Appel #3 / Plaisirs urbains

Avril 2014

 

Pour son troisième numéro, la revue Urbanités a choisi de s’intéresser à la ville comme lieu de plaisirs, thème traditionnellement réservé à la sphère de l’intime, du privé, du domestique.

Derrière la polysémie du terme « plaisir », c’est avant tout la joie et la satisfaction des corps dans la ville qui nous intéresse, dans une acception sensorielle du plaisir. La ville est un lieu où l’on désire, où l’on aime, c’est aussi un espace où les citadins mangent, boivent, dansent… Les plaisirs citadins sont multiples et renvoient bien sûr aux pratiques urbaines de la rencontre amoureuse ou sexuelle, mais aussi à des formes diverses de consommation plus ou moins transgressives, ce qui questionne la régulation de ces pratiques dans l’espace public.

Le prisme du plaisir permet ainsi de renouveler, dans ce troisième numéro d’Urbanités, les études sur les villes en fête, les pratiques de loisirs et de tourisme citadins. Il s’agira de déborder ces catégories, afin de se concentrer sur ce qui, dans la ville, peut être propice à la détente, au délassement, au contentement des corps. Des oppositions de prime abord – plaisirs individuels ou collectifs ; plaisirs licites ou illicites ; plaisirs ordinaires ou extraordinaires – pourront aussi être interrogées voire dépassées, afin de saisir le fonctionnement de ces plaisirs citadins et leur inscription dans la ville.

Villes de tous les plaisirs dans le monde

Bon nombre de métropoles mondiales ont fondé une partie de leur réputation sur les plaisirs qui y sont offerts, à leurs habitants mais aussi (surtout ?) aux visiteurs : Spring Break sur les plages de Cancún ; Amsterdam, son quartier rouge et ses coffee shops ; Las Vegas, invention urbaine hors norme consacrée au jeu, à la fête et à l’excès… Dans cette carte des paradis de la volupté qui se dessine à échelle mondiale, les opportunités de plaisir semblent venir de l’exceptionnalité réglementaire. Comment sont nées ces villes du plaisir ? Y a-t-il des territoires privilégiés du plaisir ? On s’interrogera ainsi sur les plaisirs offerts dans les zones de transit, villes portuaires, aéroportuaires, lieux de transition, villes frontalières où tout semble permis, où le désir de divertissement, la recherche de plaisir, naissent de l’attente. Une lecture comparative de ces lieux permettra de mettre en lumière le rôle des contextes économiques, politiques, culturels dans lesquels émergent ces villes de plaisir. Dans la concurrence à laquelle se livrent les métropoles mondialisées, les plaisirs offerts par les villes sont aussi une vitrine, un gage d’attractivité visant un public ciblé. On pourra ainsi s’interroger sur la communication qui est faite sur ces plaisirs urbains, sur sa place dans le marketing territorial urbain, et les images et représentations qui en sont données. Au-delà des clichés qui accompagnent cette renommée, les trajectoires de ces villes, dont toutes ou une partie des formes sont construites par et pour le plaisir, pourront être interrogées. Les transformations spatiales induites par la « mise en plaisir » des villes peuvent être spectaculaires, à l’instar des métamorphoses subies par Saint Tropez, ou encore davantage par Ibiza.

Lieux urbains du plaisir

A une échelle plus fine, on s’interrogera sur la place du plaisir dans l’organisme urbain. Entre diffusion et concentration, les lieux urbains du plaisir semblent subir une tension. D’une part, une partie de l’espace public est investie par les plaisirs ; on pensera notamment à la pratique évocatrice du lèche-vitrine, plaisir de rue, circulatoire et oisif, qui suscite toutefois des stratégies immobilières déterminantes qui pourront être explorées. Mais d’autre part, le plaisir en ville prend place dans des lieux souvent strictement circonscrits, dont la configuration même participe du contentement éprouvé. Clubs et boîtes de nuits, bars, piscines, saunas, hammams, parcs, malls, hôtels, cabarets… sont autant de lieux offrant des parenthèses urbaines de plaisirs. Ils fonctionnent souvent sur des temporalités urbaines spécifiques, parfois différentes des autres temps sociaux et urbains. Ils côtoient les espaces des fonctions ordinaires de la ville. Quelles sont les stratégies mises en œuvre pour inscrire le plaisir dans le tissu même des villes ? Comment s’articulent ces lieux, ces rythmes du plaisir, aux territoires urbains dans leur ensemble ? Dans cette mise en regard des pratiques et des lieux, on n’oubliera pas la permanence, la pérennité de certains espaces de plaisir (par exemple, le quartier des Halles à Paris, ou celui de Pigalle) qui traduisent une simplification de la cartographie urbaine des plaisirs. Mais à ces lieux presque totalement dévolus au plaisir se conjuguent des espaces détournés de leur usage premier dans la recherche spontanée du plaisir en ville. Cette réinterprétation des usages de l’espace pose la question fondamentale du caractère planifiable du plaisir en ville ; et partant, de son acceptabilité sociale.

Plaisirs urbains : de la transgression à la norme

In fine, la place accordée au plaisir dans la ville n’est-elle pas un miroir social, révélant au grand jour le caractère normatif de ce dont on peut – ou pas – jouir ? La réglementation des plaisirs semble établir une hiérarchie morale entre ce qui peut être montré, et ce qui doit être dérobé à la vue. Déroger à ces prescriptions, c’est risquer de basculer dans la décadence, à l’image de Sodome et Gomorrhe et autres archétypes de villes de débauche ou villes pécheresses. La littérature ou le cinéma ont offert de superbes exemples de volupté urbaine coupable ; ne serait-ce que la scène d’orgie sur la place principale de Grasse dans Le Parfum. Plus largement, on s’interrogera ainsi sur les représentations associant plaisirs urbains et transgression – le plaisir pouvant aller du prosaïque au vulgaire, voire à l’obscène -, et sur les interdits, les tabous, ou à l’inverse les libertés urbaines qui peuvent en émerger. En quoi la ville est-elle le lieu des plaisirs coupables, et des plaisirs tolérés ? Des corps libérés et/ou réglementés ? Quelles sont les formes, les pratiques urbaines qui en émergent ? Le débat sur les maisons closes, ou sur l’ouverture de salles de shoot, a ainsi toute sa place dans ce numéro.

Car dans les interstices de ces plaisirs autorisés ou acceptés, des villes de plaisirs secrets semblent se faire jour, des urbanités se construire dans des interconnexions facilitées par les réseaux. Des  citadins à la recherche de plaisirs invisibles ou discrets s’approprient ainsi des lieux éphémères, démultipliant à l’infini les lieux de plaisirs sensoriels, comme l’ont rappelé déjà les études sur les espaces de l’homosexualité dans un contexte hétéronormé. C’est ainsi l’ensemble de la ville qui est promesse de délices. Quant les règles et les normes se resserrent, la ville des nuits fauves, la ville hédoniste, ne se dévoile-t-elle pas dans la dissimulation ?

A travers une diversité disciplinaire, c’est la multiplicité de ces plaisirs urbains que nous souhaitons explorer dans ce numéro d’Urbanités. Toutes les échelles de la ville, tous les réservoirs de plaisirs urbains potentiels sont convoqués pour saisir ce sujet stimulant, ces territoires urbains encore peu explorés.

Photographie : C. Ruggeri, San Francisco, 2008

L’appel #3 au format PDF

MODALITES DE SOUMISSION

La proposition comprendra un résumé d’une page maximum (notes comprises,  Times New Roman 12, interligne normal). Elle devra énoncer une problématique de recherche claire, ainsi que les axes que l’article abordera s’il est retenu. Elle précisera les nom, prénom, statut et email de l’auteur.

Elle est à envoyer à l’adresse :  revue.urbanites@gmail.com

CALENDRIER PREVISIONNEL

Retour des propositions : 15 décembre 2013

Acceptation du comité de rédaction : fin décembre 2013

Retour des articles complets : 31 janvier 2014

Publication du dossier : 1er avril 2014

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  1. […] Pendant tout le mois et jusqu’au 10 décembre, la revue Urbanités lance un appel à contribution pour son numéro d’avril 2014 consacré aux « Plaisirs urbains« . Un dossier thématique vaste qui interroge aussi bien les pratiques festives que sensuelles des citadins et des touristes en ville. Plus d’informations: http://www.revue-urbanites.fr/appel-3-plaisirs-urbains/ […]