5 ans / Concours photo la ville des 5 sens

À l’occasion de son cinquième anniversaire, Urbanités a organisé un concours photo sur le thème de « La ville des 5 sens ». Au mois de novembre, chaque semaine, nous dévoilerons les 5 lauréats du concours. Vous pourrez également découvrir les 5 photographies lauréates et toutes les photographies candidates lors de notre soirée anniversaire organisée à Paris, À la folie, le jeudi 30 novembre 2017. 

 

Premier prix : Nuuk, ville du froid, Marine Duc

Nuuk, ville du froid, Marine Duc (Groenland, mars 2017)

Malgré sa petite taille, Nuuk est la capitale du Groenland. Elle regroupe 17 000 habitants en bordure du fjord de Nuup Kangerlua, qui s’ouvre sur la mer du Labrador. Si la ville se trouve à plus de deux cents kilomètres au sud du cercle polaire, elle n’en est pas moins une ville du froid.

Cette photo a été prise début mars 2017 dans le quartier de Nuussuaq, entre deux tempêtes de neige. La température passant alors sous les vingt degrés négatifs, la ville est aussi constamment balayée par les vents, polaires ou marins. Les routes sont gelées en permanence et plusieurs dizaines de centimètres de neige s’accumulent dans les rues. Ainsi l’image, malgré sa matérialité et sa fixité rend compte d’une sensation corporelle. Elle rend visible le sensible : la glace, la neige comme un manteau, la blancheur de la luminosité et l’albédo, et puis le vent qui déplace flocons et particules sont autant de traces labiles du paysage du froid. En arrière-plan, le mont Ukkusissat s’y dresse comme un géotype. Mais au-delà des attributs matériels, c’est bien dans l’absence que se lit paradoxalement la sensation : le froid, c’est celui qu’on évite, dont on se préserve et s’abrite par un ensemble de stratégies et de dispositifs. L’abribus se fait refuge contre le vent du nord et le blizzard de surface qui glace les visages. Les rues sont pleines d’absences ; elles ne sont que circulations, si souvent médiées par l’automobile.

Marine Duc

Marine Duc est agrégée et doctorante en géographie (1ère année) à l’université Bordeaux-Montaigne. Elle travaille sur les mobilités éducatives des jeunes Kaalallit entre Danemark et Groenland, sous la direction de Béatrice Collignon.

Deuxième prix : Voir, regarder, être photographié, Pascal Garret

Voir, photographier, être regardé, Pascal Garret (Rabat, 2016)

Nous sommes ici dans le Souk el Mehl, une « joutiya » (marché aux puces en dialecte marocain) située dans l’ancien « mellah » (quartier juif) de la médina de Rabat au Maroc.

Dans ce lieu, des petits brocanteurs informels revendent tous sortes d’objets récupérés dans les poubelles de la ville : vêtements usés, plaquettes de médicaments entamées, chargeurs de téléphone, vieilles paires de lunettes, câbles usb, etc. Toutes ces petites bricoles sont ainsi exposées chaque jour sur le sol de la « joutiya », réparties soigneusement par catégories, pour être revendues aux passants.

Dans cette enclave étonnamment calme au creux de la ville, au milieu de la fumée des « canouns » (barbecues) sur lesquels grillent des sardines, les gens s’interpellent, prennent en main les objets pour les jauger et en discuter leur valeur, se posent un peu à l’ombre de la chaleur du mois d’août.

Quand j’ai vu cette femme installée sous son parasol derrière son petit étal, je l’ai trouvée très belle, étonnante et je lui ai demandé si je pouvais la photographier. Après quelques bougonnements, elle a accepté et j’ai pu prendre quelques clichés d’elle, mais, en examinant a posteriori cette photo là, je me demande qui regardait qui…

Un an plus tard, je l’ai retrouvée pour lui remettre sa photo : elle était au même endroit avec la même posture et le même regard d’une fierté sans équivoque.

Pascal Garret

Pascal Garret est photographe indépendant dans le cadre de recherches en sciences sociales.

Troisième prix : La vue, Mickael Chelal

« La vue », Mickael Chelal (Rosny-sous-Bois, 2017)

Cette photographie intitulée « la vue » représente la vue offerte par une sortie de secours d’une tour de la cité des Marnaudes à Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis (93). Située au quatorzième étage, cette sortie de secours donne vue sur une partie du grand ensemble mais élargit aussi l’horizon à d’autres villes du département (on aperçoit notamment Bondy, Noisy-le-sec, Villemomble, Bobigny, Drancy…).

Cette sortie de secours, qui a vu traverser les générations depuis sa construction à la fin des années 60, est également un espace d’entre-soi occupé par les jeunes du quartier, notamment par un groupe de jeunes hommes qui y a élu domicile. Cet espace d’intimité est le repère de ce groupe de pair profitant de la vue et de la tranquillité que procure l’appropriation de cet espace. Il nécessite de cohabiter avec les habitants qui acceptent plus ou moins bien cette co-présence mais qui caractérise le quotidien de la vie dans les cités.

Mickael Chelal

Mickael Chelal est doctorant en sociologie à l’université Paris Nanterre.

Quatrième prix : couleurs draveilloises, Romane Carballo

Couleurs draveilloises, Romane Caballo (Draveil, 2017)

 

Cette photographie, prise à Draveil, illustre bien selon moi le thème des cinq sens car elle sollicite principalement, comme l’environnement urbain peut le faire, la vue. Ce cliché est rempli de couleurs solaires ; rouge, jaune, orange, avec cette peinture murale et cette jeune fille dont l’habillement s’accorde parfaitement avec le paysage. Il montre la richesse visuelle des endroits populaires où les murs sont habillés de tags, de graffitis colorés, comme pour pallier la tristesse des parois grises et sales. Aucun pan de mur du paysage urbain n’est délaissé et chacun peut s’approprier un morceau de pierre pour y laisser son empreinte. J’ai choisi cette photographie parmi tant d’autres parce qu’elle véhicule un joli message. Le paysage des cités, des banlieues, ce n’est pas la pauvreté.

Romane Carballo

Romane Carballo est étudiante et photographe à ses heures, résidant à Draveil (Essonne).

Cinquième prix : La ville à l’ombre du volcan, Priscillia Jorge

La ville à l’ombre du volcan, Priscillia Jorge (Quito, 2016)

Contempler Quito depuis le volcan Pichincha, loin des effluves de santal de ses ruelles historiques et du brouhaha de ses grandes artères. S’extraire de la ville pour mieux la voir. Ressentir la sérénité de cette ancienne cité inca devenue métropole tentaculaire. Et éprouver sa confiance dans cette géographie andine mythique.

Dans la cosmovision indigène, les volcans sont considérés comme des entités sacrées. La légende raconte que deux guerriers andins, les volcans Chimborazo et Cotopaxi se disputèrent des années durant l’amour de la belle Tungurahua, autre volcan de la région. À la suite de sa victoire, Taita Chimborazo épousa Mama Tungurahua et de leur union naquit le Guagua Pichincha.

Du haut de ses 4 784 mètres, il domine la ville de Quito et la brume qui le recouvre à la nuit tombée ne suffit pas à faire oublier son imposante présence. À l’inverse de son vieux compagnon, le Rucu Pichincha, aujourd’hui éteint, il est toujours en activité. En 1999, sa dernière éruption a recouvert la ville d’une épaisse couche de cendres.

Priscillia Jorge

Priscillia Jorge est architecte-urbaniste et travaille sur la dimension vécue de l’espace et les paysages de la mobilité dans les métropoles contemporaines.

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