boom. There are different sectors that pay a lot here, in addition to marijuana (ores…). This explains its attractiveness which means that many people come here to look for a job for example. You also need to know that there has been an increase in the standard of living here due to these economic changes» []
  12. «You can see many homeless here, they weren’t here before. A lot of them, came after the legalization, because it was a novelty, and marijuana consumption was not a felony anymore » []
  13. « I am a Colorado native, and I have not seen so many homeless since the legalization… I swear! They come here for the drug, for the marijuana » []
  14. « Since the legalization, we see more and more homeless. There are at the train station, the capitol hill, the public library etc. There are anywhere in Denver. They come for drugs because they weren’t there before 2014, at least they were much less » []
  15. Nous avons ainsi analysé près de 200 commentaires réagissant à deux publications Facebook sponsorisées concernant les référendums Initiative 300, relatif à la mise en place de zones de camping permettant aux sans-abris de camper dans certains quartiers, et Initiative 301, relatif à la dépénalisation de la psilocybine à Denver. Ces deux initiatives ont été votées le 7 mai 2019. La première Initiative n’est pas passée interdisant ainsi le camping des sans-abris en pleine ville, tandis que la seconde a été validée à 50,56 %, dépénalisant l’usage, la vente, la culture de champignons hallucinogènes à Denver. []

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