Vu / Keith Haring – The Political Line

Léo Kloeckner

 

Le  Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, avec le Centquatre, consacre une rétrospective de grande envergure à Keith Haring (1958-1990).

Keith Haring, Centquatre, Juillet 2013

Keith Haring, Centquatre (Kloeckner, 2013)

Le parti pris du Musée est très simple, peut-être même un peu simpliste, puisque l’exposition intitulée « The political line » regroupe les œuvres par thèmes politiques, réduisant l’immense œuvre de cet artiste extrêmement prolifique à une collection d’engagements toujours plus humanistes ou toujours plus undergrounds les uns que les autres. Les regroupements ne sont pas toujours judicieux, et le découpage thématique des salles appauvrit le message politique de Keith Haring, en ne proposant qu’une lecture très littérale de ses œuvres, dont il s’agirait de décrypter les symboles. Du moins au Musée d’Art Moderne, puisqu’il semble qu’au Centquatre ce soit davantage le format des œuvres qui explique le dispositif d’exposition, les pièces montrées y étant en effet monumentales.

Sans titre (Mur), 1986. Acrylique et huile sur toile, collection particulière. Cette vision apocalyptique en cinq panneaux a été conçue pour le décor du bar du DV8 Club à San Francisco, dans lequel ont eu lieu de nombreux évènements destinés à collecter des fonds pour la lutte contre le sida. (Cliché L. Kloeckner, 2013)

Sans titre (Mur), 1986. Acrylique et huile sur toile, collection particulière. Cette vision apocalyptique en cinq panneaux a été conçue pour le décor du bar du DV8 Club à San Francisco, dans lequel ont eu lieu de nombreux évènements destinés à collecter des fonds pour la lutte contre le sida. (Kloeckner, 2013)

Le titre de l’exposition, « The political line », « la ligne politique » laisse à penser que derrière le tracé de la ligne, effectué par la main du peintre ou du dessinateur, c’est le geste de l’artiste qui va être au centre de l’exposition. Or l’intérêt pour cette ligne déborde à peine le cadre du tableau ou de la feuille, et l’exposition s’attarde peu sur son engagement dans l’espace public au sens matériel du terme. La contribution de Haring au débat public y est largement couverte, de l’apartheid au sida, en passant par le nucléaire et le pouvoir des médias, mais on a le sentiment que les concepteurs de l’exposition ont fait le choix de se concentrer là-dessus pour éviter de faire face au problème principal que pose son œuvre, et qui est très précisément celui de son exposition. Il aurait peut-être fallu traiter sur le même plan le contenu de l’œuvre de Haring et sa mise en situation en ville, puisque l’artiste américain est rapidement sorti des seules galeries pour créer ou exposer dans l’espace public, dans des lieux ouverts ou de circulation, empruntant à la culture du graffiti en plein boom dans le New York des années 1980.

Sans Titre, Dessin à la craie blanche sur une feuille de papier noir, dans le métro new-yorkais. Le dessin a été graffité à la bombe orange avant d’être récupéré par un collectionneur. (Cliché L. Kloeckner, 2013)

Sans Titre, Dessin à la craie blanche sur une feuille de papier noir, dans le métro new-yorkais. Le dessin a été graffité à la bombe orange avant d’être récupéré par un collectionneur. (Kloeckner, 2013)

Cette démarche qu’a choisie Haring de peindre sur des murs en plein air, de dessiner dans le métro, de coller des photomontages dans la rue, fait de son œuvre quelque chose d’éphémère. Ses œuvres du métro sont décollées ou arrachées par des amateurs ou des collectionneurs, ou recouvertes de graffitis, ou de publicités. Ses fresques murales en plein air sont recouvertes elles aussi, ou disparaissent peu à peu.

Sans titre, Dessin à la craie blanche sur une feuille de papier noir, panneau publicitaire, métro new-yorkais. (Cliché L. Kloeckner, 2013)

Sans titre, Dessin à la craie blanche sur une feuille de papier noir, panneau publicitaire, métro new-yorkais. (Kloeckner, 2013)

La production d’objets dérivés qu’il vend dans ses Pop shops, à New York ou Tokyo participe de cette posture de répandre son œuvre, dans les rues, dans les poches, sur les t-shirts. Non seulement cette « political line » fait de l’œuvre de Haring une œuvre publique, mais bien plus même une œuvre collective, qui appartient à tous. C’est bien pourquoi l’imagerie élémentaire créée par Haring, qui a irrigué de ses motifs le paysage visuel urbain new-yorkais de la fin des années 1980 donne l’impression de fonctionner comme un ensemble de symboles. Alors qu’au fond ce qui importe c’est peut-être davantage sa dissémination que le sens qu’elle renferme.

Léo Kloeckner

 

 

L’exposition Keith Haring – The Political Line a lieu jusqu’au 18 août au Musée d’art moderne de la ville de Paris ainsi qu’au Centquatre.

Toutes les informations :

http://www.mam.paris.fr/fr/expositions/keith-haring,

http://www.104.fr/programmation/evenement.html?evenement=167.

Nous remercions le Centquatre pour son soutien.

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