Urbanités africaines / Le projet de reconversion du port de Tanger : entre urbanisme standardisé et jeux d’alliances locales ?
Brendan Blayac
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L’article de B. Blayac au format PDF
La ville de Tanger connaît depuis la fin des années 2000 un regain d’intérêt d’abord de la part du roi Mohammed VI et ensuite de la part des acteurs économiques qui composent la finance internationale, que ce soient des grandes entreprises ou des fonds d’investissements. Cela se traduit notamment par la mise en place d’un grand projet urbain destiné à transformer l’ancien port industriel en un port touristique de plaisance. Ce projet associe des acteurs politiques tels que le roi et ses relais locaux, les walis, et des acteurs économiques, que ce soient des grandes entreprises européennes ou marocaines. Plus largement, c’est dans le double contexte d’un capitalisme d’État visant à une forte intégration du Maroc à la mondialisation et d’une attractivité croissante de l’Afrique pour les détenteurs des grands capitaux que l’intégration rapide de Tanger doit être comprise. En effet, le Maroc se met de plus en plus « au diapason de l’agenda néolibéral international » (Catusse, 2008 : 315), favorisant alors son attractivité sur le plan économique. L’indépendance et la fermeture de la frontière avec l’Algérie transforment alors la géoéconomie du Maroc en privilégiant la conurbation Rabat-Casablanca et, depuis peu, la région tingitane, au détriment de Fès et d’Oujda (Piermey, 2010).
De nombreuses études rapportent l’importance exponentielle de la finance internationale dans la production urbaine (Lorrain, 2011 ; Theurillat et Crevoisier, 2012). D’après ces recherches, la finance de marché constitue la clef de voûte du développement urbain. Elle se caractérise avant tout par la forte mobilité à petite échelle et surtout la liquidité des capitaux, c’est-à-dire leur capacité à être rapidement investis et désinvestis. De ce fait, l’enjeu pour les acteurs du développement urbain est bien de capter et de conserver ces capitaux. Il s’agit de se montrer attractif pour les investisseurs potentiels en constituant un réel espace d’opportunités qui garantit le meilleur rapport risques/rendements. C’est selon cette logique qu’opère la financiarisation du développement urbain. L’attractivité d’un projet nécessite donc l’adoption d’un cadre légal et organisationnel perçu comme étant en adéquation avec le principe de mobilité/liquidité des capitaux. Ce cadre constitue un aspect essentiel de la standardisation des pratiques des productions urbaines, et ce dans la mesure où il est mis en place à partir des préconisations d’acteurs internationaux dont l’objectif est d’établir des dénominateurs communs entre les différents acteurs de sorte à fluidifier les mouvements de capitaux et ainsi favoriser la croissance économique (Ibid.).
Cette logique générale trouve un écho particulier au Maghreb et notamment au Maroc qui, après la Tunisie dans les années 1980-1990, se positionne comme une référence dans l’urbanisme de projet au Maghreb depuis le « tournant financier » des années 2000 (Cattedra, 2011). En effet, celui-ci se caractérise par : une autonomisation de la maîtrise d’ouvrage centrée sur la personne privée du roi et d’acteurs économiques internationaux, notamment émiratis ; l’internationalisation des montages financiers par le biais d’holdings ou de sociétés cotées en bourse ; un aménagement des waterfrontssur les modèles émiratis et libanais, associant logements luxueux, espaces de loisirs et touristiques, centres d’affaires ; et des projets principalement motivés par les opportunités financières, notamment foncières, sans considérations réelles de son intégration à l’ensemble de l’agglomération (Barthel, 2008 ; Cattedra, 2011). Ainsi, l’urbanisme de projet au Maroc paraît être un urbanisme ex nihilo, privé et financiarisé. Pourtant, dès la Charte Nationale de l’Aménagement du Territoire de 2000 et surtout avec la nouvelle Constitution de 2011, les oppositions d’élus locaux à Salé dans le cadre de l’aménagement de la vallée du Bou Regreg (Mouloudi, 2015) et ses engagements auprès de l’OCDE en termes de gouvernance – initiés en début des années 2010 –, le Maroc souhaite redonner sa part belle aux acteurs locaux, tant dans l’investissement que la participation au développement territorial.
Dès lors, l’objectif de cet article est d’expliquer les processus de standardisation de la production urbaine au Maroc et de comprendre comment se met en place cette actualisation des différents standards au Maroc à partir du cas du projet de reconversion portuaire de Tanger. Quelles sont les tensions et/ou contradictions qui apparaissent entre standards internationaux et standards régionaux (maghrébins), voire locaux (marocains et tangérois) ? Selon quelles logiques s’actualisent ces standards ?
Nous postulons que les standards internationaux ne s’imposent pas intégralement aux standards régionaux et locaux, malgré les discours marocains. En effet, cette adaptation ne peut faire fi des héritages, notamment en termes institutionnels et de constitution de réseaux d’alliances entre acteurs à différentes échelles, et s’inscrit dans des horizons d’attente spécifiques à chaque acteur.
Pour ce faire, nous avons mené une enquête de terrain de type ethnographique (Cefai, 2010) constituée d’observations, d’un recueil de documents officiels des institutions rencontrées et d’entretiens semi-directifs, formels et informels avec les agents et responsables d’administrations et d’entreprises1
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Tanger au sein des grands projets urbains
Tanger, une ville en marge ?
Par son passé de ville internationale (1923-1956), le système territorial de Tanger s’est longtemps autonomisé pour se retrouver marginalisé du reste du pays, y compris après l’indépendance de 1954. En effet, outre les différences en termes de langues et d’histoire2, la révolte du Rif (1957-1959) sur fond de pauvreté a été fortement réprimée par le prince héritier, le futur le roi Hassan II, qui règne de 1961 à 1999. Cette répression a renforcé la marginalisation du Nord qui devient alors sujet à l’administration militaire (Vermeren, 2016) et ne connaît que peu d’investissements en dehors d’un programme touristique entre 1965 et 1972, et dont l’échec marque encore aujourd’hui les acteurs locaux (Berriane, 1998). Ainsi, l’histoire du XXesiècle et surtout l’histoire postcoloniale et l’intégration au royaume chérifien marque la fuite des capitaux et des flux vers l’Europe et Israël (Ibid.). Cette histoire récente est perçue par les Tangérois comme le passage d’un Âge d’Or sansle Maroc à une paupérisation avec le Maroc.
En effet, en termes de développement, et selon une étude présentant les disparités régionales de développement, des chercheurs français et marocains (Benaabdelaali et al., 2013) montrent que la région de Tanger-Tétouan se situe légèrement en dessous des moyennes nationales avec un IDH de 0,579 pour une moyenne de 0,590. Mais les régions voisines, et surtout la région Taza Al Hoceima, font parties des régions les plus pauvres du pays avec un IDH de 0,473, entraînant des migrations vers Tanger, Tétouan et Fès. Cela participe alors d’une certaine paupérisation de Tanger, visible à plus grande échelle : le bas de la médina, côté port, et les quartiers informels périphériques comme Bni Makada sont en effet caractérisés par une forte pauvreté et l’installation de populations issues de ces régions.
Néanmoins, l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI en 1999 change le rapport du pouvoir à ce territoire. Dans un contexte de maritimisation, le pouvoir royal affiche un intérêt croissant pour cet « angle vif » (Troin, 2002) du Maroc qu’est la région tingitane. Celle-ci se situe sur le détroit de Gibraltar, interface entre Europe et Afrique, espace de circulations maritimes mondiales reliant l’Asie à l’Europe, voire à l’Amérique. Comme nous pouvons l’observer sur le croquis ci-dessous, cet intérêt croissant se traduit par le développement d’infrastructures de transports (port Tanger-Med, autoroute du Nord, Ligne à Grande Vitesse (LGV) Tanger-Casablanca), de zones franches (dont celle de Melloussa qui accueille Renault en 2012) et par le réinvestissement des centres urbains (Piermay, 2010).
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La reconversion portuaire : l’affirmation d’une nouvelle centralité urbaine
Dans une logique de reconquête des waterfronts, le port de Tanger-ville connaît une forte restructuration. Jusqu’à récemment port industriel et de pêche comprenant une zone franche, il a vu une grande partie de ses activités se délocaliser au profit du nouveau port Tanger-Med. L’espace portuaire est caractérisé au moment de l’enquête par une importante marginalité par rapport au reste de la ville. On y observe une forte présence de migrants et de vendeurs informels ou illégaux – de cannabis notamment. De même, outre la pêche et la présence d’une station d’épuration, les activités restantes concentrent des petits hôtels pour travailleurs, des usines de mareyage et des bars où se pratique discrètement la prostitution. Il s’agit donc d’un espace peu attractif au sein de la ville.
Mais avec la réalisation du port à conteneur de Tanger-Med entre 2007 et 2010, la zone devenait propice à une réorganisation de l’espace et des activités. Initié par le roi, selon l’Agence de Promotion et de Développement du Nord (APDN), l’actuel port entame sa transformation en un port de plaisance haut de gamme visant à accueillir les bateaux de croisières sillonnant la mer Méditerranée, les ferrys de liaison avec l’Espagne depuis Tarifa, et les yachts de luxe de touristes fortunés. L’ancien port de pêche est déplacé légèrement à l’ouest, toujours sur le site. Des bars sont également déplacés sans que leur futur emplacement ne soit connu. L’objectif serait d’atteindre 750 000 croisiéristes d’ici à 2020 tout en développant un espace touristique haut de gamme avec des hôtels 4 et 5 étoiles de 1 100 lits et des résidences touristiques de 600 lits, et un espace de loisirs par l’intermédiaire d’un palais des congrès de 1 500 places, d’un musée de 15 000 m², d’un multiplexe cinématographique de 7 000 m² et d’un centre commercial de 15 000 m². Des bureaux et logements y seront associés avec respectivement 40 000 m² en zone offshoreet 90 000 m² de logement. Sur une superficie totale de 84 ha de terre-plein, le projet de reconversion est estimé à 6,5 milliards de dirhams (environ 600 millions d’euros). L’idée pour le pouvoir central est non seulement de valoriser un espace en cours de dépréciation mais également de profiter de la situation de Tanger, à proximité des routes de croisières espagnoles. Cela doit être compris dans une dynamique plus vaste d’un réinvestissement de l’État et d’entreprises mondialisées dans le Nord.
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La standardisation de la production urbaine par la création d’un espace d’opportunités
De la mise en adéquation des normes et conventions locales et internationales
Dès 1983 et sous impulsion du FMI, le Maroc s’oriente vers des politiques libérales. Ce changement progressif est incité continuellement par d’autres structures internationales, qu’elles soient institutionnelles ou privées. C’est ce qu’illustre le poids des rapports d’expertise de cabinets de conseils dans les stratégies de développement des pays. Au Maroc, le programme Émergence qui vise au développement industriel du pays découle directement des rapports du cabinet Mc Kinsey & CO (Djelic, 2004). Ce cabinet propose au Maroc de développer l’offshoringdans les régions du Nord, notamment pour des productions et services francophones et hispanophones. En un sens, il s’agit d’adopter une stratégie de développement national et local en lien, voire en réaction avec le développement économique des voisins européens, ce qui n’est pas sans conséquences sur les choix de projets, les montages et les localisations. Cela explique l’intérêt croissant pour la façade Nord du Maroc, proche de l’Europe. C’est dans ce contexte qu’a été pensée la reconversion du port de Tanger en un port touristique lié à la croisière – dont la principale clientèle en Méditerranée est européenne – ou encore que l’usine Renault s’est installée en janvier 2012 dans la zone franche de Melloussa, à proximité de Tanger, du port en eau-profonde Tanger-Med et de la future LGV reliant Tanger à Casablanca. Cette stratégie s’accompagne également d’accords de libre-échange signés avec les grandes puissances que sont l’Union européenne et les États-Unis (OCDE, 2011) et de programmes de développement tel que l’APDN qui investit dans des infrastructures pour désenclaver la région du Rif3 (Le Tellier, 2007). Ces programmes de coopérations ont pour effet d’attester auprès des investisseurs de la stabilité du royaume et ainsi de la confiance qu’ils peuvent lui accorder.
L’adoption de standards internationaux a donc pour principal objectif de placer l’ensemble des pays sur des dénominateurs communs, combinant un champ lexical4 avec une application de normes relatives à la corporate governance (Theurillat et Crevoisier, 2012), soit à un ensemble de pratiques et dispositifs institutionnels communs aux grandes entreprises. Cela permet de favoriser l’attractivité des territoires marocains pour les investissements étrangers. On observe donc une mise en adéquation des normes et conventions nationales avec les normes et conventions internationales. Cela est le fait des États mais est appuyé, sollicité par des acteurs extérieurs internationaux qui préconisent certes des stratégies, mais plus concrètement, prônent l’utilisation d’outils spécifiques dans la production urbaine.
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Des projets intégrant des acteurs financiarisés et des outils standardisés de production urbaine
Le premier de ces outils est bien le partenariat public-privé (PPP). Son objectif est d’assurer des services et/ou des projets dans le cadre d’un partenariat alliant l’implication d’acteurs publics et privés. On observe une croissance du poids de ces sociétés dans les projets urbains, notamment sous l’impulsion de l’OCDE (OCDE, 2011). Ainsi, la reconversion portuaire est menée par une société anonyme possédant des capitaux publics et privés et associée à de grandes entreprises privées marocaines comme européennes que nous détaillerons par la suite. Cela permet un transfert de gestion de l’aménagement urbain au profit d’acteurs privés ou semi-publics dont les prérogatives et responsabilités sont territorialisées. On reconnaît donc ici l’action par projet, terminologie et stratégie de développement omniprésente dans les sphères privées et désormais dans l’aménagement urbain.
Un second outil est la mise à disposition et la normalisation des ressources foncières. Une des caractéristiques des États postcoloniaux était de créer des réserves foncières de sorte à assurer le développement urbain (Denis, 2011). Mais dans un contexte de transformation du capitalisme, les acteurs de la libéralisation cités précédemment préconisent un transfert des réserves foncières publiques vers le privé par le biais notamment des immatriculations de ce que l’économiste H. de Soto nomme le « dead capital », c’est-à-dire ce foncier public qui, n’étant pas intégré à une économie de marché, dormirait et ne permettrait pas la création de valeur (De Soto, 2000). On assiste alors au Maroc à la mise en place d’un véritable arsenal juridique en lien avec les préconisations du FMI et de la Banque Mondiale, inspirées des thèses de de Soto (Daoudi, 2011). La loi 58-00 du 13 juin 2003 réforme la Conservation Foncière, transformée en Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie. Cette agence pousse à l’immatriculation des terres en simplifiant les procédures par rapport à l’ancien régime du dahirde 1913, et en réduisant les coûts d’immatriculation. Cela permet par la suite de constituer une base de données mise en commun au niveau mondial : le cadastre digital. L’objectif étant non seulement d’intégrer les ressources foncières aux logiques de marché et de factooffrir un espace d’opportunités aux investisseurs, mais encore de garantir un cadre juridique permettant de sécuriser les investissements et ipso factode renforcer l’attractivité économique du royaume pour les capitaux internationaux.
Dans l’espace portuaire, nous assistons à Tanger à la valorisation financière et foncière d’un « dead capital » public et réglementé par un projet d’aménagement étroitement lié au pouvoir central. Le portage de la reconversion portuaire appartient à une société d’économie mixte : la société anonyme SAPT (Société d’Aménagement du Port de Tanger). Celle-ci se compose non seulement de capitaux privés et publics, mais de terrains appartenant à l’État. À l’instar de ce qui s’observe dans la baie de Tanger5, la SAPT envisage dès ses débuts de devenir un promoteur foncier et immobilier dès son rôle d’aménageur terminé. Afin d’attirer les investisseurs, le directeur d’étude de la SAPT présente une stratégie particulière : en obtenant un appel d’offre concernant la gestion d’un élément du port, la société recevrait le foncier gratuitement en échange de quoi elle devrait fournir à la SAPT des actions de sa propre société. La valeur des actions serait calculée en fonction de la valeur du foncier obtenu par l’investisseur. Cet arrangement permettrait non seulement à la SAPT de se pérenniser dans le temps, mais également la financiarisation des projets et de l’espace portuaire. Les titres de propriété foncière, appartenant jusqu’ici au domaine public deviennent une monnaie d’échange dans des rapports financiers : la SAPT privatise le « dead capital » et l’utilise comme source d’attractivité pour les capitaux.
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La rencontre entre standards internationaux et nationaux : actualisations et permanences des pratiques
L’héritage du makhzen : l’ubiquité du pouvoir royal et la marginalisation des acteurs locaux
Le système politique marocain était jusqu’à une période récente, caractérisé par une forte centralité des décisions autour de la personne du roi et du Ministère de l’Intérieur dont le terme de makhzenen était devenu le symbole (Catusse, 2008). Difficilement définissable par son aspect polymorphe et imprécis, il peut cependant être caractérisé par un népotisme et une ubiquité royale perçus comme une chape de plomb sur l’ensemble des acteurs subordonnés au pouvoir central. Ces caractéristiques du makhzense traduisent concrètement par le fait d’intégrer prioritairement des proches du roi – ou du moins, des personnes de confiance – dans les instances décisionnaires, instances parfois créées ex nihiloet qui supplantent les capacités d’action des acteurs traditionnels (Ibid. ; Piermay, 2010).
Cet héritage n’est pas étranger au montage de la production urbaine dans le cadre de l’urbanisme de projet. Deux grandes administrations locales sont chargées de l’aménagement et de l’urbanisme : l’Agence Urbaine (AU), longtemps dépendante du Ministère de l’Intérieur, et l’Inspection Régionale (IR), dépendante du Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme. Les deux entités se font concurrence, souhaitant obtenir l’ensemble des prérogatives en matière d’aménagement6. Mais dans un contexte de grand projet urbain demandé par le roi, et en lien avec l’héritage du makhzen, les acteurs locaux n’ont aucune prérogative en rapport avec la reconversion portuaire. Nous observons sur la figure 2 que la reconversion portuaire s’effectue par des organes sous contrôle direct du roi : la wilaya(i.e. préfecture) organise les transferts des entreprises de la zone franche portuaire vers Tanger Free Zone, une zone franche située à proximité de l’aéroport ; la société anonyme en charge de la reconversion, dont la direction est proche du roi.
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Se pose alors la question de la réaction et de la capacité d’action de ces acteurs locaux. C’est ainsi que le responsable de la division de développement territorial de l’IR présente son rôle dans le cadre de la reconversion portuaire :
« C’est leur territoire ! Le leur ! Nous on est au courant de rien. (…) Tout passe par la wilayapour le transfert des activités portuaires vers la zone franche de Tanger ou Tanger-Med, ou par la SAPT. Nous on ne peut rien faire. Tu sais, la SAPT est entre le roi et gouvernement. A. Laftit c’est le PDG et par décret de nomination, il ne dépend pas du gouvernement, mais du roi. C’est quelqu’un d’important, il était wali avant, il est proche du roi. (…) Après il faut être efficace quand tu veux faire un projet comme ça, c’est compliqué. Il y a des terrains qui appartenaient à l’État, d’autres au domaine habous, d’autres encore à l’Agence Urbaine. C’est plus simple comme ça, mais c’est vrai que nous on doit attendre. »
Entretien avec D. Chentouf, 18 février et 6 mars 2013
De même, le responsable du département urbanisme de l’AU affirme des éléments similaires :
« C’est leur territoire… On n’a pas le droit d’intervenir, il faut attendre. (…) La SAPT, c’est une organisation opaque, c’est entre eux, nous on ne connaît pas qui fait quoi. (…). M. Laftit oui, c’est quelqu’un d’important. Il était au Centre Régional d’Investissement de Tanger avant de devenir walide la province de Fahs-Anjra pour Tanger-Med. »
Entretien avec H. Basri, 18/02/2013
En dehors du fait que lemakhzentende à « domestiquer » la société et à ne reconnaître que trop peu l’émergence de territoires locaux (Piermay, 2010), cette omerta et l’appréhension des acteurs locaux questionnent de fait le poids des héritages – réels ou non – du makhzendans la production urbaine. Au-delà de leur réelle marge de manœuvre, il est possible de se rendre compte sur place du contrôle très fort de ce projet : le dispositif policier est important, les mobilités sont fortement contrôlées et la diffusion d’images interdite (image 4). Cela atteste d’un écart face aux discours marocains et aux standards internationaux qui favorisent non seulement la constitution de réseaux urbains autour d’acteurs publics locaux et nationaux, et acteurs privés tant locaux que nationaux (Pinson, 2009), mais encore la diffusion d’informations sur l’avancée du projet. Cela nous invite donc à analyser les jeux d’acteurs, les systèmes d’alliances en présence et ce, en rapport direct avec le système du makhzenet le népotisme sous-jacent.
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Des jeux d’acteurs en lien avec les systèmes d’alliances
Le montage du projet portuaire est calqué sur celui de la Société Anonyme de Tanger-Med (TMSA) créée pour la réalisation du port Tanger-Méditerranée (image 5). Elle s’est vu attribuer des prérogatives publiques et un territoire. À l’occasion de sa création en 2007, elle obtient un capital à partir du Fonds Hassan II pour le Développement Économique et Social, ainsi qu’un territoire : la province de Fahs-Anjra, créée pour l’occasion à partir des préfectures de Tanger et de Tétouan (Le Tellier, 2007). Sur son territoire, la TMSA reste seule décisionnaire et possède des prérogatives publiques comme la disposition foncière ou encore le droit d’expropriation (Ibid.). De plus, tous les aménagements des provinces du Nord reçoivent un soutien européen par le biais de l’APDN. Outre les partenariats institutionnels, la TMSA utilise les PPP pour le portage du projet. Elle fait appel à un consortium alliant la Somagec (Maroc) et des entreprises étrangères, non plus émiraties comme c’était souvent le cas dans les années 1990 et 2000 (Cattedra, 2011), mais européennes : Beisix (Belgique), Saipem (Italie) et Bouygues Construction (France) via sa filiale marocaine Bymaro. Excepté la Saipem, entreprise pétrolière, celles-ci sont toutes bien implantées dans les marchés marocains et plus particulièrement le français Bouygues7. Enfin, la nouvelle province de Fahs-Anjra est confiée sur ordre royal à A. Laftit (L’économiste, 2007-2012 ; Entretiens AU et IR).
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Avec le succès de la TMSA et la création du port Tanger-Med, le royaume décide de reprendre cet exemple pour la reconversion du port de Tanger-ville (image 6). Il attribue alors à la SAPT un territoire propre, à savoir celui de la zone portuaire, et ce, à l’instar de la province de Fahs-Anjra pour la TMSA. La nouvelle société anonyme reçoit également un capital qui se compose, comme pour la TMSA, du Fonds Hassan II, de l’APDN, de l’Agence Nationale des Ports avec en supplément, la Commune Urbaine de Tanger – sans compter les capitaux privés, anonymes, mais dont H. Mzerma, directeur d’étude de la SAPT affirme qu’ils sont européens. Cependant, la maîtrise d’œuvre fut remportée seulement par la Somagec. Enfin, le poste de PDG de la SAPT, nommé par le roi, est attribué à A. Laftit8.
Ce réseau d’acteurs témoigne paradoxalement d’une certaine rupture par rapport aux projets des années 1990 et début 2000 qui étaient majoritairement dominés par des investisseurs issus des pays du Golfe, mais aussi d’une difficulté à actualiser les réseaux d’alliances en lien avec les standards internationaux. Cette récurrence de certains acteurs, comme la Somagec ou A. Laftit par exemple, s’inscrit dans un héritage lié au makhzenet une volonté de rayonner, c’est-à-dire de pouvoir attirer et influencer. En effet, le poids institutionnel du makhzenpouvant annihiler la prise d’initiative locale et s’intégrant dans des conflictualités institutionnelles, entre IR et AU, l’utilisation de réseaux personnels du roi et d’un aménagement dérogatoire favorisent la réussite d’un projet en continuité avec Tanger-Med et destiné à rayonner sur le plan touristique et auprès d’une population tangéroise qui se sent marginalisée. Ensuite, le recours à la Somagec s’inscrit là encore dans des réseaux d’alliances et des stratégies d’influences à différentes échelles. La Somagec, créée dans les années 1960 a pris son essor dans les années 1990 et surtout 2000 en participant à des projets d’aménagement de front d’eau comme à Rabat ou à Tanger-Med, sous contrôle étroit du roi. De plus, le directeur de la Somagec, Roger Joseph Sahyoun, fait partie de ces chefs d’entreprises marocains qui accompagnent régulièrement le roi dans ses déplacements à l’étranger, et notamment en Afrique. En effet, la Somagec affirme depuis la fin des années 2000 des ambitions en Afrique francophone, et plus particulièrement au Sénégal, en Guinée et en Guinée Équatoriale où elle produit et administre des ports et réseaux d’eau. Ainsi sa présence dans la reconversion portuaire de Tanger doit être comprise dans une stratégie non seulement de l’entreprise, qui est de maintenir un chiffre d’affaire élevé et d’attester d’un certain savoir-faire, dans des volontés d’expansion, mais encore du royaume qui, pour favoriser son développement dans un cadre libéralisé et son influence en Afrique, s’appuie sur ces grands PDG nationaux.
Néanmoins, en lien avec les standards internationaux de démocratie participative, on observe un changement dans le montage des acteurs avec l’arrivée d’acteurs locaux. C’est ainsi que R. Taferssiti, responsable de l’association de valorisation du patrimoine tangérois, Al-Boughaz, décrit sa participation :
« Nous on est là pour la question patrimoniale du projet portuaire. L’objectif du projet est de ne pas créer une coupure avec le reste de la ville et donc d’être intégré à la médina. Donc on est invité pour les décisions au titre de la concertation. (…) Non, on ne décide pas, mais on conseille, on discute sur ce qu’il y a de mieux à faire. (…) C’est quelque chose de nouveau pour nous, on n’a pas l’habitude de participer à ce genre de projets. On apprend. Mais c’est bien, c’est important qu’il y ait des Tangérois, que ce soit nous ou les architectes ».
Entretien avec R. Taffersiti, 23 février 2013
Ainsi, cette participation locale reste minime car cantonnée à une concertation, mais témoigne d’un renouveau dans les logiques d’urbanisme de projet au Maroc. La prise en compte patrimoniale et l’implication des acteurs associatifs locaux sont des éléments récurrents des standards de l’urbanisme de projet (Pinson, 2009). Cette implication d’acteurs privés locaux se retrouve également dans la présence d’architectes marocains et tangérois, associés à des architectes dits « méditerranéens ». D’après H. Mzerma, ceux-ci sont principalement européens et de renommée internationale comme Reicher & Robert et Foster. Leur rôle serait de piloter les projets d’architecture du port et notamment les équipes d’architectes marocains et tangérois. D’après R. Taffersiti et l’architecte tangérois H. Khattabi, ils ont été moteurs du projet de reconversion au détriment du cabinet tangérois Khattabi qui a été rapidement écarté malgré sa notoriété locale et nationale. Cela atteste paradoxalement d’une certaine standardisation des productions urbaines par le recours aux « starchitectes » (Gravari-Barbas et Renard-Delautre, 2015) et en même temps du poids important des réseaux d’acteurs nationaux dans la mesure où ces cabinets sont intervenus pour plusieurs projets importants tels que l’aménagement de la vallée du Bou Regreg à Rabat-Salé (Mouloudi, 2009). On visualise bien ici la tension entre adaptation et permanence des réseaux d’acteurs liés à des standards internationaux et nationaux de production urbaine. Cette tension se produit dans l’ambivalence entre la volonté de conserver des réseaux d’alliances ayant jusqu’ici porté leurs fruits et ayant permis une grande visibilité des projets à petite échelle, et la crainte non seulement d’une contestation des acteurs locaux marginalisés, mais encore potentiellement d’une rétention des investissements internationaux, dans le cadre où les « bonnes pratiques » des standards internationaux, primordiales pour l’image de ces entreprises, ne seraient pas pleinement respectées.
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Conclusion
Nous assistons à Tanger à l’affirmation d’un système d’alliance déjà mis en place dans la région, voire à l’échelon national, système d’alliance qui évolue entre les deux projets portuaires. Cela démontre que la standardisation de la production urbaine selon les normes internationales se confronte à des réseaux d’alliances entre acteurs nationaux et locaux, en rupture avec les logiques considérées de « bonnes pratiques » de libre concurrence et d’implication réelle des acteurs locaux, logiques prônées dans le cadre d’une standardisation mondiale de la production urbaine. De fait, la standardisation internationale de la production urbaine se confronte ici à une standardisation nationale qui peine à s’actualiser. Les standards internationaux sont adaptés en fonction des contextes locaux. C’est ainsi que la SAPT agit alors comme un commutateur au sens d’Halbert et David (2011), c’est-à-dire une entité faisant l’interface entre le capital international et la possibilité de l’ancrer, l’investir localement. Ce « processus de commutation » permet de penser cette rencontre dynamique entre standards internationaux et locaux, qui s’actualise partiellement et en permanence, selon des intérêts tout à la fois de rentabilité et de puissance à différentes échelles. Dès lors, le projet de reconversion portuaire constitue un bel exemple de cette rencontre entre différents standards et de leur actualisation. Il traduit ainsi des continuités et des discontinuités dans les pratiques de la fabrique concrète de la ville au Maroc dans un contexte de financiarisation urbaine.
Qui plus est, par la revalorisation d’un quartier central jusqu’ici paupérisé, la reconversion portuaire de Tanger interroge également la recomposition de la hiérarchie des places à Tanger et donc les recompositions des valeurs foncières et immobilières de la ville. Cela n’est pas sans conséquences sur les mécanismes de ségrégations des populations et de leurs pratiques spatiales, questionnant alors l’accès aux espaces.
BRENDAN BLAYAC
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Brendan Blayac est professeur agrégé au lycée Jean Moulin de Torcy. Il s’intéresse aux pratiques liées à la production urbaine dans un contexte de financiarisation et des effets que cela induit en termes de ségrégations et de pratiques socio-spatiales des populations.
Blayac.brendan AT yahoo DOT fr
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Couverture : L’observation des travaux (Blayac, 20 février 2013). Le manque d’emploi est caractéristique d’une partie importante de la population tangéroise. L’attente et l’observation des travaux avec notamment l’espoir pour les plus jeunes d’obtenir un emploi ponctuel sont monnaie courante en centre-ville et dans la zone portuaire.
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Bibliographie
Barthel P.-A., 2008, « Faire du « grand projet » au Maghreb. L’exemple des fronts d’eau (Casablanca et Tunis) », Géocarrefour,83/1, 25-34.
Benaabdelaali W., Bennaghmouch Z., Cheddadi S. et Kamal A., « Disparités régionales de développement humain au Maroc », Région et Développement, n°37, 66-93.
Berriane M., 1998, « La baie de Tanger (Maroc). Aménagement touristique ou opération immobilière ? », Les cahiers d’URBAMA, 14, 91-103.
Cattedra R., 2011, « Projet urbain et interface ville-port en Méditerranée. Perspectives pour une recherche comparative », Rives méditerranéennes, 39, 81-102.
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Pour citer cet article : Blayac B., 2018, « Le projet de reconversion du port de Tanger : entre urbanisme standardisé et jeux d’alliances locales ? », Urbanités, Dossier / Urbanités africaines, octobre 2018, en ligne.
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- Cette enquête de terrain a été réalisée dans le cadre d’un Master 2 Sciences sociales, mention géographie à l’Université François Rabelais de Tours sous la direction d’Olivier Legros et les conseils avisés de Pierre Signoles. Le mémoire, intitulé Finance internationale et développement urbain à Tanger (Maroc),ne se concentrait pas seulement sur la reconversion portuaire mais intégrait également la baie de Tanger. L’enquête de terrain a eu lieu entre fin janvier et fin mars 2013 et a consisté sur place à la réalisation de 23 entretiens avec des membres d’administrations, de sociétés d’aménagement, d’agences immobilières et d’acteurs locaux (associations, architectes), et à des observations des espaces étudiés ainsi que des institutions administratives. Les documents administratifs, issus des institutions locales (Agence Urbaine, Centre Régional d’Investissement, Inspection Régionale), du Ministère du Tourisme et de la Société d’Aménagement de la zone Portuaire de Tanger, ont été en partie analysés sur place mais davantage en France. [↩]
- Cette marginalisation est d’autant plus renforcée que cette région se différenciait par son histoire : ancien protectorat espagnol déjà sur le plan linguistique, la région du Nord du Maroc est peuplée de Rifains, peuple amazigh parlant son propre dialecte en plus de la darija(dialecte arabe marocain) ; le passé colonial espagnol et international a donné une place prépondérante à l’espagnol et à l’anglais contrairement au reste du royaume, caractérisé par l’utilisation – après la darija– du français. [↩]
- Ces investissements européens sont nettement motivés par des préoccupations migratoires et sanitaires. L’objectif est de développer une région en difficulté, principal lieu de production de cannabis et région émettrice de migrants de sorte à limiter les pressions migratoires vers l’Europe voisine. [↩]
- Ce champ lexical associe des termes souvent flous et connotés positivement tel que « projet », « compétitivité », « transparence », etc. Ces terminologies ont été très largement retrouvées dans les discours des acteurs des institutions et sociétés marocaines liées à la reconversion portuaire, tout comme dans les plaquettes de présentations des projets. [↩]
- Après l’échec d’une mise en tourisme dans la seconde partie du XXe siècle, l’aménagement de la baie de Tanger a été attribué à une agence dépendante du ministère du Tourisme : la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique. Celle-ci s’attribue le rôle de promoteur, cédant à des entreprises européennes et émiraties, pour des prix extrêmement bas, le foncier afin de développer des aménagements alliant habitat, tourisme et bureaux. [↩]
- L’âge d’or de l’IR a eu lieu lors du gouvernement de coalition (Union Sociale des Forces Populaires et Istiklal) de 1998 à 2004. Cependant, depuis 2004, on assiste à un retour de l’AU dans la gestion de la ville en étant intégrée désormais au Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme. L’IR se voit dépossédée de ses prérogatives. Cette rivalité entre les deux administrations n’est pas une nouveauté pour le Maroc, d’autant qu’il s’agirait ici plus d’un conflit entre syndicats et partis politiques, que d’une complète mise à l’écart d’une administration tout entière au profit d’une autre (Iraki, 2010). [↩]
- On les retrouve dans divers projets de construction comme la Grande Mosquée Hassan II de Casablanca pour Bouygues, et l’hôtellerie du projet Mazagan Beach Resort à El-Jadida, station balnéaire atlantique, pour Beisix. Quant à la Saipem, le consortium Somagec lui permettra d’investir non seulement un grand nombre d’excédents financiers au Maroc, mais encore de pénétrer les futurs marchés du pays. [↩]
- Informations obtenues dans le cadre d’un entretien avec le directeur d’étude de la SAPT, H. Mzerma, le 5 mars 2013. Par ailleurs, d’après L’économiste, le roi a nommé A. Laftit comme ministre de l’Intérieur le 5 avril 2017. [↩]