#11 / La gratuité des transports publics, une politique urbaine au-delà de la justice sociale

Entretien avec Henri Briche, par Charlotte Ruggeri

L’entretien avec Henri Briche au format PDF


Henri Briche est doctorant en science politique à l’Université de Saint-Etienne. Il compare les stratégies d’attractivité résidentielle des villes en décroissance (Saint-Etienne et Detroit) et leurs effets sur les minorités ethniques et les classes populaires. Dans le prolongement de ces réflexions sur les politiques urbaines alternatives dans les villes postindustrielles, il a été chargé de mission pour évaluer les effets de la gratuité partielle des transports en commun à Dunkerque en 2016-2017. Il travaille actuellement à Detroit dans la réhabilitation des quartiers anciens populaires.

 

DE QUAND DATE L’IDÉE DE GRATUITÉ DES TRANSPORTS PUBLICS ET QUELLE EST EN 2019 LA GÉOGRAPHIE DE LA GRATUITÉ DES TRANSPORTS PUBLICS URBAINS ?

La gratuité des transports en commun est une idée qui a émergé au cours des années 1960 aux États-Unis avec l’expérience pionnière de Commerce, banlieue anonyme de la métropole de Los Angeles (1962). Depuis, la gratuité a séduit de nombreuses villes à travers le monde et connait aujourd’hui une diffusion rapide : on dénombre ainsi plus d’une centaine de cas de réseaux de transports en commun entièrement gratuits. Deux périodes marquantes dans l’histoire de la gratuité des transports peuvent être identifiées.

La première date des années 1970, décennie où fleurissent les premières mesures en faveur d’un accès libre aux transports en commun autant comme dispositif de réduction de l’usage de l’automobile en plein essor, qu’instrument de promotion de réseaux de transports alors en pleine expansion. Aux États-Unis, à la suite de la prolifération d’initiatives locales telles que celles entreprises à Seattle ou à Dayton en 1973, une loi fédérale votée en 1974 permet de financer à hauteur de 40 millions de dollars sur deux années des projets expérimentaux à Trenton dans le New Jersey et à Denver dans le Colorado. En Europe, la gratuité n’est pas encouragée par les gouvernements nationaux mais sa diffusion répond plutôt à des initiatives portées par certaines municipalités. En Italie, des agglomérations aussi importantes que Rome ou Bologne se saisissent de la problématique des transports en commun et s’engagent en faveur de la gratuité de leur réseau. En France, ce type de mesure est adopté dans les villes moyennes de Colomiers et Compiègne. Malgré une augmentation significative de la fréquentation des usagers des transports en commun, la plupart de ces expérimentations sont rapidement abandonnées suite aux peu d’effets mesurés sur la répartition modale, combiné à la montée des pressions austéritaires qui font leur apparition dans la gestion des finances locales à partir des années 1980.

Après deux décennies où la gratuité se fait timide sur les agendas politiques locaux, celle-ci refait surface au tournant des années 2000 lorsque les villes d’Hasselt en Belgique et Templin en Allemagne choisissent de privilégier le développement de leur réseau de transports en commun en les rendant gratuits plutôt que le financement d’importantes et coûteuses infrastructures automobiles. Remise au goût du jour, la gratuité trouve alors un nouvel écho en Europe. Que ce soit en Suède, en Pologne, en Roumanie ou en France, l’adoption de cette politique est motivée par la montée en puissance des aspirations environnementalistes et, localement, par le constat du déclin de l’attractivité du centre-ville au profit des espaces périurbains tournés vers l’usage de l’automobile. En France uniquement, on dénombre ainsi une trentaine réseaux ayant fait le choix de la gratuité, principalement au cours des années 2000. Bien que cette tendance soit avant tout l’apanage de villes moyennes, l’exemple le plus connu demeure sans aucun doute celui de l’agglomération d’Aubagne devenu incontournable depuis la publication d’un essai exposant les motivations et les réussites de l’initiative lancée en 2009 et baptisée « Liberté, Égalité, Gratuité ».

1. La campagne de promotion de la gratuité des transports en commun dans l’agglomération d’Aubagne en 2009 (Pays d’Aubagne et de l’Étoile)

POUVEZ-VOUS EXPLIQUER CONCRÈTEMENT CE QU’EST LA GRATUITÉ DES TRANSPORTS PUBLICS URBAINS ET COMMENT FINANCIÈREMENT CELA FONCTIONNE POUR LES COLLECTIVITÉS ET AUTORITÉS QUI LA METTENT EN PLACE ?

La gratuité signifie que l’usager n’a plus à payer de titre de transport pour emprunter le réseau de bus, métro, tramway, train de banlieue, etc. Cette gratuité peut être totale si elle l’est pour tous les publics, tous les jours et à n’importe quelle heure. C’est le cas par exemple d’Aubagne ou de Dunkerque depuis 2018. Elle peut être partielle si elle n’est appliquée que le weekend par exemple, comme ce fut le cas à Dunkerque entre 2015 et 2018, ou si elle ne bénéficie qu’à un public restreint. Très souvent, les villes font le choix de la tarification sociale qui ouvre la gratuité à certains groupes (personnes à mobilité réduite, bénéficiaires de minima sociaux, familles nombreuses, etc.) comme à Paris pour les enfants de moins de 11 ans et les jeunes handicapés de moins de 20 ans à partir de septembre 2019. D’autres limitent la gratuité aux habitants de leur commune. À Tallinn, seuls les habitants enregistrés sur les listes municipales peuvent utiliser l’ensemble du réseau gratuitement. Cette incitation à vivre dans la capitale estonienne a eu pour effet de convaincre un grand nombre d’administrés à résider sur le territoire municipal et à augmenter sensiblement les revenus fiscaux locaux. Les configurations sont encore une fois multiples et la gratuité recouvre des situations parfois très disparates.

Il existe trois sources de financement des transports publics urbains en France. D’abord, les recettes commerciales issues de la billetterie et de la fraude. C’est l’unique revenu que la gratuité vient remettre en cause. Ensuite, le versement transport, qui correspond à un impôt perçu localement sur les entreprises de plus de 11 salariés. La collectivité locale applique un taux pouvant atteindre 2 % de la masse salariale de l’entreprise. Cet impôt tirait son origine de la volonté de faire contribuer le milieu économique local aux dépenses de mobilité des ménages contraints d’utiliser les transports en commun pour se rendre à leur lieu de travail. Enfin, la troisième source de revenus des collectivités locales pour financer leur réseau de transports publics provient des budgets de fonctionnement de la municipalité, du département ou de la région. En d’autres termes, les impôts payés par les ménages contribuent directement au financement des transports en commun. C’est ici l’un des arguments des pro-gratuité : « pourquoi acheter un ticket de bus alors que l’on le paye déjà dans nos impôts ? ».

Les villes ayant décidé de passer à la gratuité présentent toutes la particularité de percevoir de faibles recettes commerciales (cf. graphique). Celles-ci représentent en moyenne 10 % du budget de fonctionnement des transports en commun. Ce point est d’ailleurs souvent rappelé par la classe politique locale lorsqu’elle présente la mesure à leurs administrés : l’effort budgétaire demeure minime aux vues des faibles recettes issues de la billettique. Ces maigres revenus traduisent la faible fréquentation de ces réseaux d’avant gratuité. L’augmentation du nombre d’usagers que l’on observe à chaque mise en gratuité d’un réseau permet alors de rendre les transports en commun plus rentables. En effet, au lieu de se focaliser uniquement sur la perte sèche qu’entraine la fin des revenus de la billetterie, il semble plus pertinent de calculer le ratio investissement public / nombre de bénéficiairesafin de saisir la rentabilité de l’investissement public, si tant est que l’on considère les transports en commun comme un service public. À Aubagne, la gratuité a permis de diminuer le coût d’un trajet de bus pour la collectivité : il est passé de 4 € à 2 € par personne et par voyage avec l’augmentation de la fréquentation permise par la gratuité.

2. Part des recettes commerciales dans les recettes totales de fonctionnement parmi les principaux réseaux passés à la gratuité (Briche, 2017)

CELA PEUT-IL AVOIR DES CONSÉQUENCES SUR LE RÉSEAU DE TRANSPORT LUI-MÊME ?

La plupart des détracteurs de la gratuité défendent l’idée selon laquelle cette initiative entrainerait une dégradation de l’offre des transports publics d’une commune. Les expériences menées en France et ailleurs montrent qu’il n’y pas de lien établi entre mise en gratuité et qualité de l’offre.

Les dépenses en matière d’investissement dans la flotte ou les infrastructures sont tellement élevées qu’elles ne peuvent être absorbées par le budget de fonctionnement classique d’une collectivité locale. À titre d’exemple, la communauté urbaine de Dunkerque a décidé, en parallèle de la gratuité de son réseau, de le moderniser en investissant 60 millions d’euros provenant de subventions de l’État et de l’Union Européenne pour renouveler le parc de bus, créer des lignes en sites propres, privilégier le gaz naturel, modifier le réseau pour mieux répondre aux besoins de mobilité des habitants, etc. De la même façon, la ville de Tallinn a réinjecté plus de 40 millions d’euros dans l’offre de transports en commun issus des revenus supplémentaires générés par l’inscription de nouveaux habitants sur les listes municipales. En Estonie, l’impôt sur le revenu est perçu au niveau de la commune.

Une fois encore se pose la question de la transparence des finances publiques et des choix politiques en matière budgétaire. Les villes passant à la gratuité et investissant dans la qualité de l’offre l’ont toutes réalisé à budget constant, c’est à dire sans augmenter les impôts des ménages de leur territoire. En ce sens, la gratuité est un véritable choix politique qui se matérialise par une volonté des élus locaux de privilégier la mobilité de leurs administrés aux dépens d’autres politiques publiques ou de subventions. Patrice Vergriete, maire de Dunkerque, a ainsi refusé de contribuer à la construction d’une nouvelle salle de sport d’un grand promoteur privé afin de pouvoir financer son projet de gratuité et un réseau de transport performant sur le territoire dunkerquois.

CETTE MESURE PEUT-ELLE ÊTRE PENSÉE À UNE AUTRE ÉCHELLE QU’URBAINE ?

Si la gratuité est avant tout envisagée par l’entrée de la ville ou de l’intercommunalité c’est parce que celles-ci sont désignées depuis la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) de 1982 comme les Autorités Organisatrices des Transports urbains (AOT) : ces collectivités sont responsables de l’exploitation de leur réseau de transport en commun. Les gouvernements locaux décident de la forme que prend leur réseau, que ce soit selon les dispositions propres à la régie directe ou à celles de la délégation de service public. Le transfert de cette compétence aux pouvoirs locaux s’accompagne de celui des financements, provenant en grande partie des ressources locales.

En outre, les villes concentrent la plupart de l’offre de transport en commun d’un pays et éclipsent très souvent la place des mobilités départementales, régionales ou nationales. Depuis 2017, les régions se sont substituées aux départements en tant qu’autorités organisatrices des transports non urbains sur leur territoire. Une vision régionale voire nationale de la gratuité des transports en commun en France nécessiterait la mobilisation d’autres acteurs politiques et économiques ainsi qu’une réforme en profondeur de leur financement, ce qui semble encore peu envisageable à ce jour. À ce titre, l’initiative du Luxembourg de rendre les transports publics entièrement gratuits en 2020 ne concerne que la capitale et les lignes de train nationales, les autres villes conservant la mainmise sur l’exploitation de leurs lignes de bus, même si elles sont fortement incitées à rendre leur réseau gratuit. Après Tallinn en 2013, l’Estonie a décidé de rendre les transports publics gratuits pour l’ensemble du pays en 2018 mais cette mesure ne concerne que les lignes de bus départementales. Le train ainsi que les réseaux des autres villes du pays resteront payants, fruit de désaccords politiques entre acteurs locaux et nationaux. Les échelles de gouvernement recoupent aussi les clivages politiques au sein d’un pays et rendent compte de la diversité des expériences.

Dès lors, l’échelle urbaine peut se concevoir comme une aubaine pour les partisans de la gratuité puisqu’elle se réalise dans des cadres géographiques (communes) et parfois temporels (mandat municipal) restreints et offre une certaine flexibilité aux pouvoirs locaux : une municipalité peut tout à fait décider d’expérimenter cette mesure durant une « période d’essai » déterminée et d’y revenir si les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs suscités. Niort, dont le réseau est passé à la gratuité totale en septembre 2017, se donnait une année de test pour évaluer les retombées de cette initiative. Hasselt, commune flamande de Belgique, avait décidé en 2013 de mettre fin à la gratuité suite aux effets de l’austérité budgétaire imposée par le gouvernement fédéral. La gratuité peut donc incarner une véritable politique urbaine alternative dans un contexte national peu favorable à cette mesure comme c’est le cas en France. Elle demeure ainsi tributaire du contexte local politique, social et économique dans lequel elle émerge.

EST-CE UNIQUEMENT UNE POLITIQUE DE JUSTICE SOCIALE ?

Non, pas seulement. La gratuité recouvre une multitude d’objectifs plus ou moins explicités par les villes ayant fait ce choix (sociaux, politiques, environnementaux ou économiques). D’ailleurs, cette mesure ne serait ni de droite ni de gauche si l’on se fie à la couleur politique des maires ayant porté les projets de mise en gratuité en France. À Châteauroux, le maire UMP Jean-François Mayet, était lui-même concessionnaire automobile et ne voyait pas dans cette mesure une façon de réduire l’usage de la voiture. Pour lui, la gratuité devait favoriser le développement économique d’un centre-ville en perte de vitesse, par sa capacité à augmenter la fréquentation des commerces.

Au-delà de l’effet de la gratuité sur le pouvoir d’achat des administrés, il ne faut pas oublier que celle-ci est un formidable vecteur de mobilité. À Dunkerque, deux catégories de la population ont particulièrement bénéficié de cette initiative : les jeunes adultes et les personnes âgées. Ces deux groupes sociaux partagent la même dépendance au transport en commun du fait de leur mobilité contrainte. Pour les personnes âgées, la conduite automobile devient de plus en plus difficile avec les années et représente un obstacle grandissant à leur mobilité, sans compter que nombre d’entre eux souffrent d’un pouvoir d’achat limité qui renforce le poids du budget déplacements dans leurs finances personnelles. Chez les jeunes générations, l’accès même à l’automobile est problématique en raison de son coût élevé et de l’absence de possession du permis de conduire. Ces deux fractions de la population n’utilisent que très peu la voiture pour se déplacer, si ce n’est lorsqu’elles se reposent sur un membre de leur famille ou de leur réseau social pour se faire transporter à un endroit. Dès lors, la gratuité des transports leur permet de se libérer en n’étant plus contraint de faire appel à un tiers pour se déplacer. De manière surprenante, le bus devient un facteur de liberté et renverse l’image de l’indépendance jusque-là attachée à l’usage la voiture. La gratuité renforce les liens sociauxen façonnant de nouvelles pratiques de mobilité qui mettent en relation des habitants jusqu’alors peu susceptibles de se rencontrer.

Si la gratuité porte des objectifs de justice sociale, elle est aussi une aubaine d’un point de vue politique. Ainsi, à Dunkerque, la victoire de Patrice Vergriete aux élections municipales de 2014 –opposé au baron socialiste et favori Michel Delebarre– doit beaucoup à son programme centré sur la gratuité des transports publics.

LA MISE EN PLACE DE LA GRATUITÉ A-T-ELLE DES CONSÉQUENCES, EN TERMES DE FRÉQUENTATION ET D’USAGERS NOTAMMENT ? DE FAIT, CELA A-T-IL DES CONSÉQUENCES SUR LES ESPACES URBAINS ?

La gratuité entraine toujours une hausse de la fréquentation (cf. tableau). Afin de fidéliser ces nouveaux usagers, les autorités locales ont souvent dû investir dans la qualité de l’offre. Compiègne, voyant sa fréquentation baisser après quelques années de gratuité, a modernisé son réseau au tournant des années 2000 afin de lui redonner une certaine attractivité et alimenter le retour d’usagers. Dunkerque a mis en place une gratuité sans carte afin de réduire au minimum les contraintes liées à la mobilité des nouveaux usagers.

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3. Évolution de la fréquentation du réseau de transport en commun de certaines villes passées à la gratuité (Briche, 2017)

L’augmentation de la fréquentation qu’elle engendre ne fait cependant pas de la gratuité une mesure miracle ; elle ne peut à elle seule enrayer des années de désindustrialisation, le départ des commerces d’un centre-ville ou retendre des valeurs immobilières à la peine. Les effets de la gratuité sur ces dimensions sont d’ailleurs difficiles à établir car bien d’autres facteurs entrent en jeu. Malgré tout, la gratuité demeure un maillon essentiel pour développer la mobilité des ménages les plus précaires en soulageant leur budget transport et pour redynamiser un centre-ville en perte de vitesse. La gratuité du week-end à Dunkerque a ainsi permis de renforcer la fréquentation des magasins du centre-ville et de ses aménités en facilitant la mobilité des Dunkerquois. Débarrassés des contraintes horaires qu’impose le stationnement automobile, les usagers du bus gratuit ont pu déambuler dans le centre et profiter de ses aménités, ses activités et ses commerces. Les habitants ont avoué multiplier les courts déplacements et flâner dans un centre-ville jusqu’alors déserté.La revitalisation économique et résidentielle nécessitera bien plus qu’une gratuité des transports en commun mais celle-ci est un premier pas vers une image nouvelle pour une ville régulièrement stigmatisée dans les médias par son passé industriel.

CETTE MESURE EST SOUVENT PRÉSENTÉE COMME UN LEVIER ENVIRONNEMENTAL, QU’EN EST-IL ?

Les effets de la gratuité sur l’environnement demeurent difficiles à mesurer. Jusqu’ici, l’indicateur le plus utilisé reste le report modal, qui analyse l’évolution des mobilités en fonction du mode de déplacement utilisé (vélo, voiture, transports en commun). C’est à Aubagne que l’on trouve les résultats les plus consistants et les plus encourageants : selon la communauté d’agglomération, 35 % des nouveaux utilisateurs des transports en commun gratuits sont des anciens automobilistes. La ville a également observé une baisse de 10 % du trafic automobile sur l’agglomération. 63 % des déplacements directement générés par la gratuité se font au détriment d’une voiture ou d’un deux-roues motorisé. À Châteauroux, la part modale de la voiture n’a baissé que d’1,1 % alors que celle du bus progressait de 2 % à 4 %. À l’étranger, la ville d’Hasselt a vu le nombre de voitures divisé par deux, en particulier chez les jeunes. À Tallinn, le report modal n’a pas été mesuré mais le trafic automobile a chuté de près de 6 % dans le centre-ville.

L’effet sur la pollution demeure lui aussi difficile à saisir même si un report modal d’automobilistes en faveur des transports en commun devrait logiquement générer une baisse du taux de pollution. Ces éléments demeurent à l’état d’hypothèse par manque d’accès à des données toujours sensibles et rarement rendues disponibles au chercheur ou au grand public.

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QUELLES SERAIENT LES AUTRES POLITIQUES ENVISAGEABLES PERMETTANT DE RÉDUIRE LA PLACE DE LA VOITURE EN VILLE ?

Il existe différentes initiatives limitant la place de la voiture en ville. La piétonisation est sans doute la plus connue et la plus pratiquée. La décision d’Anne Hidalgo de rendre les berges de la Seine à Paris aux piétons en est une parfaite illustration. Le péage urbain, adopté par exemple à Londres, en est une autre. Cette mesure peut cependant contribuer à augmenter les inégalités face aux coûts de la mobilité : les classes populaires habitant des espaces souvent mal desservis par les transports en commun se voient forcés de s’acquitter de nouveaux frais pour accéder à leur lieu de travail ou pour profiter des aménités que propose le centre-ville. On peut également ranger l’augmentation des taxes sur le carburant dans cette catégorie. Enfin, le développement de sites de parking à l’extérieur du centre-ville et en lien avec d’autres moyens de mobilité (vélo, bus, tramway) est une option de plus en plus développée par les municipalités à la recherche de solutions pour limiter la saturation automobile de leur cœur de ville. C’est le cas par exemple à Dunkerque avec la construction de deux parkings silos en périphérie du centre afin de privilégier le recours aux « modes doux » dans le reste de la ville.

ENTRETIEN RÉALISÉ EN JANVIER 2019

Couverture : Bus gratuit à Dunkerque pendant la période du carnaval (Briche, 2017)

Pour aller plus loin

ADETE, 2007, La gratuité totale des transports collectifs urbains : effets sur la fréquentation et intérêts, PREDIT 3/ADEME, 179 p.

Ariès P. (dir.), 2011, Liberté, égalité, gratuité : pour la gratuité des services publics !, Golias, 128 p.

Briche H., 2017, Dunkerque, « laboratoire » de la gratuité des transports en commun. Retour sur les effets de la gratuité partielle. Rapport final, Dunkerque, VIGS/CUD, 274 p.

Cats O., Susilo Y. et Reimal T., 2016. « The Prospects of Fare-Free Public Transport: Evidence from Tallinn », Transportation, 1-22.

Keblowski W., 2018, Moving past sustainable mobility towards a critical perspective on urban transport. A right to the city-inspired analysis of fare-free public transport, Doctor of Sciences, Université Libre de Bruxelles.

Sagot-Duvauroux J.-L. et Giovannangeli M., 2012, Liberté, égalité, gratuité. Voyageurs sans ticket, Le Diable Vauvert, 233 p.

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