#1 / Edito – Urbanités souterraines

Léo Kloeckner et Charlotte Ruggeri

L’édito au format PDF


Dans ce numéro inaugural, la revue Urbanités s’attaque au problème de la ville en le prenant à l’envers, et questionne les modalités d’existence d’urbanités souterraines, ainsi que les formes spatiales et les pratiques qui leur sont associées. Les espaces urbains souterrains, inscrits dans le prolongement du monde de la surface, en sont comme le reflet inversé. Mettre en lumière la facette cachée des villes, tenter d’apercevoir ce qui se trame dans leur sous-sol, c’est chercher à saisir le « secret derrière la porte », ou plutôt le secret caché sous la trappe. Le monde souterrain fait figure de coulisse du théâtre urbain. Les codes sociaux, culturels, urbanistiques, architecturaux n’y sont pas les mêmes qu’à la surface. La richesse et la diversité des contributions du présent dossier thématique en attestent, et Urbanités tient à remercier chaleureusement tous les auteurs qui ont rendu possible la publication de ce premier numéro pour leur collaboration.

Les urbanités souterraines sont une matrice des urbanités de surface, en même temps qu’elles en sont le produit. Elles sont situées à la limite de l’écoumène urbain. Descendre sous terre, s’intéresser aux urbanités souterraines c’est toucher aux limites du monde habité et humanisé. Si le sous-sol est largement utilisé dans les villes contemporaines par les réseaux techniques, mais également par des activités consommatrices d’espaces, jugées trop polluantes ou vulnérables pour être effectuées en surface (Bouchareb et Ariane, « Espaces urbains souterrains : fond ou comble » ; Baude, « Sous les Ponts de Hanoï : urbanités souterraines et périphériques ») il reste le grand impensé des espaces urbains (Maleej, « La rumeur autophobe du Paris périphérique »). C’est pourquoi il nourrit les fantasmes (Chémery, « L’Envers du monde social ») et fait l’objet de nombreuses représentations fictionnelles au point d’être devenu un motif littéraire et artistique (Daret, « Sous nous, le refuge »).

Son exploitation par les réseaux de transport aujourd’hui (Muyl, « Y a-t-il un Pilote dans la rame ? »), et sa fréquentation quotidienne par les usagers de ces derniers n’en font pas moins un espace à part, dont la perception est différente de celle du monde de la surface. On ne se repère pas en sous-sol de la même façon qu’à l’air libre (Tillous, « Pour une cartographie des espaces souterrains : le cas du métro parisien »), c’est pourquoi les espaces souterrains font l’objet de procédures d’aménagement particulières (Zunino, « Pour une urbanité souterraine de qualité »).

Le manque de représentations précises et réfléchies du sous-sol en fait un support privilégié à l’élaboration d’utopies urbaines en tout genre, produites par des sociétés paranoïaques (Kloeckner, « Pour vivre heureux, vivons sous terre ») ou en quête d’une proximité avec leurs origines supposées (Privat, « E.P. Jacobs et l’espace souterrain »). Loin des utopies et des civilisations enfouies, les espaces souterrains qui existent sous nos villes en constituent des prolongements plus ponctuels que ce que l’on aime à se raconter. C’est précisément cette ponctualité du fait urbain souterrain (quand bien même il se structure en réseaux) qui rend les urbanités souterraines si troubles. Gageons que ce premier numéro d’Urbanités les éclaire d’un jour nouveau.

Léo Kloeckner et Charlotte Ruggeri

 

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