Urbanisme temporaire / Flüchtling ou Berliner ? Pratiques sociales et spatiales des jeunes hommes exilés à Berlin : de la vie en conteneur à la ville appropriée

Sophie Garcia

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En 2015, plus d’un million de personnes exilées1sont arrivées en Allemagne, qui a enregistré le tiers de l’ensemble des primo-demandes d’asile déposées en Europe (Edo, 2016). Cela constitue un défi certain en matière de politique de premier accueil mais également en termes d’intégration pour la société allemande.

En 2015, la ville de Berlin n’est pas préparée à recevoir un grand nombre d’exilés, ce qui conduit les autorités à les héberger de façon provisoire dans des gymnases et des hangars désaffectés. Par la suite, des « villages de conteneurs »2sont progressivement mis en place dans la capitale pour résoudre la crise de l’hébergement d’urgence. Installés sur des terrains appartenant au Bundesland3) berlinois ou à l’État, les conteneurs sont aménagés par la Berliner Immobiliengesellschaft (Société Immobilière de Berlin). Leur durée de présence est fixée à trois ans et leur gestion est déléguée à différentes grandes associations spécialisées dans l’action sociale. La mise en place d’ensembles de conteneurs a été pensée pour résoudre la crise de l’hébergement sur un temps court, mais le dispositif persiste dans le temps, puisqu’en 2017 de nouveaux conteneurs sont érigés, et les habitants logeant en conteneurs depuis début 2015 ne trouvent pas où se loger dans le parc locatif berlinois.

De plus en plus de travaux portent sur la question de l’habitat temporaire et de ses contraintes, notamment dans les pays du Nord en lien avec les conditions de vie des exilés. Cet article s’inscrit dans la continuité de ces réflexions, en posant pour point de départ la question de l’exclusion sociale des exilés en situation de logement contraint. La notion de logement contraint, qui désigne des espaces affectés institutionnellement à la fonction d’accueil et de résidence de populations considérées comme indésirables, a été théorisée par M. Bernardot (2003, 2005, 2007) qui étudie le logement des personnes migrantes en France en adoptant une perspective historique, liée aux conditions de l’immigration postcoloniale. Sur la question des exilés, à l’échelle mondiale, l’anthropologue M. Agier souligne la récurrence de la figure du camp comme solution d’État pour invisibiliser une population indésirable (2014). Le camp est « un espace global de gestion par l’humanitaire des populations les plus impensables et les plus indésirables de la planète » (Agier, 2007 : 91). Il s’agit d’ « immobilis[er] des personnes mobiles » dans des « espaces à l’écart, des lieux hors de tous les lieux » (Agier, 2016 : 61), pensés comme temporaires mais qui durent et qui stigmatisent les personnes et les excluent sur le long terme. Dans le contexte contemporain, les travaux sur l’exclusion et l’enfermement des exilés sont nombreux, comme ceux de M. Bassi portant sur la Sicile et Lampedusa (2013, 2015), de C. Kobelinsky (2010, 2015) ou encore de J. Valluy (2008, 2015) sur le contexte français. Sur ce sujet, le  #8 d’Urbanités traitant de « La ville indigne » (2017), s’intéresse notamment aux marges urbaines et aux camps (Agier, 2017) aux centres de rétention (Tassin, 2017)  ainsi qu’à la vie en conteneurs dans la Jungle de Calais (Kaiser & Lainé, 2017).

Dans la continuité de ces travaux, nous souhaiterions discuter les effets des politiques publiques allemandes concernant l’hébergement d’urgence des personnes exilées, sur leurs pratiques sociales et spatiales. Dans un premier temps, nous étudierons comment les jeunes hommes exilés subissent un phénomène de mise à l’écart par la gestion migratoire allemande à l’échelle nationale, et par l’hébergement en conteneurs à l’échelle locale. Dès lors, nous discuterons de la dimension excluante d’un dispositif d’habitat temporaire qui se pérennise.

Dans un deuxième temps, il s’agit de se demander dans quelle mesure les pratiques sociales et spatiales des réfugiés ont une incidence sur les processus d’exclusion sociale et spatiale dont ils sont l’objet. Comment ces pratiques peuvent-elles infléchir ce processus et permettre aux individus de s’émanciper de la catégorie, celle de « réfugiés », à laquelle ils sont assignés ?

Je souhaiterais considérer l’espace comme support mais également comme matériau actif dans ce processus ambivalent d’exclusion / émancipation. Si l’exclusion sociale revêt une dimension spatiale, c’est aussi par les pratiques spatiales que des stratégies sont développées pour surmonter les difficultés auxquelles les jeunes hommes exilés sont confrontés. La maîtrise de l’espace urbain et en particulier de leur mobilité, leur permet de redevenir acteurs et maîtres de leur destin berlinois. De nombreux travaux permettent d’appuyer cette idée, notamment ceux de N. Cattan, qui étudie les façons dont les femmes immigrées sri-lankaises à Beyrouth s’approprient l’espace urbain à différentes échelles, ou encore les écrits de L. Law sur les femmes immigrées philippines à Hong-Kong, qui remettent en cause l’idée qu’elles seraient exclues et reléguées au seul domicile de leurs employeurs (Cattan, 2012 ; Law, 2001). Les travaux de N. Puig et K. Doraï s’intéressent, quant à eux, aux réfugiés dans plusieurs villes du Proche-Orient, et à leurs stratégies d’insertion dans l’espace urbain. Alors que ces populations sont confrontées à des dispositifs structurant de relégation sociale et urbaine, leurs pratiques et leurs initiatives leur permettent d’infléchir ces processus de marginalisation : « Par leur façon de prendre place, les migrants composent des territoires, construisent et transforment des mondes urbains selon des temporalités et des rythmes variables  » (Puig & Doraï, 2012 : 12).

Cet article est tiré de mon mémoire de Master 2 pour lequel j’ai effectué un travail de terrain de quatre mois, en parallèle d’un stage dans une association berlinoise chargée d’accompagner des exilés dans la recherche de logement.

Le cœur de mon terrain de recherche est le premier foyer de conteneurs installé à Berlin en décembre 2014. Appelé « foyer de  l’Alfred-Randt-Strasse », il est situé dans le quartier de grand ensemble Salvador Allende  qui fait partie de Köpenick,  arrondissement périphérique de l’ex-Berlin Est.

Carte de situation : le Bundesland de Berlin et les limites administratives de ses Bezirke (arrondissements), (Garcia, 2017)

Ce foyer est composé de deux ensembles de conteneurs de deux étages chacun, accueillant environ 400 personnes, principalement syriennes mais également afghanes, érythréennes, irakiennes… Ce sont des hommes et des femmes seuls mais aussi des familles avec enfants. Il est administré par l’organisation non gouvernementale Internationaler Bund qui gère plusieurs autres foyers à Berlin. Cette structure emploie une équipe d’agents de sécurité et de travailleurs sociaux qui sont présents tous les jours sur le terrain (une quinzaine de personnes au total). Des bénévoles viennent généralement le vendredi après-midi et organisent des activités à destination principalement des enfants du foyer.

J’ai conduit des entretiens semi-dirigés avec 11 jeunes hommes réfugiés et demandeurs d’asile du foyer, âgés de 20 à 32 ans et résidant en Allemagne depuis au moins un an. Pour ce faire je me suis rendue directement dans le foyer en contactant d’abord une des deux associations présentes sur le terrain. Je me suis présentée sous le double-statut d’étudiante en travail de recherche mais également de stagiaire dans une structure associative présente dans l’arrondissement. À partir de la mi-mai 2017 jusqu’à la fin du mois d’août, je me suis rendue dans le foyer une à deux fois par semaine dans une démarche d’observation participante. J’ai ainsi pu rencontrer les habitants, instaurant progressivement un rapport de confiance avec plusieurs d’entre eux. J’ai par ailleurs eu l’occasion de suivre plusieurs jeunes hommes dans leurs déplacements à Berlin, ce qui m’a permis de visualiser plus finement leurs pratiques de loisirs et de consommation, ainsi que les lieux fréquentés et les attitudes adoptées, et de mettre en perspective les propos tenus en entretiens par rapport aux pratiques réelles.

Mobilité et résidence sous contraintes : construction institutionnelle et spatiale d’une exclusion sociale

Nous montrerons dans un premier temps comment le système de répartition spatiale des réfugiés en Allemagne, les politiques d’hébergement à leur encontre et les conditions d’accueil par les populations riveraines contribuent à nourrir un processus d’exclusion sociale et spatiale.

 

Mobilité forcée et démantèlement des réseaux de solidarité

En Allemagne, un système de répartition informatisé disperse les demandeurs d’asile sur le territoire selon les ressources économiques et la population de chaque Bundesland. Les demandeurs d’asile ont une semaine pour rejoindre le Bundesland qui leur a été assigné, sans quoi ils ne peuvent entamer leurs démarches administratives (Müller, 2015). Ce système ne prend pas en compte les différents réseaux de solidarité pouvant exister entre les exilés arrivant sur le territoire allemand et des proches qui s’y seraient installés plus tôt. Ces réseaux sont pourtant un soutien important dans la migration et pour l’installation dans le nouveau pays ou la nouvelle ville (Doraï, 2005 ; Vatz Laaroussi, 2009). L’Allemagne n’a généralement pas été choisie au hasard par les enquêtés : outre la politique officielle d’ouverture des frontières annoncée par Angela Merkel en 2015, le réseau familial et amical est une donnée très importante dans ce choix, du fait du soutien et des informations qu’il peut apporter. Un enquêté, Osman, en parlant de Brême, explique : « J’ai entendu qu’on obtenait très vite l’asile là-bas. Et j’y ai aussi des amis. »4) (Osman, Kurde syrien, 32 ans). Le système allemand contribue donc à fragiliser la position du demandeur d’asile. Cette mobilité apparaît forcée et arbitraire pour les enquêtés, dont la majorité ne souhaitait pas s’installer à Berlin.

Ainsi, la répartition des demandeurs d’asile par Bundesland casse les codes « classiques » de la migration, où le réseau joue un rôle important, et contribue à les isoler et à les précariser en leur ôtant le bénéfice de soutiens affectifs mais aussi financiers des proches déjà présents.

Le « village de conteneurs » : une figure édulcorée du « camp de réfugiés »

Le système d’hébergement des demandeurs d’asile fait face à des défaillances importantes (Wendel, 2014), avec des conditions d’accueil très variables d’un territoire à l’autre. À Berlin, en 2015, l’arrivée des exilés à entraîné la réquisition de nombreux équipements sportifs  pour pallier le manque de places d’hébergement. Les demandeurs d’asile y sont parfois restés plusieurs mois avant d’être transférés dans des foyers, dont plusieurs sont constitués de conteneurs. Le foyer de conteneurs qui a constitué mon terrain de recherche principal me semble exemplaire dans la mesure où il est à l’image de nombreux autres foyers implantés sur le territoire berlinois et où il est le premier à avoir été mis en place, fin 2014.

Présenté comme un concept innovant permettant de répondre à l’urgence, le Containerdorf se veut une solution d’hébergement articulée à une politique d’intégration au quartier avec un budget dédié à cette tâche ainsi que divers équipements de loisirs. On peut voir dans ce dispositif un positionnement « contre la figure négative du centre d’hébergement collectif, le passage en habitat temporaire doit désormais être porteur d’un apprentissage qui suit d’autres principes : les qualités à développer sont celles qui incitent à prendre part, à nouer des liens, à s’engager et constituer un projet, dans un lieu « banalisé » à destination d’individus à la fois singuliers et indifférenciés » (Bonnet, 2007 : 1).

Cependant, ce discours cache pour beaucoup un dispositif proche de celui du camp (Wendel, 2014). Le foyer est situé dans un quartier éloigné des espaces centraux et mal desservi par les transports en commun. Cet isolement initial est accentué par l’instauration d’une coupure physique mais aussi psychologique, avec le quartier résidentiel dans lequel il est implanté. La mise en place du foyer de conteneurs a soulevé une grande vague de protestations dans le quartier Salvador Allende¸ engendrant plusieurs manifestations5 orchestrées par le parti d’extrême-droite NPD6). Aujourd’hui encore, la moindre perturbation du quotidien par les habitants du foyer engendre des protestations et des comportements intrusifs de la part du voisinage. Ainsi, le bruit est un sujet de plainte récurrent, du fait notamment des enfants qui jouent à l’extérieur du foyer ou encore des hommes qui discutent le soir dans le jardin. Plusieurs habitants du foyer racontent subir également des regards hostiles, voire des comportements racistes de la part des habitants du quartier. Marwan, habitant dans le foyer depuis un an, explique que les gens du quartier « ne sont pas très gentils […]. Un jour, quand je suis sorti du supermarché, un homme a voulu se battre avec moi […] il a dit quelque chose comme « Vous ne travaillez pas, nous, nous sommes Allemands ! » Ils nous considèrent comme des étrangers en Allemagne »7 (Marwan, Syrien, 28 ans).

2. Un immeuble derrière lequel se trouve le foyer de l’Alfred-Randt-Strasse (Garcia, 2017)

3. Les barrières entourant le foyer (Garcia, 2017)

Le foyer comprend des dispositifs sécuritaires censés protéger des incursions extérieures mais ils contribuent également à la mise à l’écart de cet espace. Des équipes d’agents de sécurité se relaient sans interruption et les entrées des personnes extérieures au foyer sont contrôlées. Cela contribue à faire de cet espace un « « hors-lieu », isolé, ou les populations sont « mises à l’écart, sous surveillance et privées de moyens de subsistance autonomes » (Bernardot, 2005 : 1). Par ailleurs, l’aspect temporaire des conteneurs, l’étroitesse des chambres et le manque d’isolation des installations favorisent la promiscuité et le manque d’intimité, participant à la désindividualisation des hébergés. Le foyer de conteneurs est un espace d’entre-deux, temporaire, et qui pourtant s’éternise. De même la perception de la vie dans le foyer s’apparente à une parenthèse chez les enquêtés, marquée par l’ennui, l’impression du temps suspendu, et le sentiment de vivre une situation dégradante. Le foyer de conteneurs peut ainsi s’apparenter à un mode de gestion des étrangers indésirables, semblable, par certains points, aux centres de rétention administrative. Il permet d’enfermer et d’isoler tout en garantissant une certaine visibilité par la présence d’associations de soutien et par une apparente ouverture. Pourtant cela contribue finalement à légitimer les dispositifs de contrôle en place (Fischer, 2009 ; Haas, 2011 ; Clochard, 2014).

Des stratégies d’adaptation : s’approprier la ville par les pratiques sociales et spatiales

Isolés, marginalisés, les jeunes hommes exilés enquêtés développent cependant des stratégies d’adaptation en tentant de résoudre cette situation par leurs pratiques de mobilité quotidienne.

Un fort capital de mobilité

Les pratiques de mobilité quotidienne des jeunes hommes exilés se déclinent à l’échelle de l’ensemble du territoire berlinois, montrant une connaissance et une maîtrise importantes des réseaux de transport, des distances et de l’espace berlinois jusque dans ses périphéries.

La majorité des enquêtés a une très bonne maîtrise du réseau de transports, témoin d’une « compétence de mobilité » (Levy, 2000) ou « motilité » forte (Kaufmann, 2004), soit « la manière dont un individu ou un groupe fait sien le champ du possible en matière de mobilité et en fait usage pour développer des projets » (Kaufmann, 2004 : 5). Ainsi pour un enquêté, Kaan, la présence des transports en commun est déterminante dans le choix de son logement : « Je veux seulement habiter à côté du S-Bahn ou du U-Bahn, parce que je n’aime pas le bus »8)(Kaan, Kurde syrien, 23 ans). Le capital de mobilité des jeunes hommes exilés apparaît être la principale ressource pour surmonter leur situation d’exclusion sociale : cette aisance à se mouvoir leur permet de construire un « habiter dynamique, toujours ouvert vers d’autres possibles, toujours prêt à englober de nouveaux lieux » (Ceriani Sebregondi, 2007 : 249). La jeunesse et le célibat leur permettent également de se déplacer avec une certaine liberté, n’ayant pas de responsabilité familiale à assurer au foyer.

Cette compétence de mobilité est souvent évoquée avec fierté dans les entretiens, signifiant que la distance n’est pas un obstacle, et renvoyant à l’expérience de la migration dans son ensemble : expérience traumatique mais qui, grâce à leur résilience, semble devenir un atout pour l’appropriation d’un nouveau territoire et la construction d’un nouvel espace de vie (Ceriani Sebregondi, 2007). Se présenter comme fin connaisseur de la géographie berlinoise, c’est montrer qu’ils font partie de la ville. C’est aussi un moyen de s’échapper du quartier résidentiel et d’exprimer sa liberté de choisir ses lieux de prédilection. Un jeune homme affirme ainsi : « Je pense que je connais tout Berlin. Je peux aller dans tous les endroits : Köpenick, Schöneweide, Ostbahnhof, Kreuzberg, Innsbruckerplatz, Alexanderplatz, Potsdamer Platz, Alt Moabit… »9) (Ali, Pakistanais, 28 ans).

Recréer un environnement familier par les pratiques de loisirs et de consommation

Forts de cette capacité à se mouvoir, les jeunes hommes exilés recréent un environnement familier et accueillant, constituant des espaces de pratiques privilégiés pour les loisirs et la consommation en particulier.

Dans un premier temps, on remarque l’importance des espaces où l’on peut se retrouver entre pairs, dans une communauté linguistique et culturelle. Les entretiens permettent ainsi de rendre compte d’une mobilité quotidienne ou au moins hebdomadaire fortement polarisée par certains espaces berlinois. Ces espaces sont concentrés dans l’arrondissement de Neukölln, dont la particularité est sa diversité culturelle, avec la présence de plus de 160 nationalités (Taube, 2007), dominée par les populations turques et arabes. Presque tous les enquêtés évoquent ainsi Neukölln lorsqu’ils décrivent les espaces qu’ils fréquentent pour faire leurs courses, aller au restaurant ou au café. L’importante littérature concernant l’entreprenariat ethnique (Ma Mung, 1992 ; Battegay, 2003 ; Pécoud, 2012) permet d’éclairer les raisons possibles de l’importance de quartiers tels que Neukölln dans les pratiques des jeunes hommes exilés, plus particulièrement syriens, ou de Gesundbrunnen / Pankstrasse pour les jeunes hommes afghans et pakistanais. Les « centralités immigrées » (Battegay, 2003) sont caractérisées par la présence de forts réseaux de solidarités liés à des appartenances culturelles et linguistiques communes et se sont développées afin de pallier les effets des discriminations et de la précarité rencontrées par les migrants en Allemagne (Dinh, 2007 ; Pécoud, 2012). Ces centralités sont des espaces de rencontres et de consommation de première importance pour les nouveaux arrivants, et notamment les personnes enquêtées. Lors d’une visite guidée dans Neukölln, le guide, réfugié syrien, passe ainsi en revue les lieux emblématiques du quartier : « Le supermarché arabe, le restaurant Al Dimashqi, lieu par excellence où l’on vient pour se sentir comme en Syrie, puis le bar à shisha Om Kalatoum, du nom d’une célèbre chanteuse égyptienne, où l’on vient pour fumer une shisha avec ses amis (lieu principalement masculin). » (Extrait de carnet de terrain, 24 mai 2017).

4. Supermarché « Al Baraka » sur la Sonnenallee à Neukölln (Garcia, 2017)

5. Devanture du restaurant « Al Dimashqi » (« le Damascène ») (Garcia, 2017)

Cependant, les quartiers concentrant les commerces ethniques ne sont pas les seuls espaces cités concernant les pratiques de loisirs, qui sont bien plus diversifiées. Les espaces très touristiques berlinois apparaissent également très appréciés des enquêtés, tels que la Potsdamer Platz, la Brandenburger Tor, Alexanderplatz… Ces espaces, centraux, offrent un sentiment d’anonymat qui permet d’observer sans être remarqué, et de jouir de la liberté que confère l’indifférence de « la foule très dense d’une grande ville » (Simmel, 1903 : 71). Cela contraste fortement avec les expériences vécues dans le quartier résidentiel, environnement où la part de population d’origine étrangère est très faible et où ils sont reconnus comme « les réfugiés hébergés dans le foyer de conteneurs » et assignés à ce rôle extérieur à la vie sociale du quartier. L’exemple le plus parlant est celui de Marwan, qui explique : « Mon endroit préféré est Alexanderplatz, je trouve que ce lieu est nouveau pour moi. Je n’ai pas trouvé ça en Syrie, et dans le foyer non plus. La réalité dans le foyer est semblable à celle de mon pays d’origine. Là-bas [à Alexanderplatz] je trouve que c’est intéressant, il y a beaucoup de gens qui y viennent, pas seulement des Allemands, des gens du monde entier, j’y vois de nombreuses cultures venant de nombreux pays »10(Marwan, Syrien, 28 ans).

On peut également lire dans ce type de pratiques une sorte d’actualisation du « droit à la ville » qui est lié à un droit à la « centralité » (Lefebvre, 1967). Les citadins ont un droit fondamental qui est celui d’accéder à la ville et à la centralité, ainsi qu’aux opportunités et aux ressources qu’elles offrent, mais surtout de pouvoir les construire, se les approprier, dans une dynamique collective.

Le schéma suivant permet de rendre compte de l’étendue du territoire parcouru et de la diversité des lieux fréquentés par les jeunes hommes exilés.

6. Schéma de synthèse des espaces de loisirs et de consommation principalement pratiqués par les enquêtés à Berlin (Garcia, 2017)

Des blocages structurels entérinant une situation de marginalité

Cependant, dans quelle mesure ce pouvoir d’agir des jeunes hommes exilés a prise sur des situations d’inégalités plus structurelles ? Leurs pratiques quotidiennes ne constituent-elles pas finalement des stratégies de court terme, face à des blocages sociaux et économiques trop importants dans une société où ils sont constamment mis en minorité ?

Quitter le foyer : un défi pour les jeunes hommes exilés

Les jeunes hommes exilés rencontrent en effet de nombreux problèmes d’ordre structurel, liés aux difficultés à trouver un emploi et un logement, pour ceux qui sont en demande d’asile comme pour ceux qui ont déjà obtenu leur statut depuis plusieurs mois. Ils subissent les conséquences du racisme sur le marché du travail, et sont également confrontés à l’administration allemande qui rend difficile la reconnaissance de qualifications et de diplômes étrangers. Cette situation conduit nombre d’entre eux à se tourner vers le marché du travail non déclaré. Cependant, les emplois sont généralement précaires, difficiles, ne proposant aucune protection et leur faisant prendre des risques importants, notamment lorsqu’ils ne sont pas encore reconnus réfugiés. Plusieurs enquêtés ont manifesté leur refus du travail non déclaré, souhaitant être dans les règles et payer des impôts. Un enquêté, Shirzad, raconte : « Je demande tous les jours dans des magasins… les gens disent ”oui j’ai du travail, mais pas légal, 12 heures [par jour], 700€ [par mois]”. Mais je ne veux pas. Je veux un travail légal, je vis en Allemagne, j’accepte les règles, je veux payer des impôts »11) (Shirzad, Afghan, 30 ans).  C’est avec le temps et la persévérance, et l’ouverture vers d’autres moyens, comme la formation professionnalisante, qu’ils peuvent créer des réseaux plus ouverts. Mais tous n’en ont pas l’envie ni la possibilité, quand gagner de l’argent est une priorité. Ce sont donc les plus précaires des jeunes hommes exilés qui pâtissent le plus de cette situation. Mohammed vient d’une famille très modeste restée dans la région d’Al-Raqqa, qui ne possède que très peu de ressources financières. Il explique : « Je veux travailler, juste travailler […] parce que ma famille est restée en Syrie, et en Syrie il n’y a pas de travail, pas d’argent et je dois travailler ici et envoyer de l’argent à ma famille »12) (Mohammed, Syrien, 26 ans).  L’absence de travail déclaré contribue au cercle vicieux de l’exclusion, en empêchant souvent les jeunes hommes enquêtés de trouver un logement personnel par des voies légales.

En effet, face à une situation très tendue concernant l’offre de logements à prix raisonnables à Berlin, les exilés sont très démunis, d’autant que la discrimination fonctionne également très fortement sur ce marché. C’est pourquoi, comme pour le travail, ils sont la cible privilégiée de propriétaires véreux, voire de véritables imposteurs, qui leur proposent des appartements de façon illégale, à des prix exorbitants et qui, dans les faits, n’existent pas toujours. Les enquêtés, mais aussi les familles, évoquent souvent ce type de solution ou des personnes qu’ils connaissent qui y ont eu recours. Beaucoup adoptent un discours fataliste, selon lequel leurs chances de trouver un logement sont presque nulles car ils sont réfugiés ou demandeurs d’asile. Le recours aux marchands de sommeil, quand il a lieu, pose des problèmes de sécurité tout en accentuant le processus de marginalisation sur le long terme.

L’entre-soi comme rempart au sentiment d’étrangeté

Face à ces problèmes d’ordre structurel et sur lesquels ils n’ont que peu de prises, les jeunes hommes enquêtés intériorisent cette identité de « réfugié » qui leur a été assignée de l’extérieur, au détriment de leurs qualités individuelles, ce qui contribue à déterminer leurs propres pratiques sociales et spatiales. Pour des questions culturelles, linguistiques et d’expériences communes, beaucoup de jeunes hommes ont des cercles de connaissances exclusivement composés d’autres exilés. Cependant, ne pas parvenir à rencontrer des personnes extérieures au foyer, qui ne soient ni bénévoles, ni exilées, est souvent perçu comme un problème et un regret : quand je lui demande s’il a des amis allemands, Adnan répond : « – Non. [- Pourquoi ?] – Je ne sais pas comment faire pour avoir un ami allemand »13 (Adnan, Syrien, 21 ans).  Dans ce contexte, la question des relations amoureuses est  abordée par plusieurs enquêtés : en plus d’atténuer le sentiment de solitude, avoir une relation intime avec une Allemande favoriserait grandement leur bien-être dans la société d’accueil. A la question « As-tu des amies allemandes ? », Mohammed répond  avec regret : « Non, je n’en ai pas. Toutes les femmes ici ont déjà un petit-ami ou n’ont pas de temps [à me consacrer]… »14(Mohammed, Syrien, 26 ans).

La faiblesse de leur « capital social » (Bourdieu, 1980), alliée à l’intériorisation de l’identité de « réfugié » / « arabe » / « étranger », ont des conséquences sur leurs pratiques spatiales, puisqu’ils limitent d’eux-mêmes leurs pratiques de certains espaces. Ainsi, les boîtes de nuit ou les bars et cafés emblématiques de la sociabilité occidentale ne sont pas fréquentés, moins par rejet que par timidité, par peur de ne pas en comprendre les codes et qu’on leur refuse l’entrée. Ces différents blocages et peurs peuvent faire partie des raisons qui les conduisent à fréquenter des espaces où leur légitimité n’est pas remise en question. Ces espaces sont donc et demeurent principalement les quartiers populaires avec leurs nombreux commerces immigrés, mais aussi le foyer. Or ces espaces (centralités immigrés, foyer) subissent un déficit de légitimité aux yeux de la population dominante (Puig & Doraï, 2012) : stigmatisation, réputation d’insécurité, de trafics, pauvreté, etc. qui rejaillissent sur les exilés.

Face au double effet des problèmes structurels et de l’intériorisation de leur propre illégitimité, les pratiques sociales et spatiales, vues comme expressions du pouvoir d’agir des jeunes hommes exilés, n’apparaissent généralement plus suffisantes pour s’extraire de ces rapports de domination et de leurs effets en termes de ségrégation et de discrimination à l’échelle de la société dans son ensemble. Au contraire, elles semblent contribuer en partie à leur renforcement sur le long terme.

L’étude des pratiques et des représentations sociales et spatiales des jeunes hommes exilés à Berlin a donc permis d’analyser le processus d’exclusion dont ils sont l’objet. Différents niveaux s’imbriquent : entre politique publique de gestion du flux d’exilés, qui conduit à briser les réseaux de solidarité préexistants à l’arrivée, et, dans le cas berlinois, relégation des foyers aux périphéries. Par ailleurs, la pérennisation du temporaire, combinée à une atmosphère de faible tolérance dans le quartier, renforce l’isolement et la stigmatisation des exilés.

Cependant, en s’intéressant aux pratiques des enquêtés dépassant l’échelle du quartier résidentiel, ils apparaissent dotés d’un réel pouvoir d’agir, mis en œuvre par la mobilité quotidienne et la création d’un territoire familier relativement réticulaire à l’échelle de toute la ville. Ces pratiques sociales et spatiales font figure de stratégies pour surmonter l’exclusion, en légitimant leur présence par une maîtrise importante du territoire berlinois et de ses ressources urbaines, individuelles et collectives. Les quartiers populaires, ou « centralités immigrées », marquées par l’histoire de l’immigration, apparaissent dans toute leur ambivalence, entre espaces clés de l’accueil et problématiques liées aux dangers de l’exploitation par le travail non déclaré, les marchands de sommeil, etc.

Ainsi, cette réflexion nous a conduit à relativiser le potentiel d’émancipation des pratiques sociales et spatiales des jeunes hommes exilés. S’ils se considèrent comme acteurs de leur quotidien et libres dans leurs pratiques spatiales et sociales, celles-ci sont en partie une conséquence de l’exclusion sociale et contribuent malgré tout à l’alimenter. Ce processus est lié dans un premier temps à des politiques publiques de contrôle visant à séparer les exilés du reste de la population. Une fois les autorisations de séjour distribuées, il est ensuite alimenté par un déficit de politique publique intégratrice concernant la lutte contre les discriminations sur les marchés du travail et du logement.

SOPHIE GARCIA

Sophie Garcia est diplômée du Master 2 Urbanisme et Aménagement de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (2017) et actuellement étudiante en Master 2 Sociologie et Anthropologie : Migrations et Relations Interethniques à l’Université Paris-Diderot. Elle s’intéresse aux conséquences des politiques migratoires françaises et européennes sur les conditions de vie des exilés, notamment concernant l’expérience des discriminations et du racisme.

sophie.josephine.garcia@gmail.com

Photographie de couverture : Une petite fille et un jeune homme syriens dans le jardin de leur foyer (Garcia, 2017)

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  1. Dans cet article, j’emploie le terme générique d’ « exilés » pour parler des personnes en situation de migration forcée liée généralement à des conflits armés dans leur pays d’origine. J’emprunte cette dénomination au milieu militant qui refuse de faire la distinction entre « réfugiés » statutaires (qui ont été reconnus réfugiés selon les critères de la Convention de Genève), « demandeurs d’asile » (qui sont dans la démarche administrative de l’asile et n’ont pas encore reçu de réponse), et « déboutés » (à qui le statut a été refusé). Les enquêtés sont majoritairement réfugiés statutaires, mais certains sont encore en demande d’asile (aucun n’est pour l’instant débouté). Quant au terme de « migrants », il englobe les exilés, soumis à des politiques publiques spécifiques liées aux démarches de l’asile, et les personnes ayant migré mais n’ayant pas forcément demandé l’asile. Je l’utilise notamment en référence aux articles parlant de la migration en général et non de l’exil en particulier. []
  2. En allemand : « containerdorf » []
  3. L’Allemagne est divisée administrativement en 16 régions appelées « Bundesländer » (« Bundesland » au singulier []
  4. Ich habe gehört, dass dort sehr schnell Azyl bekommt. Ich habe auch Kollegen dort.“ (Osman, Kurde syrien, 32 ans []
  5. https://www.berliner-zeitung.de/berlin/polizei/containerdorf-fuer-fluechtlinge-proteste-und-gegendemo-im-koepenicker-allende-viertel-3354924https://www.rbb24.de/politik/thema/fluechtlinge/berlin/alte-beitraege/proteste-gegen-berliner-containerdoerfer-fuer-fluechtlinge.html []
  6. Parti National-Démocrate Allemand (National-Demokratische Partei Deutschland []
  7. die Leute auch sind nicht sehr nett […] wenn ich vom Supermarkt gekommen bin, habe ich ein Mann gehört, und er hat mit mir gestritten […] Vielleicht „Sie arbeiten nicht, wir sind die Deutsche!“ Sie finden uns fremde Leute in Deutschland“ (Marwan, Syrien, 28 ans). []
  8. „Ich will nur neben der S-Bahn oder U-Bahn wohnen, weil ich den Bus nicht sehr mag“ (Kaan, Kurde syrien, 23 ans []
  9. Ich glaube, ich kenne ganz Berlin. Ich kann alle Plätze gehen. Köpenick, Schöneweide, Ostbahnof, Kreuzberg, Innsbruckerplatz, alexanderplatz, Potsdamer Platz, Alt Moabit…“ (Ali, Pakistanais, 28 ans []
  10. „Am liebsten ist Alexanderplatz, ich finde dieses Ort neu für mich. Ich habe es nicht in Syrien gefunden, und hier auch im Heim. Im Heim ist ähnlich wie in meinem Heimatland. Dort finde ich interessant, und viele Leute auch kommen dort, vielleicht nicht deutsche Leute, viele Leute von überall in der Welt, deshalb sehe ich viele Kulturen, von vielen Ländern.“ (Marwan, Syrien, 28 ans). []
  11. I am asking every day the people, in the shops… People say “I have a job, but not legal, 12 hours, 700€”. But I don’t want to. I want a legal work, I am living in Germany, I accept the rule, I want to pay taxes.” (Shirzad, Afghan, 30 ans []
  12. Ich möchte, Arbeit, nur Arbeit […] weil meine Familie bleibt in Syrien, und in Syrien gibt es keine Arbeit, kein Geld, und ich muss heir arbeiten und Geld zu meiner Familie schicken“ (Mohammed, Syrien, 26 ans []
  13. „- Hast du deutsche Freunde? – Nein. – Warum? – Ich weiß es nicht, wie ich einen deutschen Freund haben kann.“ (Adnan, Syrien, 21 ans). []
  14. Nein, ich habe nicht. Alle Frauen hier haben Freund oder keine Zeit…“ (Mohammed, Syrien, 26 ans). []

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