Urbanités sud-est asiatiques / Portfolio : Vendre et acheter à Banglamphu (Bangkok) : commerce et coprésences entre touristes et habitant·e·s

Brenda Le Bigot

Le portfolio de Brenda Le Bigot au format PDF


Le quartier de Banglamphu est selon Marc Askew (2004) emblématique des évolutions du centre ancien de Bangkok. Le tourisme constitue l’une des forces motrices de ces changements, et c’est dans le cadre d’une enquête sur les backpackers, ces touristes itinérant·e·s très présent·e·s en Asie du Sud Est, que ce quartier a été choisi comme terrain d’observation privilégié. Au nord du palais royal et des principaux temples de la ville, Banglamphu propose une offre d’hébergements à bas coût qui le distingue des autres quartiers touristiques (voir carte). Dans le centre moderne, le quartier de Siam attire notamment pour ses immenses centres commerciaux, et celui de Silom est connu pour son quartier rouge, Patpong. Le quartier de Sukhumvit présente quant à lui une mixité de fonctions résidentielle et commerciale, avec une présence importante d’expatrié·e·s occidentaux·ales vivant en condominium, mais aussi une offre hôtelière de moyenne et haute gamme.

À l’image du quartier sino-indien, et d’autres centres anciens d’Asie du Sud Est (Gibert, 2014), l’urbanisme à Banglamphu est caractérisé par les shophouses, ou « compartiments », ces immeubles étroits composés d’une boutique en rez-de-chaussée et de deux à trois étages d’habitation. En enquêtant sur la présence des backpackers, la vie quotidienne dans le quartier m’a amenée à appréhender les dynamiques commerciales denses et diverses qui l’animent, au-delà de l’enjeu strictement touristique. Ceci fait plus largement écho à une spécificité de la capitale thaïlandaise : sonancrage originel, depuis sa fondation en 1782 sur la rive est du fleuve Chao Phraya, dans d’intenses dynamiques marchandes. « Le commerce est partout dans les rues, que ce soit à la périphérie ou au centre-ville », nous apprend Davisi Boontharm (2005 : 12) qui attribue à cette fonction urbaine la capacité à générer des centralités multiples et dynamiques à l’échelle du Grand Bangkok.

Nathalie Lemarchand souligne que « la structure du commerce accompagne, sinon anticipe, les changements spatiaux et sociaux qui surviennent [en ville] » (2011 : 3). Ce portfolio propose de mettre en perspective le centre ancien de la capitale thaïlandaise avec l’activité commerciale pour apercevoir les formes et évolutions urbaines qui lui sont propres. Ce travail s’appuie sur les approches renouvelées de la géographie du commerce qui envisagent cette activité en lien avec la géographie de la consommation. Le commerce est donc envisagé ici à la fois comme générateur de temporalités et paysages urbains, de lieux de sociabilité entre les différents acteur·trice·s de l’échange marchand, et comme un marqueur d’identification communautaire (ibid.).

Ce portfolio interroge ainsi comment les paysages de l’offre commerciale à Banglamphu permettent de lire la tension entre « deux villes », celle des touristes et celle des habitant·e·s et des commerçant·e·s, et de saisir les processus de leur co-production. En présentant les formes de cette cohabitation, l’article s’inscrit dans la continuité des travaux d’Emmanuelle Peyvel et de Marie Gibert (2018) qui renouvèlent l’approche des quartiers de backpackers en invitant à dépasser la figure spatiale de l’enclave touristique. Cette mise en images de l’activité commerciale à Banglamphu, en allant au-delà du partage simple des rôles entre touristes qui achètent et locaux·ales qui vendent, rend compte d’une pluralité d’acteur·trice·s et de relations sociales qui insufflent les dynamiques urbaines de ce quartier métropolitain. Au fil des photographies sont mises en images les multiples offres commerciales, touristiques et locales, les temporalités quotidiennes qu’elles produisent dans la diversité du tissu urbain de Banglamphu, et enfin les tensions et émergences urbaines qu’elles suscitent.

1. Les quartiers touristiques des centres ancien et moderne de Bangkok (Le Bigot, 2020)

Commerces touristiques, commerces locaux : une offre duale ?

Le quartier de Banglamphu est fréquenté à la fois par des habitant·e·s du centre-ville ou d’autres quartiers de Bangkok, et par des touristes internationaux (Cebeillac et Le Bigot, 2020). La diversité de l’offre commerciale est un des moteurs de cette attractivité, et si deux clientèles semblent s’opposer, les pratiques de ventes et de consommation montrent aussi des perméabilités.

Une centralité mondiale du backpacking1

La rue Khao San est le cœur à partir duquel s’est diffusé dans les années 1980 le commerce destiné aux touristes dans Banglamphu (Howard, 2005). Connue mondialement comme « a backpacker’s haven »2, cette ligne droite de près de 400 mètres présente une profusion d’offres marchandes adressées aux touristesuvenirs et d’équipements de voyage, bars et restaurants, hébergements, salons de massage et de tatouages, agences de voyage, sont autant de commerces qui contribuent, à la fois pour leur concentration et leur spécialisation, à la renommée de la rue comme à l’aversion qu’elle suscite auprès de certain·e·s touristes. Moins marquée par l’orientation nocturne festive qui fait la réputation de la rue Khao San, la rue parallèle Rambuttri, reste également très tournée vers la clientèle internationale. La jeunesse bangkokoise, bien que minoritaire, profite aussi de l’ambiance urbaine créée par cet environnement commercial, notamment le week-end.

2. Rue Khao San, un paysage façonné par les enseignes commerciales touristiques et caractéristiques des quartiers de backpackers : tatouage, guest houses, bars, etc. (Le Bigot, 2014)

3. Diversité, densité et visibilité des services touristiques rue Rambuttri : massages sur le trottoir, agence de voyage, hébergement, etc. (Le Bigot, 2014)

Des clients à portée de main : l’omniprésence des guest houses

Semblable aux rues voisines jusqu’à la fin des années 1980, c’est notamment l’explosion des guest houses dans la rue Khao San au début des années 1990 qui a contribué à l’orientation massive d’une partie du quartier vers le commerce touristique (Howard, 2005). Initialement pensées, comme leur nom l’indique, comme un hébergement chez l’habitant·e, les guest houses désignent désormais des hôtels au coût relativement bas, orientés vers une clientèle jeune. Les petits établissements de moins de 15 chambres n’ont pas l’obligation de se déclarer et sont encore présents dans le quartier, tenus par des familles résidant sur place. L’offre d’hébergement touristique à Banglamphu s’est cependant rapidement diversifiée et co-existent aujourd’hui des maisons familiales proposant quelques chambres spartiates, des hôtels avec piscine, et des auberges de jeunesse aux dortoirs flambants neufs gérées par des propriétaires européen·ne·s. Pour de nombreux backpackers en Asie du Sud Est, l’étape à Bangkok est principalement logistique et peut se répéter au cours du voyage, pour prendre un avion ou faire une demande de visa. Venu·e·s d’Europe, d’Asie orientale ou encore d’Australie3, les backpackers se rendent ensuite vers les îles du sud de la Thaïlande, les montagnes du Nord, ou suivent des itinéraires relativement balisés sur la partie continentale de l’Asie du Sud Est (Cambodge, Laos, Vietnam, Birmanie). Le séjour dans la capitale thaïlandaise se concentre alors souvent dans le quartier de Banglamphu, appelé par les backpackers « Khao San », approprié comme un lieu familier, dans lequel la guest house constitue la centralité quasi domestique autour de laquelle graviter. La propension des backpackers à rester « entre soi » a amené de nombreux auteur·trice·s à parler de ce quartier comme une « enclave » ou un « ghetto » de backpackers (Gogia, 2006 ; Sørensen, 2003). À la suite des travaux d’ Emmanuelle Peyvel et de Marie Gibert sur le quartier de backpackers de Pham Ngu Lao à Hô Chi Minh-Ville (Viêt-nam), je montre que cette offre hôtelière qui organise les sociabilités des touristes ne résume pas les dynamiques du quartier.

4. Sur Soi Chana, la plus ancienne des guest house sud-coréenne du quartier offrant un unique dortoir de 10 lits superposés (Le Bigot, 2015)

5. Carte du quartier peinte par un·e backpacker sur le mur d’une guest house (Le Bigot, 2015)

Un tissu commercial local dense et perméable à l’activité touristique

La forte visibilité des offres touristiques dans le quartier de Banglamphu ne doit pas faire croire à une orientation commerciale unique. Le yan4Banglamphu est historiquement un quartier commerçant (Askew, 2004). Jusqu’aux années 1960, les boutiques vendant de l’or constituaient un des principaux secteurs d’activité. Le quartier, déjà connu comme marché pour des objets manufacturés et des produits frais a attiré de plus en plus de vendeur·se·s, en lien avec l’exode rural et la hausse du secteur informel dans la métropole en général. Aujourd’hui, les rues Kraisi et Thani ou encore l’avenue Chakrapong sont quotidiennement animées par des marchés de vêtements ou de nourriture attirant avant tout la clientèle bangkokoise5. La déambulation entre les stands montre cependant la perméabilité des offres : certain·e·s vendeur·se·s mélangent des articles à destination des habitant·e·s à des souvenirs touristiques. La perméabilité s’observe aussi du point de vue des pratiques de consommation, puisque les touristes sont nombreux·ses à rechercher dans leurs achats une forme d’authenticité, et donc à explorer l’offre locale (nourriture de rue, tissus traditionnels, etc.).

6. Rue Sip Sam Hang, installation matinale d’un stand semi-fixe par un vendeur de linge de maison (Le Bigot, 2015).

7. Avenue Chakrapong, cordonnier et fabricant de clés ambulants installés derrière leurs chariots (Le Bigot, 2015)

8. Rue Kraisi, marché de vêtements, objets et nourriture à destination des Bangkokoi·se·s et explorés par certain·e·s touristes (Le Bigot, 2014)

Aux rythmes du commerce, de l’avenue à la ruelle

L’activité commerciale donne au quartier de Banglamphu ses pulsations quotidiennes. Elle introduit dans l’espace public des pratiques de consommation parfois associées à des pratiques quotidiennes de sociabilité. Elle engendre aussi un travail « souterrain » d’organisation logistique. Ces pratiques logistiques, de vente et de consommation connectent l’ensemble du réseau urbain hiérarchisé du quartier.

Des pratiques commerçantes insérées à tous les niveaux de la trame urbaine

L’observation urbaine dans Banglamphu donne à voir la mixité au sein du quartier entre fonctions résidentielle et commerciale. Les activités commerçantes locale et touristique se mêlent dans le tissu urbain singulier du centre ancien de la capitale thaïlandaise. Bangkok, à sa fondation, s’est structurée autour de son réseau fluvial, composé du Fleuve Chao Phraya, des rivières qui s’y jettent et des klong, canaux creusés au fur et à mesure de l’extension urbaine, et qui donnent à la ville son surnom de « Venise asiatique ». L’intensification du développement urbain dès le 19e siècle a conduit à la percée d’avenues parallèles aux klong, le long desquelles se sont développés services et commerces. Les anciens chemins de rizière, qui partaient des klong rejoignent alors ces avenues et deviennent des ruelles, les soi, à la fonction essentiellement résidentielle (Pichard-Bertaux, 2011). Le commerce s’insère sous différentes formes dans ce tissu urbain. Les avenues et les rues de taille intermédiaire sont bordées de compartiments autorisant généralement l’installation de stands semi-fixes ou de vendeurs ambulants sur le trottoir (Boontharm, 2005). Dans les soi et les trok, ruelles et passages, sont installées quelques guest houses familiales, qui ont parfois entrainé le développement de restaurants, épiceries et de services de blanchisserie proposés aux backpackers par les habitant·e·s.

9. Phra Sumen, avenue structurante à la circulation dense, bordée de boutiques et de restaurants (Le Bigot, 2015)

10. Soi Kai Chae, entrée d’une guest house familiale organisée dans une maison en bois, devant laquelle est installé le propriétaire. En 2019, quatre ans après la prise de vue, il ne reste de la guest house que le nom : la maison a été détruite, remplacée par un immeuble de trois étages, et la famille n’est plus là (Le Bigot, 2015).

11. Au cœur du quartier, la masse obscure du wat (temple) Chana Song Kran, lieu de prière et de résidence des moines, sans éclairage nocturne. Son enceinte est bordée par le soi Rambuttri, occupé par les stands touristiques (Le Bigot, 2014)

Temporalités quotidiennes et sociabilités urbaines commerciales

Entre les temporalités des travailleur·se·s et celles des consommateur·trice·s le commerce impulse dans le quartier de Banglamphu un rythme à la fois intense et banal par sa quotidienneté (Le Bigot, 2019). Le caractère multiforme du commerce à Banglamphu invite à explorer les transformations paysagères qu’ils suscitent au fil de la journée. Qu’ils soient adressés aux touristes ou aux habitant·e·s, les boutiques, les stands, chariots de nourritures, tables et chaises en plastique, ou encore la vente « à la sauvette », sont autant de dispositifs fixes ou mobiles qui s’adaptent aux besoins des consommateur·trice·s au moment de leur passage. L’importance de la restauration de rue, notamment au bord des avenues, tout au long de la journée, ou simplement le soir, donne une place centrale à l’espace public dans les sociabilités quotidiennes.

12. Phra Sumen, restaurant de rue ouvert dès le matin (Le Bigot, 2015)

L’envers du décor

L’observation répétée d’un même lieu à différents moments de la journée permet de repérer les dynamiques d’installation et de désinstallation visibles à travers le quotidien de la vente de rue. Les courts moments de rotation, tôt le matin et en début de soirée, permettent d’apercevoir les travailleur·se·s de l’ombre qui gèrent les stocks, et d’accéder aux lieux logistiques qui constituent l’envers du décor.

13. Stockage des chariots dans le soi Dannoen Klang, ruelle parallèle à la rue Khao San (Le Bigot, 2014)

14. Rue Kraisi, déplacement des stocks de marchandises vers le stand du marché (Le Bigot, 2015)

Tensions et émergences urbaines autour des spatialités commerciales

La cohabitation entre des pratiques commerciales touristiques et locales ne se fait pas sans tensions. L’opportunité économique majeure que présente les touristes implique une concurrence pour certains espace-temps commerciaux. Cette dominante touristique est peu remise en cause, bien que la fête de Song Kran soit une exception. Cette effervescence commerciale semble aussi susciter l’émergence d’offres nouvelles, en marge du quartier.

Le commerce ambulant : concurrence et régulation spatiale

Le commerce ambulant présente l’avantage de créer la situation d’échange au plus près de là où le consommateur se trouve (Monnet, Giglia et Capron, 2007). Très développé à Bangkok, il est organisé par une ordonnance de la Bangkok Metropolitan Authority et les vendeur·se·s de rue sont soumis à un permis délivré par les autorités administratives locales, en accord avec la police locale (Tangworamongkon, 2014). En plus du permis, les vendeur·se·s ambulant·e·s négocient généralement une place sur le trottoir avec une boutique attenante, parfois sur un créneau horaire déterminé. L’opportunité commerciale très forte créée par la présence touristique implique une forte concurrence pour l’espace. L’effervescence commerciale du quartier attire aussi des vendeur·se·s s non-déclaré·e·s. Sans chariot, mobiles dans les rues touristiques, ils·elles affluent rue Khao San en soirée. Ils·elles portent leurs marchandises présentées aux touristes parfois de façon spectaculaire ou ludique à l’image des femmes issues des minorités du Nord de la Thaïlande vendant chapeaux à grelots et petit objets musicaux. Ces vendeur·se·s, au regard de la précarité de leur statut, sont particulièrement ciblé·e·s par le durcissement des contrôles des forces de police depuis le coup d’état militaire de mai 2014.

15. Rue Samsen, pont traversant le klong banglamphu, préparation et vente de fritures sur un dispositif léger (Le Bigot, 2014)

16. Soirée rue Khao San, occupation progressive des trottoirs puis de la chaussée par des vendeurs ambulants. L’évolution de la configuration commerçante au cours de la soirée permet de repérer des rotations entre différents commerçants sur un même espace de vente (Le Bigot, 2014)6

Song Kran, transformation commerciale et réappropriation festive locale

Song Kran, célébrée dans tout le pays durant quatre jours d’avril, s’illustre comme le moment d’une transformation commerciale complète du quartier. Cette « fête de l’eau » s’organise notamment autour de batailles d’eau urbaines. Avec le quartier de Silom, Banglamphu, et plus spécifiquement Khao San Road, est un des deux lieux de célébration officielle de Song Kran à Bangkok, attirant beaucoup de Bangkokoi·se·s. Le paysage commercial change et les rôles entre consommateur·trice et vendeur·se se modifient puisque chaque habitant·e peut s’improviser vendeur·se. L’offre se resserre largement autour de deux produits de base : des pistolets en plastique et de l’eau. Alors que Banglamphu est tourné principalement vers le commerce touristique en temps normal, cet évènement signe une réappropriation locale et festive de ce quartier du centre ancien.

17. Premier jour de Song Kran : les employé·e·s du Golf Bar, très fréquenté habituellement par les backpackers, préparent une pancarte bilingue. Ils portent les chemises à fleurs traditionnellement associée à cette fête (Le Bigot, 2015)

18. Premier jour de Song Kran, la fête de l’eau : bataille d’eau géante rue Khao San (Le Bigot, 2015)

Gentrification en périphérie du quartier ?

La présence de touristes internationaux, combinée au maintien d’un commerce local et à la localisation du quartier près de sites comme l’université Thammasat et les bureaux de l’UNICEF, semblent avoir créé les conditions d’émergence d’une nouvelle offre commerciale à Banglamphu. L’observation des marges ouest du quartier, notamment l’avenue Phra Sumen et Phra Ahtit interroge sur une dynamique de gentrification du quartier. On y repère en effet le triptyque « food – fashion – home » identifié par les études portant sur le commerce et les quartiers marqués par le processus de gentrification (Chabrol, Van Criekingen et Fleury, 2014), à travers le développement d’espaces de consommation se démarquant du reste du quartier. Ces restaurants, cafés, boutiques d’antiquités ou bars à concerts, s’ils attirent quelques touristes occidentaux se sentant « comme à la maison », pour reprendre les termes d’une gérante de café, sont notamment investis par les étudiant·e·s de l’université Thammasat à proximité et les Bangkokois·e·s de la classe moyenne supérieure.

19. Soi Chana, boutique d’objets et de vêtements vintage (Le Bigot, 2014)

Conclusion

Souvent ramenée à sa centralité touristique rue Khao San, Banglamphu ne s’y résume pas. Porter attention aux activités commerciales permet d’entrevoir une diversité de situations d’échange, soulignant les permanences et les évolutions de ce quartier du vieux Bangkok. Les pratiques commerciales touristiques et locales s’entremêlent, insérées dans la diversité du réseau urbain et rythment des temporalités quotidiennes intenses. Concurrence et tensions spatiales marquent cela dit les paysages commerciaux de Banglamphu. Elles génèrent des transformations éphémères, telle que la fête de Song Kran, ou des dynamiques plus durables, à travers l’émergence de nouvelles offres commerciales, laissant entrevoir des évolutions sociales du quartier.

BRENDA LE BIGOT

Brenda Le Bigot est maîtresse de conférences en géographie à l’université de Poitiers, au laboratoire MIGRINTER. Ses recherches portent sur les migrations internationales depuis les pays des Nords. Sa thèse soutenue en 2017 met en perspective les migrations saisonnières de retraités depuis la France vers le Maroc, et les itinérances de longue durée des routards en Asie du Sud-Est. Ses recherches proposent un regard nouveau sur les modes de vie transnationaux, et soulignent, à travers la notion de privilège, les inégalités d’accès à la mobilité au cœur des dynamiques contemporaines de la mondialisation.

Illustration de couverture : Préparation des stands ambulants de desserts et de jus avant l’arrivée des consommateur·trice·s bangkokois·es et touristes internationaux en fin de journée (Le Bigot, 2015)

Bibliographie

Askew M., 2004, Bangkok : Place, Practice and Representation, Abingdon-on-Thames, Routledge, 377 p.

Boontharm D., 2005, Bangkok, Formes du commerce et évolution urbaine, Paris Éditions Recherche/Ipraus, 384 p.

Chabrol M., Van Criekingen M. et Fleury A., 2014, « Commerce et gentrification : le commerce comme marqueur, vecteur ou frein de la gentrification. Regards croisés à Berlin, Bruxelles et Paris », in Gasnier A. et Lemarchand N. (dir.), Le commerce dans tous ses états, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 277-292.

Cebeillac A. et Le Bigot B., 2020, « Couplage entre enquête ethnographique et traces numériques : application aux mobilités quotidiennes d’un quartier de Bangkok » in Meissonnier J., Vincent S., Rabaud M. et Kaufmann V. (dir.), Connaissance des mobilités : hybridation des méthodes, diversification des sources, Bron, Éditions du Cerema, 37-53.

Gibert M., 2014, « Vu / Portfolio : Les ruelles de Hồ Chí Minh, envers métropolitain », Urbanités, en ligne.

Gogia N., 2006, « Unpacking corporeal mobilities: the global voyages of labour and leisure », Environment and Planning A, vol. 38, n°2, 359-375.

Howard R.W., 2005, « Khaosan Road: an evolving backpacker tourist enclave being partially reclaimed by the locals », International Journal of Tourism Research, vol. 7, n°6, 357-374.

Lemarchand N., 2011, « Nouvelles approches, nouveaux sujets en géographie du commerce », Géographie et cultures, n°77, en ligne.

Le Bigot B., 2019, « 24h rue Khao San (Bangkok). Enclave touristique et observation photographique », Mappemonde, n°126, en ligne.

Monnet J., Giglia A. et Capron G., 2007, « Ambulantage et services à la mobilité : les carrefours commerciaux à Mexico », Cybergeo, n°371, en ligne.

Peyvel E. et Gibert M., 2018, « La fabrique du quartier routard de Pham Ngu Lao (Hô Chi Minh-Ville, Viêt-nam). Rapports de pouvoir et inégalités dans la mondialisation touristique », L’Espace géographique, vol. 47, n°2, 121-139.

Pichard-Bertaux L., 2011, « Le tout et son contraire : une lecture de Bangkok », Moussons, vol. 18, 149-160.

Sørensen A., 2003, « Backpacker ethnography », Annals of Tourism Research, vol. 30, n°4, 847-867.

Tangworamongkon C., 2014, « Street Vending in Bangkok : Legal and Policy Frameworks, Livelihood Challenges and Collective Responses », Woman in Informal Employment : Globalizing and Organizing, Cambridge, WIEGO Law and Informality Resources, 41 p.

Pour citer cet article : Le Bigot B., 2020, « Portfolio / Vendre et acheter à Banglamphu (Bangkok) : commerce et coprésences entre touristes et habitant·e·s », Urbanités, Dossier / Urbanités sud-est asiatiques, septembre 2020, en ligne.

  1. Traditionnellement associé au voyage de jeunesse d’occidentaux, le backpacking est aujourd’hui relativement divers en termes de nationalités, d’âge et de budget. On peut lui attribuer, en référence au terme de backpack, signifiant « sac à dos », les critères de l’itinérance, de l’autonomie et de la longue durée du voyage. []
  2. La citation provient du célèbre blog de voyageurs Nomadicmatt.com, (consulté le 30 septembre 2019). []
  3. Les backpackers venant d’Australie sont souvent des Européen·e·s qui ont séjourné un ou deux ans en Australie dans le cadre d’un Visa Vacances-Travail. La démarche très répandue consiste à gagner de l’argent en Australie, pour ensuite voyager plusieurs mois en Asie du Sud Est. []
  4. Le yan est une désignation populaire se rapprochant de ce que l’on nommerait « district ». Elle ne correspond pas à un maillage administratif mais se réfère à une vision ancienne de la ville comme agglomérat de yan, chacun étant caractérisé par une activité (Askew, 2004). []
  5. L’identification de la clientèle visée peut se faire notamment par le repérage de la langue utilisée sur les pancartes de prix et à partir de la spécificité de certains produits (perruques brunes, produits ménagers, etc.). []
  6. Voir la présentation précise du dispositif photographique et l’analyse des temporalités sur 24 h rue Khao San dans un commentaire d’image paru dans Mappemonde (Le Bigot, 2019). []

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