Urbanisme temporaire / Le centre d’hébergement du 16ème arrondissement de Paris : l’aménagement temporaire comme nouveau modèle urbain pour l’hébergement d’urgence ?

Angèle de Lamberterie

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En France, et notamment à Paris, la présence importante et pérenne de personnes sans domicile est devenue une question urbaine à part entière. À partir de l’étude du CHU (centre d’hébergement d’urgence) installé à l’automne 2016 sur l’Allée des Fortifications dans le 16ème  arrondissement de Paris, il s’agira de saisir comment la construction de centres d’hébergement répond à des enjeux de mise à l’abri, mais également à des enjeux urbains.

Ce CHU, géré par l’association Aurore, à la fois maître d’ouvrage du projet et gestionnaire du site, et dont la maîtrise d’œuvre était portée par l’agence Moonarchitectures, accueille 200 personnes, dont la moitié de familles. Si le fonctionnement interne de la structure d’hébergement ne diffère pas sensiblement d’autres CHU, la structure et le mode d’implantation sont singuliers. Ce CHU est en effet installé temporairement, pour trois ans, sur l’Allée des Fortifications, une route auparavant aménagée pour la circulation, en lisière du Bois de Boulogne, et composé de modules d’habitation posés sans fondation sur la chaussée, conçus pour être démontables et déplaçables.

Ce mode d’aménagement a été influencé par la multiplication des initiatives d’urbanisme temporaire (Andres, 2011), qui visent à occuper de façon provisoire les terrains et bâtiments inoccupés, lorsque l’usage du site n’est pas encore décidé, ou le temps qu’un projet se réalise (Diguet, 2017). Ce CHU présente également la singularité d’avoir été installé sur un site réglementairement non-constructible. Nous nous interrogerons sur ce nouveau mode d’aménagement temporaire, qui, porté par la circulation d’innovations architecturales, de discours politiques, et d’expériences d’hébergement, tend à s’ériger en modèle à l’échelle parisienne et se présente comme une réponse aux contraintes foncières du territoire parisien.

Cet article est le résultat d’observations de terrain et d’entretiens semi-directifs et informels menés auprès de différents acteurs du projet (les architectes, l’association Aurore, des membres du cabinet de l’adjoint à la Maire de Paris chargé du logement et de l’hébergement d’urgence), ainsi qu’avec des résidents du CHU et des habitants du quartier, durant l’année 2017, dans les mois qui ont suivi la mise en fonction du CHU. Il s’appuie également sur la consultation de la documentation officielle, de rapports d’expertises et d’articles de presse. À ces différents matériaux d’enquête, récoltés dans le cadre d’un mémoire de recherche (De Lamberterie, 2017) s’ajoutent des observations durant des visites de structures d’hébergement et une compréhension plus large des enjeux liés à l’hébergement d’urgence suite à un stage réalisé en 2017 au sein du cabinet de Ian Brossat, adjoint à la Maire de Paris chargé du logement et de l’hébergement d’urgence.

Ce texte s’attachera à étudier les liens entre l’espace urbain et l’hébergement d’urgence et tentera de cerner les contours de la nouvelle politique municipale parisienne d’hébergement d’urgence, qui fait dialoguer programmation urbaine et gestion des exclus. Il s’agira également de questionner l’influence de l’urgence sur les règlements d’urbanisme et les modes d’aménager la ville, et d’étudier comment la Ville de Paris fait de cet urbanisme d’exception justifié par l’urgence un nouveau paradigme d’aménagement.

Le manque de place(s) pour l’hébergement d’urgence à Paris

Avec environ 10 000 places, Paris concentre 40 % des capacités d’hébergement d’urgence d’Île-de-France. Il y a, à Paris, 3,94 places d’hébergement pour 1 000 habitants, contre 1,84 en moyenne en Île-de-France. Ce chiffre place la ville de Paris bien au-dessus des obligations instituées par la loi DALO (Droit Au Logement Opposable) du 5 mars 2007, qui demande une capacité minimale d’une place d’hébergement d’urgence pour 1 000 habitants dans les grandes agglomérations.

Avec un nombre de plus en plus élevé dans Paris intra muros de personnes sans-domicile (APUR, 2017), il est peu probable que la demande en places d’hébergement à Paris cesse de croître dans les prochaines années (Chausse et Labrador, 2014). Cette demande accrue à Paris, avec en moyenne 4 798 appels au 115 par jour pour l’année 2016 (Samu Social de Paris, 2017), est marquée notamment par une part de plus en plus importante de familles (Guyavarch et Garcin, 2014) et de travailleurs pauvres (APUR, 2014). Si ce public tient souvent à rester à Paris, c’est du fait notamment de la proximité des services administratifs et de l’important tissu d’entraide, formel ou informel. Face à une situation qui semble se pérenniser, les discours médiatiques et politiques utilisent le terme d’urgence, alors que cette dernière semble s’être installée de façon structurelle sur l’agenda politique tant dans ses dimensions sociales qu’urbaines.

Les dispositifs d’hébergement parisiens sont largement saturés depuis de nombreuses années (Guillouet et Pauquet, 2014). L’observatoire du Samu Social de Paris indique ainsi qu’en moyenne, par jour, plus de 70 % des appels au 115 n’aboutissent pas sur une mise à l’abri (Samu Social de Paris, 2017). Le manque de places ne permet pas aux personnes hébergées de bénéficier d’une continuité de l’hébergement et du suivi social qui l’accompagne, et celles-ci souffrent de ce tempo d’habitat temporaire et morcelé (Gardella, 2014). À défaut de places suffisantes, les pouvoirs publics ont recours à la mise à l’abri dans des hôtels sociaux, très coûteux et de piètre qualité, et synonymes pour les personnes hébergés de rythmes d’habitat encore plus discontinus, et dispersés spatialement, les personnes hébergées pouvant être amenées à déménager plusieurs fois par semaine d’hôtel en hôtel, d’un bout à l’autre de la région Île de France (Le Méner, 2013).

La saturation des dispositifs d’hébergement d’urgence est à mettre en lien avec la situation particulièrement tendue du logement à Paris, qui s’apparente  davantage à une exclusion structurelle qu’à une crise ponctuelle, et qui se traduit par la saturation du parc social (Robert, 2017) et l’inaccessibilité du parc de logement privé (Bunel, 2017), ainsi qu’à la conjoncture foncière parisienne, c’est-à-dire la rareté et le coût très élevé du foncier disponible, qui est un obstacle majeur à l’ouverture de nouvelles places d’hébergement d’urgence dans Paris intra-muros.

Les subventions étatiques pour l’hébergement d’urgence, qui s’élèvent à 40 euros par jour et par personne hébergée, et qui doivent couvrir tant la construction du centre, la distribution de repas, ou encore le salaire des travailleurs sociaux, ne permettent pas en effet d’acquérir du foncier à Paris, ainsi que l’explique le directeur du patrimoine de l’association Aurore : « À Paris, nous n’avions jamais fait d’opération neuve pour de l’hébergement d’urgence, car le foncier disponible est beaucoup trop cher. Dès lors que nous sommes soumis à la concurrence du marché classique, pour la construction de bureaux, de logements privés ou d’hôtels de luxe, nous ne pouvons gagner un appel d’offre, et dans le contexte de la pression foncière à Paris, il est impossible de faire une opération neuve sans concurrence » (entretien du 12 juin 2017).

La politique parisienne d’hébergement d’urgence s’adapte alors à la pression du marché foncier et immobilier et au manque d’espace disponible par des propositions hors marché, qui jouent sur la temporalité des lieux.

Interstices urbains et réglementaires

Contourner le marché immobilier spéculatif : aménager les sites temporairement vacants

Pour répondre à « l’urgence » et s’adapter aux fortes contraintes foncières du territoire parisien, le domaine intercalaire de la ville, c’est-à-dire les sites temporairement vacants gérés par la Ville de Paris, est mobilisé comme ressource foncière pour l’hébergement d’urgence. Là où elle ne peut plus jouer sur l’espace, la Ville de Paris joue sur la temporalité, en utilisant des sites inoccupés en attente de projet ou de travaux.

C’est par exemple le cas Porte de la Chapelle, avec la transformation d’une ancienne halle de la SNCF, la halle Dubois, en centre d’hébergement provisoire de 400 places, mis en fonction en novembre 2016 et qui devrait fermer en mars 2018, sur un site qui a vocation à accueillir en 2020 une antenne du campus Condorcet1. Dans le 18ème arrondissement également, un centre d’hébergement d’une centaine de places est installé rue Coustou, pour trois ans, jusqu’en 2019, dans un immeuble préempté par la Ville, pendant la durée des études techniques et de la conception du projet architectural. On peut citer également le centre d’hébergement des Grands Voisins, dans le 14ème arrondissement, qui s’est installé en 2012 pour la durée de la vacance sur le site de l’ancien hôpital de Saint-Vincent de Paul, avant que ne commencent les travaux pour le futur quartier Saint-Vincent de Paul à la fin de l’année 2018.

1. Le centre d’hébergement de la Porte de la Chapelle en travaux, (De Lamberterie, octobre 2016)

Dans cette perspective, en novembre 2016, les élus de la majorité du Conseil de Paris adoptent un vœu2 visant à systématiser l’usage de l’urbanisme temporaire. Ce vote du Conseil vise à la fois à ce que la ville publie une liste de tout son patrimoine intercalaire, bâti ou non, et à faciliter la mise en place de conventions d’occupation temporaire avec, notamment, des gestionnaires de structures d’hébergement.

Pour chaque opération de préemption d’un immeuble en vue d’en faire du logement social, la Ville de Paris étudie ainsi systématiquement la possibilité d’inclure une étape d’hébergement d’urgence avant que ne commencent les travaux. Cela devient même un enjeu de négociation et de rapport de pouvoir entre les différents acteurs de la Ville de Paris, et entre la Ville de Paris et les bailleurs sociaux. Les bailleurs sociaux sont ainsi exhortés par les adjoints à la Maire de Paris à ne pas entraver l’installation de places d’hébergement dans leur patrimoine devenu vacant. Les équipes des différents adjoints, notamment celle de Ian Brossat, chargé du logement et de l’hébergement d’urgence, et celle de Dominique Versini, chargée des affaires sociales, luttent contre les mesures anti-squat prises par les bailleurs, comme par exemple la destruction de la robinetterie. Les négociations se poursuivent également au sein de la Ville de Paris, les cabinets et directions rattachés aux affaires sociales pouvant ainsi négocier pour prolonger la durée de vie d’un CHU dans un bâtiment intercalaire, quitte à ce que cela retarde le projet, tandis que le cabinet de Ian Brossat donne la priorité à la livraison du projet de logement social.

L’hébergement d’urgence tend ainsi à devenir à Paris une étape des projets d’aménagement urbain. Cependant, adapter un bâtiment à de l’hébergement d’urgence se révèle coûteux et long, ce qui n’est pas toujours compatible avec la durée de la vacance, d’autant plus que la forme architecturale du bâtiment initial, non conçu pour l’hébergement, peut être un obstacle supplémentaire. L’architecte Guillaume Hannoun, l’architecte de l’agence Moonarchitectures, évoque ainsi un CHU installé dans un ancien garage automobile dans le 8ème arrondissement de Paris, rue de Constantinople, dans un bâtiment « qui n’était pas du tout prévu pour accueillir des personnes, très loin des normes imposées par le Code de la Construction et de l’Habitation, qui avait très peu de fenêtres par exemple, et donc qui ne pouvait pas être utilisé rapidement » (entretien du 5 mai 2017). Contrairement aux autres structures d’hébergement citées, les bâtiments modulaires du CHU du 16ème arrondissement sont conçus pour un usage d’hébergement, ce qui permet un meilleur confort pour les personnes hébergées.

Construire sur l’inconstructible : un contournement légal de la règle d’urbanisme

Les sites temporairement vacants ne pouvant ainsi être une réponse complètement satisfaisante, l’hébergement d’urgence se développe également à Paris sur des terrains non constructibles, immédiatement mobilisables. Ces sites permettent d’éviter à la fois la concurrence du marché et celle de la programmation urbaine future, c’est-à-dire de contourner la pression foncière parisienne en utilisant le foncier a priori3 inexploitable. C’est le cas du centre d’hébergement de l’Allée des Fortifications, installé sur un terrain appartenant à la Ville de Paris, sur une chaussée classée en zone urbaine verte4 par le PLU (Plan Local d’Urbanisme) de Paris5. L’utilisation de tels sites est permise par un contournement légal de la règle d’urbanisme et par le développement d’un modèle architectural ad hoc.

Dans le cas où le projet ne respecte pas les règles d’urbanisme, comme dans le cas du centre d’hébergement de l’Allée des Fortifications, il est ainsi possible de recourir à un permis de construire précaire. Le code de l’urbanisme (art. L.433-1)6 indique qu’une construction qui ne satisferait pas aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, peut exceptionnellement être autorisée à titre précaire si « le projet répond à une nécessité caractérisée ». C’est donc la mobilisation d’un discours moral et l’évocation de l’urgence qui permettent cette inflexion de la règle de droit.

Le permis précaire impose cependant que la construction soit temporaire, même si la durée de ce temporaire demeure variable. L’utilisation de modules d’hébergement démontables et déplaçables est alors la solution imaginée par les architectes afin de respecter la temporalité du permis tout en ne construisant pas à perte, puisqu’à long terme, si le centre est réinstallé sur un autre site, il est amorti. C’est ce qu’explique le directeur du patrimoine de l’association Aurore : « Occuper ces espaces inconstructibles, c’est légal, on utilise un permis précaire. Mais avant de créer l’immobilier déplaçable, c’était inimaginable de pouvoir utiliser un permis précaire pour faire de l’hébergement, car le coût de construction d’un CHU est trop élevé pour pouvoir en construire un ex-nihilo sur un terrain vierge, en construction neuve, pour seulement deux ou trois ans. » (entretien du 12 juin 2017) et l’architecte Guillaume Hannoun : « Avec ce modèle que nous appelons Pop Up, on arrive à retomber sur nos pattes financièrement car la deuxième vie de la structure, sur un autre terrain, est beaucoup moins chère. Si l’investissement au début est important, les coûts sont ensuite très réduits. On a calculé que  si le projet coûte 100 au départ, ça ne coûterait que 30, grand maximum, pour le déplacer ailleurs, en prenant le pire scénario où il faudrait adapter le terrain, etc. » (entretien du 5 mai 2017).

Ce contournement légal du fonctionnement du marché immobilier et foncier spéculatif d’une part, et des règles d’urbanisme d’autre part, justifiée et légitimée par des arguments moraux, voire humanitaires, pose la question de la pluralité des registres normatifs. Il y a en effet une contradiction entre le Code de l’Action Sociale et de la Famille, qui donne accès à une mise à l’abri inconditionnelle « de toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale » (art. L345-2-2)7, et les règles d’urbanisme, qui sont souvent un frein à la réalisation concrète et localisée de nouvelles structures d’hébergement d’urgence dans les zones urbaines denses, dont les droits à construire sont souvent très limités.

On constate cependant une adaptation progressive du cadre réglementaire aux besoins en hébergement d’urgence, même si celle-ci est minime. Du fait des besoins toujours croissants en places d’hébergement d’urgence, l’ancienne ministre du logement Emmanuelle Cosse avait initié un assouplissement des règles d’urbanisme pour la construction de structures d’hébergement d’urgence accueillant des demandeurs d’asile. Ainsi le décret n° 2017-608 publié le 21 avril 2017, juste avant le changement de gouvernement, dispense de permis de construire pendant un an les constructions nécessaires à l’hébergement d’urgence des personnes migrantes. Cela permet ainsi aux associations porteuses de projets d’ouvrir des centres d’hébergement plus rapidement, sans attendre l’obtention du permis de construire, et de faire les démarches administratives pour l’obtenir une fois le centre mis en fonction.

De plus, la DIHAL (Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement) a publié en décembre 2015 un livret intitulé « l’habitat temporaire, une solution d’hébergement », guide co-rédigé par Guillaume Hannoun (architecte du CHU de l’Allée des fortifications) et Julien Beller (architecte du centre de la Porte de la Chapelle), à destination des collectivités et associations gestionnaires, qui explique en détail comment avoir recours au permis précaire pour construire des structures d’hébergement sur des sites inconstructibles. L’exception à la règle semble ainsi devenir une norme dans le cadre de la construction de structures d’hébergement à Paris.

De l’urgence à la programmation urbaine : la construction d’une nouvelle politique municipale d’hébergement d’urgence.

De l’exception au modèle ?

Les concepteurs du projet mettent en avant que ce modèle architectural, conçu spécifiquement pour les zones de foncier tendu du fait de son caractère déplaçable, s’adapte également particulièrement à l’urgence de la situation. Les modules d’habitation en bois, conçus spécifiquement pour l’hébergement, sont en effet construits en atelier, hors site, ce qui permet d’accélérer considérablement le chantier, et de réduire les coûts de construction, tout en livrant une structure de qualité pour les personnes hébergées. Le CHU de l’Allée des Fortifications résulte de l’articulation de ce modèle architectural, et du contournement de la règle d’urbanisme, par le permis précaire. Les acteurs de la Ville de Paris tendent à faire de cet urbanisme de l’exception le nouveau paradigme dans lequel s’inscrit la construction de structures d’hébergement d’urgence.

2. Les modules d’hébergement sur l’Allée des Fortifications. (Air architectures, 2016)

L’acquisition de savoir-faire architecturaux et juridiques, élargit le champ des terrains potentiellement exploitables par la Ville de Paris pour ouvrir des places d’hébergement d’urgence, avec l’inclusion des sites a priori non constructibles. Le développement de ce savoir-faire permet également à la Ville de Paris de répéter plus facilement l’expérience sur d’autres sites. Ainsi, le CHU du Bastion de Bercy, dans le 12ème arrondissement, mis en service à l’automne 2017, est construit exactement sur le même modèle que celui du 16ème arrondissement, sur le périmètre du Bastion de Bercy, bien classé monument historique situé le long de l’échangeur du boulevard périphérique et de l’autoroute A4.

3. Le premier jour des travaux sur le Bastion de Bercy, pose des modules (Série Flex, 2017)

En décembre 2017, Ian Brossat propose d’ouvrir des places d’hébergement sur un terrain appartenant à la Ville de Paris, non bâti, actuellement utilisé comme parking, situé à Neuilly-sur-Seine, et dans l’ancien hôpital du Val de Grâce dans le 5ème arrondissement de Paris, ancien hôpital militaire appartenant à l’État, dont le devenir n’est pas encore tranché. Ces récentes propositions témoignent du fait que ce mode de faire est devenu le nouveau paradigme dans lequel s’inscrit la politique parisienne d’hébergement d’urgence. La multiplication de ces expériences, leur traduction dans des brochures et les déclarations afférentes tendent à vouloir faire de ce dispositif matériel et de cette gestion de la temporalité un nouveau modèle.

Une affirmation du pouvoir municipal

Si c’est l’État, via la préfecture d’Île-de-France, qui est en charge du financement de l’hébergement d’urgence, c’est bien une politique municipale qui se charge à Paris de la construction de ces nouvelles structures. Cette nouvelle politique d’hébergement d’urgence, impulsée par la municipalité, traduit une affirmation des pouvoirs locaux à l’égard du pouvoir d’État. En effet, pour le CHU de l’Allée des Fortifications, la Ville de Paris a non seulement été décisionnaire de la localisation du centre, mais elle a également été un acteur financier et un soutien technique important. Celle-ci a ainsi proposé et mis à disposition gratuitement le terrain, apporté un soutien technique pour la réalisation des travaux de voirie nécessaires et le raccordement aux réseaux d’eau et d’électricité, accordé une garantie à l’emprunt mobilisé par Aurore à la Caisse des Dépôts, et une subvention d’un montant de 800 000 euros pour le projet.

Le rôle capital qu’a eu la Ville de Paris pour la construction de ce CHU résulte d’une volonté politique d’héberger les personnes sans domicile, pour compenser une politique nationale largement insuffisante. C’est également le signe que l’hébergement d’urgence n’est plus seulement une politique sociale qui vise à réagir à une crise urgente, mais est aussi pleinement intégré à des politiques urbaines plus larges. En effet, en s’emparant de la construction des structures d’hébergement d’urgence, la Ville de Paris fait cohabiter aménagement urbain et gestion des exclus, de telle sorte que l’hébergement d’urgence devient un enjeu de développement local. L’ouverture de nouvelles places d’hébergement d’urgence peut ainsi permettre à la Ville de Paris d’agir plus largement sur la ville et les quartiers.

La construction de centres d’hébergement d’urgence comme levier d’action sur la ville et les quartiers

C’est notamment l’occasion de poursuivre la politique de « mixité sociale résidentielle » (Bacqué et al., 2010), menée par la Ville de Paris depuis 2001, qui se traduit par l’implantation de davantage de logements sociaux dans les arrondissements du centre et de l’ouest, qui en sont moins pourvus. Tout comme les logements sociaux, les différents dispositifs d’accueil de personnes sans-abris, dont les structures d’hébergement, se concentrent dans les quartiers plus populaires, ou à la marge des villes (Piolatto, 2017), et sont relativement absents des quartiers plus bourgeois (Zeneidi-Henry, 2002). À Paris, l’inégale répartition des places d’hébergement d’urgence entre les arrondissements (APUR, 2010) pousse ainsi la municipalité à chercher des terrains également dans les arrondissements qui en comptent peu, comme ce fut le cas pour le CHU du 16ème arrondissement, malgré l’opposition de la mairie d’arrondissement et d’un certain nombre de riverains (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2016, 2017). Des associations de riverains, menées par Claude Goasguen, alors maire du 16ème arrondissement, ont ainsi lancé une pétition contre le projet, et déployé un arsenal juridique particulièrement étoffé, en déposant des recours juridiques pour annuler le permis de construire précaire. S’agissant de l’ouverture de places d’hébergement d’urgence, la municipalité parisienne s’affirme à la fois face à la Préfecture et aux mairies d’arrondissement.

4. L’inégale répartition des places d’hébergement d’urgence entre les arrondissements de Paris, avant l’ouverture du centre d’hébergement de l’Allée des Fortifications (en valeur absolue ou proportionnellement au nombre d’habitants de l’arrondissement) (De Lamberterie, 2017, données APUR février 2016)

De plus, l’installation du CHU du 16ème arrondissement sur une chaussée n’est pas anodine. Si celle-ci s’explique avant tout parce que la voirie est une ressource foncière exploitable, dans un contexte de rareté de terrains disponibles, elle s’inscrit également dans la politique plus large de la Ville de Paris de piétonnisation et de réduction de la part des voies de circulation automobile et de l’emprise des emplacements de stationnements. Après le départ du centre d’hébergement, la chaussée ne sera d’ailleurs pas rendue à la circulation automobile.

5. Localisation du CHU sur une chaussée préalablement aménagée pour la circulation automobile et utilisée comme parking (De Lamberterie, 2017)

Formaliser les occupations temporaires des lieux vacants à des fins d’hébergement

L’occupation temporaire de sites vacants permet au propriétaire du site de limiter les frais de gardiennage, et de donner une valeur d’usage à ces lieux inoccupés. C’est également un moyen d’empêcher d’autres occupations non désirables du site vacant, comme son squat par exemple. L’installation temporaire de structures formelles d’hébergement dans ces espaces délaissés permet un processus de formalisation et d’institutionnalisation de l’occupation des sites vacants à des fins d’hébergement.

L’utilisation de friches urbaines pour l’hébergement d’urgence semble être le signe d’une entrée dans le droit des dispositifs du squat (Aguilera, 2015), tout en étant un moyen de réguler, prévenir ou éloigner d’autres occupations informelles de ces sites. La halle Dubois était ainsi devenue un squat avant que ne s’y installe le centre d’hébergement provisoire. Sur l’Allée des Fortifications avaient lieu des activités de prostitution, et le projet des Grands Voisins s’est aussi développé pour prévenir d’éventuelles occupations informelles des 3,4 hectares de l’ancien hôpital Saint-Vincent de Paul, en plein centre de Paris dans le 14ème arrondissement, qui seraient demeurés vacants pour plusieurs années.

Le temporaire est-il durable ?

Si cette démarche permet d’ouvrir des places qui n’auraient pu être ouvertes autrement, avec l’ouverture par la Mairie de Paris d’un « nouveau potentiel qui ne figure pas dans le droit foncier classique » selon les propos de Cyrille Hanappe (Piolatto, 2016), elle est cependant conditionnée par son caractère temporaire, face à une demande en hébergement d’urgence inscrite dans la durée. Bien que les structures modulaires soient démontables et déplaçables, et destinées à être installées sur un autre site à la fin de la durée du permis, ce modèle demeure précaire.

Le caractère temporaire des structures d’hébergement renforce leur caractère précaire, et donc la précarité des publics hébergés, en particulier dans une ville dense dans laquelle il est difficile de trouver un terrain suffisamment spacieux et disponible où ré-implanter la structure. De plus, l’obtention d’un site est rendue plus difficile par les réticences locales à l’installation de centres d’hébergement dans un quartier (Loison-Leruste, 2009), voire le rejet actif dont ils peuvent faire l’objet, comme ce fut le cas pour l’Allée des Fortifications, avec une mobilisation juridique d’une partie des riverains et de la mairie d’arrondissement contre l’aboutissement du projet (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2016 ; 2017).

Le caractère temporaire des structures d’hébergement construites sur ce modèle est imposé par la norme d’urbanisme, via le permis précaire. Il est aussi souvent contraint par la programmation future du site sur lequel la structure d’hébergement est implantée. Intégrer l’hébergement d’urgence aux différentes étapes des projets urbains peut ainsi créer une tension entre l’occupation présente et la programmation future du site, et parfois retarder le projet urbain à venir. Dans le cas du centre de la Porte de la Chapelle, il a ainsi été nécessaire d’arbitrer pour la prochaine fermeture du centre pour éviter un retard trop important de livraison du campus, malgré un manque de places évident pour accueillir les personnes exilées. La programmation future du site est ainsi considérée comme plus légitime et prioritaire que la structure provisoire. Sur l’Allée des Fortifications, c’est un projet paysager – le prolongement du bois et la création d’un espace vert au détriment d’une chaussée goudronnée, prévu avant l’installation de la structure –, qui succédera au centre d’hébergement.

En ce qui concerne les friches, les propriétaires, ainsi que les divers acteurs locaux attendent souvent des occupations temporaires qu’elles soient un vecteur d’animation urbaine, et d’amélioration de l’image du site, pour maintenir une valeur économique à ces espaces en attente de projets, et ont ainsi tendance à préférer des activités récréatives ou artistiques à l’installation de places d’hébergement d’urgence (Diguet, 2017), comme le permet le vœu du Conseil de Paris de novembre 2016 qui facilite à la fois les conventions avec des gestionnaires de structures d’hébergement et avec des collectifs d’artistes. Si l’exemple des Grands Voisins montre que les CHU peuvent cohabiter avec d’autres activités lors d’occupations temporaires – ce site, ouvert au public, accueille en plus du CHU un bar, un restaurant, des bureaux et des ateliers d’artistes -, les centres d’hébergement sont encore atteints par le syndrome NIMBY8 dans la programmation de friches. Une des limites de ce modèle d’aménagement temporaire des structures d’hébergement réside donc dans la concurrence qui peut exister entre les usages temporaires possibles des espaces vacants, dans une ville dans laquelle le foncier disponible est rare et convoité.

L’étude de la construction des récents dispositifs d’hébergement d’urgence à Paris nous permet donc de voir que l’hébergement d’urgence devient une affaire municipale et un enjeu pleinement urbain et territorialisé. La ville de Paris, mais également d’autres collectivités, comme Grande-Synthe avec la création du camp de la Linière (Taillandier, 2017), Grenoble, avec des expérimentations de type « Logement d’abord » (Robert, 2017) initiées par la Ville dans des logements vides, ou Strasbourg, selon une logique davantage orientée vers l’exploitation du domaine intercalaire de la Ville, s’emparent de la question de l’hébergement d’urgence pour pallier les manquements de l’État. Impulsée par une politique municipale, la construction de structures d’hébergement d’urgence à Paris devient également un levier d’action sur la ville. Les structures d’hébergement d’urgence se développent désormais à Paris sur les friches et sites temporairement vacants. C’est le signe d’une meilleure prise en compte dans l’aménagement urbain de la temporalité des lieux, et également un moyen pour la municipalité de poursuivre sa politique d’ouverture de nouvelles places d’hébergement d’urgence, et d’agir sur les quartiers, notamment par le traitement de l’informalité. Le modèle développé sur l’Allée des Fortifications, conçu pour s’adapter aux zones de foncier tendu, et pour permettre de construire en urgence sur des espaces disponibles, demeure cependant précaire, le caractère temporaire contraint de la structure étant à la fois sa condition d’existence, car imposé par le permis de construire précaire, et sa principale limite.

Tout comme les sans-abris (Agier, 2011), le CHU s’installe dans les interstices de la ville. La mobilité contrainte qu’il induit renforce la précarité et les incertitudes sur l’avenir de la structure d’hébergement, mais aussi des personnes hébergées ; la temporalité discontinue de la structure d’hébergement s’imposant et se superposant au rythme d’habitat déjà morcelé des personnes hébergées, qui ne bénéficient que d’une durée de séjour limitée dans le CHU (Gardella, 2014) et qui connaissent régulièrement réorientations et éloignements. Les modules, comme les personnes qu’ils hébergent, sont contraints d’évoluer dans le provisoire, sans avoir de certitude quant à la prochaine étape, en marge du marché immobilier classique et du droit commun.

Face aux limites de ce nouveau mode d’aménagement, le programme « Logement d’abord » (Pleace, 2011), qui prône la réduction de la frontière aujourd’hui trop étanche entre hébergement et logement (Robert, 2017), repose sur un paradigme différent en termes d’action sociale, mais aussi en termes d’enjeux fonciers et urbains et de gestion de la temporalité. En effet, il pose comme principe l’accès pour les plus modestes à un logement autonome de droit commun, et peut ainsi se développer, davantage que l’hébergement d’urgence tel qu’il fonctionne actuellement, dans le parc de logement diffus. En visant à dépasser les politiques du temporaire et du court-terme dictées par la pression de l’urgence, et le rythme d’habitat discontinu et morcelé contraint aujourd’hui par le fonctionnement de l’hébergement d’urgence, ce programme paraît agir comme une réponse autre et complémentaire au modèle présenté dans cet article, et gagnerait à être davantage connu et développé.

ANGÈLE DE LAMBERTERIE

Angèle de Lamberterie est géographe et urbaniste, elle s’intéresse au traitement de l’habitat informel par les politiques publiques, ainsi qu’aux politiques de logement et d’hébergement d’urgence.

Bibliographie

Agier M., Bouillon F., Girola C., et al, 2011. Paris Refuge. Habiter les interstices, Editions du Croquant, coll. « Carnets d’exil », 191p.

Aguilera T., 2015. Gouverner les illégalismes urbains. Les politiques publiques face aux squats et aux bidonvilles dans les régions de Paris et Madrid, PhD, Sciences Po – IEP de Paris, 704p.

Andres L., 2011. « Les usages temporaires des friches urbaines, enjeux pour l’aménagement », Métropolitiques. http://www.metropolitiques.eu/Les-usages-temporaires-des-friches.html

APUR, 2014. « Dans l’agglomération parisienne, un sans domicile sur trois a un emploi », Note n°74, Atelier Parisien d’Urbanisme, 4p.

APUR, 2010. « Les structures d’hébergement d’urgence et de logement temporaire à Paris », Atelier Parisien d’Urbanisme, 92p.

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Photo de couverture : Le centre d’hébergement d’urgence de l’Allée des Fortifications. (De Lamberterie, 2017)

  1. Ce campus de sciences sociales sera installé à partir de 2020 sur deux sites, à Aubervilliers et à Paris, porte de La Chapelle. []
  2. Ce vœu et les débats qui ont entouré son vote peuvent être consultés ici via le site Paris.fr. []
  3. Par « a priori » nous entendons « hors utilisation d’un permis précaire », qui agit comme un contournement de la règle d’urbanisme. []
  4. Les zones urbaines vertes (UV) sont définies comme telles dans le code de l’urbanisme : « espaces dont la densité bâtie est en général faible et dont la fonction écologique, la qualité paysagère ou la vocation récréative, sportive ou culturelle doivent être préservées et mises en valeur pour assurer la qualité de vie et les besoins de détente des citadins ». []
  5. Dans la version approuvée le 7 juillet 2016 []
  6. Consulté en janvier 2018 []
  7. Consulté en janvier 2018 []
  8. Le syndrome NIMBY, acronyme de Not In My BackYard, désigne l’attitude fréquente qui consiste à approuver un projet pourvu qu’il se fasse ailleurs. []

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