Les villes nord-américaines / L’impact des politiques de l’administration Trump sur les villes-frontières : regards croisés entre la frontière Mexique/États-Unis et la frontière Canada/États-Unis
Pierre-Alexandre Beylier et Cléa Fortuné
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En accord avec son approche nationaliste « America First », le Président Donald Trump a fait de la lutte contre l’immigration le fer de lance de sa politique, utilisant ainsi les frontières étatsuniennes comme un instrument central dans sa stratégie de contrôle des flux migratoires. Une telle approche n’est pas nouvelle et le président américain se situe, au contraire, dans la lignée du modèle dominant qui s’est imposé en Amérique du Nord et à travers le monde depuis les attentats du 11 septembre 2001. Un phénomène de « refrontiérisation » (rebordering) a eu lieu afin de sécuriser le territoire des États-Unis dans un contexte de lutte contre le terrorisme et, en parallèle, de lutte contre l’immigration irrégulière et le narcotrafic (Andreas, 2003 ; Popescu, 2012 ; Beylier, 2016). Toutefois, loin d’être univoque, ce phénomène cohabite avec un phénomène de « défrontiérisation » (debordering) qui a vu les frontières s’ouvrir aux échanges, ou se défonctionnaliser sous l’effet de la mondialisation.
Longtemps en position périphérique et marginalisées par les gouvernements nationaux (Herzog, 1991a ; Sohn et Lara, 2013), les villes-frontières ont gagné en centralité avec la défonctionnalisation des frontières (Herzog, 1991a ; Sparrow, 2001). Cette nouvelle centralité est visible dans la littérature qui s’est grandement développée depuis plus de vingt ans. Les auteurs se sont principalement intéressés à définir ce qu’est une ville-frontière afin d’en saisir la spécificité et le fonctionnement. Comme l’a démontré Buursink, une ville-frontière n’est pas seulement une ville qui se situe à la frontière mais une ville dont l’existence dépend de la frontière (Buursink, 2001 : 7-8). Les auteurs ont donc étudié les liens qu’une ville-frontière entretient avec la ligne internationale en identifiant une série de critères qui offre une grille d’analyse intéressante. Ces critères sont de quatre types : morphologiques en rapport avec le bâti et le tissu urbain (Buursink, 2001 ; Ehlers, 2001 ; Reitel, 2013) ; fonctionnels, en termes de flux de personnes et de marchandises (Foucher, 1991 ; Herzog, 1990 ; Gay, 2004 ; Reitel, 2013) ; institutionnels pour ce qui est de la coopération et la gouvernance transfrontalière (Buursink, 2001 ; Ehlers, 2001 ; Reitel, 2013 ; Jańczak, 2013 ; Ganster et Collins, 2017) ; ou culturels en matière de sentiment d’appartenance à une région de part et d’autre de la frontière (Bucken Knapp, 2001 ; Buursink, 2001 ; Kaisto, 2017). Ces critères permettent d’évaluer la façon dont une ville-frontière transcende la frontière et devient donc une ville transfrontalière. Dans certains cas, la ville en question est « dupliquée » et les liens mentionnés ci-dessus définissent un « binôme urbain » ou des villes jumelles qui définissent un bassin de vie transfrontalier en raison des liens qui les unissent (Buursink, 2001 ; Letniowska, 2002 ; Gay, 2004). La plupart de ces études s’intéressent à un binôme urbain ou une ville-frontière en particulier, notamment les villes les plus importantes en termes de taille, à l’instar de San Diego/Tijuana (Sparrow, 2001 ; Ganster and Collins, 2017) ou Detroit/Windsor (Brunet-Jailly, 2000) pour ce qui est de l’Amérique du Nord, mais les approches comparatives sont assez rares.
Les villes-frontières offrent donc un prisme d’analyse intéressant des relations que des États voisins entretiennent entre eux, à petite et à grande échelle. Par ailleurs, elles se trouvent désormais au centre de la dialectique rebordering/debordering, jouant ainsi un rôle particulier à l’échelle nationale, puisque ce sont elles qui permettent de contrôler ce qui rentre et sort du pays. En d’autres termes, c’est à la frontière, et plus précisément dans les villes frontières, que s’appliquent certaines des politiques mises en place par le gouvernement que ce soit en matière de sécurité, d’immigration, de commerce international, de lutte contre les narcotrafics et, plus récemment, en matière de protection sanitaire dans le contexte de la pandémie liée au Coronavirus. Si cette situation leur confère un rôle particulier et central dans ces domaines, les auteurs s’accordent pour dire que les politiques mises en place par les gouvernements nationaux vont parfois à l’encontre des intérêts des villes-frontières et que ces dernières ne sont que très rarement consultées (Letniowska, 2002 ; Konrad et Everitt, 2011 ; Laine, 2017 ; Ganster et Collins, 2017 ; Fortuné, 2020). Ce phénomène n’est pas propre à l’Amérique du Nord : il touche les villes-frontières dans leur ensemble. Toutefois, cet article souhaite s’intéresser à l’impact que certaines de ces politiques, notamment en matière de sécurité, ont sur les populations frontalières étatsuniennes, dans la mesure où l’Amérique du Nord a été le premier théâtre de ce phénomène de refrontiérisation.
Nous nous proposons donc d’examiner ici l’un des critères définissant les villes-frontières, à savoir les liens fonctionnels qu’elles entretiennent à travers la ligne internationale, et plus spécifiquement la mobilité transfrontalière, en suivant une approche comparative. L’objectif est d’examiner l’impact que les mesures sécuritaires mises en place depuis les attentats du 11 septembre 2001, et grandement renforcées depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, ont eu sur les liens qui unissent les binômes urbains aux frontières nord-américaines.
Pour ce faire, nous avons choisi de comparer deux binômes urbains qui représentent deux régimes frontaliers différents et qui ont fait l’objet d’un travail de terrain en 2019 – Nogales (Arizona)/Nogales (Sonora) à la frontière Mexique/États-Unis et Blaine (Washington)/White Rock (Colombie-Britannique) à la frontière Canada/États-Unis (Figure 2). Ces deux binômes urbains de taille moyenne sont fondés sur une relation de dépendance entre les deux côtés de la frontière : de par le mouvement de leurs résidents d’un pays à l’autre, ils entretiennent des relations économiques et culturelles. Chaque année, le nombre de véhicules qui traversent d’un côté ou de l’autre est assez similaire pour les deux binômes (en 2019, sept millions de véhicules ont traversé entre les deux Nogales et sept millions entre Blaine et White Rock) (Bureau of Transportation Statistics, 2019). Toutefois, on note aussi des différences entre ces deux binômes. À Nogales (Arizona), la population est à 94,6 % hispanique, tandis qu’à Blaine les Hispaniques ne représentent que 5 % de la population. De plus, si les deux binômes sont localisés à une frontière internationale, les politiques sécuritaires y diffèrent. En effet, le tissu urbain des deux Nogales est séparé par une présence sécuritaire forte (barrière, présence de centaines d’agents fédéraux qui contrôlent les points d’entrée) qui n’a eu de cesse de se renforcer depuis les années 1990, tandis que Blaine et White Rock ne sont séparés que par deux points d’entrée au milieu d’une route qui coupe la frontière. Prenant en compte ces ressemblances et différences, nous nous sommes demandés si les mobilités et les représentations des habitants frontaliers étaient transformées de la même façon aux deux frontières étatsuniennes ou si elles présentaient des différences. En d’autres termes, les villes frontalières nord-américaines sont-elles structurées par les mêmes phénomènes ou y a-t-il des spécificités selon la frontière ?
Pour évaluer les habitudes des résidents dans ces deux binômes urbains, nous avons mené des sondages d’une dizaine de questions similaires, en anglais et en espagnol. Les questions portaient sur l’âge des résidents, leur résidence, leur fréquence de traversée de la frontière, les raisons de traversée, les répercussions de l’élection de Donald Trump sur leur mobilité ou encore leurs représentations de la frontière (voir Figure 1)1. Les entretiens ont été menés dans les quatre villes, aux points d’entrée et dans les centres touristiques. Nous avons obtenu 123 réponses à Nogales/Nogales et 129 réponses à Blaine/White Rock, de résidents féminins comme masculins, âgés de moins de 18 ans à plus de 65 ans. Après avoir présenté le cadre théorique que nous allons utiliser, nous présenterons les résultats de nos enquêtes.
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Les représentations pour penser la motilité
Mobilité et motilité en contexte frontalier
Plus qu’un simple « franchissement de l’espace » (Lévy et Lussault, 2013 : 677) ou qu’un simple déplacement (Belton-Chevalier et al, 2019 : 9), la mobilité est la manifestation d’un rapport que les individus entretiennent avec l’espace qu’ils habitent, de façon dynamique selon deux variables : la temporalité – longue ou courte – et leur cadre géographique – à l’intérieur ou l’extérieur d’un bassin de vie (Schuler, 1997) (Figure 3). Comme nous nous intéressons aux mobilités en contexte frontalier, nous avons décidé de nous focaliser avant tout sur les déplacements quotidiens qui ont lieu par-delà la frontière afin de voir dans quelle mesure ces flux peuvent définir un bassin de vie transfrontalier que les résidents s’approprient à travers leurs pratiques.
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Pour ce faire, il nous semble pertinent de mobiliser le concept de « motilité » emprunté à la sociologie urbaine. Défini par Vincent Kaufmann, Manfred Max Bergman et Dominique Joye comme « la capacité des entités […] à être mobiles dans l’espace social et géographique, ou comme la manière dont les entités accèdent à la capacité de mobilité socio-spatiale et se l’approprient en fonction des circonstances », la motilité permet d’aborder la mobilité comme un mouvement potentiel, selon les conditions qui structurent ce mouvement (Kaufmann et al., 2004 : 749-750). On envisage ainsi la mobilité non plus comme un acte purement physique lié à un déplacement, mais on tente de saisir les forces sociales et sociologiques qui le structurent en tant que « capacité à se mouvoir ». Ces forces qui façonnent nos déplacements sont au nombre de trois, autour desquelles Kaufmann articule son modèle. La première, l’accès, concerne la présence d’infrastructures de transports, la position socio-économique des individus ainsi que la répartition de la population. La seconde, la compétence, a trait aux « capacités physiques » dont est doté l’individu, à ses « compétences acquises » par rapport notamment aux réglementations auxquelles il est soumis et aux documents qu’il doit fournir, et enfin, à ses « compétences organisationnelles ». La troisième, l’appropriation, met en jeu la façon dont les individus considèrent et sélectionnent les différentes options qui se présentent à eux (Kaufmann et al., 2004 : 750).
Dans le contexte des villes-frontières qui sont séparées – et reliées – par une ligne internationale, la question de la mobilité prend toute son ampleur. Selon la théorie des flux (flow approach), la frontière agit comme une barrière artificielle qui distord des interactions qui auraient normalement lieu sans elle (Herzog, 1991b : 29). Or cet effet-frontière fait partie des « contraintes territoriales au mouvement des marchandises et des personnes » qui est identifié comme l’une des lacunes dans les études de la mobilité (Kaufmann, 2004 : 752). Notre étude souhaite donc s’intéresser à l’obstacle que constitue la frontière en raison des mesures de sécurité qui y ont été déployées depuis près de vingt ans (Amilhat Szary, 2013). Toutefois, une frontière est également ambivalente, à la fois coupure et suture (Raffestin, 1986 ; Pradeau, 1994 : 5 ; Paasi, 2009 ; Amilhat Szary, 2020), pour reprendre l’expression consacrée, qui sépare et met en contact, qui entrave les flux mais les stimule également, en raison des différentiels qu’elle induit. C’est donc dans ce cadre ambivalent que nous nous proposons de réfléchir à la mobilité transfrontalière en analysant le rôle de facilitateur ou d’entrave que joue la frontière et en s’intéressant aux liens fonctionnels qui unissent les villes de part et d’autre de cette dernière, les fameuses « villes-jumelles ». Car à travers ces liens, ce qui se joue c’est le « degré de connectivité » (Reitel, 2013 : 245) qui en fait toute la spécificité. En d’autres termes, il s’agir de voir en quoi la mobilité contribue à la formation d’un bassin de vie transfrontalier ou d’un « espace géographique fonctionnel transfrontalier » (Herzog, 1991b : 135).
Les travaux généraux sur la mobilité s’intéressent rarement aux villes se trouvant en contexte frontalier (Montulet, 2005 ; Jensen, 2011 ; Kaufmann et al., 2014 ; Konrad, 2015 ; Kaufmann, 2017 ; Belton-Chevalier et al., 2019). La plupart des études analysent un type de mobilité, que ce soit le shopping transfrontalier (Revel-Mouroz, 1980 ; Van der Velde, 2010 ; Sullivan, 2012 ; Baruca, 2013), les travailleurs transfrontaliers (Cobb, 1989 ; Herzog 1990 ; Kopinak 2013) ou encore le tourisme médical (Oberle et Arreola, 2004 ; Judkins 2007 ; Miller-Thayer, 2010 ; Lapeyrouse, 2014). Si ces différents types de mobilité ont, comme point commun, le fait qu’elle se base sur des différentiels qui stimulent les déplacements, il est rare de les appréhender dans leur globalité. Parce qu’elle peut être considérée « sous-surveillance » et qu’elle est captée par des points d’entrée précis (gates), la mobilité transfrontalière fait partie des « nouvelles mobilités » mises en évidence par Mimi Sheller et John Urry (2016 : 212) Nous nous proposons donc, dans cet article, d’avoir une approche globale, en envisageant tous les types de mobilités « à court terme » aux frontières Canada/États-Unis et Mexique/États-Unis, dans le contexte sécuritaire qu’elles connaissent depuis près de vingt ans.
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Les représentations, une notion qui structure la mobilité
Puisque la motilité permet d’analyser les forces qui façonnent les déplacements, qu’elles concernent la motivation, la volonté des individus, leurs stratégies ou les opportunités qui s’offrent à eux (Baud, 2013 : 319), nous nous proposons de développer les représentations, qui façonnent les piliers de la compétence et de l’appropriation (Francou et Pelgrims, 2019) afin de voir comment le territoire géographique et la perception de ce dernier avec les spécificités qu’il revêt en contact frontalier, influent sur la mobilité. De nombreux auteurs ont déjà réfléchi sur le lien qui existe entre les perceptions que les individus ont de la frontière et leurs pratiques de celle-ci (Di Méo, 1994 ; Letniowska-Swiat, 2002 ; Jensen, 2011 : 255 ; Perrin et Considère, 2017). Nous souhaitons ici inclure ce pilier dans une analyse plus globale de la mobilité.
Depuis son développement dans les années 1960, de nombreux auteurs – au carrefour de plusieurs disciplines – ont montré que représentations et pratiques de l’espace entretiennent une relation réciproque3. Pour la géographie, qui a repris ce concept à la fin des années 1970 afin d’étudier les représentations spatiales et urbaines (Duarte, 2018 : 4), ces dernières sont « des construits qui expriment un espace » (Lévy et Lussault, 2013 : 868). Plus récemment, la sociologie a apporté sa pierre à l’édifice pour étudier les représentations « en tant que systèmes d’interprétation régissant notre relation au monde » (Jodelet, 1989 : 53). Ce que ces travaux analysent, c’est le rapport que les individus développent avec leur environnement et, finalement, tous s’accordent pour dire que représentations et pratiques sociales entretiennent une relation réciproque (Lévy et Lussault, 2013 : 86 ; Bonardi et Roussiau, 2014 : 13 ; Mannoni, 2016 : 38 ; Molinier, 2019 :18), la représentation étant une « réalité appropriée [et] reconstruite. Elle précède et détermine l’action [mais est également] déterminée par la pratique des relations » (Abric, 2016 :17-24). On rejoint sur ce point la distinction que fait Lefebvre entre « espace conçu », façonné par les représentations, et « espace vécu », tel qu’il est pratiqué en termes de mobilité (in Duarte, 2018 : 4), sachant que les deux se nourrissent et se façonnent mutuellement.
Quand on voit à quel point les frontières sont présentes dans le paysage politico-médiatique depuis près de vingt ans et d’autant plus sous la présidence Trump, et à quel point elles ont changé de signification, il parait intéressant dès lors d’analyser, dans un premier temps, comment les habitants des villes-frontières perçoivent la frontière et ensuite si leurs représentations influencent leur motilité. Nous nous proposons d’appliquer le modèle de Vincent Kaufmann, en ajoutant le pilier de la représentation, afin de voir en quoi ces images subjectives influent la façon dont l’individu prend une décision et envisage l’espace des villes-frontières : le bassin de vie se déploie-t-il d’un côté de la frontière ou bien est-il transfrontalier ?
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Des inégalités et des représentations inattendues aux frontières États-Unis/Canada et États-Unis/Mexique sous l’administration Trump
Une législation inégale aux deux frontières étatsuniennes
Les réglementations pour entrer aux États-Unis ont évolué depuis les attentats du 11 septembre 2001, quand l’administration Bush a procédé à un renforcement des frontières pour lutter contre le terrorisme, les trafics de drogues et l’immigration irrégulière, en imposant des contrôles et des critères d’entrée plus stricts aux points d’entrée. Auparavant, pour rentrer sur le territoire étatsunien, il suffisait d’un permis de conduire, d’un certificat de naissance prouvant sa nationalité ou même parfois d’une simple déclaration orale. Mais depuis 2009, la Western Hemisphere Travel Initiative (l’initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental) impose à toute personne de posséder un passeport ou un autre type de document pré-approuvé pour pouvoir traverser l’une des deux frontières terrestres. En termes de réglementation, la lutte antiterroriste a donc grandement durci la frontière, créant ainsi un obstacle à la mobilité, aussi bien entre le Canada et les États-Unis qu’entre le Mexique et les États-Unis.
Lors de notre enquête, nous avons étudié les capacités des individus à traverser la frontière en prenant en compte les réglementations en vigueur (besoin d’un visa, passeport, permis de conduire, etc.) qui régulent les flux frontaliers notamment depuis 2001, et qui permettent ou empêchent de traverser la frontière. Cet aspect constitue l’un des piliers de la motilité définit par Vincent Kaufmann, à savoir la compétence. Elle se caractérise par « les savoir-faire acquis permettant de se déplacer et les capacités organisationnelles, comme la manière d’agencer ses activités dans le temps et l’espace, ou la manière de les planifier » (Kaufmann, et al., 2005 : 201). Si les proportions des individus qui disent ne jamais traverser la frontière sont quasi similaires pour Nogales/Nogales (12 %) et Blaine/White Rock (13 %), les raisons en sont en revanche différentes. À Blaine/White Rock, 26 % des individus ont déclaré ne pas traverser la frontière en raison de l’absence de passeport, et 23 % pour des questions de casier judiciaire : au Canada, une conduite sous l’emprise de drogues ou d’alcool (Driving Under Influence) est considérée comme un crime qui empêche les ressortissants étatsuniens de traverser la frontière vers le Canada. Parmi les enquêtés de Nogales/Nogales qui ne peuvent pas traverser la frontière, 46 % affirment que c’est en raison de l’absence de papiers nécessaires – passeport, visa –, et 26 % mettent en avant le fait qu’ils ont été expulsés du territoire étatsunien, ce qui les empêche de retourner aux États-Unis.
Par ailleurs, des visas ont été imposés – les Border Crossing Cards (visas de traversée de la frontière) – pour les résidents mexicains qui souhaitent entrer aux États-Unis, mais cette réglementation ne s’applique pas aux résidents canadiens. Ceux-ci étant coûteux, ils créent un obstacle supplémentaire à la traversée de la frontière et une distinction très nette entre la frontière mexicaine et canadienne. Les frontières nord et sud des États-Unis ne sont donc pas uniformisées, créant un « phénomène de dissymétrie croissante » (Amilhat Szary, 2013 : 12). Cette inégalité se reflète également dans les programmes de facilitation de traversée de la frontière. Des cartes comme SENTRI (Secure Electronic Network for Travelers Rapid Inspection, ou Réseau électronique de sécurité pour une inspection rapide des voyageurs) ou Nexus permettent de faciliter et d’accélérer le contrôle frontalier des flux des voyageurs pré-approuvés et considérés par l’administration étatsunienne comme représentant un risque faible. Cette carte coûte environ 160 dollars par an. Or, parmi les enquêtés, 18 % seulement sont détenteurs de cette carte à Nogales/Nogales, contre 53 % à Blaine/White Rock. En dépit de la politique « one-face at the border » mise en place sous l’administration Bush pour unifier les contrôles agricoles, douaniers et migratoires, les personnes qui résident à la frontière États-Unis/Mexique font face à davantage de restrictions administratives, ce qui crée des inégalités.
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Le paradoxe d’une frontière américano-mexicaine plus sécurisée et plus traversée, contre une frontière américano-canadienne moins contraignante et moins traversée
Contrairement à la frontière États-Unis/Canada, la frontière États-Unis/Mexique fait l’objet d’une attention politique et médiatique depuis les années 1990 lorsque l’accord de libre-échange nord-atlantique a été signé, marquant simultanément l’ouverture des frontières pour la circulation des biens et des marchandises, et sa fermeture par la mise en place de barrières pour stopper les mouvements irréguliers. Si c’est l’administration Clinton qui a installé les premières barrières physiques, elles ont renforcées sous l’administration Bush par des outils technologiques de surveillance. L’administration Obama a quant à elle mis en place des barrières doubles séparées par des fossés surmontés de fils barbelés. Pour répondre à sa promesse électorale, l’administration Trump a fait remplacer des barrières existantes par des barrières hautes de neuf mètres sur près de 800 kilomètres, surmontées de fils barbelés (Figure 4).
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Les mesures sécuritaires différentes aux deux frontières ont dès lors renforcé les inégalités de mouvement. Nous avons donc décidé d’analyser l’accès à la mobilité des résidents des deux binômes urbains pour déterminer l’impact de ces mesures sécuritaires. L’accès est un deuxième pilier de la motilité définit par Vincent Kaufmann. Il est contraint par des options et des conditions (Kaufmann et al., 2004 : 750), telles que la position socio-économique des individus (et donc leurs représentations), la répartition de la population sur le territoire, l’infrastructure – par exemple les points d’entrée frontaliers, comme ceux de Mariposa, de Morley Gate et de Deconcini entre Nogales et Nogales ou ceux de Peace Arch et Pacific Highway entre Blaine et White Rock – et l’accessibilité aux moyens de transports. Ces éléments déterminent la fréquence de la traversée des résidents.
C’est donc sur la fréquence de traversée que nous avons appuyé une partie de notre enquête, afin de déterminer l’accès des enquêtés à la frontière. Des portraits différents ont pu être observés aux deux frontières. À Nogales/Nogales, la majorité des enquêtés ont dit traverser la frontière plusieurs fois par semaine (21 %), plusieurs fois par an (14 %), ainsi que plusieurs fois par jour (13 %). À Blaine/White Rock, les fréquences de traversée les plus communes sont plusieurs fois par an (30 %), plusieurs fois par mois (16 %) et une fois par an (13 %) (Figure 5). La frontière est donc plus active et davantage ancrée dans le quotidien des habitants à Nogales/Nogales. Ces derniers semblent plus unis par la frontière que les résidents de Blaine/White Rock, pour qui la frontière a davantage un rôle périphérique.
Dans la mesure où la sécurité frontalière est beaucoup moins renforcée sur le tracé septentrional (moins d’agents fédéraux y sont déployés, la frontière n’est pas divisée par des barrières, etc.), ces résultats paraissent surprenants. La traversée de la frontière entre Blaine et White Rock, d’un côté comme de l’autre, se fait en quelques minutes la plupart du temps – elle peut néanmoins prendre une ou deux heures certains soirs ou le week-end. En revanche, les files d’attente sont beaucoup plus longues du côté mexicain, où la frontière se traverse généralement en plusieurs heures, et ce quel que soit le jour de la semaine ou le moment de la journée (Figure 6). Si du côté mexicain la frontière est traversée en permanence malgré le temps d’attente et la présence sécuritaire (agents de la sécurité, barrière, etc.), il en est autrement à la frontière américano-canadienne puisqu’un tiers des sondés affirment traverser la frontière moins fréquemment depuis quelques années.
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Des motivations de traversée de la frontière similaires
Le troisième pilier de la motilité est l’appropriation, soit la façon dont les individus interprètent et sélectionnent les différentes options qui se présentent à eux pour traverser la frontière (Kaufmann et al., 2004 : 750). Pour analyser la façon dont les résidents s’approprient la frontière, nous nous sommes demandé quelles sont les raisons qui les poussent à la traverser. Que ce soit à la frontière mexicaine ou à la frontière canadienne, les raisons sont relativement similaires (Figure 8). Les enquêtés traversent pour les loisirs, pour rendre visite à leur famille et à leurs amis, ou encore pour le shopping. Cela peut s’expliquer par les liens culturels et économiques qui caractérisent les deux régions frontalières. À Nogales/Nogales, les enquêtés ajoutent une raison supplémentaire, celle du tourisme médical (aller chez le dentiste, l’ophtalmologiste, etc.), un facteur économique important des villes frontalières mexicaines. En effet, ce voyage à l’étranger basé sur le besoin d’un traitement médical ou l’approvisionnement en médicaments est entrepris en raison des coûts prohibitifs des soins aux États-Unis, et moins onéreux du côté mexicain (Judkins, 2007). De plus, les personnels médicaux mexicains insistent sur le fait qu’ils parlent anglais, comme le montre la photo ci-dessous où l’on peut lire sur le panneau de gauche « DENTISTE, anglais parlé ». Il est donc courant de croiser des Étatsuniens ayant pris leur journée pour aller chez le médecin et profitant d’être au Mexique pour faire quelques courses (Figure 7). Loin d’être étanches, les différentes catégories de mobilité transfrontalière identifiées plus haut sont, au contraire, poreuses. On peut parler, pour certains résidents, de multi-mobilité, ou de mobilité multiple, l’hypothèse étant que traverser la frontière est devenue tellement difficile que les résidents rentabilisent le temps passé de l’autre côté. En effet, peu d’entre eux donnent une raison unique à leur traversée de la frontière.
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Nous mettons en avant l’idée que cette appropriation de la frontière se décline sous la forme des représentations. Comment les représentations façonnent-elles la motilité en influençant la prise de décision liée à cette motilité ? Quel est l’impact de la présidence de Donald Trump et de sa rhétorique sécuritaire et anti-immigration sur les représentations des habitants et leur motilité ?
« We have a real problem, and it is called T.R.U.M.P »
Lors de ses deux campagnes présidentielles, Donald Trump avait pour slogan « Construisons le mur » en 2016 et « Construisons le mur et il n’y aura plus de crime » en 2020, établissant un parallèle entre migrants irréguliers et criminels qui ne pourraient plus traverser la frontière grâce à un mur (Reilly, 2016). Tout au long de son mandat, il n’a eu de cesse d’accuser les Mexicains d’être des « criminels » et des « violeurs » dans des discours anti-migrants et anti-mexicains qui focalisaient l’attention politique et médiatique sur la frontière États-Unis/Mexique en particulier4). Nous nous sommes donc demandés dans quelle mesure l’élection de Donald Trump avait eu des répercussions sur la façon dont les résidents de Nogales/Nogales et Blaine/White Rock interagissaient avec la frontière, en nous appuyant sur leurs représentations.
Pour 53 % des résidents de Nogales/Nogales, l’élection de Donald Trump a engendré des répercussions sur leurs représentations de la frontière. Des enquêtés ont souligné que les Étatsuniens ont « un réel problème et il s’appelle T.R.U.M.P », précisant que le président est « raciste » et qu’il « n’aime personne d’autres que les blancs ». D’autres enquêtés précisent que les répercussions de l’élection de Donald Trump concernent les contrôles lors de la traversée de la frontière, où les douaniers ont des attitudes agressives, et posent des questions beaucoup plus intrusives, augmentant ainsi les temps d’attente. Toutefois, l’un d’entre eux précise que si l’élection de Donald Trump a entraîné des complications pour traverser la frontière, les dynamiques culturelles transfrontalières sont restées intactes. Les conséquences de l’élection de Donald Trump se font donc sentir dans l’organisation et les expériences – vécues comme plus stressantes – de traversée de la frontière, plutôt que sur la mobilité elle-même. Les résidents continuent en effet de traverser d’un pays à l’autre, perpétuant ainsi les liens transfrontaliers.
À Blaine/White Rock, la question n’a pas été posée de façon aussi directe. Toutefois, cette enquête est tirée d’une enquête plus large qui étudie la région transfrontalière de Cascadia entre Vancouver et Seattle. Parmi les personnes qui disent traverser la frontière moins fréquemment, 23 % ont mentionné le « climat politique », ou ont simplement indiqué « Trump » pour expliquer le fait qu’ils se détournent de la frontière.
Ensuite, dans les deux cas, afin de mieux cerner les représentations des résidents, nous avons demandé aux sondés de donner trois mots pour décrire la frontière. Pour analyser ces données nous avons opté pour un nuage de mots qui nous a permis d’obtenir une représentation des données quantifiées selon leur fréquence. Du côté canadien, les mots les plus utilisés sont « sécurité » (15), « sûreté » (Safety) (9), « nécessaire » (7 occurrences dont trois fois dans l’expression « mal nécessaire ») et la question de l’attente ou des temps d’attente (Wait/Waiting) (7). Du côté mexicain, les mots les plus fréquemment donnés sont : « bien » (14), suivi de mots qui ont trait aux files d’attente – « lent » (14), « très fréquenté » (9), « attente » (9) –, puis de « vie » (7), « shopping » (6) et « tranquila » (5) que l’on pourrait traduire par « serein/calme » (Figure 9).
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Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, c’est à la frontière américano-canadienne que les termes de sécurité sont utilisés pour décrire la frontière, sans que ce terme ne soit mentionné une seule fois par les résidents de la frontière américano-mexicaine alors même que c’est la plus sécurisée. Si les résidents de Blaine/White Rock mettent en avant le sentiment de sécurité et de sûreté comme mal nécessaire, entrant ainsi en résonance avec les discours politiques étatsuniens, les termes utilisés pour décrire la frontière américano-mexicaine sont des termes globalement positifs. C’est même à cette frontière sud, où les temps d’attente sont les plus mis en avant car ils compliquent les traversées, que la traversée est la plus fréquente, et ce malgré le renforcement des mesures sécuritaires. De façon encore plus surprenante, les mots les plus positifs (« bien », « serein/paisible ») sont utilisés à la frontière Mexique/États-Unis par des personnes d’origine mexicaine. Cela peut s’expliquer par la culture frontalière dont les influences des deux pays rythment le quotidien des résidents par la nourriture, la langue parlée (le Spanglish) ou encore les valeurs familiales. Du côté mexicain, plusieurs personnes attirent l’attention sur la spécificité de la vie à Nogales : « J’aime vivre dans une ville frontalière, ce n’est pas aussi dangereux que ce que les gens croient », ou encore « Couvrir la frontière de fils barbelés envoie un message erroné où Nogales est une zone de guerre alors que c’est une ville dynamique ». Ces résidents attirent l’attention sur le fossé qui existe entre leur expérience personnelle et les représentations que les autres Étatsuniens ont de la frontière.
Conclusion
Les politiques frontalières mises en place depuis quelques années, ainsi que la rhétorique sécuritaire de Donald Trump, ont indéniablement influencé les représentations que les résidents des villes-frontières ont de la frontière. Parce qu’ils ressentent les effets de ces politiques, notamment les temps d’attente, cela façonne leur perception. Pour certains, les politiques sécuritaires ont pour effet qu’ils se détournent de la frontière, en la traversant moins fréquemment, notamment entre les États-Unis et le Canada.
Cette étude met toutefois en évidence deux paradoxes. Si le dispositif frontalier est plus important sur le front mexicain, de façon surprenante la frontière demeure davantage ancrée dans le quotidien de ses habitants que sur le front canadien. Par ailleurs, si du côté mexicain les temps d’attente sont beaucoup plus longs, c’est du côté canadien qu’une perception négative de la frontière est davantage présente. Est-ce une intériorisation des pratiques ou un refus de s’exprimer négativement sur le sujet pour les résidents mexicains ? S’agit-il d’une nécessité pour les résidents à la frontière États-Unis/Mexique de traverser d’un pays à l’autre, dans un souci économique ? Une étude plus approfondie serait nécessaire pour répondre à ces questions et analyser davantage le processus d’ancrage des représentations.
Les mesures et les discours autour de la sécurité à la frontière ont eu des répercussions sur les expériences et l’organisation de la traversée des résidents. Ces derniers se sont néanmoins adaptés aux mesures sécuritaires (temps d’attente, contrôles plus poussés, expériences de racisme, etc.). De ce fait, ils maintiennent les relations et les pratiques transfrontalières qui caractérisent ce « bassin de vie transfrontalier » (Foucher, 1991 ; Reitel, 2002) qui fait la spécificité des villes-frontières. La « connectivité » (Reitel, 2013 : 245) des villes jumelles n’est donc pas remise en question et les liens fonctionnels qui structurent ce bassin de vie transfrontalier se sont adaptés au paradigme sécuritaire qui s’est imposé depuis 2001.
Une piste de recherche future serait d’analyser l’impact qu’a la fermeture des frontières états-uniennes depuis le 21 mars 2020 en raison de la crise sanitaire. Les liens ayant étant coupés pendant plus d’un an, la crise a-t-elle entraîné la recomposition de ce bassin de vie transfrontalier ?
PIERRE-ALEXANDRE BEYLIER ET CLÉA FORTUNÉ
Pierre-Alexandre Beylier, Maître de conférences en civilisation nord-américaine à l’Université Grenoble-Alpes et rattaché au laboratoire ILCEA4. Il travaille sur les questions de sécurité aux frontières états-uniennes ainsi que sur les villes-frontières.
pierre-alexandre.beylier@univ-grenoble-alpes.fr
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Cléa Fortuné, ATER à l’Université Grenoble Alpes, et rattachée au laboratoire CREW (Center for Research on the English-Speaking World) de la Sorbonne Nouvelle. Elle étudie la sécurité à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, ses impacts sur les résidents frontaliers et sur les migrants.
clea.f@hotmail.fr
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Couverture : Frontières Blaine (Washington)/White Rock (Colombie Britannique) et Nogales (Arizona)/ Nogales (Sonora) (P.A. Beylier et C. Fortuné, 2019)
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Pour citer cet article : Beylier P.A. et Fortuné C., 2021, « L’impact des politiques de l’administration Trump sur les villes-frontières : regards croisés entre la frontière Mexique/États-Unis et la frontière Canada/États-Unis », Urbanités, Dossier / Les villes nord-américaines à l’ère de Trump, novembre 2021, en ligne.
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- Les questions posées ont été les suivantes : où habitez-vous ? À quelle distance de la frontière vivez-vous ? À quelle fréquence et comment traversez-vous la frontière ? Pourquoi traversez-vous la frontière ? Faites-vous partie d’un programme de facilitation ? L’élection de Donald Trump a-t-elle eu un impact sur votre interaction avec la frontière et pourquoi ? etc. [↩]
- Les points en rouge sur la carte (White Rock/Blaine et Nogales/Nogales) représentent les villes frontalières étudiées dans l’article. Les points en noirs représentent des binômes frontaliers importants aux frontières Mexique/États-Unis et Canada/États-Unis. [↩]
- La notion de représentation est née grâce à la sociologie. Elle a été développée dans les années 1960 par la psychologie puis par la géographie, et offre un cadre conceptuel qui nous permet de mieux saisir les enjeux qui façonnent les villes-frontières et la mobilité. Selon Lévy et Lussault, « la représentation ne s’apparente pas à un double du réel. Elle en est toujours une interprétation » (Lévy et Lussault, 2013 : 866). Nous avons donc affaire à une « production d’images » (Mannoni, 2016 : 8) ou à une « vision du monde » (Abric, 2016 : 15) qui est le résultat d’une (re)construction. Cette construction est le résultat de différentes forces – nos propres opinions, les médias, nos croyances (Moscovici, 1961) ou encore la situation et le contexte social et idéologique de l’individu (Abric, 2016 : 17). Selon le modèle « socio-génétique », les représentations sont vues comme un processus allant de « l’objectivation » à « l’ancrage » : « c’est avant tout dans l’interaction et au contact des discours circulant dans l’espace public que se forgent les représentations » (Molinier, 2019 : 26). [↩]
- Par exemple, lors de la campagne présidentielle de 2016, Donald Trump a décrit les Mexicains comme des « violeurs » (Mark, avril 2018). En 2018, il employait le terme d’« animaux » pour parler des immigrants en situation irrégulière (Oliphant et Esposito, mai 2018 [↩]