Brésil / Rio de Janeiro : Sankofa et la Coupe du monde

Laura Jouve-Villard

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Sankofa est un mot akan (Ghana) évoquant l’idée qu’il faut prendre le temps de revenir sur son passé et ses racines, comprendre à la lumière de notre présent ce qu’il peut nous enseigner pour s’avancer avec plus de créativité vers l’avenir. Cette pensée est représentée sous les traits d’un oiseau volant vers l’avant, dont le corps est tourné vers la droite mais dont la tête est tournée vers l’arrière. Il porte dans son bec un œuf symbolisant l’avenir.

Que reste-t-il de Rio de Janeiro qui pourrait encore être classé au patrimoine ? La capitale culturelle du Brésil n’en finit pas de gravir les échelons d’une fièvre patrimoniale insatiable. Qu’il s’agisse d’objets d’art, d’objets ethnographiques, d’immobilier, de territoires naturels ou urbains, de savoir-faire ou de traditions, l’heure est plus que jamais à la préservation et à la réfection de biens culturels dont on souligne l’exemplarité, l’importance qu’ils recouvrent pour une définition exhaustive de l’identité brésilienne, et à l’inverse, la perte que leur érosion ou leur disparition représenteraient pour celle-ci. À ceux qui estiment que les richesses de Rio de Janeiro ne sauraient se réduire à ses trésors culturels, une réponse a été apportée en juillet 2012 : c’est désormais le panorama exceptionnel sur la nature luxuriante mêlée d’urbanité qu’offre Rio de Janeiro qui figure à présent sur la célèbre Liste de l’Unesco en tant que « paysage culturel »1. Le dossier de candidature intitulé « paysage carioca, entre mer et montagnes » suggère ainsi que le caractère exceptionnel de Rio de Janeiro réside dans le lien « unique » y existant « entre l’homme, la ville et la nature ». Parmi les indices cités de ce lien exceptionnel entre nature et culture, la musique, en particulier la samba et la bossa-nova, apparaît comme une expression culturelle née d’un paysage carioca « hautement inspirant », en même temps que comme force de représentation ayant influencé la perception de la ville et de ses reliefs naturels à travers le monde entier2. La musique populaire carioca serait ainsi le fruit singulier de son environnement urbain, naturel et culturel, et en même temps une des plus opérantes caisses de résonance faisant briller Rio de Janeiro au faîte de la scène compétitive des grandes métropoles internationales. Ce « liant immatériel » qui serait capable de connecter les cariocas à « l’âme » de leur ville et aux couches les plus profondes de sa mémoire culturelle, et dans le même temps de dialoguer avec toutes les cultures du monde, est le sésame dont tout le monde parle aux abords de la baie de Guanabara. À l’heure où la ville du carnaval et du foot polarise une attention médiatique sans précédent, il est plus que jamais important de redéfinir ce à quoi tient « la Ville Merveilleuse »3. Or sur ce point, c’est peu dire que les avis divergent.

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Tempos urbains

Jeux Panaméricains en 2007, FIFA-FanFest en 2010, Rio+20 en 2012, Coupe des Confédérations et Journées Mondiales de la Jeunesse en 2013, Coupe du Monde de Football en Juin / Juillet 2014 et Jeux Olympiques en 2016 : depuis cinq ans, les rues de Rio sont les coulisses de théâtres urbains (qu’il s’agisse de grands équipements sportifs, culturels, ou d’espaces publics aménagés en scènes amovibles) vers lesquels défilent toutes les cultures du monde et leurs drapeaux. « La passion nous unit », entonnent dans toutes les langues les figurants du clip accompagnant la candidature de Rio comme ville d’accueil des Jeux Olympiques 2016, présenté au Comité Olympique International réuni à Copenhague le 3 Octobre 20094. Mais les rues ayant servi de décors au tournage de cet outil promotionnel sont aussi celles qui ont vu défiler, en Juin 2013, près d’un million de cariocas venus protester contre la hausse des prix des transports publics, les dépenses colossales occasionnées par la préparation des méga-événements de la décade et la corruption, les illégalités et les atteintes aux droits de l’homme qui les accompagnent, enfin pour réclamer un meilleur accès à l’éducation, à la santé. « Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée, nous sommes en train de changer le Brésil » brandissent les manifestants de Juin 2013.

Nombreux sont les travaux universitaires, documentaires, films ou reportages5) à révéler l’envers du décor caché derrière la ville paradisiaque, les cascades ocres des favelas en miroir des plages luxuriantes, la douceur de vivre, l’opulence de la nature en ville, contre la violence des affrontements meurtriers entre les unités spéciales de la police militaire, les milices paramilitaires et les factions de narcotrafiquants. Or Rio de Janeiro n’est plus seulement cette « ville divisée » entre la Zone Sud des quartiers chics et la Zone Nord des favelas dont parlait le journaliste Zuenir Ventura en 1994. Entre mise en scène de la ville dans les campagnes de promotion accompagnant les méga-événements de la décennie, et prise en scène de la ville par ses habitants, le montage alterné reste le regard qui préside à son observation. Toutefois, c’est davantage une ville divisée entre deux espaces événementiels opposés que l’on rencontrait dans les médias internationaux dans les semaine précédant le coup d’envoi de la Coupe du Monde. L’ambivalence consacrée entre la Rio des plages et la Rio des favelas a laissé place à une nouvelle scission : la Rio des rues, et la Rio des stades6.

À quelques jours de la finale de la Coupe du Monde qui se tiendra dans le mythique stade du Maracanã de Rio, l’heure n’est pas vraiment à cette fameuse joie de vivre, à ce fameux sens de l’accueil et de la fête qui d’ordinaire collent à la peau du carioca, du brésilien et même du Brésil vus de l’étranger, surtout lorsqu’il s’agit de football ou de carnaval. Les trottoirs des quartiers de la Zone Sud de Rio ont tardé à s’orner des habituels rubans, serpentins et banderoles jaunes et vertes qui d’habitude envahissent les rues dès que s’approchent les dates phares du calendrier footballistique. Cette année, ils sont accompagnés de graffitis ou de dessins faits à la craie, imprimant les murs et le bitume du slogan qui tente de saturer l’espace public médiatique local et international : Não vai ter Copa ! « La Coupe du Monde n’aura pas lieu ! ». Et en effet, cet événement qui il y a encore sept ans s’annonçait comme un retour aux sources, un voyage initiatique au berceau, à « La Mecque » des footballers comme le décrivait Michel Platini en avril dernier dans une de ses prestations radiophoniques très remarquées7, cette Coupe-là n’aura pas lieu.

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Dans les rues du quartier de Méier, Zone Nord de Rio (Paulo Campos / Agência O Dia, 21/05/2014)

Dans les rues du quartier de Méier, Zone Nord de Rio (Paulo Campos / Agência O Dia, 21/05/2014)

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Pendant ce temps, dans les rues de la zone portuaire, le présent semble avoir disparu, enseveli sous l’agenda urbain frénétique imposé par les chantiers de destructions, constructions, réhabilitations ou revitalisations. Au fourmillement incessant de la ville en pleine métamorphose, s’oppose le temps gelé de la ville que l’on s’empresse d’inscrire dans les registres (municipaux, étatiques, nationaux ou internationaux) du patrimoine culturel (matériel comme immatériel). Depuis le début de l’année 2012, la zone portuaire de Rio de Janeiro est ainsi tapissée de programmes visant à réanimer – dans une rhétorique dissimulant à peine la teneur organique du terme – les rues, les places et les monuments qu’une vie sociale et commerciale avait déserté depuis les années 1980. Il s’agit de « revitaliser » la ville grâce à son patrimoine culturel, comme si les chambardements urbains massifs qui remodèlent en un temps record cette zone jusqu’alors oubliée de l’action publique dévoilaient, entre les pierres, une culture locale et ancestrale qui n’attendait que d’être révélée. L’inflation patrimoniale va ainsi de pair avec un engouement généralisé pour l’âme invisible de la ville : mémoires locales, chantiers archéologiques, mise à l’honneur des religions afro-brésiliennes telles que l’umbanda et le candomblé. Ces initiatives culturelles cherchant à rendre la ville présente à elle-même, à singulariser le temps des travaux autrement que comme un temps vide, intermédiaire ou en friche, et à optimiser ces programmes d’urbanisation pour la ville post-olympique sont tellement nombreuses, que ces quartiers de la zone portuaire finissent par être coincés entre un passé urbain dont on prouve à chaque coin de rue qu’il est encore là, et un futur pas encore construit mais dont on pourrait déjà profiter. Le présent social, les urgences du quotidien s’incarnent au contraire par l’absence de lieux capables d’y répondre : hôpitaux, écoles, réseaux adaptés de mobilité urbaine, logements sociaux. Ce n’est que discursivement que ces lieux-carences révélés en revers de l’hyper-présence des infrastructures touristiques apparaissent dans l’‘espace public, sur les panneaux des manifestants, sur les réseaux sociaux, dans les campagnes des quelques rares députés de l’État de Rio de Janeiro militant pour le Droits de l’Homme, et dans les paroles des marches de carnaval ou de contre-hymnes pour la Coupe du Monde ou les Jeux Olympiques.

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[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=iwL3TxSeDmA[/youtube]

L’hymne anti-Coupe du Monde, composé par Edu Krieger en mars 20148

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Horizon « Maravilha »

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Les grues du port vues depuis le toit du Musée d'Art Moderne, Praça Maua, Rio de Janeiro (L. Jouve-Villard, Juillet 2013)

Les grues du port vues depuis le toit du Musée d’Art Moderne, Praça Maua, Rio de Janeiro (L. Jouve-Villard, Juillet 2013)

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J’arrive à Rio de Janeiro au début du mois de Juillet 2013, quelques jours après les mouvements sociaux historiques du 20 Juin 2013, lors desquels 300 000 personnes ont descendu l’Avenida Rio Branco, dans le centre historique. Le même jour, on en comptabilisait près d’un million et demi dans tout le pays. À peine deux semaines après ces manifestations historiques, le mouvement de protestation s’est fait moins massif mais subsiste ; les actions de protestation, les meetings politiques et la création de réseaux d’information alternatifs à l’offre télévisuelle pour le moins partiale du journal O Globo9 continuent de se développer sur la toile et sur les pavés. Mais dans les rues bordant le port industriel, pas de vague. Depuis à peine deux ans, le long de cette lisière d’ouverture maritime sur le monde, le vaste programme d’aménagement urbain baptisé Porto Maravilha, le « port merveilleux » de Rio, fourmille de «couloirs culturels», de parcours touristiques sur les traces des racines africaines de la culture brésilienne, de programmation de concerts de « samba des racines » deux fois par semaine, de financements de recherches universitaires sur la mémoire orale des lieux, de soutien à des associations culturelles et éducatives locales, ou encore de réactivations de groupes de samba de carnaval historiques qui n’avaient plus défilé depuis plusieurs décennies. C’est le début de l’hiver brésilien. Le soleil se fait discret. Le tramway ne passe pas encore. Pas un arbre, pas une âme qui vive. Seules se font entendre les explosions du chantier de démolition de la route Perimetral suspendue le long du port, et le ronflement des machines qui à un rythme régulier creusent le tunnel qui viendra la remplacer, au départ de la Praça Mauá, la première porte d’entrée maritime dans la ville. Lorsque j’ai débuté ma thèse en 2010, ces quartiers longeant le port de Rio figuraient parmi les territoires déconseillés, insalubres, à très faible densité démographique et relégués dans les marges des préoccupations aménagistes des pouvoirs publics locaux.

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La Pedra do Sal, nouveau berceau de la samba « des racines »

Ce jour-là, j’ai rendez-vous avec une habitante de l’étroit quartier de la Pedra do Sal, à quelques trois cent mètres de la Praça Mauá. Depuis quelques mois, un nombre croissant de navires de croisière y défilent. D’une personne à l’autre, la Pedra do Sal peut être tour à tour un quartier, un rocher au pied du Morne de la Conceição, un patrimoine matériel, un patrimoine immatériel, ou une minuscule place publique servant de scène aux « meilleures rodas de samba de la ville ».

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La Pedra do Sal, un samedi après-midi de juillet 2013 (L.Jouve-Villard)

La Pedra do Sal, un samedi après-midi de juillet 2013
(L. Jouve-Villard)

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Rachel, la quarantaine et mère de deux enfants, habitant le quartier depuis plus de vingt ans, a accepté de me recevoir pour que je l’interroge sur la façon dont les grands chantiers de revitalisation urbaine de la zone portuaire affectent son quotidien. L’impact est avant tout sonore selon elle : les explosions de pans entiers de la route Perimetral qui doit laisser place à un réseau de tramways, se font souvent la nuit : les fenêtres vibrent, les enfants se réveillent, les nuits sont écourtées. « Comparée aux bruits des travaux, l’agitation des rodas de samba, c’est une berceuse ! » me dit-elle. En effet, depuis plusieurs années, quatre ou cinq ans selon elle, le petit quartier de la Pedra do Sal où elle vit depuis plus de vingt ans est devenu le point de rendez-vous de centaines de personnes venues assister aux « rodas de samba » du lundi et du vendredi soir, que nombres d’agendas culturels de la ville pointent comme étant « unes des plus traditionnelles », insistant entre autres sur le fait que la petite place sur laquelle est installée une simple table en plastique et six chaises accueillant les musiciens jouant de « la samba des racines » est un haut-lieu de l’histoire de la musique populaire carioca. Mieux encore, la Pedra do Sal serait considérée par les spécialistes du patrimoine culturel de l’Etat de Rio de Janeiro comme le berceau de la samba. C’est bien en ces termes que le panneau d’information affiché récemment à l’entrée de la place, dans le recoin d’une rue à l’abri des regards des passants des grandes artères du port, présente ce lieu urbain classé au patrimoine culturel de l’État le 20 Novembre 1984, jour de la « Conscience Noire » au Brésil :

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Au pied de la Pedra do Sal, rue Argemiro Bulcão, un panneau d’information touristique, des graffitis et une caméra de surveillance (L. Jouve-Villard, juillet 2013)

Au pied de la Pedra do Sal, rue Argemiro Bulcão,
un panneau d’information touristique, des graffitis et une caméra de surveillance (L. Jouve-Villard, juillet 2013) : « Berceau de la samba, la Pedra do Sal est restée un lieu de rendez-vous pour les sambistas de la ville. Ici, les esclaves africains chargés de transporter les produits des activités du port et des moulins, déchargeaient le sel venu d’Europe. Après le « travail », les esclaves dockers se réunissaient dans les maisons des tantes bahianaises (les femmes venues de Bahia qui pour certaines d’entre elles avaient un rôle matriarcal très fort dans la vie quotidienne de ces quartiers du port surnommés « La Petite Afrique de Rio »). La Pedra do Sal est à l’origine des premiers défilés carnavalesques et de nombreux rituels religieux dans la seconde moitié du XIXe siècle. De nombreux grands noms de la musique sont passés par là… ».

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Avant que la Pedra do Sal ne devienne un point touristique, elle accueillait sporadiquement, depuis la fin des années 1990, des réunions de jeunes compositeurs de samba qui venaient confronter à un public d’aficionados et de sambistas confirmés leurs dernières créations. Ce n’est que depuis 2012, lorsqu’elle est devenue une des étapes du Circuit Historique et Archéologique de l’Héritage Africain tracé par l’Institut « Rio, patrimoine de l’Humanité » et par le Porto Maravilha culturel que, de recoin anonyme de la ville préservé dans le secret de quelques connaisseurs, la Pedra do Sal est devenue un lieu sacré de la samba fréquenté par un public de plus en plus conséquent et venant de quartiers ou de pays de plus en plus lointains. On peut alors s’interroger sur la façon dont le processus de gentrification et de mise en tourisme des quartiers du port se conjugue avec une préservation « en actes » d’une samba dite « des racines ».

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Organiser la spontanéité

Si la plupart des pages culturelles des guides de tourisme recensent indistinctement la « roda de samba » du lundi soir et celle du vendredi soir comme « une des plus traditionnelles de la ville », il n’en est pas de même pour les habitants, les habitués, et les musiciens des lieux, qui tiennent tous à les distinguer l’une de l’autre en les considérant comme deux événements différenciés. Pour Rachel, la roda du lundi soir est « plus tranquille », c’est une « roda plus traditionnelle » que celle du vendredi soir, avec « moins de gringos »10. Celle du vendredi soir serait « plus branchée ». Ce n’est donc pas à partir d’éléments musicaux qu’elle les distingue l’une de l’autre, mais à partir de la sensation de deux « ambiances » différentes. Le public de connaisseurs et les « gens plus d’ici » qui viennent le lundi soir seraient selon elle « un peu moins dérangeants » que le public du vendredi soir, « qui vient des beaux quartiers jusqu’ici pour faire la fête en plein air et gratuitement, sans avoir peur du réveil le lendemain matin puisque le samedi est férié ». Pour d’autres habitants dont les fenêtres donnent sur la petite place mais dont la porte d’entrée se situe dans des rues adjacentes, plus éloignées de la foule, la différence tient au volume sonore de la roda elle-même, qui serait moindre le lundi soir. Mais là aussi, la musique reste la même à l’oreille de mes interlocuteurs. Il s’agit indistinctement de samba, jouée dans les deux cas en roda, c’est à dire par des musiciens (au nombre de six le lundi comme le vendredi, et parfois plus lorsque des invités sont conviés à y participer) réunis autour d’une table et entourés par le public, au premier rang duquel se sont rapprochés les plus connaisseurs, ceux et celles qui entonnent en choeur les chansons lancées par les musiciens.

Pourtant, de l’autre côté du «quatrième mur», ici bien perméable, séparant l’espace du concert de celui du public ou des auditeurs involontaires, la perception de ce «moment de musique» est tout autre. Tandis que pour Wanda, un des musiciens de la roda du vendredi soir, il s’agit d’organiser un événement «brisant les divisions de classe, de couleur et d’origines culturelles ou musicales pour que toute la diversité culturelle de Rio cohabite harmonieusement», pour Walmir, le porte-parole de la roda du lundi soir, jouer de la «samba des racines» au pied de la Pedra do Sal relève d’un acte militant : « la roda est bien plus qu’une roda», il s’agit de «ne pas laisser tomber dans l’oubli les traditions de toute la diaspora africaine qui est venue habiter et influencer la culture de l’Amérique Latine depuis des siècles. Notre connotation dans la roda de samba de la Pedra do Sal est celle de notre identité africaine, des racines africaines sacrées du Brésil ».

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Ci-dessus à gauche, la « roda de samba da Pedra do Sal » du lundi, et à droite la roda de samba du groupe « Samba de Lei », le vendredi (Kaila Lewis, 12/05/2013 (à gauche) et Samba de Lei, 20/05/2013 (à droite)).

Ci-dessus à gauche, la « roda de samba da Pedra do Sal » du lundi, et à droite la roda de samba du groupe « Samba de Lei », le vendredi (Kaila Lewis, 12/05/2013 (à gauche) et Samba de Lei, 20/05/2013 (à droite)).

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Vues de loin et les oreilles closes, les deux rodas de samba se distinguent difficilement l’une de l’autre. Les photos prises depuis le même angle de vue d’un jour à l’autre ne laisseraient pas deviner qu’il s’agit de deux concerts différents si ce n’était la grande banderole que la roda du lundi soir accroche systématiquement au-dessus de leur table.

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Voici le berceau de la samba, au pied du Morro da Conceição. Ici on respecte la samba ! Roda de samba de la Pedra do Sal. Tous les lundis. « Comme une prière » (Roda de Samba da Pedra do Sal, 14/05/2012 )

Voici le berceau de la samba, au pied du Morro da Conceição. Ici on respecte la samba !
Roda de samba de la Pedra do Sal. Tous les lundis. « Comme une prière » (Roda de Samba da Pedra do Sal, 14/05/2012)

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Pour le reste, la scénographie reste la même, il n’y a pas d’attributs vestimentaires distinctifs, la foule se presse de la même façon auprès des musiciens. Pourtant, me dit l’ingénieur du son de la roda du lundi soir, elles sont profondément différentes :

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« Premièrement, la roda de samba de la Pedra do Sal [soit celle du lundi, « la plus traditionnelle »] a une section harmonique plus développée : il y a deux cavaquinhos11et une guitare sept cordes, tandis que dans la roda de Samba de Lei [du vendredi],] , il n’y a qu’un cavaquinho et une guitare sept cordes. Et puis il y a la cuíca12 de Walmir, la cuíca qui est un instrument d’origine bantoue, apportée au Brésil par les esclaves. (…) Et puis le lundi tu ne verras jamais aucun musicien chanter dans un micro. Les instruments sont sonorisés mais pour le chant, c’est le public qui doit s’y mettre. Rogerinho [un des deux « cavaquinhistes »] lance la samba, mais si le public ne chante pas la samba tombe à l’eau ».

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Walmir, le joueur de cuíca de la roda du lundi soir, me précise également l’importance du répertoire choisi par les musiciens :

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« on choisit la musique en fonction du sens qu’elle porte, on privilégie la musique qui révèle toutes les relations interculturelles dont est née la samba (…) On chante des compositions des grands noms de la Petite Afrique de Rio qui ont connu la vie musicale des quartiers du port et qui racontent dans leurs paroles l’africanité de notre culture, qu’elle soit de l’Angola, de Bahia, de Rio ou d’ailleurs ».

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Pour Wando Cordas, le guitariste sept cordes de la roda du vendredi soir que j’avais brièvement interrogé en 2010 (donc lorsque la Pedra do Sal n’avait pas encore été fixée dans le patrimoine culturel carioca comme étant le berceau de la samba), son groupe Samba de Lei est une roda traditionnelle, qu’il identifie à une réunion musicale :

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« qui apporte de la bonne humeur, qui est spontanée, on joue de tout, de la samba des racines, de la samba-chanson, des marches de carnaval ou des sambas-enredo [ les hymnes composés chaque année par chaque école de samba ]. On essaie de faire plaisir à tout le monde. Le plus important c’est que les gens se sentent à la maison, s’ils veulent entendre une musique en particulier ils crient «Hé untel, tu nous envoies du Nelson Cavaquinho, du Chico Buarque ou Seu Jorge ou je ne sais quoi», et on le joue ! (…) Tous les instruments sont importants, on ne pourrait pas en enlever un seul ! Mais souvent on invite des amis percussionnistes à venir participer à la roda pour qu’ils y apportent un agogô13en plus, on une caixa, ou une mandoline…C’est ouvert ici ».

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Pour André, le propriétaire du bar de la petite place de la Pedra do Sal qui programme la roda du vendredi (mais pas celle du lundi, qui elle, est « indépendante » comme le précise Walmir et reçoit « simplement » l’autorisation des services d’aménagement du Porto Maravilha) ainsi que d’autres manifestations musicales (du jazz, de la musique colombienne, des DJ’s sessions de rock et plus récemment, une fête reggae), l’important est de :

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« faire revivre la vitalité musicale historique de la Pedra do Sal. (…) Ce n’est pas une question de style musical, non. L’important, c’est la qualité et la diversité de la programmation musicale, qui convienne à tous les âges, et fasse découvrir aux gens des musiques qu’ils n’ont pas toujours l’habitude d’écouter. La Pedra do Sal est une Rio miniature, elle contient toute la diversité de notre ville. (…) Mais bon, quatre-vingt pour cent du public qui vient ici n’est pas de la zone portuaire. (…) Mais c’est ça, la ville est en train de se transformer, la zone portuaire est en train de devenir le nouveau centre important de Rio et le plus important c’est de garder l’ambiance historique d’ici, faite de rencontres entre différentes couleurs et classes sociales, et entre différentes influences musicales qui sont arrivées du monde entier et qui ont débarqué là, au bout de la rue, sur la place Mauá (…). Oui la Pedra do Sal est le berceau de la samba, mais elle est surtout le coeur historique de tout ce territoire du port qui était fait de mélanges et de rencontres entre des cultures du monde entier. C’est ce que nous continuons de faire aujourd’hui »

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La comparaison de ces deux rodas de samba pourrait encore être affinée, notamment en ce qui concerne le rôle de l’improvisation et des « fausses maladresses » musicales comme gages de spontanéité dans la roda du lundi soir, ou encore le rôle d’un timbre vocal « parlé » dans la roda du vendredi soir. Les façons de faire exister les racines africaines de la samba le lundi, et les façons de mettre en scène la diversité culturelle de Rio le vendredi sont donc diverses, et pas exclusivement musicales. Mais dans les deux cas, le discours affiché par les musiciens est celui d’une réhabilitation de l’importance symbolique, « immatérielle » de la Pedra do Sal dans le paysage culturel de Rio de Janeiro. Le projet dont ils se font les initiateurs est celui de préserver l’ambiance « informelle et spontanée » des fêtes de rue qui deviennent de plus en plus scénographiées, payantes et guindées partout ailleurs dans les quartiers de la Zone Sud de Rio.

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Naissance d’une « world music » locale

Il n’aura pas fallu plus de six mois pour que ce berceau de la samba « revitalisé » au beau milieu du Porto Maravilha culturel ne devienne la scène de multiples autres manifestations musicales empruntant à d’autres répertoires brésiliens (forro, funk carioca, hip hop) ou internationaux (jazz et « black music »). Le temple des « racines africaines » de Rio de Janeiro serait-il en train de devenir la première scène de world music de la ville ? Au Brésil, dans ce berceau du mythe fondateur de la « démocratie raciale » que Gilberto Freyre a appelé de ses voeux dès les années 1930, la catégorie « musiques du monde » est presque inexistante, l’immense diversité des musiques de ce pays-continent étant déjà un terrain foisonnant pour penser et tenter de fabriquer une société plurielle brésilienne. L’on croise bien dans les rayons de certaines grandes librairies ou discothèques des bacs de « musiques du monde », dans lesquels l’on peut d’ailleurs trouver à côté de disques de folklore andin des albums d’Edith Piaf ; mais les questionnements que nous plaçons sous le label unificateur des « musiques du monde » en France adviennent au Brésil sans qu’une catégorie ne les assigne à un monde musical spécifique (qui serait « du monde »).

De quelle Rio de Janeiro la samba carioca est-elle encore le nom ? En quoi la samba carioca d’aujourd’hui est-elle spécifiquement carioca ? Les paysages changent, les prix changent, des routes sont rayées de la carte pendant que d’autres sont tracées, des habitations sont détruites pendant que d’autres sont restaurées ; la population change, les clivages sociaux s’accentuent, et de nouvelles formes d’expression politique s’inventent. Et, ne l’oublions pas, Rio de Janeiro se prépare à devenir, même l’espace d’un été en 2016, le carrefour de toutes les cultures du monde. Les musiques du monde carioca oscillent ainsi de plus en plus entre scènes locales et scènes globales. Le cas de la Pedra do Sal n’y échappe pas. En témoigne la vive polémique qu’a suscité l’été dernier la diffusion sur la TV Globo d’un court reportage dédié à la roda de samba de la Pedra do Sal (sans distinction entre celle du lundi et celle du vendredi), ne concédant qu’une dizaine de secondes d’antenne à la roda elle-même, sans aucune mention à l’histoire du site. Les trois minutes restantes naviguent entre les interviews de touristes du Canada, de Norvège, des États-Unis, de France et d’Argentine balbutiant plus ou moins confortablement des mots ou des phrases en portugais, ou s’essayant aux pas de danse de la samba no pé ; le tout entrecoupé de plans rapprochés sur des citrons verts et de la cachaça. Les jours suivants, les commentaires des internautes abondaient tantôt dans le sens de l’insulte faite à la mémoire de l’esclavage et à la richesse de la culture populaire menacée de Rio de Janeiro, tantôt dans le sens de la valeur positive de la «vulgarisation», même infidèle mais empreinte d’humour, permettant parfois de faire connaître au public un mouvement populaire dont il n’aurait pas forcément eu vent autrement.

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[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=qhYcjwAKSYI[/youtube]

Reportage de la TV Globo du 23 août 2013 : « la Pedra do Sal attire gringos et cariocas ».

(pour consulter cette vidéo avec sous-titrage en français, cliquer sur ce lien)

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Ces enjeux conflictuels autour des représentations contradictoires de la Pedra do Sal indiquent probablement que la roda de samba du lundi soir (ou tout autre acteur culturel prenant part à la protection de l’héritage africain matériel et immatériel de Rio), aura encore à inventer bien d’autres ajustements dans les années à venir, pour que la Pedra do Sal perdure comme un lieu à même de répondre aux « désirs d’histoire »14des cariocas. Le garde-fou permettant à l’identité polyphonique de la Pedra do Sal de ne pas sombrer dans une cacophonie identitaire ne saurait se réduire à une solution univoque : c’est tour à tour, et tout à la fois, un panneau d’information sur l’histoire du lieu, un logo et un slogan, un répertoire et une certaine façon de jouer qui nous fait nous sentir « à la maison », une atmosphère de convivialité, une ouverture de la programmation musicale à des influences diverses, une bonne communication, mais pas trop massive, un respect pour les habitants mais une flexibilité de ces derniers…bref, l’équilibre fragile reliant entre elles les différentes versions de la samba authentique d’une part, et de la Pedra-do-Sal-haut-lieu-culturel d’autre part, tient à peu de choses. À un « esprit » peut-être…mais quelles informations, quelle connaissance de base de « la » culture brésilienne faut-il avoir en sa possession pour le ressentir, cet esprit ? Pour certains, le fait de maintenir ensemble cette diversité de versions de la diversité musicale de Rio de Janeiro est le seul gage d’une identité territoriale solide pour la Pedra do Sal : Alphonse Karr dirait que « plus elle change, plus elle restera la même chose ».Pour d’autres, la flexibilité des définitions de « la samba carioca des racines » est justement ce qui la rendra plus fragile face aux « vents venus d’ailleurs ». Ces vents qui, en fonction des personnes qui s’en préoccupent ou s’en inquiètent, prennent la forme de Jeux Olympiques ou de Coupe du Monde, de globalisation ou de mondialisation, de nouveaux « clusters » urbains ou de phénomènes de gentrification, ou encore de mise en spectacle des pratiques culturelles au détriment de la cohabitation quotidienne et harmonieuse des cultures.

« Jusqu’où peut-on accepter le changement » pour préserver la samba carioca des racines ? se demande Walmir, le joueur de cuíca de la roda du lundi soir. Qui sait, d’ici quelques années, la Pedra do Sal sera peut-être devenue le haut-lieu des musiques du monde à Rio de Janeiro et la samba des racines n’aura plus qu’à habiter l’évanescence dont est composée la musique : une samba des racines n’appartenant essentiellement ni aux mornes ni à la ville, ni à la Pedra do Sal ni à la Zone Sud, mais à tous les lieux potentiels où de la spontanéité puisse encore être « organisée ». Pour certains, dont Monarco da Portela, un des derniers grands témoins de l’âge d’or de la samba et du carnaval du Rio du milieu du XXe siècle, la réponse est toute trouvée : pour que la samba des racines de Rio ait lieu(x), il faut s’éloigner des quartiers de carte-postale et se rapprocher des quartiers populaires de la Zone Nord, peu accessibles en bus, encore moins en train ou métro, dans le jardinet privé d’une maison de sambista, au cours d’une fête d’anniversaire ou d’un mariage. Pour lui, il n’y a que dans ces lieux intimes du quotidien que la samba de Rio « pourra rentrer à la maison ».

Laura Jouve-Villard

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EHESS / Centre Georg Simmel.

Doctorante en Musique, Histoire et Société et chargée de séminaire, elle termine actuellement une thèse portant sur les lieux mythiques de la samba des racines à Rio de Janeiro, à l’aune des Jeux Olympiques (2009-2014). Son approche croise l’anthropologie de la musique et de la ville, la géographie, et les études patrimoniales.

jvlaura AT gmail DOT com

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Bibliographie

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  1. Pour une analyse de la candidature de Rio de Janeiro à la Liste de l’Unesco en tant que « paysage culturel » exemplaire, voir Ribeiro, 2013 ; et Zaman, 2013. []
  2. Voir le dossier de candidature « Rio de Janeiro. Paysages cariocas entre la montagne et la mer » consultable en ligne sur le site de l’Unesco. http://whc.unesco.org/uploads/nominations/1100rev.pdf (consulté en Mai 2014). Pour une mise en perspective critique du concept de « paysage culturel » à partir du cas de la candidature carioca, voir les travaux de Rafael Winter Ribeiro et notamment son article consultable en ligne à l’adresse suivante : http://vertigo.revues.org/13719 []
  3. Cidade Maravilhosa : surnom donné à la ville de Rio depuis les années 1930, qui s’est notamment cristallisé ainsi par une marche de carnaval composée en 1934 par André Filho. Cette chanson intitulée « Cidade Maravilhosa » est devenue l’hymne officiel de Rio de Janeiro le 25 Mai 1960. []
  4. Intitulé « Unity », ce clip a été dirigé par Fernando Meirelles, le réalisateur de la célèbre Cité de Dieu tourné dans la favela carioca éponyme en 2000-2002. Consultable en ligne sur http://vimeo.com/6916621 []
  5. Pour n’en citer que quelques-uns, voir l’article d’Alberto Lopes Najar et Sylvie Fégar consacré à la représentation de la division sociale à Rio de Janeiro, dans les émissions télévisées françaises au tournant des années 2000 (Féjar & Najar, 2003) et l’ouvrage du journaliste Zuenir Ventura, le premier à avoir introduit dans le vocabulaire académique brésilien la notion de “ville divisée” à propos de Rio de Janeiro. Parmi les nombreux reportages diffusés en 2014 sur les chaînes télévisées françaises, voir en particulier le documentaire de Julien Temple Rio 50 degrés celsius (2014 []
  6. La « ville divisée » qui apparaît dans les médias internationaux n’est pas l’apanage du cas carioca. Le point de vue sur São Paulo, Belo Horizonte, Porto Alegre, Recife entre autres est tout à fait similaire. La particularité de Rio de Janeiro dans le scénario médiatique des mouvement populaires de protestation réside uniquement dans le fait qu’à l’issue de la Coupe du Monde, la ville n’en aura pas terminé avec son agenda « méga-événementiel » puisqu’il restera l’organisation des Jeux Olympiques prévus pour mi-2016. Parmi les dossiers publiés par la presse française et francophone depuis le mois de mai 2014, voir en particulier celui du Courrier International consultable en ligne sur http://www.courrierinternational.com/dossier/2014/05/12/le-bresil et l’hebdomadaire n°1232 du 12 Juin intitulé « Brésil – la fête et la colère ». Voir enfin le webdocumentaire Copa para quem réalisé par Maryse Williquet en ligne sur http://www.copaparaquem.com/fr/. []
  7. http://www.dailymotion.com/video/x1rao84_mondial-2014-platini-le-bresil-faites-un-effort-pendant-un-mois-calmez-vous-25-04_sport []
  8. Paroles en français sur le site de Courrier International : http://mobile.courrierinternational.com/article/2014/04/11/l-hymne-anti-coupe-du-monde []
  9. Le réseau brésilien « O Globo », né en 1965 est l’une des entreprises de communication les plus influentes au monde. Le groupe médiatique a connu de multiples vagues de contestation des intellectuels brésiliens depuis le milieu de années 1980 (sur ce sujet consulter l’article d’Erika Thomas, professeure des universités en Cinéma et Etudes audiovisuelles à Lille ; Thomas, 2009). Les bureaux de la « Rede Globo » de Sao Paulo et de Rio de Janeiro étaient unes des cibles principales des manifestants de juin et juillet 2013. Ces mouvements d’opposition ont d’ailleurs conduit la chaîne à annuler la diffusion d’un match de la Coupe des Confédérations 2013 ainsi que celle de deux telenovelas, pour assurer la couverture médiatique des protestations populaires des grands centres urbains brésiliens. C’est à cette même période que l’organisation a reconnu dans son « edito » du 30 août 2013 avoir soutenu le coup d’état militaire de 1964, voir l’edito en ligne sur http://oglobo.globo.com/brasil/apoio-editorial-ao-golpe-de-64-foi-um-erro-9771604 []
  10. « gringo » : mot d’argot hispanique et lusophone utilisé en Amérique latine et au Brésil pour pointer (avec plus ou moins d’ironie selon le contexte) l’étranger, généralement états-unien ou à la peau claire. Au Brésil, ou en tout cas à Rio, pour ce que j’ai pu constater lors de mes recherches de terrain le terme « gringo » n’est pas nécessairement péjoratif. Il me semble dépendre pour une large part du degré d’altérité (physique, comportementale, langagière) du non-brésilien. Un Argentin à la peau claire peut être considéré « gringo » autant qu’un Américain. Pour une synthèse des travaux que l’anthropologue Thaddeus Blanchette, Américain enseignant à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro depuis une dizaine d’années, a mené sur le sujet, voir son article « In Brazil, not all gringos are created equal », paru dans la revue en ligne Brazzil le 6 Août 2005, consultée en décembre 2013 à l’adresse : http://brazzil.com/component/content/article/155-august-2005/9362.html []
  11. Cavaco ou cavaquinho : petite « guitare » à quatre cordes pincées, typique des ensembles de samba et de choro au Brésil. []
  12. Tambour à friction d’origine bantoue dont le son ressemble à un gémissement modulant entre une note très aigüe et une autre très grave, typique des baterias des écoles de samba de Rio. []
  13. Instrument de percussion idiophone d’origine africaine composé de deux cloches métalliques frappées à l’aide d’une baguette en bois. []
  14. J’emprunte l’expression à l’ethnologue Denis Laborde (Laborde, 2009). []

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