#4 / Vers une reterritorialisation des ports en Europe. Le cas de Rotterdam

Maïté Verdol

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L’industrie maritime et le commerce mondial ont subi de profondes mutations au cours de ces 25 dernières années. Elles ont engendré la transformation de la nature des entités chargées d’administrer les ports et, par là même, leur manière d’appréhender le territoire.

Rappelons que les gouvernements ont adopté des réformes visant à adapter la gouvernance (Ng. et Pallis, 2010) et la gestion des activités portuaires au cours de cette période. Plusieurs pays ont ainsi mis en œuvre ces processus qui avaient notamment pour objectif d’appliquer le modèle de port propriétaire (landlord port) défini par la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement en 1995 et largement prôné par la Banque Mondiale à travers le Port Reform Toolkit publié au début de la décennie 2000 (Ng. et Pallis, 2010).

En Europe, les Pays-Bas – et plus particulièrement le port de Rotterdam – ont été concernés par ce phénomène qui s’est traduit par la création de la société publique par actions Havenbedrijf Rotterdam N.V (Port de Rotterdam) en 2004.

Ces évolutions institutionnelles interviennent dans un contexte où les ports sont de plus en plus contraints de justifier leur intérêt aussi bien auprès de la population que des collectivités locales pour exercer leur activité (Van der Lugt et De Langen, 2007). L’attention croissante accordée aux enjeux environnementaux dans les territoires urbano-portuaires (Acciaro et al., 2013) et l’acuité des enjeux de développement territorial pour les municipalités (Le Galès, réed. 2011) contribuent à expliquer ce contexte. D’où des attentes plus marquées en matière de prise en compte de nouvelles variables – qui ne sont plus directement liées au chargement et au déchargement des marchandises – dans la conduite du développement portuaire.

La combinaison de ces facteurs aboutit à une reconfiguration des relations entre ports et territoires. On observe en effet un processus de reterritorialisation des ports (Debrie, 2013) qui se traduit par l’intégration des autorités portuaires dans les processus de planification territoriale et par le développement – à l’initiativedes autorités portuaires – de nouveaux outils de gouvernance et de gestion de l’espace en collaboration avec les collectivités locales.

Dans quelle mesure Rotterdam – quatrième port mondial pour le tonnage total et premier port européen qui domine la rangée nord-ouest européenne – est-il concerné par cette reconfiguration ? Comment se caractérise le renouvellement des relations port-territoire à Rotterdam ?

Pour répondre à ces interrogations, nous fixerons d’abord les modalités de mesure du degré de reterritorialisation d’un port. Nous étudierons ensuite les principales caractéristiques de l’autorité portuaire de Rotterdam avant d’examiner successivement les deux aspects de sa reterritorialisation.

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Comment mesurer la reterritorialisation d’un port ?

Revenons tout d’abord sur la définition des processus de planification qui nous concernent. À la fin des années 1990, une approche renouvelée des politiques d’aménagement est promue par les chercheurs et les représentants de la Commission européenne (Sykes, 2010) à la faveur des discussions relatives au Schéma de Développement de l’Espace Communautaire (SDEC). En dépit de son application controversée, le SDEC a mis en lumière une conception élargie de la planification prônant la prise en compte de plusieurs types de politiques publiques – en sus de l’usage du sol – afin de proposer un développement territorial intégré.

Cette approche modifie les processus d’élaboration des politiques d’aménagement de l’espace comme l’observent Phil Allmendinger et Graham Haughton. Dans leurs travaux consacrés à l’analyse du projet Thames Gateway, les auteurs indiquent comment les objectifs et les acteurs de la planification spatiale se sont élargis :

[À] tous les niveaux, un nombre de plus en plus important de personnes et d’institutions sont impliquées dans le système d’aménagement à des degrés divers : de manière substantielle dans le cas du développement économique, des transports, de la régulation environnementale, de plus en plus dans le cas de l’approvisionnement en énergie et en eau, et de manière très inégale dans les infrastructures sociales, relatives notamment à l’éducation ou à la santé (Allmendinger et Haughton, 2009)1.

Ces évolutions interviennent dans un contexte marqué par le courant néo-libéral que Sager (2011) analyse finement. Il propose une revue de la littérature académique concernant les politiques urbaines néo-libérales entre 1990 et 2010 à travers l’étude de plus de 750 articles et livres. Tore Sager en conclut que le néo-libéralisme et ses principes ont abouti à des changements globaux des institutions et des organisations qui constituent la trame de l’aménagement public. Bien qu’il ne détaille pas le phénomène, Sager relève notamment l’apparition de plans englobant l’ensemble des politiques sectorielles (integrated plans) comme l’un des éléments révélateurs de ces nouvelles politiques.

Afin de caractériser et de mesurer les formes de la reterritorialisation, nous choisissons de mobiliser les travaux d’Allmendinger, Haughton et Sager que nous combinerons aux résultats de nos entretiens d’acteurs2. Il devient alors possible de définir les types de politiques publiques sectorielles qui constituent les processus de planification territoriale, à savoir : l’usage du sol, le développement économique, la réalisation d’infrastructures, la protection de l’environnement, l’éducation et la mise en œuvre de plans stratégiques.

Parallèlement, nous utiliserons les travaux de Pierre Merlin (2002) pour déterminer le type d’implication des autorités portuaires dans les processus de planification spatiale. Ce géographe identifie trois principaux leviers d’action dans la préparation et la mise en œuvre de politiques d’aménagement : la mise en place de structures visant à gérer un secteur de politique publique, l’établissement de contrats pour des programmes dédiés et l’adoption des incitations financières ou fiscales. En utilisant ces éléments associés à la conclusion de Sager comme variables, nous retenons quatre modes d’implication dans les processus de planification. Le premier consiste à s’impliquer de manière formelle ou non dans des structures accueillant des institutions en charge de l’un des secteurs de politique publique précédemment identifié. Vient ensuite la possibilité d’établir des contrats avec les différents niveaux de gouvernement pour des programmes/projets précis dont l’objectif ainsi que les limites spatiales et temporelles sont fixés à l’avance. Le soutien financier de l’autorité portuaire, dans le cadre d’un accord général, est le troisième type d’implication. Le dernier type de participation aux processus d’aménagement est lié au processus de consultation, qu’il soit formel ou non.

L’implication des collectivités locales dans la gouvernance et la gestion de l’espace sera examinée à travers l’analyse du processus d’élaboration du principal document structurant l’action de l’autorité portuaire dans le contexte de l’après-réforme : son projet stratégique.

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L’autorité portuaire de Rotterdam, un acteur hybride né de la réforme portuaire

En 2004, le département municipal de gestion des affaires portuaires et l’autorité portuaire de Rotterdam quittent le giron municipal afin de former l’autorité portuaire de Rotterdam. Cette dernière prend alors le statut d’entreprise publique de droit privé sous le nom de Havenbedrijf Rotterdam N.V, dont les actionnaires sont la Ville de Rotterdam et l’État. Soulignons que la mise en place de la réforme de la gouvernance portuaire à Rotterdam résulte d’un accord entre la municipalité de Rotterdam et l’État à l’initiative de la première. L’objectif affiché des représentants des services portuaires de la Ville est double : gagner en efficacité dans leur activité et assurer le financement du projet d’expansion portuaire Maasvlakte 2 (Brolsma, 2007).

Le statut, les objectifs et le système de gouvernance de ce nouvel acteur sont inscrits dans les Articles d’Association du Port de Rotterdam. L’entreprise publique voit son objectif majeur inscrit dans l’article 2. Ce dernier impose d’assurer le fonctionnement du port ou de le faire assurer par l’industrie portuaire. L’objectif assigné est de renforcer la position du port de Rotterdam et de sa zone industrielle à l’échelle européenne à court et à long terme. Cet objectif se traduit par deux missions :

– assurer la promotion, sûre et adéquate du fonctionnement du trafic portuaire, l’ordre nautique et maritime ainsi que la sécurité ;

– agir en tant qu’autorité portuaire compétente dans la zone portuaire de Rotterdam.

Enfin, l’autorité portuaire est censée développer, construire, gérer et faire fonctionner le port et la zone industrielle de Rotterdam dans le sens le plus large du terme (Verdol, 2013).

Les choix retenus par l’autorité portuaire doivent être inscrits dans un « résumé écrit » (« written summary ») (art.25.5) traitant de la politique stratégique, des risques généraux et financiers, ainsi que du management de l’entreprise et de son audit. Ce document doit s’accompagner d’un Plan d’entreprise, la Port Vision, préparé pour une période de quatre ans (art. 25.7). Le premier, Port Vision 2030 a été élaboré en 2011.

La nouvelle institution établie est composée d’un Conseil exécutif entièrement nommé par le Conseil de Surveillance. Si la composition de ce dernier n’est pas légalement définie, le Conseil de Surveillance n’est pas censé accueillir d’hommes politiques ni de membres de groupes d’intérêts (Ng et Pallis, 2010). Les actionnaires sont regroupés au sein de l’Assemblée Générale (General Meeting) chargée d’adopter le Plan d’entreprise – après que ce dernier a été validé par le Conseil de Surveillance (art. 25.7) – et d’approuver les décisions financières et les investissements portuaires les plus significatifs.

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Tableau 1 : Composition et missions des organes de l’autorité portuaire de Rotterdam telles que fixées par les Articles d’Association (M.Verdol).

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Précisons à ce stade que, contrairement à la réforme menée en France, les mentions relatives à la planification des usages de l’espace sont peu présentes dans le cas néerlandais. Néanmoins, comme nous allons le voir, c’est bel et bien ce nouveau statut qui a permis à l’autorité portuaire de s’impliquer dans les processus de planification spatiale. La réforme a en effet donné une marge de manœuvre à l’autorité portuaire en l’instituant comme acteur à part entière.

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Une implication territoriale protéiforme et multiscalaire3

Le système de planification néerlandais est fondé sur une administration légère (Merlin, 2002). Une trame nationale pour l’aménagement spatial y est régulièrement établie. Elle fixe les bases du développement spatial aux Pays-Bas. En matière de planification, on distingue trois niveaux de compétence qui suivent les échelons de gouvernement : l’État, la province et la municipalité.

Les tableaux 2 à 4 exposés ci-après récapituleront, pour chaque échelon, les modalités d’implication de l’autorité portuaire. Les cases bleutées indiquent une contribution effective dans la catégorie concernée.

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À l’échelle nationale : contribution aux politiques de développement économique, de transport et d’environnement

Concernant le développement économique, l’autorité portuaire a été consultée à propos de la Vision Économique à long terme du Mainport Rotterdam (Economische Visie op de langetermijnontwikkeling van Mainport Rotterdam).

Dans le cadre des questions de transport, l’autorité portuaire est pleinement impliquée dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques. Depuis la réforme, une entité publique, l’Entreprise de Gestion du Trafic (De Verkeersonderneming) composée de l’autorité portuaire, de la municipalité de Rotterdam, du Ministère des Infrastructures et de l’Environnement, Deltalinqs (l’association des entreprises) et de la Chambre de Commerce a été créée pour résoudre les problèmes de transportliés à l’activité portuaire. En prenant part à cette structure, le port est maintenant en mesure de participer à la fourniture et à la gestion des infrastructures de transport par voie routière qui représentent un enjeu d’aménagement majeur au regard des problèmes de congestion dont souffre Rotterdam.

Enfin, pour ce qui concerne les questions environnementales, l’autorité portuaire a conclu un accord via le Rotterdam Mainport Project – établi pour assurer la réalisation de la Maasvlakte 2 tout en préservant l’environnement. Cette démarche est le résultat de l’investissement du port au sein du projet ROM-Rijnmond conduit entre 1993 et 2001. Parmi les objectifs à atteindre, la réalisation de 750 hectares d’espaces naturels et de récréation à proximité de Midden-Ijsselmonde et au nord de Rotterdam. L’accord comprend aussi des travaux d’amélioration de l’environnement résidentiel actuel autour de Rotterdam (le BRG). Les responsabilités ont été réparties entre les partenaires que sont l’autorité portuaire, le PMR (membre du ministère des Infrastructures et de l’Environnement), la Province de Hollande-Méridionale et la Ville de Rotterdam. Malgré les débats au sujet du rôle dédié au port dans le projet, il s’agit d’une forme d’implication ayant une dimension multiscalaire.

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Tableau 2 : Modalités d’implication de l’autorité portuaire dans les processus de planification spatiale à l’échelle nationale (M.Verdol, 2013).

Tableau 2 : Modalités d’implication de l’autorité portuaire dans les processus de planification spatiale à l’échelle nationale (M.Verdol, 2013).

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Contractualisation sur le volet environnemental à l’échelle régionale

À l’échelle régionale, l’autorité portuaire de Rotterdam s’implique principalement dans les processus de planification à travers le volet environnemental du projet Rotterdam Mainport évoqué précédemment, ainsi qu’à travers le projet Rotterdam Climate Initiative introduit dans la section suivante. Notons que le rôle des provinces s’est progressivement affaibli au cours de ces dernières décennies (Salet, 2006 ; Roodbool-Mekkes et al., 2012), malgré leur place dans la hiérarchie de la planification. C’est la raison pour laquelle leur présence dans les processus de planification est moins développée. Leur action se concentre sur les questions environnementales et, dans une moindre mesure, sur le développement régional.

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Tableau 3 : Modalités d’implication de l’autorité portuaire dans les processus de planification spatiale à l’échelle régionale (M.Verdol, 2013).

Tableau 3 : Modalités d’implication de l’autorité portuaire dans les processus de planification spatiale à l’échelle régionale (M.Verdol, 2013).

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Une forte implication dans l’ensemble des politiques sectorielles à l’échelle locale

L’autorité portuaire est soumise à l’obligation d’allouer des dividendes à la Ville actionnaire et toujours propriétaire des terrains du port. Les règles d’usage du sol de la Ville et ses ambitions de développement économique intègrent un soutien financier du port.

Par ailleurs, l’autorité portuaire a pris part au projet Stadshavens qui rassemble des volets économiques et d’usage du sol. Il s’agit de développer de nouveaux bureaux et des immeubles résidentiels à l’est du bassin de Waalhaven. Ce projet a vocation à renforcer le cluster des affaires maritimes de Rotterdam et l’économie de la ville. Le port est en charge de la rénovation des espaces extérieurs, des entrepôts et des quais, ainsi que de la réalisation des immeubles de bureaux.

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Photo 1 : Les premières réalisations de l’opération Stadshavens : des immeubles de bureaux dont l’autorité portuaire assure la promotion sur les quais de Waalhaven, au sud de Rotterdam. Traduction du slogan de l’annonce : « Ville Port, un lieu unique d’implantation de bureaux pour le secteur maritime » (M.Verdol, 2011).

Photo 1 : Les premières réalisations de l’opération Stadshavens : des immeubles de bureaux dont l’autorité portuaire assure la promotion sur les quais de Waalhaven, au sud de Rotterdam. Traduction du slogan de l’annonce : « Ville Port, un lieu unique d’implantation de bureaux pour le secteur maritime » (M.Verdol, 2011).

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Depuis 2007, la Ville de Rotterdam, l’autorité portuaire, Deltalinqs et l’Agence de Protection de l’Environnement du Rijnmond collaborent à un programme métropolitain dédié à la réduction des émissions de CO2 dans la région rotterdamoise. Le but affiché est de combiner le respect des objectifs européens en matière de préservation du climat et la recherche d’opportunités économiques. En réduisant de 50 % les émissions de CO2 par rapport à celles de 1999 d’ici 2025, les autorités espèrent tirer partie de l’image positive de ce succès pour renforcer l’économie de Rotterdam.

Concernant l’éducation, l’autorité portuaire est fortement engagée à l’échelle locale. Elle prend part à la promotion des formations en lien avec l’activité portuaire. À titre d’exemple, le port investit dans la Rotterdam Transport Schools, un réseau soutenant les stages et la recherche liés à l’activité portuaire (De Langen et Van der Lught, 2007) développé en coopération avec la Ville de Rotterdam. Par ailleurs, l’initiative Erasmus Smart Port rassemble cinq écoles de l’Université Érasme depuis 2010. Le renforcement du rôle de l’autorité portuaire de Rotterdam dans le champ de l’éducation est sensible depuis la mise en œuvre de la réforme. Comme nous l’ont indiqué ses représentants, l’autorité portuaire est de plus en plus conscientede la nécessité d’améliorer le niveau de la main d’œuvre locale en investissant dans sa formation.

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Tableau 4 : Modalités d’implication de l’autorité portuaire dans les processus de planification spatiale à l’échelle locale (M.Verdol, 2013).

Tableau 4 : Modalités d’implication de l’autorité portuaire dans les processus de planification spatiale à l’échelle locale (M.Verdol, 2013).

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Il apparaît à ce stade que l’autorité portuaire de Rotterdam a choisi de s’impliquer dans les politiques de planification spatiale de multiples manières. Elle a ainsi conclu des accords concernant la préservation de l’environnement. Par ailleurs, elle s’est largement associée à la définition des orientations en matière de transports. Enfin, elle participe activement aux politiques d’éducation associées à son activité. Toutefois, sa participation demeure plus limitée en termes de définition des orientations de développement économique. Tournons-nous maintenant vers le second aspect du phénomène de reterritorialisation.

Le projet stratégique du port : un outil de renouvellement de la contribution des collectivités et des entreprises au développement portuaire

L’autorité portuaire de Rotterdam a été en mesure de réaliser son premier document stratégique dans un contexte favorable dont elle maîtrisait entièrement les modalités (Verdol et Magnan, 2014). Elle a choisi de mettre en place un processus dédié et souple dont la réalisation s’est largement étendue dans le temps. Les entretiens réalisés révèlent que l’ensemble de la démarche a nécessité deux années de discussions et de négociations.

L’autorité portuaire a mobilisé trois catégories de parties prenantes suivant des modalités distinctes – dont une synthèse est formulée dans le tableau 5 (Modalités d’association des parties prenantes du projet stratégique).

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Tableau 5 : Modalités d’association des parties prenantes du projet stratégique. (M.Verdol)

Tableau 5 : Modalités d’association des parties prenantes du projet stratégique. (M.Verdol)

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Les actionnaires, à savoir la municipalité de Rotterdam et l’État, ont été invités à participer de manière extensive au processus dès sa mise en place. L’autorité portuaire a invité ces deux acteurs à détacher l’un de leur représentants une fois par semaine dans les locaux du port afin de créer le projet stratégique. Néanmoins, au cours du processus, les modalités de participation de la municipalité ont évolué. Cette dernière s’est vue associée de manière hebdomadaire à travers un comité plus large dans les locaux de la mairie. En outre, les élus municipaux ont été invités à se prononcer chaque mois sur l’avancement du projet. Des ateliers thématiques ont été institués pour assurer les échanges avec les autres parties prenantes. Parmi elles, on compte les clients du port, les autres collectivités locales, les associations de préservation de l’environnement ainsi que les services de la Commission européenne. Les thèmes suivants ont été retenus : Usage du sol, Environnement et économie ; Accessibilité ; Logistique ; Industrie ; Emploi ; Nature et environnement ; Rencontres européennes. L’attention particulière portée aux attentes des clients du port transparaît à travers la participation importante de Deltalinqs – association des entreprises du port – au processus. Les représentants de Deltalinqs ont été associés à l’ensemble des ateliers et ont exprimé leur avis de manière informelle aux services du port tout au long du processus. Ces ateliers ont permis à l’autorité portuaire de réaliser une série de cartes stratégiques thématiques (voir par exemple la carte de l’accessibilité extraite de la Port Vision 2030 ci-après).

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Carte 1 : Les infrastructures terrestres (Port de Rotterdam, Port Vision 2030, page 50, 2011).

Carte 1 : Les infrastructures terrestres (Port de Rotterdam, Port Vision 2030, page 50, 2011).

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Enfin, les échanges avec les citoyens résidant à proximité du port se sont tenus dans le cadre de quinze rencontres avec le public organisées à l’initiative du port dans des centres commerciaux, les mairies de Brielle, Spijkenisse et les districts de Rozenburg, Pernis, Hoek van Holland et Hoogvliet alentour du domaine portuaire. Par ailleurs, des annonces ont été faites dans les journaux locaux.

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Le port de Rotterdam connaît donc un phénomène de reterritorialisation bel et bien marqué depuis la réforme de son statut. Comme nous l’avons vu, l’autorité portuaire s’attache à s’impliquer dans les processus de planification de multiples manières. En mettant l’accent sur la réduction des nuisances dans sa démarche d’intégration dans les dynamiques territoriales, Rotterdam s’inscrit dans la tendance européenne. Le choix d’associer les parties prenantes du territoire à son activité affirme la volonté du port de s’éloigner du schéma opposant développements portuaire et urbain.

MAÏTE VERDOL

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Maïté Verdol est doctorante à l’université Paris-Sorbonne et rattachée à l’UMR 8185 ENeC (CNRS). Ses travaux portent sur l’analyse des stratégies de développement spatial et de la gouvernance des villes portuaires suivant une approche néo-institutionnelle appliquée aux cas d’Anvers, du Havre et de Rotterdam. Elle anime le blog scientifique Port&Territoires (http://ports.hypotheses.org/).

maite.verdol AT paris-sorbonne DOT fr

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Bibliographie

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Allmendinger P., Haugthon G., 2009, “Soft spaces, fuzzy boundaries and metagovernance : the new spatial planning in the Thames Gateway”. Environment and Planning A, 41, 617–633.

Brolsma I. J., 2007, Havens, Kranen, dokken en veren. De Gemeentelijke Handelsinrichtingen en het Havenbedrijf der gemeente Rotterdam, 1882-2006, (Ports, cranes, drydocks and ferries, Rotterdam’s Municipal Dock Company and Municipal Port Management, 1882-2006). Stichting Matrijs, 400 p.

Debrie J., 2013, « La relation ville-fleuve-port dans les projets urbains : acteurs et instruments d’une reconnexion (Strasbourg, Lyon) ». Cybergeo. Doi :10.4000/cybergeo.26118

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Verdol M., 2013, “The new role of port authorities in spatial planning policy-making processes. A comparative approach within the Northern Range: Antwerp, Le Havre, Rotterdam” présenté à la conférence annuelle de l’IAME : Managing complexity in shipping and port markets: firms’ business models, co-opetitive games and innovative public-private interactions, Marseille, 3 juillet 2013.

World Bank, 2003, Port reform toolkit : effective decision support for policymakers. Washington, DC: World Bank, 453 p.

  1. « at all levels, an increasingly wide range of bodies and institutions are being drawn into planning apparatus to varying degrees: substantially in the case of economic development, transports, environmental regulators, increasingly so in the case of energy and water providers and very unevenly in the case of social infrastructure, such as education and health sector”. []
  2. Entretiens réalisés entre Mars et Mai 2012. []
  3. Notre analyse se fonde sur l’examen de La Stratégie Nationale d’Aménagement (Stratégie Nationale pour les Infrastructures et l’Aménagement de l’Espace – Rendre les Pays-Bas compétitifs, accessibles, agréables à vivre et sûrs), de la Loi sur l’Aménagement (2006), du site du Ministère de l’Infrastructure et de l’Environnement ainsi que la Vision Urbaine de Rotterdam (Rotterdam Urban Vision – 2007) et la Port Vision 2030. []

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