#5 / Justice communautaire et châtiments dans un Belfast post conflit : la recherche de légitimité des dissidents républicains

Guilhem Marotte

L’article de Guilhem Marotte au format PDF


Dans la soirée du 15 octobre 2014, un groupe d’hommes masqués force l’entrée d’une maison située dans Turf Lodge, quartier républicain de l’ouest de Belfast. Ils ressortent de l’habitation avec un jeune homme âgé d’une vingtaine d’années et le conduisent dans un espace vert situé à proximité. Ses ravisseurs le contraignent à s’allonger, lui tirent une balle dans la jambe puis disparaissent dans le quartier (BBC, 2014 ; The Journal.ie, 2014). Ce type d’agression, appelée « punishment shooting », est le plus souvent effectué par des membres d’un groupe paramilitaire et s’inscrit dans la mise en œuvre, par ces derniers, d’un système de justice alternative qui trouve ses racines dans les trente années de Troubles1 qui ont ensanglanté l’Irlande du Nord.

La signature du traité de paix de 1998 marque le début d’une certaine normalisation de la situation nord-irlandaise avec la fin de l’essentiel des violences politiques et le désarmement de la majorité des groupes paramilitaires, loyalistes comme républicains. Depuis 2007, le pouvoir est partagé entre unionistes et nationalistes2 qui forment une coalition. Le Sinn Féin, l’aile politique d’une IRA3 désormais désarmée, est progressivement devenu le deuxième parti politique le plus important d’Irlande du Nord et reconnait, depuis 2006, la légitimité du système policier et judiciaire britannique. Si le processus de paix a permis un développement économique conséquent à Belfast avec la diminution du taux de chômage, l’apparition de nouveaux sites d’investissement, de consommation et du phénomène de gentrification, la capitale d’Irlande du Nord reste néanmoins l’une des rares villes d’Europe où des quartiers sont encore séparés par des murs4. En effet, c’est une ville profondément divisée et encore caractérisée par une très forte ségrégation résidentielle : 73 % des personnes de tradition protestante et 67,3 % des personnes de tradition catholique vivent dans des quartiers où leur communauté est majoritaire (Shirlow et Murtagh, 2006). Le terme ségrégation désigne ici la concentration dans un quartier particulier de population de tradition catholique/nationaliste ou de tradition protestante/unioniste. Par exemple, l’organisme public responsable des logements sociaux en Irlande du Nord (le Northern Ireland Housing Executive) considère qu’un quartier résidentiel est ségrégué quand 90 % de la population qui y vit vient d’une seule communauté. Si Belfast est une ville historiquement ségréguée, ce sont les Troubles qui ont accéléré ce phénomène d’homogénéisation. Pour se protéger des violences, les habitants ont ainsi été contraints de chercher refuge dans des quartiers où leur communauté était majoritaire. Aujourd’hui encore, la peur d’une menace provenant de l’autre communauté conduit certaines personnes vivant à proximité des zones de contact entre quartiers catholiques et quartiers protestants à se créer des cartes mentales prenant en compte la ségrégation et d’intégrer l’espace divisé dans les pratiques de leur vie courante5) (Shirlow et Murtagh, 2006). C’est dans certains de ces quartiers ségrégués, souvent de classe ouvrière/populaire et caractérisés par d’importantes difficultés socioéconomiques, que s’expriment le plus les tensions, parfois les violences, entre les deux communautés.

L’exemple du jeune homme agressé dans Turf Lodge illustre bien certains paradoxes de la situation actuelle nord irlandaise. Il est ainsi le témoin d’une situation où malgré le processus de paix, toutes les organisations paramilitaires n’ont pas déposé les armes ni renoncé à la violence. En ville, cette violence peut être liée au maintien d’une forme de justice communautaire, parallèle au système judiciaire britannique6. Pour les paramilitaires qui la mettent en place ainsi que pour la population qui soutient ces pratiques, la justice alternative a pour objectif de répondre aux problèmes de criminalité en châtiant les individus ayant des comportements jugés déviants au sein d’une communauté. Comme le montre l’exemple de Turf Lodge, les châtiments effectués par les groupes paramilitaires peuvent se révéler extrêmement brutaux.

Cet article se propose d’étudier le système de justice alternatif nord-irlandais dans une période de processus de paix. Il s’agit de comprendre qui, aujourd’hui encore, est châtié par ces organisations paramilitaires, pourquoi, et quels sont les types de sanctions mises en place par ces groupes ? En filigrane se posent les questions de la légitimité des institutions britanniques dans certains quartiers des grandes agglomérations nord-irlandaises. Qui de la police ou des organisations paramilitaires possède aux yeux des habitants, le monopole de la violence légitime ? Une des formes les plus violentes de ces châtiments est sans aucun doute le « punishment shooting ». Son étude, en particulier dans la ville de Belfast, permet de se poser la question de l’espace du châtiment, d’abord à l’échelle de l’individu, puis à celle de la ville. Ainsi, la localisation des « punishment shootings » permet d’étudier certaines caractéristiques des groupes paramilitaires toujours impliqués dans le maintien d’un système de justice alternatif, leurs stratégies, ainsi que les rapports de forces intracommunautaires présents dans la ville.

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Le système de justice alternatif en Irlande du Nord

Le système de justice alternatif trouve son origine dans les violentes émeutes urbaines de 1969 lorsque se créent des groupes de défense communautaire dans les quartiers ouvriers protestants et catholiques. La poursuite des violences transforme ces groupes d’autodéfense en organisations paramilitaires. Avec le début des Troubles, la police n’est plus considérée dans les quartiers ouvriers catholiques/nationalistes, et dans une moindre mesure dans les quartiers ouvriers protestants/loyalistes comme une force légitime capable de répondre efficacement aux problèmes de criminalité. Dans des communautés relativement soudées se développent alors différents moyens de contrôle informel des incivilités du quotidien, des conflits de voisinage et de la criminalité locale (vols, agressions, viols). La surveillance et la pression sociale exercée par le voisinage, les pairs et la famille étendue, ainsi que la médiation exercée par des figures communautaires respectées comme un élu, un prêtre ou un travailleur social, permet de limiter les tensions entre les habitants (Brewer, Lockhart et Rodgers, 1998). La mise en place d’un système de justice parallèle aux institutions étatiques, est la réponse des groupes paramilitaires aux pressions exercées par leur communauté pour que ces derniers « fassent quelque chose contre les problèmes de criminalité dans leur quartier » (Monaghan, 2002 ; Monaghan et McLaughlin, 2006). En fonction des groupes qui le mettent en œuvre, ce système alternatif peut être relativement organisé avec des structures et du personnel dédié, des procédures qui mènent à une sentence et son application sous forme de châtiments (Silke, 1999). Par exemple, lorsqu’une plainte était déposée auprès de l’IRA ou du Sinn Féin, trois officiers devaient mener une enquête. Mais, dans les faits, cette procédure était le plus souvent ignorée et la plupart des délinquants présumés n’avaient pas la possibilité de se défendre. Si un châtiment était ordonné, c’était alors une équipe appelée Civil Administration Units ou Civil Administration Teams qui se chargeait de l’exécution de la sanction (Silke, 1999).

Les habitants qui approuvent ce système ainsi que les groupes paramilitaires qui le mettent en place présentent les différentes sanctions comme étant graduelles (Silke, 2000). En cas de vol, il peut y avoir une restitution des biens, une humiliation publique, voire un couvre-feu imposé. Si cela ne suffit pas, les avertissements, quand il y en a, se transforment alors en menaces. Lorsque ces dernières sont mises en application, les victimes du groupe paramilitaire peuvent être passées à tabac au cours de ce que l’on appelle un « punishment beating ». Le stade suivant prend la forme de châtiments incluant l’utilisation d’une arme à feu et durant lesquels une ou plusieurs balles sont tirées dans les articulations de la victime. Ils sont connus en Irlande du Nord sous le nom de « punishment shooting ». Une autre forme de sanction peut également être imposée : il s’agit de l’exil forcé d’un individu qui a alors 48 heures pour quitter un quartier, une ville ou même l’Irlande du Nord, sous peine de se voir infligé un châtiment physique plus violent. Enfin, la forme la plus extrême des sanctions prononcées est l’exécution. Néanmoins, cette graduation est loin d’être systématique (Silke, 2000). Cette forme de « justice » peut se montrer extrêmement brutale7. Il n’y a pas de tribunal, pas d’avocat et pas de jugement équitable. Contrairement au système judiciaire britannique, l’absence de procédure légale, de vérification systématique des preuves et d’un système qui permettrait à l’accusé de véritablement se défendre, rend la « justice » paramilitaire particulièrement arbitraire. Il est arrivé que les groupes chargés de la punition se trompent de lieu et de personne. Ils sont quelquefois mal informés, parfois à dessein par des personnes qui profitent de ces groupes paramilitaires pour régler, de manière brutale, leurs différends personnels. Ce système permet les règlements de comptes et provoque des erreurs (Knox, 2002).

Néanmoins, ce type de violences n’est pas indiscriminé, ne touche pas des individus au hasard et sanctionne principalement deux types de comportement. Ainsi, il est tourné d’une part vers les personnes qui, de par leurs comportements antisociaux ou criminels, portent préjudice à la communauté dans laquelle ils vivent, et, d’autre part, vers les personnes dont les agissements portent atteinte au groupe paramilitaire.

Cette dernière catégorie concerne les crimes dits politiques. Il s’agit ici de sanctionner la collaboration et la fraternisation avec l’ennemi, l’espionnage, l’utilisation du nom de l’organisation paramilitaire pour des buts personnels ou encore des violences commises envers des membres de l’organisation paramilitaire. Les châtiments servent également à maintenir une discipline au sein de l’organisation et à sanctionner les membres qui ont enfreint les règles comme la désobéissance, le détournement de fonds et enrichissement personnel, ou encore la trahison. Le nombre de punitions dites politiques a diminué avec le processus de paix et le désarmement des principales organisations paramilitaires loyalistes et républicaines (Monaghan, 2004).

En revanche, on assiste toujours à des châtiments qui sanctionnent des comportements perçus par la population locale comme étant antisociaux. Il est difficile de définir précisément ce qu’est un comportement antisocial, car il s’agit d’un concept extrêmement subjectif qui varie en fonction des personnes, du contexte, de la localisation, ou encore de la tolérance d’une communauté. Il englobe différentes catégories de comportements, allant de la simple nuisance (bruits, poubelles renversées…) aux crimes plus graves comme la consommation de drogues. Les comportements antisociaux sont souvent perçus comme étant l’œuvre des « Hoods ». Dans les quartiers populaires d’Irlande du Nord, le terme péjoratif de « Hood » sert à désigner des jeunes ayant des comportements délinquants. En France ce mot pourrait être comparé à l’expression « racaille ». Ces jeunes parfois regroupés en bande non organisées, se sont réapproprié cette expression. Ils inscrivent ainsi sur les murs de leur quartier des graffitis comme UTH (Up the Hood ou « les Hoods en force ») et FTRA (Fuck the Republican Army [IRA])8 qui proclament leur appartenance aux « Hoods ». L’antagonisme entre paramilitaires et Hoods peut parfois être intense (Hamill, 2008).

D’une manière générale, les comportements perçus comme antisociaux par une communauté concernent les rassemblements trop bruyants de jeunes à un coin de rue, les insultes envers des personnes âgées, le joyriding9, le vandalisme, les vols, le trafic et la consommation de drogue, les agressions ou encore les viols. La question de la drogue est très sensible, notamment pour les groupes paramilitaires républicains. Ainsi, Republican Action Against Drugs (RAAD) a été créé à Derry/Londonderry en 2008 avec pour objectif de cibler les dealers et les consommateurs de drogue dans la ville. En 4 ans d’existence, avant sa fusion avec Real IRA en 2012, RAAD a exilé, puni (punishment shootings et beatings) et tué des individus suspectés d’être trafiquants ou consommateurs de drogue ainsi que des personnes soupçonnées d’avoir eu des comportements antisociaux10 dans certains quartiers de la ville comme le Brandywell, ou encore Creggan Heights.

La question de la définition de ce système de justice alternatif se pose alors. Pour les groupes paramilitaires et les habitants qui défendent ce système, la justice parallèle est une forme légitime de violence. Elle châtie les personnes accusées d’avoir mis en danger, par leurs comportements, la communauté dans laquelle ils vivent. Il faut noter qu’il s’agit de leur communauté et non de la société en général. Un vol commis à l’extérieur de la communauté n’est généralement pas sanctionné. Ce type de violence est tourné vers les personnes de la communauté, perçues comme déviantes à divers titres par cette dernière. Contrairement à un système judiciaire institutionnel, la justice paramilitaire ne possède pas de définition stricte de ce qui doit être sanctionné et de procédures systématiques permettant à l’accusé de se défendre. Ce système de justice alternatif peut se montrer extrêmement brutal et ne respecte pas les droits de l’homme. Le châtiment qui sanctionne l’acte est appelé dans le langage courant une « punition ». L’emploi de ce terme a pour effet de légitimer la violence : les personnes victimes des châtiments sont forcément coupables d’avoir fait quelque chose puisqu’elles ont été punies. Il déresponsabilise ainsi l’agresseur paramilitaire qui ne fait que sanctionner une action répréhensible (Knox, 2000).

La présence d’une forme de justice alternative en Irlande du Nord pose également la question de la légitimité des institutions britanniques. Il s’agit de savoir qui, dans certains quartiers, est légitime et qui détient le monopole de la violence. Malgré la réforme de la police durant le processus de paix avec la création du Police Service Northern Ireland en 2002, l’augmentation du nombre de policiers catholiques, le soutien aux institutions britanniques de tous les partis politiques en 2007, le transfert des pouvoirs de police et de justice à l’exécutif nord-irlandais en 2010, cette dernière souffre toujours d’un manque de légitimité parmi certaines catégories de la population, en particulier les nationalistes/catholiques vivant dans des quartiers populaires/ouvriers (Topping et Byrne, 2012). Si l’hostilité envers la police n’est pas aussi marquée que durant les Troubles, celle-ci continue d’être perçue comme inefficace et lente lorsqu’elle répond à un appel d’urgence lié à des problèmes de criminalité ou des comportements antisociaux (Ellison, Pino et Shirlow, 2012). Par ailleurs, cette même population a l’impression que depuis le processus de paix, les problèmes de criminalité ont augmenté (violences liées à l’alcool ou encore comportements antisociaux/nuisances) (Topping et Byrne, 2012). À la fin des années 90, des programmes communautaires de justice réparatrice comme Community Restorative Justice Ireland (CRJI) sont créés par d’anciens prisonniers républicains, des universitaires et des travailleurs sociaux. L’objectif est de proposer une alternative non violente à la « justice » paramilitaire républicaine. Alternatives est l’équivalent de la CRJI dans les quartiers loyalistes. Mais malgré la création de ces programmes de justice réparatrice et les espoirs portés par la réforme de la police (Ellison, Pino et Shirlow, 2012), l’absence de légitimité, l’image d’inefficacité du système institutionnel judiciaire et l’augmentation de la criminalité expliquent le désir d’une partie de la population de recourir aux méthodes plus violentes des groupes paramilitaires, perçus comme étant plus efficaces et plus rapides. À chaque fois que la police échoue à répondre à une demande immédiate, mais que les paramilitaires le font, l’influence du groupe se renforce dans sa communauté. On est ainsi face à un paradoxe. La population réclame l’instauration d’un ordre juste, mais une partie d’entre elle se défie de la justice institutionnelle. Elle demande l’intervention de paramilitaires parce qu’ils peuvent agir rapidement et brutalement ce qui semble être à ses yeux un gage d’efficacité.

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« PSNI [la police] n'est pas la bienvenue dans [le quartier d’] Ardoyne ». Cette inscription est une partie d'une peinture murale du Republican Network for Unity (RNU), organisation souvent décrite comme étant proche d'Óglaigh na hÉireann (groupe paramilitaire républicain qui s’oppose au processus de paix et qui reste impliqué dans des actions violentes contre les forces de sécurité britanniques). Elle illustre bien l’hostilité d’une certaine frange de la population nationaliste/catholique envers le service de police nord-irlandais. (Ardoyne – Belfast, Marotte, mars 2014)

« PSNI [la police] n’est pas la bienvenue dans [le quartier d’] Ardoyne ». Cette inscription est une partie d’une peinture murale du Republican Network for Unity (RNU), organisation souvent décrite comme étant proche d’Óglaigh na hÉireann (groupe paramilitaire républicain qui s’oppose au processus de paix et qui reste impliqué dans des actions violentes contre les forces de sécurité britanniques). Elle illustre bien l’hostilité d’une certaine frange de la population nationaliste/catholique envers le service de police nord-irlandais. (Ardoyne – Belfast, Marotte, mars 2014)

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Évolution des paramilitary punishment shootings en Irlande du Nord depuis le processus de paix

Les statistiques de la police ne sont pas particulièrement fiables lorsqu’il s’agit de répertorier les différentes formes de punition mises en place par les groupes paramilitaires. En effet, l’immense majorité de leurs victimes ne parlent pas par peur d’être attaquées de nouveau si jamais leur histoire parait dans la presse, s’ils portent plainte, ou encore par peur d’être jugées une seconde fois par le système légal britannique. Néanmoins, une forme particulièrement violente de châtiment a plus de probabilité d’être rapportée dans les journaux locaux : il s’agit des paramilitary punishment shootings, ou PPS. Lors d’un PPS, la victime est contrainte de s’allonger sur le sol. Un paramilitaire lui tire alors une ou plusieurs balles dans les membres (chevilles, genoux, mollets, cuisses…). Les victimes doivent alors se faire soigner dans un hôpital qui a l’obligation de rapporter l’incident à la police.

Il est par conséquent possible d’élaborer une base de données la plus exhaustive possible qui retrace l’évolution et surtout la localisation des PPS en Irlande du Nord. La base de données a été réalisée par l’auteur à partir des rapports et des statistiques de la police, des déclarations faites par les groupes paramilitaires et de la description des PPS dans la presse (principalement) nord-irlandaise. Elle permet de localiser précisément le lieu du PPS et comporte également des indications sur l’âge et le genre de la victime ainsi que sur l’organisation paramilitaire suspectée d’être derrière l’attaque.

L’étude des PPS, grâce à cette base de données permet par conséquent d’analyser plus en détails cette forme particulière de sanction. Il s’agit ici d’étudier l’évolution d’un type de châtiment depuis le processus de paix ainsi que sa manifestation dans l’espace urbain.

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Marotte 3——–

Les cessez-le-feu puis la signature du traité de paix en 1998 correspondent, en Irlande du Nord, à une période où le nombre de PPS effectués par les organisations paramilitaires reste relativement bas. En effet, ces dernières craignaient que l’utilisation d’une arme à feu soit considérée par le gouvernement britannique comme une violation du cessez-le-feu (Monaghan et McLaughlin, 2006). Néanmoins, les PPS augmentent de nouveau dès 1999, pour parvenir à leur point culminant au début des années 2000. Selon Monaghan et McLaughlin (2006), cette hausse pourrait être en partie liée à l’absence de réaction du gouvernement britannique. Dès lors, la tendance générale est à la baisse avec le désarmement, parfois très long, des principales organisations paramilitaires.

Chez les organisations loyalistes, la hausse des PPS au début des années 2000 semble correspondre à une période de tensions entre les différents groupes paramilitaires (Gallaher et Shirlow, 2006 ; Steenkamp, 2008). Ils diminuent progressivement pour quasiment disparaitre en 2007. Cette année-là, les deux principales organisations paramilitaires loyalistes (UDA et l’UVF) déclarent avoir mis « hors d’atteinte » et « hors d’usage » leurs armes. Si les groupes paramilitaires loyalistes, désarmés depuis 2010, semblent avoir abandonné l’usage des PPS, ils n’ont pas renoncé à d’autres formes de sanctions comme les passages à tabac.

Du côté républicain, les années 2003-2009 constituent une période de transition. En effet, si au début de la décennie le Sinn Féin est partie prenante du processus de paix, sa branche armée (l’IRA) n’a, quant à elle, toujours pas désarmé. Le Sinn Féin subit des pressions extrêmement importantes de la part des gouvernements irlandais et britannique, mais surtout américain pour se transformer en parti politique normalisé. Cela est réalisé en 2005 avec le désarmement complet de l’IRA, puis en 2006 avec la reconnaissance des institutions policières et judiciaires britanniques et avec la participation du parti au pouvoir en 2007.

Si, avant 2005, la majorité des PPS effectués par les groupes paramilitaires républicains sont le fait de l’IRA, son désarmement et la stratégie choisie par le Sinn Féin entrainent un mouvement de substitution. En effet, de petits groupes républicains, appelés communément « dissidents républicains » et souvent composés d’anciens membres de l’IRA, remplacent progressivement cette dernière dans la mise en œuvre d’un système de justice alternatif. L’augmentation des PPS de 2007 à 2009 correspond à la montée en puissance de ces groupes. L’immense majorité des PPS sont alors effectués par ces dissidents républicains opposés au processus de paix et à la stratégie du Sinn Féin. Ils continuent ainsi de monter des opérations violentes contre les forces de sécurité britanniques.

La suite de cet article se concentre sur l’étude des PPS effectués par les organisations paramilitaires républicaines. En effet, ces dernières sont responsables de l’immense majorité des PPS effectués en Irlande du Nord depuis 2007. Elles possèdent en outre une caractéristique intéressante, car ce sont les seuls groupes à s’opposer de manière violente au processus de paix. Enfin, le désarmement de l’IRA en 2005 puis la reconnaissance de la légitimité des institutions britanniques par le Sinn Féin entraine un mouvement de substitution : ce sont désormais les groupes dissidents républicains qui s’impliquent dans la mise en place d’une forme de justice parallèle.

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Marotte 4————

Les PPS (effectués par des dissidents républicains) sont un phénomène urbain. Ils touchent principalement et de manière répétée les deux plus grandes agglomérations d’Irlande du Nord que sont Belfast et Derry/Londonderry. Ces deux villes représentent à elles deux 90 % de tous les PPS effectués en Irlande du Nord entre 2006 et 2014. Belfast connaît le plus grand nombre de PPS (131). Certains quartiers situés à l’ouest et au nord sont des anciens bastions de l’IRA et connaissent une présence historique d’organisations paramilitaires républicaines. Ainsi, la police estime que, depuis 2011, au moins 33 PPS ont été effectués par l’ONH (News Letter, 2014). D’autres PPS sont attribués à l’Irish National Liberation Army (INLA, désarmée depuis 2010) ou encore à Continuity IRA. Derry/Londonderry, deuxième ville la plus importante d’Irlande du Nord et majoritairement catholique, connait également un nombre de PPS important (50) entre 2006 et 2014. Ces derniers sont principalement l’œuvre de RAAD et de la Real IRA qui fusionnent en 2012 pour former la New IRA. De petites villes ont également connu des PPS, comme Strabane (extension des activités de RAAD, présence de l’INLA), Lurgan (PPS tous localisés dans le quartier de Kilwilkie) ou Armagh. Dans ces deux dernières, Continuity IRA est considérée comme responsable des kneecapings.

En Irlande du Nord, les victimes des PPS sont tous des (jeunes) hommes. Il est important de noter que l’âge moyen des victimes a augmenté. Par exemple, entre 1988 et 2000, 30 % des victimes étaient âgées de moins de 20 ans (Kennedy, 2001). Aujourd’hui, cette dernière catégorie ne représente plus que 18 % (base de données auteur). Selon M. Doherty, travailleur communautaire au Peace and Reconciliation Group (Derry/Londonderry), il est probable que cette évolution soit une conséquence du processus de paix. En effet, les groupes paramilitaires dissidents républicains sont moins soutenus par la population locale que n’a pu l’être l’IRA. En préférant exiler les jeunes de moins de 18 ans plutôt que de leur faire subir un PPS, ces organisations évitent de s’aliéner la population locale en effectuant des actions trop violentes. En règle générale, les groupes paramilitaires préfèrent recourir à l’exil quand il s’agit de femmes même s’il y a eu, dans le passé, des cas où ces dernières ont été passées à tabac, humiliées publiquement ou ont subi un PPS (Doherty, entretien, 2013).

Il est difficile d’obtenir des informations détaillées et exhaustives sur les différents types de sanctions mises en place par les groupes paramilitaires. D’une manière générale, le lieu et l’heure du châtiment varient en fonction de l’objectif souhaité. Par exemple, les exils forcés visent à écarter un individu, parfois de manière définitive, du quartier ou de la ville dans laquelle il vit. Lorsque l’objectif n’est pas d’éloigner une personne d’un endroit particulier, mais de l’humilier, la sanction est effectuée aux yeux de tous, dans l’espace public. La personne ainsi châtiée peut être forcée à tenir une pancarte décrivant les actions répréhensibles qu’elle aurait effectuées et se maintenir à un carrefour fréquenté du quartier pendant quelques heures. D’autres cas plus violents voient la victime attachée à un lampadaire et recouverte de goudrons et de plumes (McCrory, 2009).

Le cas des PPS est particulier, car il implique l’utilisation d’une arme à feu. Les paramilitaires chargés de ce type de châtiment doivent tout d’abord sortir une arme de sa cache et l’emmener jusqu’au lieu du PPS. Une fois la sanction effectuée, ces derniers doivent s’enfuir, parfois séparément, afin de rejoindre un endroit sûr. Par ailleurs, l’arme utilisée doit être à nouveau cachée. Durant tout ce temps, le groupe chargé du châtiment peut être intercepté par les forces de sécurité. Et contrairement à un passage à tabac qui peut passer relativement inaperçu, l’utilisation d’une arme à feu est bruyante. Elle entraine généralement l’intervention des services hospitaliers qui soignent la victime ainsi que de la police qui enquête sur le PPS.

La base de données sur les PPS ne permet de fournir des informations précises et détaillées sur le lieu (domicile de la victime, parc, dans la rue…) et l’heure du châtiment que dans 70 % des cas. Néanmoins, ces données sont intéressantes, car elles mettent en avant un certain nombre d’éléments. Premièrement, le PPS a généralement lieu en soirée, quand il fait déjà nuit. L’obscurité et l’heure tardive permet aux paramilitaires d’opérer en relative sécurité, avec moins de risque de se faire repérer et plus grande possibilité de fuite. D’autre part, les PPS s’effectuent dans 45 % des cas au domicile de la victime, ou de ses proches. Les membres du groupe paramilitaire forcent alors l’entrée du domicile de la victime, s’introduisent dans son espace domestique. Le PPS est directement effectué. Si la victime n’est pas seule, les personnes l’accompagnant sont tenues à l’écart par un membre du groupe paramilitaire. Lorsqu’il ne se déroule pas au domicile de la victime, le PPS est effectué dans l’espace public. Là encore, le lieu du PPS doit permettre au groupe paramilitaire d’agir en relative discrétion. Ils sont réalisés dans des ruelles, des parcs ou à l’arrière des maisons.

La nécessité de discrétion et de sécurité (connaissance du terrain) du groupe paramilitaire quand il effectue un PPS peut se retrouver dans les éléments suivants. Premièrement, certains PPS sont effectués à la suite d’un enlèvement. La victime est ainsi emmenée dans un véhicule jusqu’à un lieu repéré en avance, où le PPS est effectué. Enfin, la victime peut venir d’elle-même sur le lieu du châtiment. Durant ces PPS effectués « sur rendez-vous », les victimes se rendent sur le lieu du châtiment et attendent que les paramilitaires effectuent le PPS. Dans quelques cas, ce sont les parents qui ont emmené leurs enfants sur le lieu de rendez-vous. À Derry/Londonderry, une mère a conduit son fils de 18 ans sur le lieu du PPS à la demande de l’organisation paramilitaire RAAD et a attendu en haut d’une ruelle que son fils se fasse tirer deux fois dans les jambes (BBC, 2012).

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Analyse de la localisation et de la concentration des paramilitary punishment shootings à Belfast

La ville de Belfast concentre à elle seule plus de la moitié des PPS effectués en Irlande du Nord entre janvier 2006 et décembre 2014. L’étude de leur localisation dans la ville permet de dégager certaines caractéristiques des groupes dissidents républicains qui les mettent en œuvre

Marotte 5———–

À Belfast, les PPS se concentrent dans l’ouest et le nord de la ville, dans des quartiers ségrégués à majorité catholique. Ils sont effectués par des groupes paramilitaires dissidents républicains qui opèrent dans les communautés nationalistes. Les PPS ne sont pas distribués de manière homogène sur le territoire mais sont regroupés dans des lieux particuliers. En effet, on observe tout d’abord une très forte concentration dans les quartiers d’Ardoyne, de Turf Lodge et de Lenadoon. D’une manière moins prononcée que pour ces trois quartiers, d’autres PPS sont observés à Twinbrook, Falls, et Ballymurphy et dans une moindre mesure Poleglass. Ce sont des quartiers populaires/ouvriers qui connaissent de grandes difficultés socioéconomiques, comme le montre le Northern Ireland Multiple Deprivation Measure11 (NISRA, 2010) : le taux de chômage y est élevé, le niveau de revenu moyen par habitant et le niveau d’éducation sont plus faibles que la moyenne d’Irlande du Nord. Cependant, tous les quartiers situés à l’ouest et au nord de la ville ne sont pas homogènes. Par exemple, certaines parties d’Andersonstown Road ont un niveau de vie plus aisé et sont habitées par des classes moyennes qui ne connaissent pas le phénomène des PPS. Ce contexte socioéconomique est l’un des facteurs d’explication d’un certain type de criminalité, sanctionné par le système de justice alternatif des groupes paramilitaires présents dans ces quartiers (O’Doherty, entretien, 2014).

Néanmoins, cette explication ne suffit pas, comme le montre l’exemple du quartier de New Lodge et des petits quartiers nationalistes du Short Strand, Marquet et de Lower Ormeau. En effet, ces derniers sont également des quartiers ségrégués catholiques qui connaissent des difficultés économiques ainsi qu’une présence historique de groupes paramilitaires républicains. Pourtant, le nombre et la fréquence des PPS dans ces quartiers sont très bas si on les compare à ceux d’Ardoyne.

Comment expliquer cette différence ? À Belfast, les PPS, et d’une manière plus générale le système de justice alternatif, sont un moyen pour les groupes paramilitaires dissidents républicains de s’affirmer et de se promouvoir auprès de la population locale (McKearney, entretien, 2014). Il est à noter que ces petits groupes paramilitaires républicains ne sont pas aussi organisés et structurés que ne l’était l’IRA (Maguire, entretien, 2014). Jusqu’au désarmement de cette dernière, le système de justice alternatif était relativement « institutionnalisé » autour de personnes (souvent membre du Sinn Féin) et d’endroits (parfois appelés « provo police stations ») comme Connolly House ou Brompton Park. Les personnes qui ne souhaitaient pas s’adresser à une instance étatique comme la police pouvaient alors demander au Sinn Féin/IRA de régler leurs problèmes (Silke, 1999). Parce qu’ils sont moins nombreux, moins organisés et moins soutenus, les dissidents républicains n’ont pas la possibilité de mettre en place un système aussi sophistiqué que celui de l’IRA/Sinn Féin (O’Doherty, entretien, 2014). Plus simple, celui-ci s’organise davantage autour d’une ou de plusieurs personnalités présentes dans un quartier particulier plutôt que sur une organisation fortement structurée et capable d’être présente et efficace dans plusieurs villes d’Irlande du Nord (Maguire, entretien, 2014).

La concentration de PPS dans un quartier comme Ardoyne est par conséquent le signe de la présence, à cet endroit particulier, d’un petit noyau de militants dissidents républicains ayant à la fois la capacité et la volonté d’utiliser la violence. Pour mener à bien un PPS, les membres d’un groupe dissident républicain ont besoin de se renseigner sur les agissements présumés de leur future victime. Ils doivent connaître son lieu d’habitation, de travail ou de loisir. De plus, les dissidents républicains doivent pouvoir amener une arme (sans se faire arrêter) au domicile de la victime dont ils forcent l’entrée ou encore être en mesure d’enlever leur victime pour l’emmener dans un endroit plus sûr, qu’ils connaissent, comme un parc ou une ruelle facile à surveiller. Parfois, les victimes sont convoquées directement sur le lieu du PPS. Si la victime ne se présente pas au rendez-vous, alors la sentence pourrait être pire. Toutes ces actions ne peuvent s’effectuer sans le soutien (actif ou passif) d’une partie de la population locale. Le faible nombre de PPS dans New Lodge ne signifie pas pour autant que des (dissidents) républicains ne sont pas présents dans le quartier. En effet, tous ces groupes n’ont pas comme stratégie l’utilisation de la violence, que ce soit par idéologie ou tout simplement par manque de moyens. Néanmoins, la différence entre les nombres de PPS peut être analysée comme un indicateur du rapport de force entre les dissidents républicains et le Sinn Fein dans un quartier particulier (McIntyre, entretien, 2014). Ainsi, à Ardoyne, le soutien de la population locale envers les groupes républicains qui s’opposent au traité de paix est plus important que dans d’autres quartiers de Belfast, comme New Lodge. Dans ce dernier, le soutien envers le Sinn Féin reste très important et sa position vis-à-vis des dissidents républicains plus forte que dans Ardoyne.

 

 

Que faut-il donc conclure ? Pendant les Troubles, un système de justice rudimentaire, parallèle aux institutions étatiques a été mis en place dans les quartiers ouvriers catholiques (et dans une moindre mesure dans les quartiers protestants) des grandes agglomérations nord-irlandaises. Instauré par des organisations paramilitaires, le système de justice alternatif répondait aux attentes d’une partie de la population locale qui percevait la police et la justice britanniques comme illégitimes ou inefficaces.

Si le processus de paix a permis une baisse très importante du niveau de violence en Irlande du Nord, cette dernière n’a pas complètement disparu. Aujourd’hui encore, la violence opérée par des forces autres que la police ou la justice institutionnelle n’a pas encore perdu toute légitimité dans certains quartiers des grandes agglomérations nord-irlandaises. Le maintien d’une forme de justice communautaire, alternative au système judiciaire britannique, permet aux groupes paramilitaires de châtier, parfois de manière extrêmement violente, les personnes ayant des comportements perçus comme antisociaux ainsi que les personnes s’opposant à l’organisation paramilitaire. En sanctionnant ce type de comportement, les paramilitaires se présentent comme les protecteurs d’une communauté. Comme le montre l’exemple des paramilitary punishment shootings, les personnes châtiées sont le plus souvent des jeunes hommes.

Avec le processus de paix, le nombre de paramilitary punishment shootings diminue d’une manière extrêmement importante. Le désarmement des principales organisations paramilitaires, loyalistes comme républicaines permet d’expliquer la quasi-disparition de ces châtiments en 2007. Néanmoins, tous les groupes paramilitaires n’ont pas renoncé à la violence. Des petites organisations républicaines, issues de l’IRA et appelées « dissidents » s’opposent toujours aux forces de sécurité britanniques et continuent la lutte armée. Comme le montre l’exemple des paramilitary punishment shootings à Belfast, ces dissidents républicains se sont substitués à l’IRA et sont responsables du maintien d’un système de justice parallèle dans certaines communautés républicaines de la ville. Aujourd’hui comme durant les Troubles, la justice parallèle est à la fois une demande d’une certaine partie de la population locale et une stratégie mise en place par les groupes paramilitaires qui consolident, par ce biais, leur influence et leur légitimité dans leur communauté. L’implication des dissidents républicains dans une forme de justice alternative s’inscrit dans une stratégie de contre-normalisation dont l’objectif est de renforcer l’organisation paramilitaire qui le met en place. Néanmoins, ce système de justice parallèle se concentre principalement dans certains quartiers de Belfast où la présence des dissidents républicains est la plus marquée.

GUILHEM MAROTTE

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Guilhem Marotte est doctorant en géographie, membre du Centre de Recherches et d’Analyses Géopolitiques (CRAG) et rattaché à l’Université Paris VIII. Ses thèmes de recherche portent sur l’évolution du processus de paix nord-irlandais et plus particulièrement sur les stratégies de contrôle des territoires de Belfast.

guilhem.marotte AT wanadoo DOT fr

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Image de couverture : « Drug Dealers Beware ». Cette photographie présente un graffiti inscrit sur un mur du quartier nationaliste de New Lodge, situé au nord de Belfast. Ce graffiti (ainsi que d’autres, situés hors champ) menace les vendeurs de drogue du quartier. (New Lodge – Belfast, Marotte, mars 2014)

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Bibliographie

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Entretien en mars 2013 avec M. Doherty, travailleur social et directeur du Peace and Reconciliation Group à Derry/Londonderry.

Entretien en mars 2014 avec H. Maguire, ancien prisonnier républicain et responsable de Community Restorative Justice Ireland (CRJI).

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  1. Les Troubles désignent les 30 années de conflit en Irlande du Nord qui ont fait près de 3 500 morts entre 1969 et 1998. []
  2. Pour la majorité des acteurs, le conflit n’est pas religieux, mais lié à des questions touchant à la politique et au nationalisme. Les deux principales idéologies politiques sont d’une part l’Unionisme, qui prône le maintien de l’Irlande du Nord dans le Royaume-Uni, et d’autre part le Nationalisme (irlandais) qui souhaite au contraire son rattachement à la République d’Irlande. Les formes les plus radicales et surtout violentes de ces deux courants sont respectivement le Loyalisme et le Républicanisme. Loyalistes et Républicains se retrouvent majoritairement dans la classe populaire/ouvrière. En Irlande du Nord, ces idéologies ont tendance à se superposer aux communautés. Ainsi, les personnes de tradition protestante sont en majorité unionistes/loyalistes alors que celles de tradition catholique sont principalement nationalistes/républicaines. []
  3. Sauf indication contraire, l’utilisation du nom « IRA » ou Irish Republican Army désigne, dans cet article, l’IRA Provisoire. Appelés également « provos », les membres de l’IRA Provisoire sont responsables de l’essentiel des violences commises par les paramilitaires républicains en Irlande du Nord durant les Troubles. []
  4. La séparation physique entre les communautés catholiques nationalistes et protestantes unionistes prend à Belfast des formes variées dont les murs sont probablement l’exemple le plus visible et le plus symbolique. Hauts de plusieurs mètres et parfois rehaussés de grillages, ils séparent des zones entières l’une de l’autre et ferment certaines rues de manière définitive. Des portes permettent le passage des véhicules et des individus de part et d’autre du mur en limitant les contacts entre les deux communautés à quelques points précis pouvant être fermés et contrôlés. Il existe d’autres formes de barrières physiques comme la végétation, des terrains vagues, des friches industrielles, des bâtiments (publics, industriels, maisons abandonnées) ou encore des autoroutes urbaines qui jouent le rôle d’espace tampon et de structures défensives. []
  5. Les habitants utilisent les services présents à l’intérieur de leur propre communauté ou, lorsqu’ils n’ont pas le choix, choisissent de faire un détour afin d’utiliser les infrastructures et les services présents dans un autre quartier moins connoté en terme identitaire (Shirlow et Murtagh, 2006 []
  6. Dans cet article, les termes « système de justice alternatif » et « justice parallèle » désignent tous les deux la mise en place par des groupes paramilitaires d’une forme de justice communautaire qui peut être extrêmement violente. []
  7. Les punitions ne sont pas forcément de simples passages à tabac. Les beatings peuvent être effectués à l’aide de barres de fer, de battes de baseball, de clubs de golf, de marteaux, ou encore de crosses de hurling cloutées afin de provoquer des plaies ouvertes. Les coups sont portés directement sur les os afin de les briser et causer de multiples fractures. Recevoir plusieurs balles dans les jambes peut laisser des séquelles à vie. Une balle peut également toucher une artère principale et entrainer la mort si la blessure n’est pas soignée à temps. Dans certains cas, une amputation est nécessaire (Peyton, 2002 ; Williams, 2005). []
  8. Il existe d’autres variantes comme FTONH ou « fuck the Óglaigh na hÉireann ». ONH est une petite organisation paramilitaire républicaine opposée au processus de paix. []
  9. Ce terme fait référence aux rodéos automobiles effectués par des jeunes. Ils volent un véhicule et font la course dans le quartier. Le véhicule peut finir embouti dans un mur ou dans un fossé et le joyriding est responsable d’accidents tragiques, qu’il s’agisse des conducteurs ou de simples passants. []
  10. Pendant sa période d’activité, RAAD est responsable à Derry/Londonderry, Strabane et dans la région frontalière du Donegal d’au moins 30 punishment shooting, de l’expulsion de plusieurs dizaines de jeunes hommes ainsi que du meurtre d’Andrew Allen (base de données rassemblée par l’auteur ; Lindsay, 2012). []
  11. Cet instrument statistique permet de mettre en valeur les différentes inégalités socioéconomiques en établissant un classement de tous les territoires étudiés en Irlande du Nord, par le croisement de différents domaines comme les revenus, l’emploi, la santé, la criminalité ou encore l’éducation. Chacun de ces domaines contient plusieurs indicateurs. Combinés entre eux, ils donnent une note globale et des classements par domaines. La note la plus basse correspond aux territoires les plus défavorisés. []

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