Chroniques / Port-au-Prince : après le séisme vient la tempête
Lucie GUIMIER
En octobre dernier la tempête tropicale Sandy, qui s’est rapidement développée en ouragan, a provoqué la mort d’environ 200 personnes dans sept pays : République dominicaine, Haïti, Jamaïque, Cuba, Bahamas, États-Unis et Canada(1). Le bilan a fait état de 70 victimes dans l’espace caribéen dont au moins 54 en Haïti(2), deuxième pays le plus touché après les États-Unis (environ 110 victimes). Une fois de plus la nation haïtienne a été mise à rude épreuve en subissant trois jours durant le déchaînement des éléments : le passage de l’ouragan a provoqué des inondations meurtrières, la dévastation de champs de cultures et l’effondrement de maisons qui avaient résisté au séisme du 12 janvier 2010. D’autres dommages collatéraux sont à déplorer et replongent la nation dans le désarroi : Sandy a ravivé l’épidémie de choléra qui, depuis son apparition dans le pays en octobre 2010, n’a cessé de faucher des vies ; selon le ministère haïtien de la Santé Publique et de la Population (MSPP), depuis fin 2010 le choléra a causé 7 721 décès et plus de 338 000 hospitalisations(3) sur une population totale d’environ 10 millions d’habitants. Rappelons ici que le choléra n’était jusque-là pas une maladie endémique dans l’espace haïtien : la souche pathogène responsable de la contamination en Haïti est le fruit de la mauvaise gestion des latrines d’un camp de soldats népalais de la MINUSTAH (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti), qui a mené à la contamination fécale du fleuve Artibonite, cours d’eau le plus important de l’île d’Hispaniola. Nous connaissons la suite(4). L’absence d’infrastructures sanitaires viables, l’insuffisance d’eau potable et plus généralement les conditions de vie précaires de la population haïtienne font que le choléra est désormais endémique en Haïti.
Dans le même temps, la crise post-séisme est loin d’être résolue et les camps de fortune majoritairement formés de toiles fournies par les ONG présentes sur place, et censés être provisoires, constituent désormais de nouveaux quartiers dans la capitale. Une simple recherche sur l’application Google Map illustre ces dires : certains camps sont formellement répertoriés sur la carte sous des appellations telles que « Post disaster campgrounds » ou « Internally displaced persons camp ». Un rapport publié en 2011 par l’ONG Solidarités International dresse ce constat : « Aujourd’hui les camps sont intégrés au système urbain de Port-au-Prince : les projets d’amélioration urbaine doivent intégrer les dynamiques camps-quartiers plutôt que de les traiter comme deux entités urbaines distinctes »(5).
Il est d’ailleurs compliqué de cartographier le bâti actuel de la capitale haïtienne et de son aire métropolitaine tant la situation est en perpétuel mouvement : des camps s’agrandissent, d’autres disparaissent, la meilleure solution reste la consultation du projet OpenStreetMap Port-au-Prince (http://www.openstreetmap.org/?lat=18.5464&lon=-72.3317&zoom=14&layers=B000FTF). Fondée sur le principe d’une carte coopérative libre à laquelle chacun peut contribuer en éditant des informations spécifiques et indisponibles sur des cartes classiques, la carte du projet OpenStreetMap Port-au-Prince jouit d’une précision extrême et d’apports réguliers permettant de suivre la dynamique de la ville au fil des jours.
Étudiante en géopolitique, il m’a été permis de mener un terrain d’enquête à Port-au-Prince durant un mois, de février à mars 2011, un an après le séisme et quelques mois après le début de l’épidémie de choléra. Retour sur les impressions d’une jeune chercheuse face à une ville en quête de résilience(6).
Une ville en perpétuelle crise
L’expérience de l’étranger qui débarque à Port-au-Prince est difficilement qualifiable tant le paysage est de l’ordre du méconnu. Dès la sortie de l’aéroport Toussaint Louverture, situé à une dizaine de kilomètres au nord de Port-au-Prince, les tentes des camps de déplacés interpellent le regard et rappellent à l’observateur qu’il pénètre une ville totalement décomposée par le séisme du 12 janvier 2010. Les gravats et les déchets qui recouvrent le bord des routes, et les bâtiments à demi ou totalement effondrés, indiquent que la reconstruction de la ville sinistrée peine à s’articuler et que l’insalubrité persiste. Sur les édifices encore debout, le sigle MTPTC, pour Ministère des Travaux Publics des Transports et de la Communication, allant du vert au rouge, signale les bâtiments qui doivent être totalement démolis en rouge, ceux qui doivent subir des travaux en jaune et ceux qui peuvent rester en l’état en vert ; comme pour rappeler que la ville n’est pas à l’abri d’un prochain séisme qui pourrait finir le travail du précédent. Avec plus de deux millions d’habitants, Port-au-Prince est la plus grande métropole des Caraïbes. Confinée entre le littoral et les mornes – les montagnes haïtiennes – l’habitat y est extrêmement comprimé : par manque de terrains disponibles, les nouveaux arrivants s’y entassent et repoussent progressivement les murs de la ville. Dans les hauteurs, les bidonvilles s’élèvent et rivalisent avec les habitations en béton. Ce n’est d’ailleurs pas
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[…] En octobre dernier la tempête tropicale Sandy, qui s’est rapidement développée en ouragan, a provoqué la mort d’environ 200 personnes dans sept pays : République dominicaine, Haïti, Jamaïque, Cuba, Bahamas, États-Unis et Canada(1). Le bilan a fait état de 70 victimes dans l’espace caribéen dont au moins 54 en Haïti(2), deuxième pays le plus touché après les États-Unis (environ 110 victimes). Une fois de plus la nation haïtienne a été mise à rude épreuve en subissant trois jours durant le déchaînement des éléments : le passage de l’ouragan a provoqué des inondations meurtrières, la dévastation de champs de cultures et l’effondrement de maisons qui avaient résisté au séisme du 12 janvier 2010. D’autres dommages collatéraux sont à déplorer et replongent la nation dans le désarroi : Sandy a ravivé l’épidémie de choléra qui, depuis son apparition dans le pays en octobre 2010, n’a cessé de faucher des vies ; selon le ministère haïtien de la Santé Publique et de la Population (MSPP), depuis fin 2010 le choléra a causé 7 721 décès et plus de 338 000 hospitalisations(3) sur une population totale d’environ 10 millions d’habitants. […]
[…] En octobre dernier la tempête tropicale Sandy, qui s’est rapidement développée en ouragan, a provoqué la mort d’environ 200 personnes dans sept pays : République dominicaine, Haïti, Jamaïque, Cuba, Bahamas, États-Unis et Canada(1). Le bilan a fait état de 70 victimes dans l’espace caribéen dont au moins 54 en Haïti(2), deuxième pays le plus touché après les États-Unis (environ 110 victimes). Une fois de plus la nation haïtienne a été mise à rude épreuve en subissant trois jours durant le déchaînement des éléments : le passage de l’ouragan a provoqué des inondations meurtrières, la dévastation de champs de cultures et l’effondrement de maisons qui avaient résisté au séisme du 12 janvier 2010. D’autres dommages collatéraux sont à déplorer et replongent la nation dans le désarroi : Sandy a ravivé l’épidémie de choléra qui, depuis son apparition dans le pays en octobre 2010, n’a cessé de faucher des vies ; selon le ministère haïtien de la Santé Publique et de la Population (MSPP), depuis fin 2010 le choléra a causé 7 721 décès et plus de 338 000 hospitalisations(3) sur une population totale d’environ 10 millions d’habitants. […]
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