#13 / Point(s) de rencontres dans les villes émiriennes : le partage d’espaces publics où les minorités sont majoritaires

Hadrien Dubucs

L’article d’Hadrien Dubucs au format PDF


Les villes des pays arabes du Golfe constituent un cas singulier dans le paysage urbain mondial contemporain. Elles sont pour la plupart d’entre elles le produit d’une urbanisation récente et très rapide directement liée à l’exploitation des hydrocarbures à partir de la seconde moitié du XXe siècle. Leur morphologie est généralement marquée par les faibles densités et le primat accordé à l’automobile comme mode de transport dominant. Mais ce sont surtout les sociétés urbaines qui possèdent des caractéristiques distinctives, à commencer par une structure démographique typiquement marquée par la forte proportion de résidents étrangers, jusqu’à près de 90 % aux Émirats Arabes Unis. Celle-ci résulte du recours historique à une main-d’œuvre immigrée dans les domaines de l’industrie, de la construction et des services, qui fait de la région du Golfe l’un des champs migratoires les plus importants au monde en termes quantitatifs (Fuccaro, 2009 ; Al-Shehabi, Khalaf et Hanieh, 2015). Les grandes villes des Émirats Arabes Unis (ÉAU)1 illustrent de manière paradigmatique ces caractéristiques. Elles ont nourri une importante littérature scientifique, qui reste relativement segmentée entre deux approches complémentaires. La première analyse les modalités de la production matérielle de la ville sous l’angle des modèles urbanistiques ou des projets urbains, souvent dans une perspective critique (Davis, 2008 ; Lavergne, 2009 ; Bloch, 2010, Elsheshtawy, 2010 ; Kanna, 2011). La seconde porte sur les caractéristiques sociales et les conditions de vie de différentes catégories de citadins, en particulier celles des travailleurs étrangers les plus pauvres, pour mettre en lumière le caractère incomplet ou ségrégé de leur accès à la ville (Ali, 2010 ; Kathiravelu, 2016 ; Vora, 2013). Au carrefour entre ces deux approches, on observe depuis peu un intérêt croissant pour la vie urbaine dans les villes émiriennes, c’est-à-dire l’appréhension, à l’échelle fine du quartier ou de la rue, d’un ensemble de pratiques quotidiennes de déplacement, de sociabilité, ou encore de loisirs (Elsheshtawy, 2011 ; Beaugrand, Le Renard et Stadnicki, 2013 ; Molotch et Ponzini, 2019). Cet intérêt dépasse d’ailleurs le seul champ académique. Ainsi, le pavillon des Émirats Arabes Unis à la biennale d’architecture de Venise en 2018 était consacré au thème des Lifescapes beyond Bigness (Alawadi, 2018) et mettait en avant la diversité sociale et culturelle caractérisant la vie de certains quartiers.

Du côté des acteurs institutionnels de l’aménagement urbain, on assiste à un intérêt croissant pour les espaces publics2 et la vie urbaine, en particulier depuis le milieu des années 2000, où plusieurs documents stratégiques de planification ont été élaborés (Plan Abu Dhabi 2030, Plan Dubaï 2020). Dans ces documents, les avenues, rues, promenades, mais aussi parcs et plages sont présentés comme des enjeux majeurs pour atteindre les objectifs affichés de durabilité, dans une combinaison usuelle de green et de smart.

Cet article propose d’aborder les espaces publics comme une entrée pertinente pour analyser les traductions urbaines d’une structuration sociale très singulière, où une minorité politiquement dominante (les 10 % d’Émiratis) cohabite avec une population étrangère majoritaire, mais subordonnée. Deux niveaux d’analyse sont combinés. Le premier appréhende les politiques de création, d’aménagement et de régulation des espaces publics comme partie intégrante d’une politique plus générale de gestion de la diversité culturelle et des segmentations sociales constitutives des populations urbaines aux Émirats. Comment ces politiques intègrent-elles ces caractéristiques ? Y retrouve-t-on les tensions à l’œuvre au sein des politiques de gestion des populations étrangères ? D’un côté, elles visent à maintenir les privilèges sociaux et économiques, ainsi que les spécificités culturelles de la minorité émirienne ; de l’autre, elles promeuvent l’idée d’une société cosmopolite, inclusive et tolérante, où chaque communauté nationale trouverait sa place. Le second niveau d’analyse s’intéresse à la manière dont les individus font effectivement usage de ces espaces publics, en termes de pratiques individuelles comme d’interactions entre populations. En quoi celles-ci sont-elles en partie déterminées par la fragilité statutaire des résidents étrangers, combinée à des segmentations et hiérarchisations fondées sur la nationalité et la position socioprofessionnelle ? Comment les usages de l’espace public peuvent-ils s’interpréter comme une modalité particulière d’un accès contraint à la ville, dans un contexte politiquement autoritaire sans instance démocratique ni possibilité de mobilisation collective permettant la revendication d’un droit à la ville ?

L’article est centré sur le cas d’Abu Dhabi, capitale des Émirats Arabes Unis et deuxième ville du pays derrière Dubaï. Il présente certains résultats tirés de trois ans d’enquêtes, d’observations et de collecte d’un matériau photographique, ainsi que des analyses menées sur les usages et régulations des espaces publics à Abu Dhabi dans le cadre d’un programme de recherche en cours3.

Une population urbaine à la structure singulière : minorité dominante et majorités dominées

Très majoritairement urbaine, la population des Émirats Arabes Unis se singularise par une structure démographique unique au monde : 10 % seulement des quelque 10 millions d’habitants sont des « Nationaux », selon la dénomination usuelle, c’est-à-dire des individus ayant la citoyenneté émirienne, tandis que le reste de la population est constitué d’étrangers, immigrés ou nés sur place, pour lesquels l’accès à la citoyenneté émirienne est juridiquement impossible. Le titre de séjour étant strictement soumis à l’existence d’un contrat de travail, des « citadins temporaires » (Unnikrishnan, 2017), y compris dans le cas de familles installées depuis plusieurs générations.

Une majorité composite : les « expats »

Majorité écrasante sur le plan quantitatif, la population étrangère – localement désignée sous le terme d’expatriates, quelle que soit la condition socioprofessionnelle et la nationalité – est donc officiellement en position de minorité sur le plan politique et administratif. Ils sont exclus des dispositifs publics de prise en charge de situations de dépendance (retraite ou maladie chronique par exemple). Leur statut est soumis au régime de la kafala (Beaugé, 1986 ; Lori, 2012) qui officialise la situation de dépendance vis-à-vis d’une personne (morale ou physique) nationale, le kafil (souvent traduit par « sponsor » ou « garant »). La pratique judiciaire est généralement favorable aux « Nationaux » en cas de litige routier ou de contentieux professionnel.

De l’ouvrier népalais sans qualification exploité sur un chantier de construction jusqu’au cadre dirigeant australien bénéficiant des conditions très avantageuses d’un contrat d’expatriation dans la filiale d’une entreprises multinationale, les profils nationaux et socio-économiques de la population étrangère sont d’une extrême diversité. Leurs proportions respectives ont évolué depuis la création des ÉAU en 1971, avec un accroissement de la part des ressortissants de pays asiatiques (85 %) et occidentaux, au nombre d’environ 350 000 aujourd’hui (De Bel Air, 2015). La catégorisation selon les nationalités (Figure 1) ou des types de nationalités (Westerner, Arab, Asian, etc.) est la plus usuelle, tant pour les acteurs publics que pour l’opinion commune, et s’articule de fait à une hiérarchisation des positions professionnelles et des salaires. Cependant, on peut observer une grande diversité sociale parmi les individus d’une même nationalité. Ainsi parmi les Indiens, de loin le groupe national le plus représenté (30 % de la population des Émirats), on trouve à la fois des manœuvres empêchés financièrement et contractuellement d’être accompagnés de leur famille pendant les 2 ou 3 ans que dure leur permis de séjour, tout comme de grandes familles d’entrepreneurs ou de cadres à très haut revenus incarnant une notabilité locale construite sur plusieurs générations (Vora, 2013).

1. Répartition de la population des Émirats Arabes Unis par nationalité (30 premières) en 2014. Source : Gulf Labour Markets and Migration, Gulf Research Center, (synthèse de données consulaires et d’articles de presse)

 

Les Émiratis, minoritaires mais dominants

À l’inverse, les 900 000 à 1,2 million4 de citoyens émiriens sont une minorité dominante. Ils bénéficient de mécanismes de redistribution de la rente pétrolière via notamment une procédure d’attribution de terrains ou de maisons. Celle-ci est organisée au niveau fédéral et appliquée par chaque émirat en lien avec des vastes programmes de construction d’Emirati housing, implantés principalement sur les marges des agglomérations. Les aides publiques concernent également l’accès aux soins et aux services scolaires et universitaires, à travers des programmes de bourses. En matière d’emploi a été mise en place une politique très volontariste « d’émiratisation » (tawteen), selon la dénomination officielle, qui impose un certain pourcentage de salariés émiriens dans les organisations gouvernementales, ces derniers bénéficiant de grilles salariales spécifiques et avantageuses.

Les déclarations officielles et les médias utilisent systématiquement une catégorisation binaire Nationals ou Locals / Expatriates ou Foreigners qui de fait constitue un descripteur généralisé de la société des ÉAU. La catégorie générale des étrangers est généralement subdivisée par nationalités dans les représentations communes, telles qu’elles apparaissent notamment dans la presse et les entretiens menés auprès d’une variété d’habitants. La minorité émirienne, quant à elle, apparaît comme une entité sociale et politique clairement identifiée. Cette identification dans les espaces publics et professionnels est facilitée par des marqueurs vestimentaires : une tunique blanche (kandura ou dishdasha) et un foulard blanc ou blanc et rouge (guthra) pour les hommes, une tunique noire (abaya) et un foulard noir (hijab) couvrant la chevelure et souvent une partie du visage pour les femmes (figures 3, 4 et 5). Il est nécessaire de préciser que cette appréhension commune de la minorité dominante émirienne comme une entité homogène est largement erronée. Elle méconnaît de considérables disparités économiques et sociales, mais aussi symboliques et politiques en son sein, liées à l’émirat de naissance, au lignage et à la position par rapport aux familles régnantes de chaque émirat, à la confession5 ou encore, plus simplement, aux histoires sociales et personnelles des membres de la famille. Mais les entretiens réalisés auprès des habitants montrent que, pour la majeure partie de la population étrangère, les « locaux » représentent un monde social en soi, perçu comme relativement impénétrable et difficile à déchiffrer. Ils tiennent une position ambivalente : c’est une figure banale et familière des scènes urbaines et professionnelles, mais en même temps les interactions sociales approfondies des étrangers avec des nationaux apparaissent relativement peu fréquentes.

Cette structure démographique duale trouve un écho dans la tension entre deux orientations à l’œuvre dans les discours officiels et les stratégies de communication portées par les autorités émiriennes. D’un côté, il s’agit de rendre visible, faire connaître et préserver une « identité émirienne ». Cela se traduit notamment par une fièvre patrimoniale, mêlant valorisation des savoir-faire artisanaux, réinvention des traditions musicales bédouines mises en scène lors des nombreux événements qui scandent le calendrier des fêtes officielles, ou encore mise en valeur du patrimoine architectural (réhabilitation et mise en lumière du Qasr al-Hosn à Abu Dhabi, reconstruction du vieux quartier d’Al Bastakiya à Dubai). D’un autre côté, l’imaginaire de la ville cosmopolite et tolérante, carrefour des peuples et des circulations entre les mondes asiatiques, africains, arabes et européens, se traduit entre autres par des célébrations festives (International Day) ou des équipements commerciaux et de loisir comme le Global Village à Dubai. Ces deux orientations se résolvent, au moins sur le plan rhétorique, dans l’affichage d’une culture émirienne précisément construite sur l’accueil et l’esprit de tolérance. On peut par exemple en trouver une illustration très spécifique mais significative dans certains choix muséographiques du Louvre Abu Dhabi : construit selon le paradigme d’une histoire globale de l’art et organisant thématiquement et chronologiquement l’exposition selon une démarche expressément universaliste, le musée a conjointement retenu le principe de faire figurer dans chaque salle au moins un objet trouvé ou créé dans l’un des émirats de la fédération.

Les espaces publics : un levier récent des politiques de gestion de la diversité urbaine

Dans l’histoire de la planification urbaine aux ÉAU, les espaces publics ont longtemps constitué un enjeu secondaire (Hashim, 2019), ce qui s’est traduit par un certain déficit de parcs et d’espaces ouverts aménagés. La question des circulations piétonnes par exemple a, jusqu’à récemment, été peu intégrée dans les opérations urbaines, atteignant la caricature dans le cas de Dubaï, réputée pour les discontinuités infranchissables que créent ses autoroutes urbaines et pour le nombre considérable de contraventions adressées aux jaywalkers, ces piétons qui n’ont d’autre choix que de traverser hors des passages autorisés, et souvent au péril de leur vie.

Une ambition affichée de créer des espaces publics « inclusifs »

Nombre de projets urbains récents s’efforcent d’accorder une large place aux cheminements piétons, avec une reprise du modèle de la rue marchande (Dubaï Marina, Dubaï City Walk) ou de la promenade de front de mer (La Mer Beach à Dubaï, Al Bahar à Abu Dhabi). Dans les documents de planification comme le Public Realm Design Manual mis en place en 2011 par le Département de l’urbanisme d’Abu Dhabi, les espaces publics se voient érigés en priorité de la politique urbaine et revêtent une variété d’enjeux. Aux côtés de la qualité de vie, de la santé, ou encore des espaces verts, on trouve les notions « d’identité » (identity) et « d’inclusion » (inclusivity), que le manuel mentionne ainsi en préambule parmi ses principes fondateurs. Y est affirmée l’idée que « l’espace public d’Abu Dhabi doit exprimer la culture arabe traditionnelle tout en s’adressant à une population diverse et multiculturelle » (Urban Planning Council, 2011 : 9). Ce dernier aspect est précisé dans le même document, qui invite à concevoir un espace public « ouvert aux personnes de toute ethnicité » (« inviting to people of all ethnicities ») et « attractif pour une population multiculturelle » (« appeal to a multicultural audience »). Mais c’est aussi une préoccupation relayée bien au-delà des professionnels de l’urbanisme. Un article du principal quotidien des Émirats Arabes Unis s’intitule ainsi : « Parcs, squares, avenues : comment faire en sorte que les espaces publics aux Émirats Arabes Unis soient adaptés aux communautés multiculturelles qui y vivent ? » (The National, décembre 2018). Cet enjeu est particulièrement fort dans le contexte d’une politique de « tolérance »6 qui relève davantage d’un affichage que d’une évolution réelle du statut des résidents étrangers. Les espaces publics apparaissent dès lors comme un moyen facile de médiatisation de cette politique, voire comme une « vitrine du cosmopolitisme » comme le note Laure Assaf à propos de la Corniche d’Abu Dhabi, longue promenade fréquentée par une grande variété d’usagers (Assaf, 2013).

La mise en scènes d’espaces publics partagés

Aux Émirats comme dans les autres pays du Golfe, l’utilisation systématique de ces panneaux et plus largement des représentations picturales apparaît comme le symptôme d’une stratégie urbaine où l’image tend à l’emporter sur la réalisation effective (Benchetrit et Stadnicki, 2014). Censés présenter les caractéristiques architecturales et fonctionnelles des projets à venir, ils donnent aussi à lire la façon dont les aménageurs interprètent la diversité de la société urbaine. Les grands panneaux informant des projets en cours de construction mettent en scène des sociétés urbaines dont la composition sociale et ethnique varie d’un projet à l’autre. Elle est parfois réduite à des catégories restreintes d’habitants, tantôt orientée vers une population émirienne, tantôt ciblant des résidents étrangers et plus spécialement occidentaux (figure 2).

 

2. Panneaux publicitaires pour un projet de développement (logement et espaces publics) sur Reem Island, Abu Dhabi (Dubucs, 2017)

D’autres projets affichent au contraire une ouverture, certes soigneusement calibrée, à une diversité de citadins et de références culturelles, jusqu’à la caricature dans les choix de représentation (figure 3). En effet, rien n’est laissé au hasard dans cette représentation d’une future promenade de front de mer sur Hudayriat Island, vaste banc de sable relié par un pont à l’île principale d’Abu Dhabi et ouvert au public en 2018. Moins que la rencontre entre Westerners et Émiratis, seules catégories d’usagers clairement identifiables, l’image met en scène une cohabitation paisible et des pratiques communes : flânerie en famille ou en couple, jeux d’enfants, lecture solitaire, shopping. On ne trouve nulle trace en revanche d’autres catégories de citadins, pourtant figures familières des villes émiriennes, telles que les familles indiennes, les groupes de jeunes femmes philippines ou les travailleurs sud-asiatiques.

 

3. Dessin de préfiguration du projet de développement balnéaire sur Hudayriat Island par le Abu Dhabi Urban Planning Council (The National, 2018)

Comme souvent en matière de marketing urbain ces images projetées expriment le caractère socialement exclusif des programmes résidentiels et commerciaux, en mettant en scène des catégories bien précises de citadins et laissant hors champ celles qui sont « indésirables » (Estebanez et Raad, 2016). Mais elles contredisent fréquemment la réalité des usages et des usagers telle qu’elle est observée dans un grand nombre d’espaces publics.

Les espaces publics : une diversité en trompe-l’œil ?

À l’instar des autres villes émiriennes, agglomérations urbaines très étalées et marquées par des disparités saisissantes entre niveaux de densité (Rode et al., 2017), les espaces publics se divisent à Abu Dhabi en plusieurs types très différents du point de vue morphologique comme fonctionnel. Les parcs, plages, et promenades de la partie dense contrastent avec les vastes terrains interstitiels non lotis en bordure d’agglomération, et qui accueillent chaque weekend d’innombrables matchs de cricket entre travailleurs sud-asiatiques.

Deux types apparaissent plus particulièrement intéressants pour saisir la diversité sociale et ethnique des usagers et les interactions entre groupes sociaux : les fronts de mer équipés pour les usages balnéaires (figures 4 et 5), et l’intérieur des superblocks dans la partie centrale de l’agglomération (figure 7).

Les plages urbaines, ou le partage sous conditions d’un espace de détente

Les plages urbaines des grandes villes émiriennes illustrent bien le cas d’espaces publics très aménagés, bien connectés aux grands axes routiers et au réseau de bus, et constituent de véritables centralités urbaines attirant un grand nombre d’usagers car proposant une offre rare de baignade autorisée. Les dernières années ont vu se multiplier les aménagements balnéaires gratuits combinant plage surveillée et ouverte à la baignade, promenades paysagées, mobilier urbain dédié à la détente (bancs) ou à l’activité physique, établissements commerciaux – restaurants en dur ou sous des formes plus temporaires comme les pop-up stores, les containers aménagés ou les food trucks. Ces espaces accueillent également une multitude d’événements sportifs, culturels (concerts, expositions de photographies) ou commerciaux qui entraînent ponctuellement des pics de fréquentation.

4. Promenade et plage publique d’Al Bahar, Abu Dhabi (Dubucs, 2018)

 

C’est dans ces espaces balnéaires que s’observe la plus grande diversité de profils d’usagers. Un samedi en fin d’après-midi, sur la plage d’Al Bahar (figure 4), les équipements sportifs, commerciaux et balnéaires rassemblent plusieurs groupes. Des familles indiennes et émiriennes, parfois accompagnées de leurs maids asiatiques, s’y installent sur des nattes le temps d’un pique-nique. Des Westerners en couple ou entre amis flânent entre la plage et la promenade et occupent les terrasses temporaires des restaurants. Des groupes de jeunes Philippins mêlant garçons et filles s’y retrouvent pour jouer au basket ou initier une sortie collective à vélo. Et des hommes émiriens, arabes ou sud-asiatiques y passent souvent une partie de la soirée, assis ou marchant le long de la plage par groupe de deux ou trois. Mais derrière l’apparence d’espaces publics partagés, des spécialisations sociales assez marquées existent cependant.

Elles se déclinent de manière temporelle d’abord : les jeunes Émiratis n’entrent souvent en scène qu’en toute fin de journée, après l’ouverture des food trucks (figure 5), tandis que, pendant les heures plus creuses des après-midis de weekend, les pelouses bordant la plage accueillent surtout des travailleurs sud-asiatiques, par petits groupes, qui s’allongent le temps d’une sieste ou de discussions à l’ombre des arbres – selon une pratique qui s’observe également dans les grands parcs urbains (figure 6). Les spécialisations se déclinent aussi de manière spatiale, jusqu’à une échelle très fine : sur les longues pelouses qui bordent la plage, l’espace occupé par les familles indiennes, arabes et émiriennes rassemblées en masse pour le pique-nique du vendredi soir ne coïncide jamais exactement avec celui des workers pakistanais. À quelques mètres de distance, séparés par un bosquet ou un alignement de bancs qui organisent spatialement les usagers plus qu’ils ne les occultent aux yeux des autres, des mondes sociaux radicalement différents coexistent au sein d’espaces publics partagés. Les pratiques y sont strictement régulées. Bien visibles à l’entrée des plages et des pelouses qui les bordent, de grands panneaux dressent de longues listes des pratiques prohibées ou autorisées (barbecue, vélo, sport de ballon, utilisation d’un appareil photo, etc.) et déterminent ainsi une micro-géographie des activités et des groupes.

À une échelle plus large, le statut des différents espaces a des effets directement sélectifs sur les catégories d’usagers. La bande littorale aménagée pour la baignade est ainsi segmentée en plusieurs entités : portions privatisées par un hôtel et limitant son accès à la clientèle, majoritairement occidentale (de touristes ou de résidents aisés) ; secteurs d’accès payant gérés par une entité publique (Saadiyat Public Beach à Abu Dhabi, Al Mamzar Beach Park à Dubaï) ou hôtelière privée (Sandy Beach à Fujeira) où se retrouvent des familles de classes moyennes et supérieures de toutes nationalités ; secteurs à l’accès payant et explicitement interdits aux hommes seuls (« Family beach »), fréquentés principalement par des familles arabes ; secteurs gratuits et libres d’accès, qui restent très nombreux en dépit d’une tendance à la privatisation des espaces balnéaires, où se retrouvent les exclus des catégories précédentes et les usagers qui s’y sentent plus à leur aise.

5. Aire de stationnement de food trucks en bordure de la plage d’Hudayriat Island, Abu Dhabi (Dubucs, 2019)

 

6. Pause méridienne de travailleurs sud-asiatiques sur les pelouses du Khor al Maqtaa Park, Abu Dhabi (Dubucs, 2018)

À l’intérieur des superblocks : l’espace des « rencontres informelles »

Les superblocks constituent un deuxième type d’espaces publics où se croisent une grande diversité de citadins. Caractéristiques des premières phases de l’urbanisation planifiée d’Abu Dhabi à la fin des années 1960 (Kyriazis et al., 2018), ces vastes quadrilatères (de 500 à 1 000 m de côté) séparés des axes routiers principaux par des façades quasi-continues d’immeubles élevés rassemblent des petites commerces et restaurants en rez-de-chaussée, des bureaux et des logements relativement bon marché. Le chercheur et architecte Yasser Elsheshtawy, à travers un travail considérable de collecte de matériau visuel notamment, a montré comment l’intérieur des superblocks voit se déployer une vie urbaine spécifique centrée sur la notion de rassemblement informel, c’est-à-dire non nécessairement lié à un équipement ou à une offre commerciale particulière (Elsheshtaway, 2011, 2013). Les trottoirs, aires de stationnement et devantures de magasin d’électronique ou de tissus deviennent en fin de journée, et jusqu’à une heure avancée de la nuit, de petites agoras où de jeunes hommes, le plus souvent travailleurs peu qualifiés résidant sans leur famille (des bachelors, selon la dénomination locale), se retrouvent pour partager des discussions, un repas modeste ou un karak7). Certains résident dans le quartier, d’autres doivent faire de longs trajets en bus pour s’y rendre, depuis les secteurs de lointaine périphérie où ils partagent un appartement ou occupent une chambre dans une cité de travailleurs. Mais les rencontres informelles dans les blocks mettent aussi en jeu d’autres catégories d’usagers, ne serait-ce que sur le mode mineur et sans interaction verbale du partage d’une même portion de trottoir.

La variété des citadins en présence s’explique aussi par le fait que la plupart de ces blocks ont une offre commerciale très composite (superettes alimentaires philippines, restauration populaire pakistanaise, tailleurs indiens, boulangeries arabes, magasins de téléphonie et d’électronique, agences de voyage) et des équipements parfois rares (hôtel de seconde catégorie, école arabe anglophone). Certaines pratiques se traduisent par la co-présence particulièrement frappante d’individus variés dans un même lieu. Un premier exemple est celui de la consommation alimentaire. Il n’est ainsi pas rare d’observer, sur les chaises en plastique de la terrasse de tel restaurant syrien, un couple de touristes russes, les employés jordaniens d’une banque adjacente, une famille émirienne au grand complet, et des travailleuses domestiques philippines vivant en colocation dans l’immeuble voisin.

Un deuxième exemple est celui de pratiques sportives informelles et utilisant temporairement une partie de l’espace public, dans un contexte de déficit d’équipements sportifs financièrement abordables. Les larges trottoirs inoccupés sont ainsi quotidiennement réinventés en terrains de badminton par des familles indiennes habitant le quartier ou par de jeunes Philippins venus de loin pour installer des filets et tracer les lignes nécessaires à la tenue de véritables compétitions (figure 7). Informelles mais tolérées, rassemblant les membres d’un groupe national particulier mais réalisées sous le regard curieux voire passionné de passants de nationalités diverses, ces activités sportives contribuent à dessiner un paysage très multiculturel de la vie quotidienne dans certains secteurs des villes émiriennes.

7. Partie de badminton en famille pour des résidents indiens (gauche). Compétition de badminton organisée par de jeunes Philippins (droite). Superblock de Crowne Plaza, Abu Dhabi (Dubucs, 2019)

 

Le partage de l’espace dans une société segmentée : un faux paradoxe ?

Ainsi dressé à partir de quelques exemples, le panorama des espaces publics des villes émiriennes apparaît, à certains égards, relativement paradoxal. On y trouve en effet de nombreuses occurrences d’espaces de circulation, de consommation ou de loisir qui rassemblent des habitants ayant des profils remarquablement divers sur l’éventail social, professionnel, national et culturel. Certes, l’observation fine et suivie de ces espaces met au jour des processus de séparation des groupes, en fonction des moments de la journée ou des caractéristiques micro-topographiques de chacun de ces lieux (qui opposent les espaces ombragés à ceux qui sont exposés au soleil par exemple). Mais, de fait, les franges sociales les plus pauvres, c’est à dire les workers sud-asiatiques, sont rarement totalement absentes des scènes urbaines quotidiennes, alors même que leurs mobilités très contraintes – un bus spécial effectue les navettes quotidiennes entre les chantiers et les camps des ouvriers, par exemple – et la logique obsédante de « vitrine » qui guide les politiques urbaines pourrait tendre à les invisibiliser.

Cette configuration particulière de l’articulation entre proximité spatiale et distance sociale, pour reprendre la formulation célèbre utilisée par Chamboredon et Lemaire dans un tout autre contexte, peut en partie s’expliquer par plusieurs caractéristiques des villes émiriennes. La première concerne la distribution complexe des groupes sociaux dans le parc résidentiel. La sous-location d’un appartement divisé en dortoir par des employées domestiques ou des salariés peu qualifiés est une modalité très commune d’accès au logement, et peut concerner des immeubles dont les locataires ou propriétaires occupants (il s’agit alors de familles émiriennes) appartiennent aux classes moyennes ou supérieures. Ainsi, la partie centrale d’Abu Dhabi se caractérise par des formes parfois peu lisibles de ségrégation et une relative diversité sociale des voisinages (Dubucs, 2018), tandis que la ségrégation spatiale est plus marquée à Dubaï (Pagès-El Karoui, 2018). La seconde tient à la surveillance et au contrôle très étroit des pratiques publiques par les autorités. Les règles formelles régissant précisément les usages autorisés et interdits (stationnement, barbecue, jeux de ballon, cigarettes, ou encore utilisation d’un appareil photo) sont renforcées par une vidéosurveillance généralisée, par la présence visible de nombreux agents municipaux et par des circuits rapides de transmission de plaintes à la police émanant de particuliers. Enfin le statut temporaire des citadins étrangers va de pair avec une anxiété, souvent formulée dans le discours, face au risque d’une altercation ou d’une plainte en particulier si elle met en jeu un Émirati.

Dans ce contexte les pratiques des espaces publics relèvent bien plus souvent de formes autorisées de consommation que d’appropriation par tel ou tel groupe. Cela contribue à expliquer une co-présence relativement paisible. Il convient de préciser que celle-ci s’entend ici en termes de pratiques, comme partage d’un même espace sans heurts physiques ni verbaux, ce qui ne contredit pas la grande violence symbolique qui résulte des contrastes sociaux entre les groupes et marque les représentations communes, telles qu’Amélie Le Renard les a par exemple étudiées dans le cas des résidents « occidentaux » de Dubaï (Le Renard, 2019).

La doxa relative aux villes du Golfe évoque souvent l’image de villes fondamentalement duales, opposant d’un côté le décor architectural et social de l’opulence et d’une extravagance savamment mise en scène, et de l’autre l’envers du décor – ou les coulisses du spectacle – où sont parquées et invisibilisées les petites mains précaires de la construction, du commerce et du tourisme. L’observation minutieuse des espaces publics amène à nuancer et à complexifier cette représentation. En effet un grand nombre d’espaces centraux comprend des lieux marqués par la co-présence frappante de groupes qui couvrent la quasi-totalité de l’éventail social des habitants de ces villes.

Si la structuration sociale complexe de la population majoritairement minoritaire des Émirats Arabes Unis a fait l’objet d’un assez grand nombre de travaux – en particulier selon une entrée par groupe national (voir les références en introduction) – l’analyse plus directement urbaine en termes de distribution spatiale des pratiques et de manières d’habiter la ville reste encore relativement peu développée. Or, au-delà de la compréhension du contexte émirien, cette analyse semble d’une certaine utilité pour contribuer à la réflexion théorique et opérationnelle sur les notions liées à l’idée de mixité sociale et culturelle. En effet, loin de représenter des cas absolument singuliers, du fait des spécificités de leur démographie et de leur histoire urbaine, les grandes villes des Émirats donnent matière à une réflexion plus générale sur les articulations entre majorités et minorités et sur la façon dont elles prennent place dans les espaces publics urbains et contribuent à les produire.

D’un côté, on retrouve dans ces villes plusieurs tendances très généralement observées dans d’autres contextes métropolitains : privatisation et régulation stricte des espaces publics (Low, 2008) ; mise en image et en récit d’un cosmopolitisme des scènes urbaines pensé comme une composante de leur attractivité (Zukin, 1996). D’un autre côté, les villes émiriennes se singularisent par l’absence de toute instance politique où puisse se formuler la revendication lefebvrienne d’un « droit à la ville » par telle ou telle minorité dominée, ainsi que par l’impossibilité quasi-totale de mobilisation collective (occupation temporaire par exemple) pour faire reconnaître la légitimité d’une minorité à accéder à un espace public (Mitchell, 1995 et 2003).

Dès lors, que nous apprennent ces exemples d’espaces publics à Abu Dhabi partagés par des Nationaux, des étrangers sans droit politique mais occupant des positions sociales avantageuses et des membres de minorités socialement et politiquement dominées ? Ils entrent partiellement en résonnance avec certains lieux (gares, malls) de villes états-uniennes qui ont inspiré à l’anthropologue E. Anderson le concept de cosmopolitan canopy (Anderson, 2011) 8. Dans ces lieux, les stéréotypes raciaux et les formes manifestes de tensions ou d’évitement sont comme temporairement suspendus, au profit d’interactions plus apaisées et ouvertes. Les exemples émiriens semblent valider en partie cette hypothèse, tout en mettant en question son caractère irénique ou « optimiste » (Tonnelat, 2012). C’est en effet surtout la combinaison d’une surveillance généralisée, d’un contrôle strict des pratiques, d’une étanchéité des frontières sociales et culturelles et d’un sentiment de vulnérabilité des minorités étrangères dans leur statut même de citadin qui rend possible le partage de certains espaces publics. En ce sens, le prisme des villes émiriennes permet de nuancer la pertinence de la visibilité et de la présence comme indicateurs de l’accès à la ville pour des groupes minoritaires.

HADRIEN DUBUCS

Hadrien Dubucs est maître de conférences en géographie à Sorbonne Université et actuellement en délégation au département de géographie à Sorbonne University Abu Dhabi. Ses recherches portent sur les migrations internationales et les pratiques urbaines des migrants en Europe et aux Émirats Arabes Unis.

Hadrien.dubucs@sorbonne-universite.fr

Illustration de couverture : Pécheur indien, jogger anglais et famille égyptienne en pique-nique sur la promenade de Reem Island, Abu Dhabi (Dubucs, 2019)

Bibliographie

Abu Dhabi Urban Planning Council, 2011, Abu Dhabi Public Realm Design Manual, 230 p.

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Pour citer cet article : Dubucs H., 2020, « Point(s) de rencontres dans les villes émiriennes : le partage d’espaces publics où les minorités sont majoritaires », Urbanités, #13 / Minorités/Majorités, février 2020, en ligne.

 

  1. Très hiérarchisé et structuré par une quasi-conurbation Abu Dhabi-Dubaï-Sharjah, le système urbain émirien compte 7 villes de plus de 50 000 habitants : Dubaï (1 200 000), Abu Dhabi (600 000), Sharjah (550 000), Al Ain (400 000), Ajman (200 000), Ras al-Khaimah (100 000), Fujayrah (60 000). []
  2. Les espaces publics sont ici définis d’un point de vue matériel et fonctionnel, comme « tous les lieux qui appartiennent au domaine public, qui sont librement et gratuitement accessibles, et qui de surcroît sont aménagés et entretenus à cette fin » (Fleury, 2014, Hypergéo) []
  3. « Redefining Abu Dhabi’s Public Spaces : Urban Classification and Social Interaction », 2018-2019, Abu Dhabi Department of Education and Knowledge. Équipe du projet : H. Dubucs (dir.), A. Kyriazis, C. Chaveneau, H. Dilip, S. Qamar, A. Zahid, C. Montagne, I. Mahgoub, []
  4. Considérées comme sensibles et difficilement accessibles, les données démographiques et notamment celles qui concernent la population nationale varient considérablement d’une source à l’autre. []
  5. L’Islam est la religion officielle des Émirats Arabes Unis. Très majoritairement sunnite, la population émirienne comprend toutefois une importante minorité chiite (15% environ selon les estimations). Voir le rapport du département d’État des États-Unis sur la liberté religieuse (2011). []
  6. Sous la houlette d’un « ministère de la tolérance » créé en 2016, l’année 2019 a ainsi été promulguée « année de la tolérance », associée à une diffusion considérable de logos, de slogans et d’initiatives à portée symbolique, comme le choix de « Tolerance bridge » comme nom officiel pour la passerelle piétonne enjambant le Dubaï Canal. []
  7. Le karak est un thé épicé et très sucré mélangé à du lait. Originaire d’Inde, cette boisson est devenue un produit de consommation très populaire dans les villes des Émirats, bien au-delà de la population indienne, et illustre bien l’ampleur de l’influence de pratiques populaires indiennes dans le paysage urbain émirien. []
  8. La mise en perspective des villes du Golfe avec le travail d’E. Anderson a notamment été discutée dans le cadre du séminaire « Migrants in Global Metropolises » MAGMET (2016-2018) coordonné par D. Pagès-El Karoui, C. Lejeune, C. Schmoll et H. Thiollet (2016-2018, Programme « Sociétés Plurielles » de l’Université Sorbonne Paris Cité). []

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