Urbanisme temporaire / Informalité, migrations et « urbanisme temporaire »

Sébastien Jacquot et Marie Morelle

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Ce dossier souhaite discuter des reconfigurations de l’action publique en ville aux prises avec l’informalité, dans le contexte spécifique des politiques migratoires contemporaines française et européenne. Depuis plusieurs années, en Europe, le long des routes migratoires, des villes deviennent des étapes où vivent et survivent des centaines, parfois des milliers de migrants1 dans la rue ou dans des campements informels. Cette présence entraîne des déclarations et des actions des pouvoirs municipaux, d’acteurs associatifs et de collectifs citoyens, au-delà des seules stratégies étatiques (Furri, 2017).

Le corpus d’articles prend appui sur des recherches conduites sur des centres et des camps d’hébergement formels et informels, et plus largement sur la question de l’accueil des migrants. Il étudie le déploiement de dispositifs dérogatoires ou de contournements au droit commun de l’urbanisme, les jeux d’acteurs s’y articulant, les registres de justification qui les sous-tendent et leur politisation. Partant de la problématique de l’hébergement et du logement, nous souhaitons dépasser la lecture en termes de « crise » et « d’urgence » et réfléchir à l’influence structurante de pratiques informelles sur les reconfigurations de l’action publique en ville (Aguilera, 2012), y compris lorsqu’elle se présente comme temporaire. Dans quelle mesure l’exception – temporaire – au droit de l’urbanisme est-elle une réponse – récurrente – aux situations de marginalité et de marginalisation de populations en situation précaire ? Cette notion d’exception parcourt l’ensemble du dossier. Elle est d’abord appréhendée sur le plan juridique comme suspension temporaire de règles d’urbanisme. Celle-ci permet l’implantation de camps qui deviennent l’incarnation spatiale et temporelle de l’exception. Sous cet angle, dans quelle mesure le modèle du camp devient-il « une forme susceptible d’intégrer l’espace urbain ou périurbain » (Loiseau et al., 2016) et quelles place et reconnaissance donne-t-il à ses habitants au sein de la société urbaine (Alexandre, 2016) ? De façon plus large, la notion d’exception permet d’interpréter les reconfigurations de l’action publique à l’égard de l’informalité, et d’examiner les controverses morales et politiques qui sont posées.

Ce faisant, ce dossier souhaite s’inscrire dans un contexte académique appelant à « provincialiser » les études urbaines qualifiées d’occidentalo-centrés (Robinson 2006, 2014 ; Roy, 2009, 2011, 2016). La démarche revient ici à intégrer des questionnements et notions forgés au Sud, depuis l’informalité (Schindler, 2014), dans des recherches menées dans des villes du Nord (Paris, Grande-Synthe, Athènes, Berlin). L’optique est de dépasser la distinction Nord-Sud et de discuter des contextes et des facteurs explicatifs des reconfigurations d’une action publique urbaine (Jacquot, Morelle, 2018).

L’étude des camps et des logiques d’enfermement, du Sud au Nord dans le contexte des politiques migratoires européennes (1ère partie), permet d’analyser et de comprendre les logiques d’action de l’État (2ème partie). Toutefois, en considérant les camps2 comme un dispositif urbain (3ème partie), il s’agit de discuter des politiques urbaines menées par des pouvoirs locaux, au-delà ou en contestation de l’État : en effet la ville peut apparaître à la fois comme lieu d’accueil, échelle d’action et acteur (Babels, 2018). Il convient de saisir les motifs de ces actions, entre émergence politique d’une hospitalité différenciée bien que précaire et gestion humanitaire de l’urgence, appuyées par diverses initiatives qui reposent la question de l’exception au prisme de l’urbanisme (4ème partie). Le rapport au camp s’inscrit aussi dans des configurations plus larges, où interviennent des associations et les migrants eux-mêmes, déployant diverses pratiques d’appropriation des espaces urbains (5ème partie). Ces configurations portent des formes alternatives permettant de repenser des politiques de l’hospitalité. Au-delà, ces inscriptions de camps dans la ville, sous la forme de l’exception et du temporaire, permettent d’interroger les modalités d’une action urbaine dérégulée, érigeant en modèle la gestion par le temporaire de diverses informalités (6ème partie).

 

Du camp comme « formation impériale » aux campements

Après la Seconde Guerre mondiale est créé le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en 1950, puis en 1951 est adoptée la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Pendant les décennies suivantes, les camps de réfugiés gérés par le HCR se multiplient dans les pays du Sud (Agier, 2002). Au fil des décennies, les politiques migratoires européennes deviennent plus restrictives, les demandes d’asile en Europe davantage rejetées, incitant certains auteurs à voir dans les camps du HCR un outil de maintien des populations réfugiées hors de l’Europe et donc de contrôle des migrations Nord-Sud (Cambrézy, 2001). Suivant Liisa Malkki (1995 : 503), il est difficile de localiser les réfugiés comme issus uniquement du Tiers Monde et de circonscrire la réflexion à des aires géographiques données, dès lors que l’on considère la pauvreté, l’oppression politique et les déplacements de masse de personnes comme des phénomènes globaux, de même que la responsabilité politique, sociale et éthique à l’égard des circulations et de leur contrôle. Dans le même sens, Saskia Sassen (2014) relève des logiques de l’expulsion tant au Nord qu’au Sud, dont la multiplication des camps constitue un symptôme. Finalement, au début de la décennie 2000, le HCR est partenaire de la Commission européenne et des gouvernements européens dans la mise sur pied de projets d’externalisation de l’asile à des fins de création de « zones de protection spéciale » dans certaines régions du monde en vue de limiter explicitement les demandes d’asile en Europe (Valluy, 2016).

En dépit de ces politiques restrictives et d’externalisation au Sud, le camp est donc redevenu un dispositif de gestion des étrangers dans les pays du Nord, notamment en Europe (Intrand, Perrouty, 2005), comme en ont témoigné le centre de Sangatte, celui de Calais ou plus récemment le Centre de Premier Accueil à Paris, ou encore d’autres dispositifs d’hébergement (Valluy, 2007), voire d’enfermement des personnes migrantes (zones d’attente, centre de rétention administrative, Darley, 2008). Ce constat invite à élargir les analyses des camps, largement ancrées dans les pays du Sud depuis les années 1960, vers les pays du Nord. En outre, à la multiplication d’espaces aménagés par les pouvoirs publics, s’ajoutent des campements nés de l’appropriation précaire d’une diversité de terrains par des groupes et des individus sans droit reconnu. Ils sont les produits de compromis fragiles, éventuellement de tolérances tacites, entre pouvoirs publics, riverains et habitants des campements (Agier, 2013).

Toutefois, la gestion des étrangers par le camp en Europe n’est pas le propre du XXIe siècle. Par exemple, en France, en 1938, souhaitant formaliser une politique migratoire nationale selon une orientation restrictive de l’accueil, le gouvernement « promulgua une loi sur les « étrangers indésirables » : toute personne de nationalité étrangère soupçonnée de porter atteinte à la sécurité du pays pouvait désormais être détenue dans des « centres d’internement » de « rassemblement » ou « centres spécialisés » en raison de leurs antécédents judiciaires et de leur activité jugée « trop dangereuse pour la sécurité nationale ». » (Clochard, Gastaut, Schor, 2004 : 3). Par la suite, ces camps hébergent des réfugiés espagnols, préfigurant la logique xénophobe du gouvernement de Vichy, tout particulièrement à l’égard des populations juives ou encore tsiganes, amenant à voir à travers la question des camps en France « une superposition de « racismes français » » (ibidem, p. 9).

À cet égard, l’histoire des camps en France ne peut être réduite à l’analyse du seul territoire métropolitain, elle s’inscrit aussi dans les espaces coloniaux (Bernardot, 2008). La figure du camp y prend plusieurs formes avec différentes finalités qui s’enchevêtrent parfois : camps où maintenir les lépreux ou les patients atteints de la maladie du sommeil (Vaughan, 1991 ; Eckart, 2002 ; Lachenal, 2017), camps de travail au titre du code de l’indigénat (corvées) ou pour motif pénal à des fins d’exploitation du territoire (Tiquet, 2014), camps de contre-insurrection et camps d’internement à des fins de contrôle au moment des luttes pour l’indépendance (Le Cour Grandmaison, Lhuilier, Valluy, 2007 ; Thénault, 2012 ; Deltombe, Domergue, Tatsitsa, 2011). Dans cette perspective, le camp est un instrument de la fabrique d’une rhétorique de la différence et de sa racialisation. Les empires coloniaux ont incarné des laboratoires où expérimenter une diversité de dispositifs par lesquels catégoriser, soigner, discipliner, mettre au travail, punir des populations selon des régimes d’exception (Mbembe, 2006, 2016).

La logique des camps perdure dans les pays du Sud au-delà des indépendances (Woudammike, 2014 ; Gomez, Le Marcis, 2017), pouvant être perçus comme les traces des formations impériales, qui persistent à travers le temps comme autant d’éléments constitutifs de rapports d’exclusion (Stoler, 2008), quelles que soient leurs justifications. Toutefois, là encore, Achille Mbembe (2016 : 9-10) inscrit l’« inégale redistribution des capacités de mobilité » à l’époque contemporaine dans le cadre d’une « reconduction planétaire de la relation coloniale et ses multiples reconfigurations dans les conditions contemporaines [qui] n’épargnent guère les sociétés du Nord. », le camp en Europe pouvant donc en être l’une des formes (Agier, 2016), au-delà des sociétés du Sud.

Entre tolérance ou répression des campements d’une part, et construction de camps, l’État apparaît comme pivot central des politiques migratoires. À cet égard, une diversité de discours (associatifs, humanitaires, en sciences sociales) analyse le camp comme la figure de la domination d’État, qui s’exerce sous la forme de l’exception spatiale.

 

L’État à l’épreuve de la question migratoire : le camp comme exception ?

La gestion de la question migratoire en contexte démocratique aboutit à questionner et à mettre à l’épreuve la notion d’État, d’abord dans ses attributs identifiés comme régaliens : contrôle des frontières, définition de la nationalité, mais plus fondamentalement à partir de sa pratique de l’exception. L’apparition de campements informels et de camps officiels, sans compter les centres de rétention administrative, a largement été abordée sous l’influence de la philosophie agambienne en termes d’état d’exception. Dans une telle perspective, le camp (dans ses multiples déclinaisons matérielles et juridiques) matérialise le pouvoir souverain de l’État : la suspension de garanties juridiques et de reconnaissance politique s’organise pour des individus auxquels le statut de citoyen est dénié, en somme des individus réduits à « la vie nue », « qui ne peut plus être inscrite dans l’ordre politique » (Agamben, 2016 : 150-154).

« Bien que légalement prévu, l’enfermement dans un « camp » signifie donc la relégation dans un lieu où la force prime le droit » (Fischer, 2007 : 19). Ces dernières années, divers rapports ont d’ailleurs rendu compte de nouvelles atteintes aux droits des migrants en France (Amnesty International, 2017 : 199 ; Human Rights Watch, 20173). Il convient donc de comprendre comment se pose désormais « la question des rapports entre la violence et la loi, la norme et l’exception » (Mbembe, 2016 : 8), ici en contexte démocratique, en Europe et en France.

Cette appréhension du camp reprend aussi l’idée foucaldienne de la biopolitique, définie comme « un pouvoir gestionnaire de la vie et de la survie » (Foucault, 2006, [1976] : 180 ; 1997), ou encore comme « un ensemble de procédures pour réguler la vie, la contrôler et finalement l’administrer » (Brugère, Le Blanc, 2017 : 118). Dans une telle perspective, le camp constitue un lieu d’exclusion des migrants par le pouvoir d’État, dans un continuum entre laisser mourir et faire vivre (Davies et al., 2017). En outre, dans une perspective postcoloniale, cette biopolitique constitutive des politiques migratoires et « d’accueil » se structurerait sur une séparation de la population en termes racistes : « Davantage que la pensée en termes de classes sociales (…), la race a constitué l’ombre toujours présente sur la pensée et la pratique politiques occidentales, surtout lorsqu’il s’agit d’imaginer l’inhumanité des peuples étrangers et la domination à exercer sur eux. » (Mbembe, 2006 : 31).

Toutefois, il importe de ne pas essentialiser l’État ni de généraliser le « gouvernement par l’exception » (Fischer, 2007 ; Achilli, Oesch, 2016) – sans le nier – au détriment de l’analyse d’éventuels autres processus, à d’autres échelles. Les politiques migratoires sont à inscrire dans leur historicité, et en lien avec plusieurs rationalités (celle des droits humains, celle des stratégies électorales, celle de la sécurisation, etc.). Il n’existe pas « une raison d’État » univoque. L’État n’est pas à appréhender comme une entité unique, mais en différents lieux, temporalités, incarné par divers agents (Fassin et al., 2013). En outre, l’action de l’État est appelée à se réformer au fur et à mesure que la question migratoire est formulée en problème public, y compris au niveau supra-national4.

Suivant ces réflexions, l’État dans ce dossier n’est pas pensé comme une entité donnée, au bénéfice d’une analyse « d’un constant mouvement « d’étatisation » de rapports de pouvoir complexes et réversibles qui préexistent à l’institution » (Fischer, 2007 : 30). Autrement dit, il faut passer d’une ontologie à une phénoménologie de l’État, en l’étudiant par ses actions, discours, formes multiples (Roux et al., 2014), mais aussi de façon relationnelle. Des arènes politiques sont créées où est contestée l’action de l’État (la politique d’asile avec les Centres d’accueil et d’orientation –CAO-, les centres d’accueil de demandeurs d’asile – CADA- et camps, le contrôle aux frontières avec des zones d’attentes, les centres de rétention administrative).

Cela nous amène à adopter une perspective attentive aux multiples contestations ou dépassements de la seule logique étatique (Abelès, 2014). Dans les contextes contemporains de gestion de populations migrantes, l’État, à travers ses institutions et ses agents, n’est pas le seul acteur dont les pratiques et les discours doivent retenir l’attention. L’installation de campements informels sur des terrains communaux entraîne en particulier la mise sur l’agenda politique local de la question des migrants et de leur accueil. L’entrée des pouvoirs locaux et leurs relations à l’État conduit à une reconfiguration de l’action publique dans le champ de la migration. Elle amène à considérer le rôle des pouvoirs locaux, les actions qu’ils suscitent et les ordres de justification qui les sous-tendent, explicites ou plus informels (Olivera, 2016). Ainsi la question migratoire devient une question urbaine, à partir de la production de dispositifs d’exception dans le domaine de l’urbanisme, portés ou soutenus par des pouvoirs locaux, éventuellement en décalage avec les politiques étatiques.

Politiques migratoires et ville : une longue histoire de dispositifs urbains

En France, la présence de travailleurs migrants en ville a été d’abord problématisée à travers le prisme des questions du logement et de l’hébergement. Durant les années 1960, « un immigré, c’est essentiellement une (…) force de travail provisoire, temporaire, en transit » (Sayad, 2006 : 50). Dans cette perspective, « travail et logement, liés dans une relation de mutuelle dépendance, constituent les deux éléments qui définissent le statut de l’immigré » (Sayad, 2006), dont le logement est spécifiquement le foyer de travailleurs.

Le logement reste toutefois largement tributaire d’une offre privée dans des logements dégradés ou dans le domaine de l’informel (Masclet, 2005). Ce n’est qu’avec une politique étatique (Gastaut, 2004) de résorption des bidonvilles (en lien avec leur augmentation au XXe siècle) que sont mis en place des dispositifs urbains spécifiques au croisement de problématiques urbaines et de gestion des migrations (Blanc-Chaléard, 2015), tels les foyers de la Société Nationale de construction de logement pour les travailleurs (SONACOTRA) ou les cités de transit, par exemple celles de Le Roy des Barres et de Gallieni, qui ont servi à reloger les habitants du bidonville du Franc-Moisin (1968-78) à Saint-Denis. Ces cités ne sont pour autant que « des créations ad hoc plutôt que fruits d’une politique de résorption généralisée, de droit commun » (Costil, Roche, 2015 : 71). Des collectivités y négocient aussi – voire contestent – les orientations et les modes d’intervention de l’État, comme à Saint-Denis dans les années 19705 (David, 2010), ou se voient progressivement confier la gestion des bidonvilles comme en Espagne à la sortie du franquisme (Aguilera, Vitale, 2015).

Dans les années 2000, c’est à partir des « campements rom » que la question de l’hébergement et du logement de populations migrantes et immigrées est rediscutée, donnant lieu à la (ré)invention de dispositifs d’accueil temporaires, souvent par des initiatives locales, et marqués par des logiques de tri au bénéfice de familles et individus jugés méritants et capables de « s’intégrer » (Le Gros, 2010 ; Aguilera et Vitale, 2015 ; Clavé-Merier et Oliveira, 2016). Au fur et à mesure des restrictions croissantes qu’imposent les politiques migratoires européennes (Blanchard, Dubucs, Gastaut, 2016 : 66-67), en France, à Sangatte, à Calais et plus largement dans les départements septentrionaux, ou encore à Paris, la présence importante et continue de personnes migrantes, aux situations juridiques diverses, (Blanchard, Dubucs, Gastaut, 2016 : 44-45) conduit à de nouvelles prises de position d’élus locaux, pour ne parler que des villes.

Ainsi, d’abord pensée comme prérogative étatique, la question de l’accueil des migrants, devenue un enjeu urbain, implique les acteurs publics locaux, qui co-élaborent ou contestent ces dispositifs, non sans une certaine pression des citadins, éventuels riverains de campements informels (Fassin, et alli, 2014 ; Coutant, 2017), dans un contexte de médiatisation et de constitution de la présence migratoire en « problème public » (Potot, 2016). Ces acteurs locaux peuvent aussi être à l’initiative de nouvelles actions, qui constituent des pratiques urbanistiques présentées comme temporaires et qui s’inscrivent alors dans une exception à l’urbanisme, contestant les façons de faire de l’État. Dans quelle mesure les actions de certains élus incitent à considérer un changement de l’échelle de conception des politiques migratoires et surtout d’accueil ?

L’exception contemporaine en urbanisme : réponses d’élus locaux à la problématique des politiques migratoires

Dès 1996, depuis le Parlement international des écrivains, Jacques Derrida (1997) excluait une politique de l’hospitalité portée par les États et dominée par la souveraineté étatique, appelant à une politique de « villes-refuges », reposant sur « un droit des villes, une nouvelle souveraineté des villes ». En reprenant la philosophie kantienne et en évoquant Loi (et lois) et droit de l’hospitalité6, Derrida nous invite aussi à une lecture d’emblée politique de l’hospitalité, en contestant le tri fait sur la base de la distinction politique – économie permettant de séparer le migrant du réfugié. Il ne s’agit pas de penser l’accueil comme une pluralité d’initiatives privées disparates, au nom de la compassion, mais de construire une solution politique, dès lors, collective, « un lieu, un “hôpital” pour prendre soin des vies fragilisées » (Brugère, Le Blanc, op. cit : 31).

Faire de l’espace urbain un espace d’hospitalité conduit à envisager le rapport à la citoyenneté tel qu’il est formulé par des élus locaux : comment ces derniers construisent-ils leur « population » – et donc ceux qu’ils excluent – qu’il leur revient de protéger ? Des élus entrent en jeu à la suite de la multiplication et de la récurrence de campements informels, de Sangatte à Calais, Grande Synthe, Paris, Angres, Norrent Fontes … (Guenebeaud, 20177). À partir d’une constitution de ces présences migratoires comme problème public, médiatisé sous la forme d’une « crise migratoire », se développe une action publique, notamment locale, justifiée par « l’urgence », qui peut s’écarter de la seule instrumentalisation de la supposée colère des riverains (Fassin, Fouteau, Guichard, Windels, 2014), et est construite à partir de l’expression de sentiments moraux (Fassin, 2010). Certaines de ces actions sont exposées dans le présent dossier : la création du Centre de Premier Accueil par la Ville de Paris à la Porte de La Chapelle et celle du camp de Grande-Synthe par l’ONG Médecins Sans Frontières et la mairie de cette localité du Nord. Elles imposent de discuter des registres moraux et politiques en présence, dont rendent compte les articles de Fanny Taillandier et d’Angèle de Lamberterie.

Tandis que leurs articles analysent des déclarations et intentions exprimées au cours de l’année 2016, ces mêmes registres se retrouvent un an plus tard dans une tribune publiée dans le journal Le Monde et signée par d’autres maires, de différents partis politiques8. Ceux-ci invoquent une nouvelle fois une « urgence sociale. Une urgence de solidarité » et l’accueil comme « obligation éthique » pour des villes « carrefours de toutes les migrations » où de nombreux migrants ne trouvent aucune place dans des hébergements pilotés par l’État et saturés. À nouveau, ils insistent sur « la responsabilité pleine et entière [de l’État] sur la mise en œuvre de la politique migratoire et de l’accueil des migrants ». Ils rappellent être « au front face aux personnes en détresse, aux citoyens, aux associations », et en appellent à la mise en place d’un réseau solidaire entre les villes de France, afin d’être un interlocuteur majeur de l’État.

Cette perspective appelle à réfléchir autrement à l’usage de la notion d’exception. Si la figure du camp conduit souvent à discuter de la mise sur pied de régimes d’exception, légalement organisés par l’État, F. Taillandier et A. De Lamberterie se demandent dans quelle mesure l’édification de camps par des pouvoirs locaux traduit des processus d’émancipation à l’égard du pouvoir d’État, et suivant quels registres normatifs9. Quel sens donner alors à l’exception, dans les deux contextes étudiés, dans le champ de l’urbanisme, dès lors que celui-ci est mobilisé en décalage voire contre des politiques étatiques ?

En effet, la construction de ces camps10 a impliqué de s’inscrire dans des dispositifs dérogatoires au règlement urbanistique, dans les cas étudiés aux prescriptions des Plans Locaux d’Urbanisme, à partir notamment de la possibilité définie par le code de l’urbanisme de mettre en œuvre des usages temporaires via un permis précaire (comme le montre Angèle de Lamberterie dans ce dossier). Ainsi, l’exception telle que définie dans le champ de l’urbanisme est mobilisée au service de politiques de l’exception. S’agit-il d’un transfert à l’échelle locale d’une logique souveraine visant à nouveau à trier et exclure les corps des migrants ? Ou cette exception constitue-t-elle une mise en suspens des logiques de l’action de l’État ?

Au-delà des lois et règlements, il importe donc de réfléchir à la diversité des registres normatifs en présence et de voir en quoi la mobilisation d’un discours moral a pu justifier une opposition à ou une inflexion de la règle de droit (Recio, Mateo-Babiano, Roitman, 2017), en réaction aux actions et positionnements d’État et au traitement policier de la migration. Il demeure nécessaire de réfléchir toutefois au sens de la référence à de tels sentiments moraux, qu’ils se réfèrent à une dimension strictement humanitaire (répondre aux besoins fondamentaux au nom de la détresse) ou qu’ils aient en vue une portée critique et politique (reconnaître des droits à des sujets, au nom de l’égalité). L’appel de certains maires et certaines de leurs actions ont donné lieu à des positionnements divers de la part, notamment, du monde associatif.

Faire avec, gérer ou contester : associations et migrants

La compréhension des politiques migratoires et d’accueil ne saurait se limiter à l’étude de la seule relation entre divers services d’État, élus locaux et partis politiques. Depuis des années en France, des associations et des collectifs sont engagés sur la question des politiques migratoires, impliqués pour certains dans la gestion de dispositifs étatiques (CADA, CRA – Centre de Rétention Administrative,…). Cela conduit certains auteurs à évoquer une « professionnalisation associative » ou encore des « associations étatiques » (Valluy, 2007), la dépendance aux subventions de l’État risquant de circonscrire leur liberté d’expression ou conduisant à une intériorisation des manières de penser de l’État (non sans dilemmes, Kobelinsky, 2008). Dès lors, on assiste à des reconfigurations des réseaux associatifs entre alliances et ruptures, découlant de participations et de positionnements divers à l’égard de l’action de l’État, et des justifications et critiques qui les accompagnent.

L’introduction de dispositifs temporaires n’a pas manqué de provoquer de nouveaux rapprochements et distanciations au sein des soutiens associatifs aux personnes migrantes, voire l’émergence de nouveaux acteurs, comme en Île-de France avec le BAAM (Bureau d’Aide et d’Accompagnement des Migrants), ou Emmaüs Solidarité, impliqué de longue date dans le domaine de l’hébergement d’urgence mais plus récemment sur la problématique de l’accueil des migrants. Dans ce contexte, le Centre de Premier Accueil (CPA) installé Porte de la Chapelle à Paris a cristallisé les critiques visant notamment l’implication associative et les modes de de gestion. La violence policière aux abords du centre est dénoncée, de même que la saturation du dispositif d’hébergement à laquelle le CPA ne peut répondre, et la complexité des procédures administratives : enregistrement de la demande d’asile, procédure « Dublin11 » en particulier (ACAT et al., 2017). Si certaines organisations dénoncent avant tout certaines institutions étatiques et la non-politique d’accueil de l’État, ils reprochent aussi12 aux gestionnaires du centre un manque d’information, des défauts d’accompagnement et finalement une passivité voire une complicité de facto du CPA et de la ville de Paris avec la logique de tri de l’État.13 Quels que soient – voire malgré – les registres mobilisés par les élus, les actions mises en place semblent souvent procéder de la gestion de l’urgence mais non d’une politique d’accueil, dit autrement d’hospitalité. Questionnées autrement, les actions menées localement, intégrant une gestion associative, peuvent-elle rompre avec les logiques étatiques, ou ne sont-elles pas toujours renvoyées à la nécessité de se positionner à l’égard de, négocier ou s’accommoder avec des enjeux de souveraineté et d’ordre public, entrée prioritaire des politiques nationales ? Comme le questionne Fanny Taillandier, l’exception urbanistique mobilisée est-elle un prolongement de régimes d’exception ?

Dans ce contexte où les campements informels subsistent aux côtés de camps à la pérennité relative, et où l’opacité des procédures semble demeurer, la crise des politiques migratoires a entraîné des modalités d’appropriation informelles des espaces à des fins critiques et de transformation sociale. L’urgence à héberger des migrants et le rejet de l’enfermement dans divers centres et camps, quelles que soient les justifications à leur création, a conduit aussi au renouveau de formes d’occupation publicisées et politisées de l’espace urbain, autant d’éléments participant d’une lecture politique et renouvelée de l’hospitalité, et visant à produire un contre-modèle du camp. C’est le sujet de l’article d’Agathe Bédard qui retrace la généalogie du squat du City Plazza Hotel dans le centre-ville d’Athènes. Elle montre comment des militants de gauche ont cherché à se réapproprier un espace abandonné des pouvoirs publics et cible d’actions xénophobes de la part de mouvements néonazis avant de revendiquer l’hôtel squatté comme un contre-modèle aux camps et hot spots mis en place en Grèce. Leur action tend à vouloir reconnaître des droits aux migrants et leur permettre de les exercer, entraînant un glissement d’actions humanitaires ne se revendiquant pas comme politiques – où répression et compassion s’entremêlent – vers une politisation plus affirmée de l’accueil et d’un droit à la vie (Fassin, 2005) et à la ville.

Les personnes migrantes elles-mêmes sont loin d’être passives à l’égard des dispositifs mis en place. Dans cette perspective, l’asile et plus largement la migration peuvent être appréhendés comme expérience et forme de vie (Fassin et al., 2017), incluant tout autant ceux qui demandent l’asile que ceux qui s’en sont découragés ou en ont été rejetés. Ainsi Sophie Garcia mène-t-elle ses recherches sur les appropriations de la ville par les jeunes hommes (réfugiés et demandeurs d’asile) contraints de vivre dans un dispositif d’accueil sous la forme de conteneurs installés à Berlin. Les discriminations subies dans l’accès au logement et à l’emploi, mais aussi dans le quotidien du quartier de résidence, prolongent la mise à distance et l’altérisation antérieure à la demande d’asile et à son examen. Sophie Garcia pose la question de la dimension hospitalière des quartiers marqués par l’expérience de la migration : ces espaces et leurs commerces sont-ils des centralités immigrées et plus largement populaires jouant un rôle d’accueil, bien davantage que les dispositifs institutionnels, ou des sas par défaut, en contexte de discriminations (circulation d’informations, emploi non déclaré…) ?

Ces analyses montrent la nécessité de dépasser le seul prisme des institutions publiques, afin d’identifier les reconfigurations de l’action urbaine à l’égard de situations d’informalité, et de questionner les registres des actions entreprises, ainsi que leurs relations aux institutions publiques et aux normes légales.

Or les différentes initiatives analysées dans ce dossier ont en commun d’être mises en place sur des temporalités spécifiques, que ce soit en décalage, suspension ou contestation de la règle de droit. Celle-ci croise la diffusion plus large de l’urbanisme temporaire, comme mode de gestion de l’informalité urbaine.

De l’informalité urbaine à l’urbanisme temporaire

La question des politiques à l’égard de l’informalité des situations migratoires peut être déplacée du point de vue urbanistique : ces interventions s’inscrivent-elles dans des mutations des façons d’aménager, qui renverrait de façon plus large à l’urbanisme temporaire ou multiplierait les procédures d’exception, ou constituent-elles des modes d’action spécifique, une exception dans le champ de l’urbanisme ?

La matérialité des aménagements s’inscrit d’abord dans une circulation de pratiques, standards, découlant de l’ancienneté de l’encampement humanitaire. Les acteurs impliqués (les élus, les services techniques), ont dû s’approprier un vocabulaire, des normes techniques ou encore gestionnaires, qui peuvent faire écho aux standards élaborés par des organisations telles que le Haut-Commissariat aux Réfugiés, nous conduisant à questionner ces transferts de kits (Le Marcis, Gomez, 2016) et de modèles.

Or les réalisations considérées dans ce dossier sont également porteuses d’un « devenir-modèle », à différentes échelles (comme le montre la diffusion de l’usage des conteneurs14). Dans cette perspective, Angèle de Lamberterie discute de la possible production d’un modèle d’urbanisme temporaire à partir de l’expérience du CHU de l’Allée des Fortifications, du fait de la dimension précaire de l’autorisation urbanistique et de la nécessité d’amortir le coût de fabrication du bâtiment. C’est la dimension éphémère même de l’installation qui induit une nouvelle modalité de la fabrique urbaine, qui peut être étendue à d’autres réalisations, et joue de sa malléabilité (Piolatto, 2016).

Cependant, même considéré dans cette expérience comme un devenir-modèle, le camp demeure pensé comme module démontable et déplaçable, voire escamotable, construit dans les vides (temporaires) des projets urbains, apparaissant alors comme l’envers d’un marché immobilier spéculatif et ségrégatif, d’Athènes à Berlin ou à Paris. Autrement dit, cette innovation urbanistique, architecturale et réglementaire ne fait-elle que masquer les failles et les carences d’une offre institutionnelle d’hébergement et de logement à grand renfort de structures modulables ?

En fait, les modalités urbanistiques et réglementaires de cette production de camps s’inscrivent aussi dans la promotion récente et généralisée (au sein d’une diversité de discours médiatiques, politiques, institutionnels) d’un « urbanisme temporaire », en France et en Europe, qualifié parfois d’urbanisme « transitoire » (Diguet 2017) ou intercalaire (Ville de Paris), tandis que l’urbanisme est de façon plus large invité à intégrer la notion de réversibilité. Promouvant de nombreux usages, de l’agriculture urbaine à l’occupation artistique, un enjeu principal semble bien être le contrôle des usages informels afin d’éviter une occupation difficile à contrôler dans le temps, en vue de maintenir une valeur économique à des espaces en attente de travaux et de projets (Adisson, 2017) du moins dans des contextes soumis à de fortes pressions immobilières, quitte à entériner et à normaliser des usages informels préalables (Andres, 2013). Ces camps temporaires peuvent alors être perçus de façon plus large comme une forme de normalisation de l’action publique à l’égard de l’informalité, dont le traitement se rapproche d’autres enjeux urbains, au-delà des objectifs sociaux et humanitaires, voire participatifs.

L’interprétation urbanistique est alors complexe. D’un côté, ces modalités de production des camps relèvent de mécanismes dérogatoires et conformes à la promotion d’un urbanisme temporaire qui est aussi un instrument de contrôle des informalités sur des terrains et friches auparavant peu valorisés. Elles peuvent être analysées comme symptômes « d’une urbanisation néo-libérale » de plus grande ampleur, discutée par Fanny Taillandier à partir d’une lecture des travaux de A. Ong (2011). De l’autre, ces exceptions s’inscrivent aussi dans des controverses et conflits sur les modalités d’accueil, entre État et municipalités, entre organisations, collectifs et État (comme dans le cas du City Plaza Hôtel d’Athènes), et l’exception peut apparaître comme le ressort de définition d’une politique d’hospitalité alternative.

SÉBASTIEN JACQUOT et MARIE MORELLE

Sébastien Jacquot est docteur en géographie, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre de l’EA EIREST et associé à l’UMR PRODIG. Il mène des recherches sur la régulation des activités informelles, les dynamiques de patrimonialisation, notamment en contexte transnational.

Marie Morelle est docteure en géographie, maîtresse de conférences HDR à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et l’UMR Prodig. Elle travaille sur les politiques pénales et pénitentiaires au Cameroun. Elle s’intéresse également aux politiques de sécurité publique en France (police, aménagement urbain) et à la régulation des activités économiques informelles. Depuis 2015, elle coordonne avec F. Le Marcis le programme ANR « Economie de la peine et de la prison en Afrique » : http://ecoppaf.hypotheses.org

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  1. Le terme « migrant » est utilisé sans distinguer a priori les motifs de la migration ou le statut juridique, incluant donc demandeurs d’asile, réfugiés, travailleur migrant, personnes en situation irrégulière, etc []
  2. Nous employons le terme de camp pour appréhender différents dispositifs nommés selon les cas camp, centre de premier accueil, etc. []
  3. Voir aussi les rapports du Défenseur des droits en 2016 et en 2017. []
  4. Les politiques nationales sont à considérer aussi dans leurs liens avec la politique migratoire européenne. []
  5. Par exemple, la municipalité de Saint-Denis refuse de recevoir des habitants de bidonvilles voisins dans le cadre de processus de relogement en cités de transit. Elle critique l’inaction de l’État dans le domaine du logement alors qu’il organise la venue de populations étrangères à des fins de main d’œuvre. []
  6. Les lois de l’hospitalité sont spécifiques à chaque législation : elles limitent l’hospitalité, en en définissant les contours et par là bornent un « droit » de l’hospitalité. À ces lois comme manifestations particulières, Derrida oppose la Loi de l’hospitalité, inconditionnelle, universelle, que l’on peut penser, et qui induit une tension avec les lois (Dufourmantelle, 2012). []
  7. Camille Guenebeaud montre à l’inverse des exemples du dossier une position de la mairie de Calais qui va dans le sens des orientations prises par le Ministère de l’Intérieur. []
  8. Le Monde, « Face aux flux migratoires, nous, les maires, sommes au pied du mur », 18 décembre 2017. Voir aussi un appel précédent de maires européens dès 2015 (Furri, 2017). []
  9. A. de Lamberterie ne traite pas d’un dispositif d’hébergement d’urgence destiné spécifiquement aux migrants, mais les mécanismes qu’elle étudie permettent le rapprochement de ses recherches avec les autres articles de ce dossier. []
  10. Nous utilisons le terme générique de camp, quelles que soient les appellations administratives en usage. []
  11. Le règlement Dublin III est un texte normatif de l’Union Européenne (mais qui concerne aussi la Suisse), entré en vigueur en 2014, et impliquant que toute demande d’asile soit formulée puis instruite dans un unique pays européen, généralement le pays d’entrée ou du premier contrôle et de relevé des empreintes digitales. Le « dublinage » est alors le nom donné couramment à la procédure d’application de ce règlement, impliquant souvent un transfert vers le pays jugé responsable de la demande d’asile, éventuellement précédé d’un placement en rétention. []
  12. « Non, le centre « humanitaire » pour migrants de la porte de la Chapelle n’est pas un modèle », cf. le texte sur le site du Gisti : http://www.gisti.org/spip.php?article5711, que l’on peut rapprocher d’une tribune précédente : Gisti, 2017, « Le camp humanitaire parisien, suite : un piège pour les exilés », gisti.org [en ligne] 3 mars 2017. Disponible sur : http://www.gisti.org/spip.php?article5642 []
  13. En décembre 2017, le refus du tri et la demande d’un accueil inconditionnel sont réitérés y compris par les associations liées au fonctionnement du CPA, alors que ce dernier s’apprête à fermer et que le Ministère de l’Intérieur annonce vouloir mettre en place des brigades mobiles en charge du recensement des migrants dans l’hébergement d’urgence. Cf dépêche AFP, « Migrants : L’État fixe les modalités de recensement dans l’hébergement d’urgence », 12 décembre 2017. []
  14. Cette diffusion s’inscrit aussi dans le développement d’initiatives marchandes par certains groupes tel Ikea produisant des kits pour camps de réfugiés : cf. P. Henry (France Terre d’Asile), « Ikea construit des abris pour les réfugiés du monde : n’oublions pas la réalité en Europe », L’Obs le plus, 31/03/2015. Voir aussi le documentaire réalisé en 2017 par N. Autheman et D. Prunault, Réfugiés, un marché sous influence, en collaboration avec Michel Agier. []

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