#11 / La crise de mobilité dans la métropole émergente de Yangon (Myanmar), accélératrice d’inégalités socio-spatiales ?

Marion Sabrié

L’article de Marion Sabrié au format PDF


Depuis l’ouverture économique et démocratique du Myanmar à partir de 2011, l’urbanisation s’est accélérée. Yangon, l’ancienne capitale du pays, qualifiée de « métropole émergente » (Matelski et Sabrié, 2019), connaît une transformation de sa géographie urbaine. L’absence d’un plan préétabli pour le développement urbain résulte d’une politique de la ville qui a fait défaut pendant près de quatre décennies. La ruée vers Yangon, depuis 2011, d’un grand nombre d’investisseurs et de promoteurs immobiliers, qui y multiplient les projets sans plan d’urbanisme préétabli, ne contribue pas à penser une vision d’ensemble de son développement urbain (Sabrié, 2014). Les bouleversements urbains du pays sont les plus visibles dans l’ancienne capitale politique du pays qui est restée sa capitale économique1 : sa région administrative concentre 14 % de la population et contribue à près d’1/4 du produit national brut du pays (Fox, 2017 ; Kyaw Lat, 2018a). En 2014, 6,3 millions d’habitants vivent dans les limites officielles de la ville (Myanmar Ministry of Immigration and Population, 2015), qui dépassera probablement les 10 millions en 2030 (Thant Myint-U, 2013).

En raison des nouvelles opportunités qu’offre la libéralisation économique, l’immigration vers Yangon a augmenté. La croissance économique de la ville entraîne sa hausse démographique, qui implique son expansion spatiale. Cet étalement urbain modifie les trajets habituels des Yangonais et la demande en transports, longtemps stagnante avant l’ouverture économique. Ces nombreux travailleurs, venus de la région administrative de l’ancienne capitale et des autres régions et États2 du pays, se déplacent davantage à l’intérieur de l’agglomération de l’ancienne capitale. En effet, ces derniers habitent pour un grand nombre d’entre eux en périphérie, notamment au nord et à l’ouest de la ville, et la métropolisation et en particulier la concentration spatiale des fonctions économiques stratégiques dans le centre-ville colonial intensifie donc les déplacements (Chardonnel et al., 2012) entre ces extrémités urbaines.

Le déploiement en périphérie des espaces résidentiels, notamment informels, est l’un des facteurs responsables de l’étalement urbain de Yangon. En 1988, sa superficie était d’environ 207 km². Aujourd’hui, la ville couvre3 777 km² (Kyaw Lat, 2018b). Yangon n’est cependant pas entièrement bétonnée ni habitée. L’étalement urbain ne signifie pas seulement l’augmentation de la distance quotidienne parcourue par les Yangonais mais aussi de celle de leurs temps de trajet, en particulier vers l’ancien centre colonial en cours de rénovation et de réhabilitation, qui fait aujourd’hui office de Central Business District (CBD) (Kojima et al., 2015).

L’expansion urbaine, couplée à des infrastructures de transport insuffisantes à ce jour et à un parc automobile qui augmente de façon exponentielle, engendre une congestion massive. Celle-ci pèse particulièrement sur les récents immigrés, installés dans les quartiers périphériques en raison de l’augmentation des prix du foncier au centre-ville, due à l’internationalisation de la ville et à l’installation d’investisseurs et de classes plus aisées. Par leurs déplacements, les nouveaux arrivants et les anciens habitants du centre-ville relégués dans des quartiers périphériques très mal desservis fabriquent la Yangon de demain. Dans la métropole émergente, la marche demeure l’une des formes de mobilité principales, suivie de l’usage d’un réseau de bus privés. Alors que les deux-roues sont souvent synonymes de flexibilité et de coût peu élevé, ils sont officiellement interdits depuis 2003 dans 31 des 33 quartiers de la ville, ce qui distingue la ville de ses homologues asiatiques. Les raisons de l’interdiction demeurent obscures : un haut gradé militaire se serait fait agresser par un motard et depuis, l’usage du deux-roues est uniquement réservé aux dirigeants (Sabrié, 2018). D’autres pensent que c’est pour réduire le nombre d’accidents (Kojima et al., 2013 ; Shwe Yee Saw Myint, 2013) ou le nombre de kilomètres parcourus et le volume du trafic (Inaba et Kato, 2017). La mobilité locale est donc bien spécifique.

Les modes de vie urbains sont de plus en plus marqués par cette nouvelle mobilité subie (due à l’étalement urbain, au nombre croissant de déplacements ainsi qu’à un réseau routier et plus généralement de transport inadapté), à laquelle la municipalité cherche à faire face. Des politiques municipales de transport sont menées pour la première fois en 2012. Cependant, fin 2018, il n’y a toujours pas d’autorité de transport spécifique à la ville de Yangon, seulement à l’échelle de sa région. La municipalité, mise en place sous sa forme contemporaine en 1990, gère les constructions et les rénovations des routes et des ponts. Elle possède un département de la voirie générale pour toute la ville appelé « Engineering Department (Roads and Bridges) ». Pour faire face aux lacunes des réseaux de transport existants et dans le contexte de non satisfaction de la demande, sont mises en place depuis plusieurs décennies des stratégies de substitution au réseau de transport public. Alors que l’ouverture économique apparaît de prime abord comme une chance pour les Yangonais – nouveaux arrivants compris –, dans quelle mesure les nouvelles formes de mobilité qu’elle engendre sont-elles révélatrices d’un espace urbain et d’un réseau de transports en plein bouleversement et d’accentuation des inégalités socio-spatiales ?

Il s’agit donc d’analyser ici les liens entre la croissance urbaine, la crise de mobilité et ce qu’elle révèle de certaines différenciations socio-spatiales, dans le contexte de Yangon, une « métropole émergente » d’Asie du Sud-Est. Les recherches menées sur la mobilité à Yangon sont peu nombreuses, mais se multiplient ces dernières années (Fujiwara et al., 2003 ; Kojima et al., 2015 ; Fox, 2017 ; Inaba & Kato, 2017 ; Zin, 2018). Dans cet article, j’ai concentré mes recherches sur les mobilités de travail pendulaires : ces déplacements sont responsables de la congestion du trafic quotidien la plus importante et ces mobilités sont celles qui posent le plus de problèmes aux Yangonais, dans un contexte de croissance économique sans précédent pour la métropole. Ma recherche repose sur des entretiens semi-directifs des différents acteurs urbains (habitants, autorités municipales, régionales et gouvernementales et promoteurs privés) menés en langue birmane par l’auteure à Yangon entre 2007 et 2017, ainsi que sur l’analyse des différents plans de développement urbain et de transports en cours de réalisation et d’une documentation importante sur les opérations immobilières en développement.

J’étudierai d’abord la congestion comme facteur déterminant de tout déplacement yangonais. J’aborderai ensuite les diverses formes d’appropriation de Yangon par les différentes mobilités et par ceux qui les subissent et j’analyserai les inégalités révélées par les différences de déplacements entre les groupes les plus invisibilisés et les plus aisés.

Un espace urbain en plein bouleversement

La polarisation des emplois et des flux par le centre-ville historique

La spécialisation de l’ensemble des espaces urbains de Yangon demeure assez limitée. Cependant, huit ans après les débuts de l’ouverture économique, son centre-ville historique4, qui faisait auparavant office de lieu mixte (de travail et de résidence), concentre la majeure partie des fonctions commerciales et du travail de la ville. « 46 % de tous les bâtiments commerciaux et culturels sont situés dans le CBD ou dans les quartiers proches » (Kyaw Lat, 2018b). Et, pour cette raison, c’est « la destination de 43 % des trajets dans Yangon » en 2018 (Ibid.) et c’était déjà celle de 48 % 16 ans auparavant (Fujiwara et al., 2003). Certains nouveaux arrivants travaillent en centre-ville, dans lequel les opportunités d’emploi sont grandes, mais la plupart vivent dans les quartiers d’habitation informelle qui disposent de petits emplois accessibles à une main d’œuvre peu formée (Forbes, 2016 ; Kyed, 2019). Les classes les plus aisées travaillent dans le centre-ville historique et vivent surtout dans ses quartiers avoisinants, comme Bahan, Sanchaung, Kamaruyt ou bien encore Yankin (Figure 2).

Si le nombre de trajets s’est multiplié, les circulations principales sont toujours orientées nord-sud5 et concentrées sur 4 grandes avenues, qui desservent un centre unique et peu étendu (10 % de la superficie totale du tissu urbain) et les mouvements journaliers des Yangonais sont très concentrés (Heeckt et al., 2017) (Figure 4). « Pour réduire la densité urbaine et pour dévier une partie des flux de transports qui convergent de la périphérie vers le centre-ville actuel » (Sabrié, 2014), la construction de centralités relais dans la périphérie est planifiée par la municipalité (Kyaw Lat, 2018b), comme celle d’un nouveau centre, uniquement commercial, dans le quartier de Shi Mile, situé à 13 kilomètres au nord du centre-ville (Figure 2), conjointement proposée par la municipalité et l’agence de coopération internationale japonaise6 (JICA). La construction d’un autre centre, approuvée par la municipalité en 2014, est également envisagée dans le quartier de Mayangone (Haas, 2015) à côté de l’aéroport (Figure 2). Fin 2018, la construction des deux nouveaux centres n’a pas commencé. Une disposition spatiale régulière de centres-villes, comme la Municipalité, assistée par JICA, souhaite le faire, rappelle le modèle christallerien (Christaller, 1933), sur lequel a reposé la construction des villes nouvelles en Angleterre et en France. Bien que la théorie des lieux centraux soit un peu datée, un partage de la clientèle avec les centralités relais pourrait être bénéfique au CBD yangonais car elle permettrait de désengorger la congestion, partageant le trafic vers d’autres directions (que la destination principale actuelle qu’est le CBD).

L’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), implantée au sein de la municipalité depuis 2011, essaie de développer son modèle japonais de gestion des transports en commun. Ce modèle repose sur des réseaux de transport en commun privés, notamment ferroviaires (Aveline, 2006), comme facteur structurant du développement urbain. La ville est ainsi modelée par le développement des transports en commun et non l’inverse : à Yangon, ce serait réussir à adapter l’offre de transport en commun à l’étalement urbain désorganisé et aux nouveaux besoins des Yangonais. Cependant, les financements pour la modernisation de l’offre de transports à Yangon demeurent limités, excepté de la part des Japonais. Et il n’est pas encore certain que JICA réalise cette modernisation, car la crainte des autorités municipales est que le but des projets mis en place soit d’abord la rentabilité avant de ne répondre à une véritable demande. On peut citer la construction d’un tramway, le long du fleuve Yangon, dans le centre-ville colonial, qui n’a fonctionné que de janvier à juillet 2016, en raison d’un coût de transport trop élevé, ainsi que d’une inadéquation de ce projet avec la demande en transports publics. L’offre de transports publics devra également répondre à l’importante congestion quotidienne du réseau de transport yangonais.

Une congestion massive, facteur incontournable de tout déplacement yangonais

Depuis 2011, les Yangonais perdent d’innombrables heures dans la circulation. Bien que l’idée soit souvent contestée dans la littérature (Tazi et al., 2018 ; Luciano, 2017), selon U Toe Aung, le Deputy Head of Department Urban Planning (entretien avec Toe Aung, 2015) et d’autres membres de la Municipalité, avec lesquels je me suis entretenue en 2014, la congestion est néfaste à la productivité de la ville et en particulier de son centre. Le centre est d’ailleurs celui qui subit le plus la congestion (ADB, 2016 : 16). Entre 2007 et 2015, la vitesse moyenne d’un déplacement pendulaire, qui prend en compte tous les modes de transport, est passée de 38 à une dizaine de kilomètres/heure (Véron-Okamoto et al., 2016). Ville du Sud en développement, Yangon a cependant longtemps été épargnée par la congestion massive, en raison de l’interdiction des deux-roues toujours appliquée, ainsi que d’une taxation prohibitive des voitures à l’importation. En effet, un des premiers facteurs de la congestion routière est l’augmentation exponentielle du parc automobile en raison de la levée de la taxation sur les voitures et d’une importation massive de véhicules : entre 2011 et 2014, l’augmentation était de 153 % (Fox, 2017) et, selon Véron-Okamoto et al. (2016), a triplé entre 2012 et 2015.

La congestion massive actuelle résulte également des infrastructures de transport insuffisantes, de la présence d’innombrables vendeurs de rue empiétant sur la chaussée et d’un service de transport public peu modernisé et peu efficace (Figure 1). Selon Shoyoma (2014), 9 autres facteurs sont responsables de cette congestion : le stationnement et le parking de véhicules sur la chaussée, le manque de signalisation et de feux, la montée et la descente des passagers des bus hors des espaces prévus à cet effet, l’état détérioré des routes, les inondations de la chaussée (fréquentes en période de mousson), le stationnement de véhicules à proximité des écoles, des hôpitaux, etc., l’empiètement sur la chaussée des activités alentours, les travaux sur la chaussée et la présence de tous les véhicules sur la route (trucks et véhicules lourds).

1. L’importante congestion dans l’une des rues principales du CBD yangonais où l’absence de couloirs de bus est notable (Sabrié, 2014)

Les infrastructures routières ne sont plus adaptées à la circulation : une demande en nombre de trajets qui augmente avec la croissance économique et démographique de la ville, un nombre d’axes importants et une largeur moyenne des routes (4,6 m selon Véron-Okamoto et al., 2016) limités, ainsi qu’un dixième des routes yangonaises qui sont toujours en terre battue en 2012 (Myanmar Ministry of Construction, 2013). De plus, ces infrastructures routières n’ont pas été adaptées au fur et à mesure du développement de Yangon. Jusqu’en 1920, les routes sont de bonne qualité dans le centre-ville colonial et l’étalement urbain est contenu à l’est de la rivière Hlaing, à l’ouest de la Bago et au nord du fleuve Yangon (Figure 2). Après les années 1960, la ville s’étend vers le nord et l’ouest et le centre-ville colonial n’est plus spatialement au centre. Quand bien même cet étalement urbain se fait, les autorités délibérément font le choix de ne pas relier les nouveaux quartiers périphériques au centre.

2. Les quartiers administratifs de Yangon (Sabrié, 2018)

Des stratégies de substitution au réseau de transport public, facteur supplémentaire de congestion

Les bus municipaux (Figures 5 et 6) représentent entre 45 % (Heeckt et al., 2017) et 53 % (MMRD, 2014) de l’ensemble des bus. Yangon compte également des minibus (62 lignes avec environ 1 029 véhicules), des bus spéciaux (46 lignes avec 994 véhicules) (Ibid.), et des « ferry bus », c’est-à-dire l’ensemble des navettes qui effectuent les trajets suivants : maison-travail-maison ou maison-école-maison. En raison des lacunes du réseau de transport public actuel et de la lente mise en place d’une politique des transports, des stratégies privées se sont substituées au réseau de transport public, comme dans de nombreuses villes du Sud (à Jakarta, par exemple – Desmoulière, 2017). Selon Véron-Okamoto et al. (2016), en 2015, le nombre de navetteurs utilisant le réseau de transport public avait décru de 40 % en 5 ans et plus de 50 % en 10 ans. Le problème de gouvernance publique des transports a poussé les Yangonais à s’organiser et à proposer des transports en commun privés (Figure 3), de type minibus, voitures particulières partagées et bus, pour pallier l’insuffisant nombre de bus publics. Ces lignes privées, dont certaines sont aujourd’hui incluses au sein du Yangon Bus Service (YBS), sont gérées par des auto-entrepreneurs. Il n’existait pas de réseau avant la mise en place du YBS en janvier 2017. Ce dernier, composé de deux entreprises – la Yangon Bus Public Company (YBPC) et la Yangon Urban Public Transportation Public Company (YUPTP) – fait office d’autorité organisatrice. Ce sont deux partenariats public-privé, signés entre des entreprises privées et le gouvernement régional, dont je vais détailler les actions dans les paragraphes suivants.

Avant la mise en place du YBS, les coûts de transport sur les lignes privées étaient partagés. Ce système continue d’exister avec les minibus scolaires pour lesquels les parents d’un même quartier rémunèrent le chauffeur du bus qui est aussi son propriétaire. La multiplication de ces lignes privées a répondu à l’augmentation de la demande, mais est aussi un facteur supplémentaire de congestion, en l’absence d’une régulation, que les autorités tentent encore à ce jour d’instaurer.

Une congestion contre laquelle les autorités commencent à lutter

Malgré l’augmentation du nombre de véhicules, le réseau routier est resté le même qu’en 2010, excepté l’installation de feux de signalisation automatisés sur une douzaine d’intersections subissant quotidiennement les embouteillages (Ting Maung Oo, 2014), de 7 ponts (Heeckt et al., 2017) par le gouvernement national et la réparation d’anciennes routes et la construction de nouvelles routes dans les quartiers centraux de Yangon et ceux plus périphériques de Hlegu, Htantabin, Taik Kyi, Hmawbi, Thonegwa, Thalyin et de Twante (Kyaw Min, 2018) (Figure 2). Le gouvernement via son ministère de la Construction envisage également une rocade pour relier le port de la ville coloniale à l’aéroport (ainsi qu’à l’autoroute Yangon-Mandalay et au parc industriel de Mingaladon), mais à ce jour, il n’a pas encore sélectionné l’entreprise qui sera chargée de sa réalisation (Frontier Myanmar, 2018).

Les autorités régionales, et en particulier la Yangon Region Transport Authority7 (YRTA), gèrent le service de transports en commun. Ce dernier a été un peu amélioré grâce à la création du YBS dont le but est de pallier la pénurie de bus et de renforcer la sécurité des passagers en limitant leur nombre par bus. La première mesure du YBS a été la révision de 4 000 bus en service dont la moitié a plus de 20 ans. En mars 2017, le YBPC et le YUPTP (les deux entreprises chapeautées par le YBS) ont reçu chacun 500 nouveaux bus achetés à des entreprises chinoises (Aye Nyein Win, 2017). Aujourd’hui, 25 entreprises privées de bus participent au YBS et font quotidiennement rouler 6 000 bus sur 119 lignes. Avant 2017, les lignes étaient au nombre de 350 et le YBS souhaiterait faire descendre leur nombre à 71. Un nombre limité de lignes est considéré par le YBS comme « plus facile à gérer » et permet d’éviter d’avoir des doublons sur certaines lignes. La mise au marché des lignes a remplacé l’ancien système informel d’appropriation des lignes et des transports autoproduits. La politique définie par le Yangon Urban Transport Master Plan of the Project for Comprehensive Urban Transport Plan of the Greater Yangon (YUTRA, projet conjoint de la Municipalité de Yangon et de JICA) en 2013 et mise en place à partir de 2017 par le YBS est de remplacer les petits propriétaires par des grandes entreprises en les intégrant : ces derniers deviennent employés et leurs bus sont rachetés. Nombre d’entre eux ont fait d’ailleurs partie du programme de rénovation des véhicules. Cependant, la plupart des petites entreprises ne possédait qu’un véhicule en mauvais état que les grandes entreprises n’ont pas souhaité intégrer. Plus d’un tiers des bus demeurent toutefois gérés par des individus.

Après une année de fonctionnement et malgré les avancées décrites ci-dessus, le bilan financier du YBS est négatif : le prix fixe du billet, peu importe la distance parcourue, n’est pas rentable (Hein Ko Soe, 2018) par rapport aux coûts des améliorations et rénovations effectuées. Le prix fixe8 est de 200 Kyats (soit 11 cents d’euros par personne). Cela est aujourd’hui préjudiciable à son maintien à plus long terme. La pénurie de bus est toujours présente et les usagers rencontrent des difficultés pour monter dans un bus à l’heure de pointe. Cette modernisation encore limitée du réseau routier et du service de transports en commun pousse les Yangonais qui en ont les moyens à acquérir leurs véhicules personnels, ce qui renforce la circulation. Le facteur temps est à prendre en compte dans la congestion : les migrations pendulaires domicile-travail connaissent trois pics importants en journée (à 7 h, 11 h et 17 h). Ces pics de congestion correspondent à la fois aux horaires d’ouverture et de fermeture des bureaux et d’entrée et de sorties des élèves dans les écoles municipales (Kojima et al., 2015). Les écoles sont majoritairement desservies par des minibus (conçus pour ce transport spécifique et pourvus de bancs en bois), auxquels s’ajoutent les voitures personnelles de certains parents d’élèves, des enseignants et du personnel administratif, ce qui occasionne davantage d’embouteillages dans certains quartiers (Figures 3 et 4), alors que les autres modes de transport sont utilisés de façon plus constante au cours de la journée. En 2014, la question de la mise en place d’un système de ramassage scolaire officiel et normalisé est soulevée afin de trouver une solution aux axes fermés aux heures de transport des scolaires (Aye Nyein Win, 2015). Une meilleure desserte par les transports en commun, adaptée à la demande, permettrait aussi à des voyageurs de pouvoir prendre le bus pour se rendre au travail plutôt que leur véhicule personnel.

3. La vitesse ralentie des déplacements pendulaires dans le CBD et plusieurs moyens de transport des Yangonais (dont un minibus privé) (Sabrié, 2014)

Les problèmes de transport que rencontre aujourd’hui Yangon sont aussi dus à leur gouvernance : celle-ci est très fragmentée entre les autorités municipales, régionales et nationales et il n’y a pas d’autorité organisatrice fédératrice : comme je l’ai détaillé avant, les transports en commun sont chapeautés par la région, la voirie générale par la municipalité mais il existe aussi un Road Transport Administration Department, sous la tutelle du Ministère de la Construction. Ce manque est aussi avéré pour les autres services urbains (Matelski & Sabrié, 2019). La politique des transports est décidée et mise en place par 5 autorités : la municipalité (le Yangon City Developement Committee, YCDC), le gouvernement régional et trois ministères (Transports et communications, Construction, et Intérieur). Le ministère des Transports et communication gère les voies ferrées, le Road Transport Administration Department a la responsabilité légale de délivrer les permis de transport public. Le ministère de la Construction est en charge des autoroutes nationales et régionales. Le ministère de l’Intérieur supervise la police de la circulation (Thein Oo & Htung Aung, 2016). Malgré ces grandes lignes, la répartition des prérogatives n’est pas clairement définie et chacune de ces autorités mène ses projets sans les confronter aux autres : leur coopération est presque nulle9.

Depuis l’ouverture économique à partir de 2011, des acteurs internationaux et privés, investisseurs et promoteurs immobiliers, s’ajoutent aux acteurs publics qui ont fait appel à eux pour pallier leur manque d’expérience tant dans la maîtrise d’ouvrage et l’expertise10 que pour obtenir des financements, comme JICA (mentionnée au début de l’article).

En plus de la confusion des tâches à réaliser par les différents acteurs, le manque de consultation populaire a longtemps fait défaut. Son principe a cependant récemment été introduit par le Ministre en chef de la région de Yangon (Fox, 2017), mais aucune consultation n’a été faite à ce jour. Cette dernière, au même titre qu’une étude sur l’offre et la demande actuelles en transports publics, pourrait aider les autorités à adapter leur politique de transports.

L’étalement urbain et la congestion massive se répercutent aujourd’hui sur la mobilité subie des nouveaux immigrés. La polarisation des emplois et des flux par le centre-ville et les prémices de la politique officielle de transports (c’est-à-dire l’engagement auprès de JICA pour trouver des solutions aux problèmes de transports et les premières mesures contre la congestion que nous avons développées ci-dessus) signifient une desserte insuffisante des quartiers les plus périphériques, notamment ceux qui comptent les plus importantes zones de logements informels.

……Des mobilités singulières dans une ville en plein développement, révélatrices et accélératrices d’inégalités socio-spatiales

Il serait réducteur de parler d’une crise des embouteillages à Yangon : il s’agit plutôt d’une « crise de la mobilité » (Fox, 2017). En effet, la congestion n’est qu’un des corollaires d’une politique de transport défaillante qui n’arrive pas à rattraper le développement économique et l’étalement urbain de Yangon et que subissent les Yangonais. Selon Orfeuil (2002) et André-Poyaud et al., (2008), « la mobilité quotidienne est la résultante de programmes d’activités que les individus tentent de réaliser le plus efficacement possible en tenant compte des possibilités et des contraintes qui se déploient dans l’espace et dans le temps ». Les contraintes sont encore très nombreuses pour les Yangonais en raison de la politique menée mais aussi de la morphologie du tissu urbain, la distance entre le domicile et le travail s’étant accrue durant la dernière décennie et les ressources à disposition dans les nouveaux quartiers périphériques, souvent informels, étant manquantes.

Des mobilités singulières dans une ville en plein développement

Si la mobilité des Yangonais est de plus en plus grande, en lien avec la métropolisation de leur ville et sa croissance économique et démographique, leurs habitudes n’en sont pas pour autant bouleversées. En revanche, l’accélération de la motorisation personnelle a pour conséquence une appropriation plus importante de l’espace public. En effet, alors que les voitures personnelles ne transportent qu’un cinquième des navetteurs, elles représentent presque la moitié de la circulation et c’est l’inverse pour les bus (Véron-Okamoto et al., 2016). Il faut également mentionner que 5 % des navetteurs prennent le train. Malgré son faible coût, la ligne circulaire, créée dans les années 1950, reste peu utilisée à cause de sa vitesse lente. Dans la majeure partie des villes de taille comparable, 50 % des transports se font par train (étude de 2014 du YCDC citée par Kyaw Lat, 2018b). Alors que les bus parcourent presque l’ensemble du tissu urbain, les véhicules automobiles personnels sont concentrés vers le sud de Yangon (en raison de la présence des classes sociales les plus élevées, de leurs lieux de travail et d’habitation). Desservant le CBD depuis les quartiers périphériques, la distance qu’ils parcourent est plus élevée que celle des voitures ou des taxis : des trajets d’environ 11 kilomètres contre 7 pour les voitures (Kojima et al., 2015).

Yangon se singularise par rapport aux autres grandes villes asiatiques, étant donné que les deux-roues y sont interdits. La ville diffère également pour l’importance de la marche qui représente 45 % des déplacements de ses habitants : c’est une éco-mobilité subie plus que choisie. En effet, c’est le moyen de transport le plus écologique, mais, lorsque les Yangonais l’utilisent, c’est parce qu’ils ne peuvent faire autrement (en raison du prix des transports11 et de l’offre insuffisante ou inadaptée). Pour autant, les aménagements pour la marche sont très peu développés et, hors du centre-ville historique, les trottoirs font souvent défaut. Si l’on ne tient pas compte de la marche, les bus comptent pour 50 % des modes de transport utilisés. Malgré leurs défaillances et l’absence de modernisation, les réseaux de transport ont un rôle structurant dans la morphogenèse intra-urbaine, tout comme l’accessibilité et la mobilité qui en découlent. D’autres facteurs sont également à prendre en compte comme le coût de la vie dans le centre-ville et les autres quartiers.

Les disparités de mobilités et les inégalités socio-spatiales

La métropolisation et la libéralisation économique ont creusé le fossé entre les classes les plus pauvres et les plus aisées en termes de mobilités et d’inégalités socio-spatiales. D’autant plus que la prise en compte des inégalités socio-spatiales par des politiques urbaines et de transport débutantes est minime. Au cours du XXe siècle, des déplacements forcés d’habitants ont eu lieu du centre historique très peuplé vers la périphérie (Sabrié, 2014 ; Forbes, 2016). Craignant des soulèvements populaires contre le gouvernement, comme ceux qui ont eu lieu dans les années 1950, 1960 et 1980, les autorités ont, à plusieurs reprises, écarté par la force les habitants du centre-ville (où se trouvaient alors les institutions du pouvoir), les plus pauvres notamment (les plus à même de se révolter dans l’esprit des gouvernements militaires successifs), afin d’y faire baisser la densité démographique. Des lopins de terre ont été attribués à ces déplacés en périphérie, mais aucun matériau de construction : ce qui a eu pour conséquence d’appauvrir encore davantage ces populations.

Depuis les années 1990, aucune politique de déplacement de la population n’a été menée à Yangon. Aujourd’hui, c’est la métropolisation de la capitale économique et la hausse des loyers qui génèrent des disparités de mobilités et d’inégalités socio-spatiales encore plus grandes. Selon Chardonnel et al., « le processus de métropolisation allant de pair avec l’intensification des déplacements oblige à penser comment les conditions d’accessibilités différenciées aux lieux quotidiens de vie […] peuvent générer des inégalités sociales » (2002). Le développement économique et l’internationalisation que connaît Yangon, ainsi que l’arrivée importante d’investisseurs (en comparaison avec leur nombre avant l’ouverture, même si celui-ci n’est pas documenté à ce jour), a pour conséquence l’installation de populations aisées dans le centre-ville, dont le coût des loyers était encore abordable jusqu’en 2010. Cette augmentation du prix du logement, exponentielle jusqu’en 2015, l’internationalisation en marche et l’installation de classes sociales plus aisées (de nationaux et d’étrangers) en centre-ville ont poussé les plus pauvres à quitter ce quartier et les nouveaux immigrés à s’installer directement dans les quartiers périphériques (Smith, 2005), comme Hlaingtharya, Shwepyithar ou Okkalapa Nord (Heeckt et al., 2017) (Figure 2). En 2015, le temps de trajet moyen était de 32 minutes environ pour un trajet de 6 kilomètres en moyenne (Kojima et al., 2015). Mais il a augmenté depuis : deux tiers des Yangonais interrogés en 2017 passent quotidiennement près d’1h30 dans les transports. Aujourd’hui, environ 40 % des Yangonais vivent dans les quartiers pauvres qui sont périphériques, étant donné la croissance du front urbain, accélérée depuis 2010, liée à une immigration importante à destination de la capitale économique du pays. 30 % de ces navetteurs passent plus de 3 heures par jour dans les transports : des trajets longs, socialement destructeurs.

L’évolution accélérée et peu contrôlée de la morphologie urbaine de Yangon et les réponses limitées proposées par les autorités ne sont pas sans créer, voire renforcer les ségrégations socio-spatiales. L’absence d’homogénéité socio-spatiale et urbaine de la ville est cependant accentuée par les bouleversements urbains qu’elle connaît depuis les débuts de la transition économique. Les inégalités d’équipements n’y sont pas surmontées, à cause de la défaillance de l’offre publique de transport. Les différentes mobilités entre les classes sociales (qui diffèrent notamment selon l’éducation et l’emploi) et les quartiers (différenciation spatiale affectée par la localisation du domicile et du travail et par l’offre de transport) dans lesquelles elles vivent (Orfeuil, 2004 ; Wenglenski, 2004, cités par Chardonnel, 2012) montrent des injustices socio-spatiales. Les populations les moins aisées ne peuvent habiter la ville-centre, mais subissent pourtant de devoir venir y travailler. Les navetteurs rencontrent des difficultés à se rendre aux emplois pour lesquels ils sont qualifiés et encore davantage pour les plus pauvres d’entre eux. Ils dépensent une grande proportion de leurs revenus dans les transports et une grande partie de leur temps dans les transports, ce qui est un frein à leur sortie de la pauvreté et ajoute à l’inégalité entre les classes. « La classe la plus aisée utilise son véhicule personnel et lorsqu’elle n’en possède pas, prend le taxi, alors que les classes les plus pauvres marchent » (Kojima et al., 2015). Les plus pauvres marchent, mais nombre d’entre eux prennent aussi le bus : ceux qui vont travailler dans le CBD ou les quartiers environnants qui comptent à la fois les habitations des classes moyennes ou les plus riches, ainsi qu’une grande partie des activités économiques. Le loyer est le moins élevé dans les espaces les plus périphériques de la métropole yangonaise, notamment dans les nouvelles banlieues où les installations sont les plus informelles. Les nouvelles mobilités contribuent également à peser sur les charges qui pèsent sur les populations installées le plus loin du CBD. En effet, nombre d’entre eux utilisent une grande part de leur salaire dans les transports. Ils sont contraints par l’offre actuelle de transport en commun et dépendent pour beaucoup d’elle pour organiser leurs quotidiens, ainsi que pour accéder à leurs emplois. Les mobilités sont davantage documentées que les inégalités12 elles-mêmes, et pourtant ces dernières posent d’importants enjeux sociaux.

4. Principaux axes routiers congestionnés de Yangon et axes les plus congestionnés (Sabrié, juillet 2018)

Avec l’ouverture économique, les mobilités sont plus nombreuses à Yangon et plus contraintes. Si la ville connaît une crise de mobilité, celle-ci est à mettre en parallèle avec sa forte croissance économique. L’objectif de cet article était d’examiner sa crise de mobilité, et de voir qu’elle est le révélateur d’une crise de croissance, assez classique dans de nombreuses villes des Suds, qui est elle-même un accélérateur d’inégalités socio-spatiales (Boyer et al., 2016 ; Demoraes et al., 2010). Les groupes les plus invisibilisés sont les plus concernés par les conséquences de la libéralisation économique, notamment les nouveaux immigrés venus d’autres régions. Ces derniers continuent à s’installer dans les quartiers périphériques et passent ainsi d’innombrables heures dans les embouteillages, les déplacements domicile-travail étant amplifiés par le développement de la périphérie et la périurbanisation, renforçant une rupture du tissu urbain entre la ville-centre et la zone périurbaine.

5. Carte des bus distribuée par le Yangon Bus Directory, 2018

 

6. Carte des lignes de bus de la ville coloniale. Source : Yangon Bus Directory, 2018.

Les transports ne sont que l’un des secteurs qui nécessitent des investissements importants à Yangon. Une des questions que soulève Kyaw Lat (2018a) est de savoir si ces investissements sont justifiés, étant donné que les conditions dans lesquelles vivent les Yangonais sont meilleures que les autres Birmans. Les inégalités socio-spatiales sont certes visibles à Yangon, mais le fossé est encore plus grand entre les Yangonais et les urbains des autres villes ou les Birmans13 ruraux.

Les injonctions à la mobilité durable, qui sont aujourd’hui de plus en plus pressantes, ne semblent pas encore être sur le devant de la scène politique à Yangon, tant les autres chantiers sont encore grands.

MARION SABRIÉ

Marion Sabrié est attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’université de Rouen Normandie et rattachée au laboratoire IDEES. Ses thèmes et aires de recherche sont la métropolisation et la résilience des urbains en Asie du Sud-Est

sabrie [dot] marion [at] gmail [dot] com

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Pour citer cet article : Sabrié M. , 2019. « La crise de mobilité dans la métropole émergente de Yangon (Myanmar), accélératrice d’inégalités socio-spatiales ? », Urbanités, #11 / Bouger en ville, en ligne

 

  1. Depuis 2005, NayPyiTaw, située à 300 kilomètres plus au nord, a remplacé Yangon comme capitale politique. []
  2. Le Myanmar est découpé administrativement en sept régions et sept États. []
  3. La superficie de Yangon va continuer à augmenter puisque les autorités régionales souhaitent bâtir le New Yangon City Project, une ville nouvelle. []
  4. Sa densité démographique demeure importante, même si elle a connu le déplacement de population vers la périphérie, par la force au cours de l’histoire mais aussi en raison de l’augmentation des prix du logement. []
  5. Le nord correspondant aux quartiers souvent informels dans lesquels vivent les nouveaux arrivants et le sud à l’ancien centre-ville colonial, le long du fleuve Yangon (Figure 2). []
  6. La présence de JICA dans le contexte local s’explique par la politique du Japon de s’insérer, dans la coopération depuis les années 1970, notamment dans les pays d’Asie du Sud-Est, et de véhiculer une nouvelle image des Japonais (différente du traumatisme encore ressenti par les Birmans âgés en raison de la dure période de domination japonaise entre 1942 et 1944). L’assistance à maîtrise d’ouvrage de JICA est importante car les Birmans ne possèdent pas encore cette expertise, notamment pour une mise aux normes des infrastructures selon les standards internationaux. []
  7. Le YRTA a remplacé le Yangon Motor Vehicles Supervisory Committee en 2016. []
  8. Le salaire mensuel minimum est officiellement de 80 € mais il n’est pas toujours respecté. Avec deux trajets par jour, le coût mensuel du bus par personne est inférieur à 7 €. Cependant, plusieurs personnes vivent souvent avec un salaire : le coût mensuel du transport d’une famille devient alors souvent très élevé par rapport au salaire. En 2014, le prix du bus pouvait être de 50 Kyats pour un court trajet, mais jusqu’à 400 Kyats pour un long trajet. Avoir fixé le prix à 200 Kyats n’est alors pas toujours rentable pour la compagnie de bus. Par contre, pour les passagers, il faut disposer de la monnaie exacte car, dans les nouvelles lignes, il n’y a plus de percepteur de billets : les passagers sont invités à mettre l’argent des billets dans une boîte de perception. []
  9. Un exemple permet d’illustrer le manque de coopération : le Road Transport Administration Department gère les autoroutes nationales et régionales, mais lorsque celles-ci sont sur le territoire municipal de Yangon, ce n’est pas clair pour la Municipalité si l’autorité nationale ou municipale doit prendre en charge les rénovations. Ainsi, la première portion des deux autoroutes qui commencent à Yangon est en très mauvais état et peu est fait pour les relier au reste du réseau municipal. []
  10. Il faut garder à l’esprit que ni les infrastructures routières intra-urbaines ni les transports en commun n’ont été la priorité du gouvernement militaire au pouvoir pendant presque quatre décennies. []
  11. J’ai préalablement rapporté le coût du transport en bus aux ressources minimales des Yangonais. Le prix du taxi est inabordable pour une grande partie des Yangonais avec un coût de 5 € pour 5 kilomètres ou 15 € pour 10 kilomètres, sans compter les potentiels dépassements dus aux embouteillages. []
  12. Dans le dernier recensement officiel effectué en 2014, il y a très peu d’informations disponibles sur le prix des loyers dans l’ensemble de la métropole, ainsi que sur les différentes charges qui incombent aux foyers yangonais. Les entretiens de la population et des autorités sur le terrain permettent d’avoir une approche qualitative des répercussions de la crise de la mobilité sur les inégalités socio-spatiales. Cette approche confirme le lien de cause à effet, mais ne me permet pas de dessiner une carte qui lierait les deux avec des données quantitatives précises. []
  13. Le PIB par habitant est plus de deux fois supérieur à celui du reste du pays (Kyaw Lat, 2018b). []

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