Les villes nord-américaines / Les Six de Chicago. Renouveau socialiste et coalitions sociales depuis 2016

Clément Petitjean

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Le contexte politique inauguré par l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis dépasse la simple figure individuelle ou même l’arène électorale. Il marque plutôt la fin du consensus qui prévalait parmi les élites étatsuniennes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et au centre duquel figuraient la croyance dans le génie des institutions politiques, le rôle international des États-Unis, ou encore l’anticommunisme. Pour certain·es, l’élection présidentielle de 2016 constitue donc la dernière élection de la guerre froide (Rana, 2018). D’abord, la campagne de Trump puis sa victoire signalent un retour sur le devant de la scène politique d’un suprémacisme blanc à visage découvert. Si celui-ci n’avait pas disparu de l’univers politique du Parti républicain et d’une partie de l’électorat, il avait été retraduit par les experts en communication politique en termes euphémisés renvoyant implicitement à un imaginaire raciste (Haney-López, 2014). Ensuite, la candidature de Bernie Sanders à l’investiture démocrate a fait exister des revendications politiques en faveur de la redistribution des richesses et de la lutte contre les inégalités sociales (système de santé universel, taxation des plus riches, gratuité de l’enseignement supérieur, défense des travailleuses et des travailleurs, etc.) abandonnées de longue date par un Parti démocrate soucieux de s’adresser aux intérêts des classes moyennes et supérieures urbaines et surdiplômées. Même si la campagne de Sanders n’a pas abouti à sa nomination, elle alimente une politisation à gauche et une ouverture de l’espace des possibles qui, selon certain·es analystes, participe à « détoxifier » la perception qu’on se fait du socialisme aux États-Unis (Day et Uetricht, 2020).

Or Chicago occupe une place particulière dans ce processus. Les élections municipales du printemps 2019 voient Lori Lightfoot, ancienne avocate et procureure fédérale, devenir la première maire noire et lesbienne d’une grande ville étatsunienne. Si l’élection de Lightfoot est fortement médiatisée aux États-Unis comme à l’étranger, ce scrutin municipal est caractérisé par un phénomène moins remarqué mais idéologiquement plus significatif : parmi les 50 élu·es du conseil municipal, six1 revendiquent ouvertement l’étiquette « democratic socialist ». Peu de temps après l’élection, elles et ils forment un socialist caucus, c’est-à-dire un groupe relativement autonome au sein du conseil défendant une orientation politique commune. Il s’agit là d’un phénomène sans équivalent à l’échelle municipale dans le reste du pays. Pourquoi se déroule-t-il à Chicago, et selon quelle temporalité ? Quels sont les acteurs et actrices qui ont participé à le façonner ? Que dit la formation de ce caucus des rapports de forces politiques locaux ? Après avoir réinscrit la constitution du caucus dans un contexte d’émergence, à partir de 2012, d’une coalition politique anti-austérité inédite, l’article montrera comment la campagne de Sanders a nourri un mouvement socialiste dynamique qui acquiert une réelle légitimité politique locale au point de pouvoir se mouvoir « sans les petites roues » que représentait Sanders, et dont le caucus représente une traduction électorale. Mobilisant différents outils conceptuels (sociologie politique, urbaine, du militantisme et des mouvements sociaux), cet article s’appuie sur une enquête ethnographique menée entre 2015 et 2018 qui prenait pour objet les pratiques de community organizing, forme d’action collective très rationalisée et professionnalisée encourageant la participation active des classes populaires et petites classes moyennes urbaines à des campagnes portant sur leurs préoccupations quotidiennes2.

L’émergence d’une coalition politique anti-austérité

Pour comprendre l’élection de 2019, il faut d’abord la réinscrire dans un contexte particulier : l’émergence, depuis le début des années 2010, d’une coalition anti-austérité durable. Regroupant des organisations positionnées dans différents secteurs (champ syndical et politique, « nébuleuse communautaire », espace des mouvements sociaux), celle-ci porte la voix et prétend représenter les intérêts des classes populaires racisées, majoritairement noires et hispaniques (les « black and brown communities ») alliées aux franges progressistes des classes moyennes et supérieures, majoritairement blanches.

Le point de ralliement entre ces différents acteurs et groupes sociaux se forge dans l’opposition à la politique municipale de Rahm Emanuel. « Rahm » est une figure démocrate de premier plan au niveau national lorsqu’il est élu maire en 2011. Il a été tour à tour conseiller du président Bill Clinton, élu au Congrès et président de l’influent Comité de campagne démocrate, puis chef de cabinet de Barack Obama entre 2008 et 2010. Son élection met un terme à plusieurs décennies de la dynastie Daley. Pendant plus de quarante ans, de 1955 à 2011, Richard J. Daley puis son fils aîné, Richard M., ont bâti et entretenu une « machine » clientéliste redoutablement efficace pour servir les intérêts économiques des classes dominantes et organiser le passage d’un mode fordiste d’accumulation du capital à un mode post-fordiste tout en étouffant ou cooptant les voix dissidentes (Ferman, 1996 ; Cohen et Taylor, 2001 ; Koeneman, 2013). En effet, depuis les années 1930, le Parti démocrate domine un champ politique local dans lequel aucun contre-pouvoir politique n’a réussi à se former et s’institutionnaliser durablement. Si la carrière d’Emanuel s’est faite au niveau fédéral et non à l’échelle municipale, il s’inscrit dans la pleine continuité de la défense des classes dominantes au détriment des classes populaires : privatisation des services publics municipaux existants (transports, établissements de santé, système éducatif), austérité budgétaire, politique fiscale destinée à attirer les investissements privés (notamment immobiliers), etc.

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Aux origines de la coalition : la grève des enseignant·es de 2012

Une opposition sociale à ces politiques néolibérales prend forme et corps avec la grève des enseignant·es de la ville, en septembre 2012 (Lydersen, 2013). Elles et ils refusent le plan de privatisation du système éducatif sur lequel Emanuel avait fait campagne. Pour la première fois depuis près de 30 ans, plus de 26 000 enseignant·es se mettent en grève et manifestent dans les rues de Chicago pour s’opposer à la fermeture de nombreux établissements dans les quartiers populaires à forte majorité noire et/ou hispanique, aux réductions budgétaires, à la dégradation des conditions de travail (Uetricht, 2014 ; Ashby et Bruno, 2016). La grève est menée par le Chicago Teachers Union (CTU). Sa nouvelle direction, élue en 2010, défend une vision politique et militante de l’action syndicale : pour les membres du Caucus of Rank and File Educators (CORE) qui dirige désormais le syndicat, la défense des conditions de travail des enseignant·es est indissociable de l’amélioration des conditions de vie et d’étude d’élèves appartenant majoritairement aux classes populaires racisées, vivant à l’ouest et au sud de la ville, dans un contexte de très forte ségrégation scolaire renforçant les divisions, imbriquées, de race et de classe (Neckerman, 2007). Le CTU promeut un réel service public de l’éducation comme réponse politique à l’aggravation des inégalités que nourrit la mise en concurrence des établissements scolaires publics et privés souhaitée par Emanuel et les partisans de la « réforme » de l’éducation (Tompkins-Stange, 2016). Le fait que la grève soit victorieuse marque un tournant dans les rapports de forces politiques locaux, installant le CTU comme principal pôle d’opposition de gauche à Emanuel.

Or l’organisation même de la grève repose sur une spécificité du contexte local : la densité de l’espace du community organizing de Chicago. Les organisations à but non lucratif qui le composent appartiennent à une « nébuleuse communautaire » plus large qui prend en charge une bonne part des politiques d’intervention sociale depuis les années 1980 (Bacqué, 2005 ; Marwell, 2007 ; Sites, Chaskin et Parks, 2007). Tandis que cette nébuleuse est dominée par le développement économique local (community-based development) et les dispositifs d’action sociale, les groupes de community organizing constituent la frange la plus contestataire de cette « nébuleuse », recourant à des formes d’action collective rationalisées et fortement professionnalisées destinées à faire pression sur les responsables politiques, administratifs et économiques (Talpin, 2016). Bien qu’il existe des nébuleuses communautaires dans toutes les villes étatsuniennes et qu’on y trouve très fréquemment des associations de community organizing, Chicago est certainement la ville où l’espace localisé du community organizing est le plus dense (Petitjean, 2019). Une quarantaine d’organisations maillent le territoire municipal et embauchent près de deux cents permanent·es salarié·es, les community organizers, chargé·es d’encourager et d’encadrer une participation et une représentation populaires profanes pour faire exister dans le champ politique les intérêts collectifs des classes populaires. Ces organisations font vivre une « action sociale mêlée » (blended social action), au croisement de la participation civique en apparence éloignée de la confrontation politique (festivités et sociabilités de quartier) et de l’action collective contestataire et revendicative qui, quoique mal connue des sciences sociales, occupe une place de plus en plus importante dans les formes d’action collective existantes (Sampson, 2012 : 179-209). Comme l’a mis en lumière l’élection d’Obama en 2008, qui a lui-même été community organizer à Chicago dans les années 1980, ces postes salariés constituent désormais un « vivier de recrutement » (Dogan, 2017) institué pour les carrières politiques : parmi les six élu·es socialistes, quatre sont ainsi d’ancien·nes community organizers.

Le succès de la grève de 2012 a été en grande partie permis par les contacts étroits noués au fil des années 2000 entre, d’une part, des enseignant·es syndiqué·es au CTU qui constitueront par la suite le noyau de CORE, et de l’autre des organisations de community organizing comme la Kenwood Oakland Community Organization (KOCO) ou Action Now, implantées dans les quartiers noirs du Sud et de l’Ouest, au sein desquelles les questions éducatives occupent une place importante (Uetricht, 2014). Au moment où démarre la grève, les adhérent·es de KOCO, d’Action Now, ainsi que d’une multitude d’associations de parents d’élèves, viennent prêter main forte aux enseignant·es et constituent une infrastructure de soutien en tenant les piquets devant les quelques 580 établissements scolaires de la ville, en apportant de la nourriture aux grévistes, ou encore en assurant la garde collective des élèves. Des collaborations entre groupes de community organizing et syndicats, appelées labor-community coalitions, s’étaient déjà formées dans différentes villes et de manière plus ou moins durables après que l’AFL-CIO, la principale fédération syndicale américaine, les avait appelées de ses vœux à partir de 1995 (Nissen, 2004 ; Krinsky et Reese, 2006). L’alliance inaugurée par la grève de 2012 ravive ce modèle en infléchissant vers la gauche son orientation politique, désormais ouvertement anti-austérité et contestataire.

Défendre les « familles laborieuses » et les groupes racisés

La coalition entre le CTU et des associations de community organizing issue de la grève de 2012 aurait pu n’avoir aucun lendemain ou se replier sur une contestation contenue dans les limites préexistantes de ce qui est politiquement pensable et acceptable. Au contraire, elle constitue un jalon dans la constitution d’un sujet collectif aux contours flous et aux dénominations changeantes (les « working families », les « black and brown communities3 ») mais dont le statut de victime des politiques néolibérales est très clair. Cette coalition progressiste, anti-austérité, se consolide et s’étend à l’occasion de mouvements contestant la politique d’Emanuel en matière d’éducation, de santé, de logement, ou encore les pratiques racistes de la police de Chicago. Emanuel devient alors un ennemi commun qui participe à cimenter la coalition et à faire émerger des intérêts partagés.

Les frontières de cette coalition ne sont pas figées ou instituées, mais on peut considérer qu’elle regroupe principalement certains syndicats (en particulier le CTU et le syndicat de santé Service Employees International Union Healthcare Illinois & Indiana SEIU HCII), des organisations de community organizing et une galaxie d’organisations « progressistes » spécialisées sur une ou plusieurs causes. Elle connaît une traduction partielle dans l’arène électorale sous la forme de l’organisation politique indépendante United Working Families (UWF), qui à partir de 2014 regroupe le CTU, SEIU HCII, des organisations de community organizing, et soutient plusieurs candidatures critiques de la politique d’Emanuel. C’est notamment le cas lors des élections municipales du printemps 2015, avec la candidature de Jesus « Chuy » Garcia, ancien conseiller municipal et soutien du maire progressiste Harold Washington4. Outre UWF et d’autres composantes de la coalition anti-austérité, Garcia est soutenu par divers·es élu·es positionné·es à gauche du Parti démocrate, ainsi que par Bernie Sanders.

Bien qu’Emanuel soit réélu, il ne commence son second mandat qu’au terme d’un second tour qui constitue une première dans l’histoire politique de Chicago((Jusqu’en 1999, les élections municipales étaient « partisanes », elles fonctionnaient selon un système de primaires au printemps puis d’élections générales à l’automne. En 1999, le mode de scrutin devient « non-partisan » ; un second tour devient obligatoire lorsqu’aucun·e candidat·e n’obtient la majorité absolue au premier tour.)) et témoigne de ses difficultés grandissantes à produire du consentement (Rensin, avril 2015). En outre, dans les mois qui suivent l’élection, une série d’épisodes contestataires et de scandales politiques viennent saper la légitimité du maire tout en étendant la base sociale de la coalition progressiste, l’ancrage et la crédibilité de ses revendications politiques. Or avec les révoltes de Ferguson en août 2014 et de Baltimore en avril 2015, déclenchées par les meurtres de jeunes hommes noirs par des policiers, le mouvement #BlackLivesMatter place sur le devant de la scène médiatique et politique la condition des groupes racisés et le rapport à l’état réel de la domination raciale et de son imbrication avec d’autres systèmes d’oppression (Taylor, 2016). Deux exemples illustrent les manières dont ces identités collectives et les discours qui leur donnent corps sont mobilisés et réappropriés par les différents acteurs de la coalition anti-austérité.

À l’été 2015, d’abord, une grève de la faim est organisée dans le quartier quasi exclusivement noir de Washington Park, au sud de la ville, pour lutter contre la fermeture du dernier lycée public des environs, le lycée Walter H. Dyett. De fait divers local, cette mobilisation devient rapidement un sujet d’ampleur nationale. Menée principalement par KOCO, la grève de la faim, qui dure trente-quatre jours, pousse Emanuel à revenir sur la décision de fermer Dyett. C’est la première fois à l’échelle nationale qu’une mobilisation populaire aboutit à la réouverture d’un établissement scolaire. Dans les interventions publiques des grévistes et de leurs soutiens comme dans les médias, la grève est présentée comme la défense du droit des élèves racisé·es de la ville à bénéficier, comme les enfants des catégories dominantes, d’une éducation de qualité.

S’appuyant sur cette victoire et lui succédant de peu, un second épisode contestataire crée une véritable situation de crise à l’automne 2015. Fin novembre, une vidéo est rendue publique qui montre le meurtre du jeune Africain-Américain Laquan McDonald par un policier blanc. McDonald a été abattu de seize balles dans le dos en octobre 2014. La scène est filmée par une caméra embarquée dans un véhicule policier, mais la vidéo n’est rendue publique que treize mois plus tard, sur ordre d’un juge et après une bataille judiciaire menée par un journaliste d’investigation. La diffusion de la vidéo déclenche plusieurs semaines de manifestations au cœur de la ville. Elle conduit à la démission du chef de police ainsi qu’à l’ouverture d’une enquête fédérale sur les pratiques discriminatoires de la police. La procureure de l’Illinois, Anita Alvarez, est accusée de tous côtés – par des militant·es antiracistes, des porte-parole de la coalition progressiste, des journalistes, des intellectuel·les – d’avoir étouffé l’affaire afin d’assurer la réélection d’Emanuel (Harcourt, novembre 2015). Rassemblements, conférences de presse et pétitions se combinent pour appeler à la démission d’Alvarez et d’Emanuel (Cox, décembre 2015). Les élections de mars 2016 pour le poste de procureure rendent possible une jonction entre des collectifs antiracistes participant au mouvement #BlackLivesMatter et les organisations plus institutionnelles qui composent la coalition anti-austérité pour battre Alvarez dans les urnes. La campagne #ByeAnita débouche sur la défaite sans appel d’Alvarez, qui obtient 29 % des suffrages, contre son adversaire Kim Foxx, qui dans sa campagne a donné davantage de gages aux revendications antiracistes de réforme du système pénal.

Les six élu·es socialistes au conseil municipal sont directement issu·es de la dynamique contestataire façonnée par la coalition anti-austérité. Quatre d’entre elles et eux ont occupé des postes de permanent·e salarié·e dans des groupes de community organizing faisant partie de la coalition anti-austérité, acquérant une légitimité militante et un capital politique qui, au moment des élections municipales de 2019, font d’elles et eux les incarnations et les porte-parole des classes populaires et des groupes racisés – quatre élu·es sont hispaniques et une cinquième est noire – au nom desquels et pour lesquels s’est déroulée près d’une décennie de lutte. Jeanette Taylor, ancienne community organizer pour KOCO, est par exemple l’une des figures emblématiques de la grève de la faim pour sauver Dyett. Toutefois, pour comprendre cette élection inédite, il faut aussi se pencher sur une deuxième piste explicative : la croissance d’un mouvement socialiste local à partir de 2016.

Percée socialiste et légitimation politique

Un mouvement socialiste « sans les petites roues »

On l’a dit, la première campagne de Bernie Sanders en 2016 enclenche un processus d’ouverture de l’espace des possibles à gauche. D’un point de vue idéologique, elle contribue à diffuser largement une critique des inégalités et du système capitaliste adossée à des revendications concrètes de redistribution des richesses et de justice sociale qui depuis les années 1960 au moins n’occupaient aucune place véritable dans le champ politique étatsunien. Ces revendications sont regroupées sous la catégorie de « democratic socialism », à laquelle Sanders s’identifie explicitement. Si le sens qu’il donne au terme se rapproche davantage d’un New Deal réactualisé que d’une analyse marxiste révolutionnaire, l’utilisation par Sanders, ses opposant·es et le champ médiatique d’une catégorie politique longtemps frappée d’anathème la fait connaître auprès d’une part importante de la population et la légitime fortement. D’un point de vue pratique, la campagne de Sanders mobilise des milliers de bénévoles et des millions d’électrices et d’électeurs. Alors que les autres candidat·es démocrates recourent massivement à l’argent des grands donateurs pour financer leurs campagnes, Sanders s’appuie sur des millions de contributions, la majorité des dons reçus étant inférieurs à 200 dollars (Albert et La Raja, 2020).

Cette dynamique de politisation n’est pas initiée par la campagne en tant que telle, elle vient plutôt cristalliser dans le champ politique la séquence contestataire anti-austérité, indissociablement nationale et internationale, ouverte par la crise financière de 2007-2008 (Della Porta, 2015). De même, elle « dépasse » la seule personne de Sanders et le cadre de l’élection présidentielle (Day et Uetricht, 2020). Dans les années qui suivent, la « révolution politique » que Sanders appelle de ses vœux se manifeste de différentes manières. Au niveau électoral d’abord, huit candidat·es soutenu·es par des organisations issues de la campagne de Sanders ou l’ayant soutenue, comme Our Revolution, Justice Democrats ou encore Democratic Socialists of America (DSA), sont élu·es au Congrès aux élections de mi-mandat de 2018, la plus célèbre étant certainement Alexandria Ocasio-Cortez, élue à la Chambre des représentant·es pour une circonscription de New York (Abbott et Guastella, 2020). La notoriété et la surface médiatique de cette dernière masquent toutefois un phénomène concomitant à l’échelon local : l’élection d’une quarantaine de candidat·es Our Revolution et d’une centaine de membres de DSA dans des conseils municipaux ou des législatures d’État((Ces chiffres doivent toutefois être mis en regard du nombre total d’élu·es au Congrès (535) et aux échelons locaux et d’État (environ 520 000). Aux élections de mi-mandat de 2010, une quarantaine de candidat·es Tea Party avaient été élu·es à la Chambre des représentants, et cinq au Sénat.)).

Au niveau organisationnel, ensuite, la dynamique impulsée par la campagne de Sanders est directement responsable de la croissance spectaculaire de DSA. Créée en 1982, cette organisation qui défendait une stratégie de modeste inflexion à gauche du Parti démocrate, comptait début 2016 quelques milliers d’adhérent·es et demeurait largement inconnue. Quelques années plus tard, ses effectifs ont explosé, elle est devenue un objet de fascination médiatico-politique, et elle se montre ouvertement critique du Parti démocrate et de son orientation néolibérale. Selon Marianela D’Aprile, militante de Chicago aujourd’hui membre de la direction nationale, « Bernie a été vraiment important pour DSA. Pendant longtemps, Bernie, c’était nos petites roues ! » (entretien, janvier 2021), stabilisant l’organisation et assurant son équilibre politique le temps que celle-ci devienne réellement indépendante. Pour elle, la croissance des effectifs a fonctionné par « sauts » (bumps), qui correspondent à des moments vécus comme politiquement significatifs :

Il y a eu plusieurs sauts. Un petit juste après l’élection de Trump, un énorme après son inauguration. […] Et puis on a eu un autre saut avec AOC. Dans les deux jours qui ont suivi son élection, 2 000 personnes ont adhéré à DSA. Et la semaine où Bernie a annoncé qu’il arrêtait la campagne [en 2020], 5 000 personnes ont adhéré. Quand je suis arrivée, en novembre 2016, on avait 8 000 militant·es. Au même moment l’année suivante, 30 000. Et maintenant, près de 90 000. (ibid.)

Ce double processus de croissance de DSA et de légitimation d’une perspective socialiste a des effets dans les rapports de forces politiques locaux, comme en témoigne l’exemple de Chicago. Jusqu’en 2016, les organisations militantes se revendiquant du socialisme étaient de petits groupes d’extrême gauche sans ancrage social notable, qui pesaient faiblement dans les luttes sociales et n’étaient que marginalement intégrés à la coalition progressiste qui prend une forme durable à partir de 2012. L’alliance avec des associations de community organizing sur des campagnes locales relevait alors de l’impensable. Mais dans le sillage de la campagne de Sanders en 2016, les frontières se décloisonnent (McAdam, Tarrow et Tilly, 2001) et on assiste à de nouvelles alliances, comme en témoigne la campagne pour l’encadrement des loyers.

La campagne pour l’encadrement des loyers : Chicago DSA, nouvel acteur politique local

À l’automne 2016, KOCO lance avec plusieurs autres groupes de community organizing une campagne pour l’encadrement des loyers à Chicago. « Cela faisait plusieurs années que l’idée était dans l’air », indique Komozi, alors directeur exécutif de KOCO (entretien, février 2017). Komozi et les autres community organizers de la ville savent bien que les questions de logement font partie des principales préoccupations des classes populaires et petites classes moyennes dans leur ensemble. Selon l’institut Chicago Rehab Network, analysant les statistiques du US Census Bureau, en 2010 plus de la moitié des locataires de la ville (55 %) consacraient au moins 30 % de leurs revenus à leur loyer (soit 10 % de plus qu’en 2000), dans un contexte général d’inflation des loyers et de gentrification (Lift the Ban). Un projet d’encadrement des loyers permettrait donc aux classes populaires comme aux petites classes moyennes de ne pas être contraintes de déménager pour pouvoir continuer à payer leur loyer tout en limitant les effets de la spéculation immobilière. Or, depuis 1997 une loi de l’Illinois empêche les municipalités de se doter de dispositifs juridiques d’encadrement des loyers. Afin de pouvoir faire passer une ordonnance sur l’encadrement des loyers à Chicago, il est donc nécessaire dans un premier temps d’abroger la loi de 1997. Se forme alors la Lift the Ban Coalition, que d’autres organisations rejoignent au fil de l’année 2017, et qui multiplie réunions publiques, rassemblements, interpellations des élu·es et interventions dans les médias locaux pour visibiliser la cause, la populariser et la mettre à l’agenda politique.

Pour ce faire, la coalition fait également campagne pour la tenue puis l’organisation de référendums consultatifs, afin de donner la preuve aux élu·es comme aux candidat·es présumé·es que l’encadrement des loyers est bien une revendication bénéficiant d’un réel soutien populaire. Un premier référendum consultatif est organisé en mars 2018 dans dix des cinquante wards5 de la ville : 75 % des électeurs et électrices se prononcent en faveur de l’abrogation de la loi de 1997 (Dukmasova, mars 2018). Six mois plus tard, un nouveau référendum est organisé dans trois wards supplémentaires ; entre 66 % et 71 % des électeurs et électrices se prononcent à nouveau pour l’abrogation (Hernandez, novembre 2018). S’il est difficile d’établir une corrélation entre les résultats des référendums et les élections de 2019, on constate néanmoins que trois des six socialists sont élu·es (ou réélu·es) dans des circonscriptions où des référendums ont été organisés (Chicago Board of Election Commissioners). Dans le 25e et le 33e wards Byron Sigcho Lopez et Rossana Rodriguez Sanchez appartiennent à des organisations qui ont pris en charge le travail militant aboutissant à la tenue des référendums. Le 35e ward est représenté par Carlos Ramirez-Rosa, qui revendiquait déjà l’étiquette « democratic socialist » au moment de son élection en 2015.

L’élément nouveau de cette campagne, qui la distingue d’autres campagnes menées par le passé par des coalitions « communautaires » aux contours similaires, c’est la participation de Chicago DSA, qui accède alors au statut d’interlocuteur politique légitime pour les membres de la coalition progressiste. En 2017, en effet, Chicago DSA est, comme d’autres à travers le pays, confrontée à un afflux massif d’adhérent·es parfois faiblement doté·es en ressources militantes mais qui souhaitent s’engager activement dans l’organisation. On y cherche alors un moyen de canaliser le dynamisme des nouvelles recrues tout en consolidant l’organisation et en faisant évoluer le rapport de forces en faveur des classes populaires. Selon Lillian Osborne, alors coordinatrice des campagnes de Chicago DSA, elle et une des co-présidentes de la section proposent de s’impliquer dans la campagne pour l’encadrement des loyers, à laquelle plusieurs militant·es participent déjà à titre bénévole dans leurs quartiers :

On a défendu l’idée selon laquelle on savait que l’encadrement des loyers n’était pas une solution au problème du logement, que c’était plus un pansement qu’une réforme de fond, mais que c’était dans cette direction qu’allaient les classes populaires. C’était une campagne fondamentale pour nous parce que les gros promoteurs immobiliers et la gentrification sont probablement le principal problème matériel que rencontrent les classes populaires en ce moment. (entretien avec Lillian Osborne, janvier 2021)

Bien que la plupart de ses membres habitent au Nord ou au Nord-Ouest et que peu d’entre elles et eux semblent issu·es des classes populaires dont parle Osborne, l’organisation décide de s’engager pleinement dans la campagne. Désormais en équilibre sur ses deux roues, DSA organise ses propres dispositifs de porte-à-porte dans deux bureaux de vote du 5e ward, dans le South Side, symbole des décennies d’enchevêtrement des dominations de classe et de race, pour convaincre les électrices et électeurs majoritairement noirs de soutenir l’organisation d’un référendum puis d’y voter. Cette forte implication dans la Lift the Ban Coalition produit plusieurs effets. D’abord, cela permet à Chicago DSA « d’être présent à l’échelle de la ville et de parler de logement dans une perspective explicitement socialiste, en termes de classe », selon D’Aprile, pour qui l’analyse de classe insistant sur les profits qu’accumulent les propriétaires « n’était initialement pas présente dans la campagne » (entretien, janvier 2021). Ensuite, la réalisation efficace – et enthousiaste – du travail de porte-à-porte convainc les membres de la coalition du sérieux de DSA, qui rejoint alors le comité de pilotage de la campagne. « Le porte-à-porte et l’intégration au comité de pilotage ont vraiment été une étape importante dans l’établissement de DSA comme force politique légitime à Chicago », conclut D’Aprile.

Au cours de cette campagne des liens interpersonnels et organisationnels se nouent donc entre l’organisation socialiste et des community organizations comme KOCO ou Pilsen Alliance, liens qui sont activés au moment des municipales de 2019. C’est en effet dans ce cadre que Lillian Osborne rencontre Carlos Ramirez-Rosa, dont elle devient directrice des opérations de terrain (field director) au moment des élections. Une autre militante de Chicago DSA y rencontre également Jeanette Taylor, pour qui elle travaillera comme directrice de campagne adjointe en 2018-2019. Taylor fait campagne dans le 20e ward, situé dans le South Side. Si aucun référendum sur l’encadrement des loyers n’y a été organisé, on observe toutefois qu’elle jouxte la circonscription où DSA avait réalisé son travail de porte-à-porte.

Conclusion

Le socialist caucus élu au printemps 2019 constitue la traduction (partielle) dans le champ politique d’une décennie de contestation sociale multiforme à Chicago. Il s’agit d’abord de l’aboutissement d’un processus de constitution d’une coalition de syndicats, de groupes de community organizing et d’autres institutions défendant la voix et les intérêts des « working families » et des « black and brown communities » inauguré par la grève des enseignant·es de Chicago de 2012. Bien que celle-ci se soit d’abord constituée en opposition à « Rahm », elle ne s’est pas disloquée après l’arrivée au pouvoir de Lori Lightfoot, qui, en dépit d’un discours de rupture avec la politique « politicienne », suit elle aussi un cap néolibéral hostile aux intérêts du plus grand nombre. Les voix des Six de Chicago sont également l’expression d’un phénomène plus général de croissance de forces de gauche galvanisées par la « révolution politique » appelée de ses vœux par Sanders et revendiquant fièrement l’étiquette déstigmatisée du democratic socialism. Chicago DSA est désormais installé dans le paysage politique local comme une force légitime, comme en témoigne sa participation à la campagne pour l’encadrement des loyers. Tandis que l’abrogation de la loi piétine dans les couloirs de la législature de l’Illinois, Chicago DSA a d’ailleurs poursuivi son implication sur les enjeux de logement en lançant des groupes de locataires (tenant unions) et luttant contre les expulsions. L’imbrication grandissante entre coalition anti-austérité menée par le syndicat des enseignant·es et renouveau socialiste est d’ailleurs symbolisée par le meeting de soutien de Bernie Sanders aux enseignant·es de la ville, qui se préparaient à se mettre en grève avec leur syndicat, en septembre 2019, auquel les membres du caucus ont également assisté.

Celles et ceux-ci occupent des positions minoritaires dans le champ politique, mais ils peuvent désormais porter la voix de la coalition anti-austérité qu’ils représentent dans les arènes du pouvoir municipal. Le vote du budget annuel en novembre 2020 en constitue un exemple parlant. L’un des membres du caucus, Andre Vasquez, décide de voter en faveur du budget proposé par la maire. Les cinq autres socialistes s’opposent à un budget jugé austéritaire, contenant notamment une augmentation de 94 millions de dollars de la taxe d’habitation qui va peser principalement sur les classes populaires. Chicago DSA dénonce immédiatement le revirement de Vasquez et lui demande de quitter l’organisation. Mais c’est sans doute Jeanette Taylor qui, dans une formule cinglante qui fait le tour des réseaux sociaux, réaffirme le mieux le sens même de l’existence du caucus : « Ne me donnez pas des miettes de pain en me disant que c’est de la brioche. Nous sommes en pleine pandémie mondiale, et il est hors de question d’équilibrer ce budget sur le dos des contribuables » (Laurence, novembre 2020).

CLÉMENT PETITJEAN

 

Clément Petitjean est docteur en sociologie de l’Université Paris-Saclay et maître de conférences en études anglophones à l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne. Il est membre du laboratoire CRIDUP (EA 134). Ses recherches portant sur l’articulation entre militantisme et dynamiques professionnelles aux États-Unis, croisant sociologie politique et sociologie des groupes professionnels.

clement.petitjean@univ-paris1.fr

Couverture : le sénateur Bernie Sanders et plusieurs élu·es socialistes de Chicago à un meeting de soutien aux enseignant·es de la ville, qui se préparaient à se mettre en grève avec leur syndicat, le Chicago Teachers Union (Fainan Lakha, 25 septembre 2019)

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Pour citer cet article : Petitjean C., 2021, « Les Six de Chicago. Renouveau socialiste et coalitions sociales depuis 2016 », Urbanités, Dossier / Les villes nord-américaines à l’ère de Trump, novembre 2021, en ligne.

  1. D’où le titre de l’article, Les Six de Chicago, qui est un clin d’œil au procès des Chicago Seven, sept militants arrêtés et inculpés suite aux manifestations contre la guerre du Vietnam qui se déroulèrent pendant la convention démocrate à Chicago en août 1968. Ce procès politique et les évènements qui l’entourent ont fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 2020. []
  2. Le matériau empirique comprend 87 entretiens semi-directifs avec des permanent·es salarié·es d’associations locales, des bénévoles de ces associations, des militant·es d’organisations antiracistes et/ou de gauche, ainsi que d’autres acteurs d’espaces sociaux auxquels s’articule l’espace du community organizing (champs syndical et philanthropique, enseignement supérieur). Ces données sont complétées par trois entretiens par visioconférence avec des militant·es de Democratic Socialists of America (DSA) menés en décembre 2020 et janvier 2021. Je tiens à remercier chaleureusement Mathieu Bonzom, Marie Lambert-Muyard et les deux évaluateur·ice·s anonymes pour la précision de leurs relectures, conseils et suggestions. []
  3. Intraduisible en français, la notion de community, particulièrement légitime dans l’imaginaire social et politique étatsunien, désigne à la fois un territoire donné, les réseaux de sociabilité ordinaires qui s’y déploient, et le groupe qui y habite. []
  4. Washington est le premier maire noir de Chicago. Élu en 1983, il fait campagne sur un programme de rupture avec la « machine » et exerce son mandat dans un contexte de contre-coup raciste extrêmement violent (Rivlin 1992 ; Grimshaw 1995). []
  5. Ce découpage administratif est comparable à un arrondissement en France. []

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