Les villes nord-américaines / Missoula (Montana), un paradis pour altergentrifieurs·ses au cœur de l’Amérique capitaliste de Trump ?

Gabrielle Saumon

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L’élection puis le mandat de Donald Trump (2017-2021) ont conforté notre vision de l’Ouest américain de l’intérieur comme bastion de valeurs conservatrices, abritant une Amérique des oublié·e·s que la rhétorique populiste du Parti Républicain a su progressivement s’attacher. Ce qui est appelé Ouest américain désigne en réalité 11 États contigus, de la côte Pacifique jusqu’au Montana, Wyoming, Colorado et Nouveau Mexique à l’Est : dans cet immense territoire, la géographie électorale dessine une ligne de fracture entre les États côtiers, historiquement démocrates, et rejoints par les plus grandes villes des États intérieurs, et un hinterland resté résolument conservateur. Or, celui-ci abrite quelques vigoureuses poches de résistance, qui se manifestent en lui opposant notamment un contre-modèle d’urbanité fondé sur des valeurs environnementales.

Missoula, petite localité de 73 710 habitant·e·s dans le Montana (U.S. Census, 2019), en est une des figures emblématiques, la ville se présentant comme un microcosme alternatif au sein d’un État conservateur. Elle représenterait notamment un paradis pour des nouveaux·velles arrivant·e·s disposant surtout de capital culturel et social, qu’elles·ils mettent à profit, au nom d’un idéal environnemental, en investissant, par leurs modes de vie, leurs engagements, à l’encontre du modèle dominant. Cette analyse tend ainsi à mettre en lumière ces dynamiques en croisant plusieurs grilles de lecture, qui seront successivement présentées ici – celles attachées à traduire les processus de migrations d’aménités (Moss, 2006 ; Glorioso et Moss, 2011) et de gentrification rurale (Cloke, 1979 ; Phillips, 1993, 2004 ; Smith, 2011) d’abord, mais aussi, de manière plus spécifique, celle qui en traduit les effets dans les quelques portions les plus attractives de l’Ouest, caractérisées de New West Archipelago dans la littérature (Hines, 2010, 2012).  À la lueur de ces analyses croisées, nous pourrons alors envisager la spécificité du profil des néo-arrivant·e·s étudié·e·s ici, et proposer, pour les caractériser, la figure de l’altergentrifieur·se.

Cette approche monographique est issue de plusieurs mois de terrain dans tout l’Ouest du Montana (mai-juin 2014, mai-juin 2015, juillet 2018), réalisés dans le cadre de ma thèse (Saumon, 2019), lors desquels j’ai accordé une place dominante aux entretiens. Si une étude statistique a permis de saisir les profils socio-économiques des populations et les dynamiques migratoires observées, ce sont surtout les 186 entretiens réalisés, associés aux 77 cartes mentales recueillies lors de ces temps de rencontres, qui constituent la matière première de cette recherche, et ces récits biographiques et migratoires ont fait l’objet d’une analyse détaillée. Cette approche très empirique, croisée aux éléments plus théoriques présentés ci-dessus, nourrit cette démonstration dont la portée critique est développée de manière progressive dans l’article.

Il s’agira ainsi dans un premier temps de présenter le territoire dans lequel s’inscrit cette étude monographique, et notamment la mutation de l’Old en New West au sein de laquelle se jouent les dynamiques de migrations d’aménités et de gentrification rurale étudiées ici. Ces dernières remodèlent aujourd’hui Missoula, dont la spécificité des nouveaux·velles habitant·e·s qu’elle attire et qui la caractérisent participe à l’ériger en contre-modèle d’urbanité. Mais si les investissements que ces gentrifieurs·ses opèrent dans l’environnement peuvent être considérés comme une forme de résistance face à l’Amérique de Trump, ils viennent également révéler la manière dont les valeurs qu’ils·elles prônent s’imposent aujourd’hui dans le champ social, venant remplacer par là un rapport de force par un autre.

Un Montana au cœur de l’archipel du New West

Le Montana semble garantir, à ceux·celles qui s’y aventurent, une confrontation avec une nature sauvage au fondement de l’imaginaire collectif américain : rejoindre la wilderness au XXIe siècle, c’est en quelque sorte inscrire sa force et sa témérité dans la Grande histoire et marcher dans les pas des pionniers lorsqu’ils ont conquis l’Ouest (Nash, 1994). Ces représentations nourrissent d’importantes migrations d’aménités, qui s’inscrivent dans une dynamique plus globale caractérisée par la mutation de l’Old West en New West (Travis, 2007), dont l’Ouest du Montana est emblématique.

De l’Old West vers le New West

L’Ouest américain bénéficie en effet aujourd’hui d’une croissance démographique inédite, et la littérature scientifique interroge les nouvelles mobilités qu’il suscite en croisant celles-ci à la présence d’aménités environnementales (Nelson, 1997, 2006 ; Rudzitis, 1999 ; Rasker et Hansen, 2000). L’Ouest américain non métropolitain s’est ainsi considérablement transformé dans les années 1990, et six des dix comtés des États-Unis ayant connu la plus forte croissance démographique sont situés dans les Rocheuses (Nelson, 2006 : 57). Ces montagnes jouent à ce titre un rôle très important dans l’attractivité de l’Ouest, plus généralement dans son identité territoriale – et il faut relever également l’importance de la faune sauvage ou encore des sports de pleine nature (Richard et Saumon, à paraître), et de la pêche à la mouche, dans ces représentations attractives (Saumon, 2016). Si ce renouveau démographique est éclairé par la littérature scientifique consacrée aux migrations d’aménités (Moss, 2006 ; Glorioso et Moss, 2011), il peut aussi être analysé par le prisme de la recomposition socio-territoriale dont il est le moteur, et que le concept de gentrification rurale permet d’étudier (Cloke, 1979 ; Phillips, 1993, 2004 ; Smith, 2011). Ce dernier fait référence à l’arrivée et l’installation de nouveaux et nouvelles habitant·e·s, généralement d’ancien·ne·s citadin·e·s des classes moyennes à supérieures, disposant d’une dotation importante en capitaux économique, social et/ou culturel, souvent supérieure aux populations déjà en place. Projetant sur le territoire élu de nombreux atouts, et notamment des aménités environnementales qui ont constitué le premier moteur de la mobilité, le·la gentrifieur·se est doté·e des capitaux nécessaires pour façonner celui-là selon l’idéal de ruralité ayant nourri son projet migratoire. L’ensemble de ses investissements, même s’ils sont au départ individuels, contribue alors à la fabrique d’un espace, physique et social, portant les empreintes d’une forme d’appropriation par cette nouvelle classe sociale, ceci venant renforcer des logiques d’exclusion plus ou moins symboliques, du sentiment, pour la population originaire, de ne plus être « à sa place », à des mécanismes de remplacement plus concrets liés aux nouvelles pressions du marché immobilier.

Ces dynamiques, que connaissent également d’autres espaces emblématiques, ont pour autant dans l’Ouest américain cela de spécifique qu’elles s’inscrivent dans un processus plus global de mutation de l’Old West vers le New West (Travis, 2007). La croissance démographique dont bénéficie l’Ouest américain accompagne en effet le développement d’une nouvelle économie, dans un territoire où celle-ci dépendait jusqu’alors pour beaucoup de l’exploitation de ses ressources naturelles, aujourd’hui en déclin : l’économie des aménités environnementales succède ainsi à l’économie de la mine, du ranch et du bois qui caractérisait l’Old West. Une partie de l’Ouest américain connait donc une profonde mutation, qui repose sur la manière dont l’environnement est réinterprété et revalorisé – de l’extractivisme à la préservation de paysages, devenus supports de pratiques récréatives (Power, 1996 ; Power et Barrett, 2001) et d’un marketing territorial dont les politiques publiques se saisissent pour attirer toujours plus d’entreprises et de nouveaux·velles habitant·e·s.

Mais ce processus reste hétérogène : en plus de manifester d’importantes fractures sociales, les dynamiques caractéristiques du New West s’expriment de manière inégale dans l’espace, invitant à remettre en question la cohérence de cette désignation territoriale. C’est ce qui conduit J. Dwight Hines à parler d’un New West archipelago (Hines, 2010, 2012) : ces sites attractifs et dynamiques sont en réalité comme des îlots au sein d’immenses étendues en déprise qui tentent de survivre des rémanences de l’Old West (Richard et Saumon, à paraître ; Saumon, 2019). Les mêmes enjeux se jouent alors à l’échelle de l’Ouest du Montana, dont Missoula est l’un des îlots.

Migrations d’aménités et recompositions socio-territoriales dans l’Ouest du Montana

L’Ouest du Montana est emblématique de cette mutation socio-territoriale caractéristique du New West Archipelago. Il faut tout d’abord souligner l’existence d’une fracture véritablement structurante entre la partie Est et la partie Ouest de l’État – une rupture topographique entre un Ouest des Rocheuses et un Est des plaines, mais également un important contraste Est/Ouest en termes de densité d’espaces naturels protégés ou encore de dynamisme démographique (figure 1).

1. Localisation des espaces protégés du Montana et flux migratoires sur la période 2003-2012 (G. Saumon, 2021)

L’Ouest du Montana accueille ainsi depuis les années 1990 de nombreux·ses nouveaux·velles habitant·e·s. L’analyse des principales caractéristiques socio-économiques des individus rencontrés permet de distinguer ce qui est spécifique aux néo-arrivant·e·s, dont le profil nous invite à souligner les recompositions socio-territoriales que ce mouvement démographique entraîne dans l’Ouest du Montana. Il nous permet ainsi de confirmer l’hypothèse d’une dynamique portée par des gentrifieurs·ses, pour lesquel·le·s l’environnement a joué un rôle crucial dans la trajectoire migratoire, spécifiquement dans le cadre de migrations d’aménités. Un regard très rapide sur la figure 2 permet d’identifier les différences de niveaux d’études, de revenus et de CSP entre les natifs·ves et les néo-arrivant·e·s interrogé·e·s1. Les néo-arrivant·e·s sont généralement d’ancien·ne·s citadin·e·s des classes moyennes à supérieures, et ils·elles disposent d’une dotation importante en capitaux économique, social et culturel : globalement plus diplômés·e· et bénéficiant de plus de revenus que les résident·e·s né·e·s dans le Montana, ils·elles sont surreprésenté·e·s dans les fonctions de management, dans l’art et l’éducation. Par leurs modes de vies spécifiques et leurs valeurs, ils·elles participent à la recomposition sociale de certaines petites villes du Montana, dont Missoula est emblématique.

2. Différences de profils socio-économiques entre néo-arrivant·e·s et natifs·ves interrogé·e·s (G. Saumon, 2021)

Altergentrification et contre-modèle d’urbanité : Missoula, une ville alternative à l’Amérique de Trump ?

Missoula incarne, dans la littérature scientifique, la ville par excellence des migrations d’aménités et de la gentrification dans l’Ouest américain : mentionnée par Hines comme une des îles de l’archipel du New West (Hines, 2010, 2012), Rina Ghose notamment lui consacre toute une étude (Ghose, 2004). Par ailleurs, elle est considérée par ses habitant·e·s comme une « little bubble » au cœur d’un État conservateur : elle se singularise notamment en proposant une forme de contre-modèle d’urbanité, celle-ci étant ici entendue comme l’ensemble des caractéristiques proprement urbaines d’un espace ainsi que les interactions que ces dernières facilitent (Lussault, 2003). Deux éléments invitent à formuler cette hypothèse : le premier fait référence à la manière dont le processus de gentrification s’inscrit dans une stratégie de redensification du centre de Missoula, à contre-sens donc de l’organisation spatiale classique des villes américaines, déjà largement étudiée dans la littérature (Ghorra-Gobin, 2002). Le second renvoie aux valeurs environnementales au nom desquelles les gentrifieurs·ses agissent et interagissent dans l’espace urbain, esquissant ainsi une urbanité alternative au modèle dominant, pensé ici comme conservateur et capitaliste. C’est dans cette perspective que la figure de l’altergentrifieur·se, développée dans le dernier temps, peut apparaître comme une proposition théorique pertinente pour qualifier les personnalités qui distinguent Missoula des autres îlots du New West, et plus largement encore, de l’Amérique de Trump.

La gentrification à Missoula, à la reconquête du centre ?

Parcourir les franges de Missoula conduit à traverser de vastes quartiers résidentiels en construction, plus ou moins aboutis – des simples panneaux des promoteurs immobiliers signalant des opportunités d’achats sur des parcelles tout juste subdivisées, aux chantiers en cours de finalisation (figure 3).

3. Nouvelles constructions résidentielles sur les hauteurs de la ville (marges sud-est) (G. Saumon, mai 2014)

Il s’agit le plus souvent d’anciennes terres agricoles autrefois dévolues à l’économie du ranch, inscrivant les dynamiques de gentrification rurale au cœur de la mutation fonctionnelle de l’Old West de la fonction productive, vers le New West de la fonction résidentielle et récréative. Il s’agit alors d’adopter l’interprétation la plus souple du concept de gentrification, défendue par des auteur·e·s pour lesquel·le·s le remplacement de population, à défaut du déplacement, peut être envisagé comme un marqueur du processus (Phillips, 1993 ; Davidson et Lees, 2010 ; Richard, 2021) : les néo-arrivant·e·s mettent en œuvre leurs capitaux pour acquérir des terres et y construire leur résidence, et, par effet mécanique, ces investissements se traduisent par une augmentation de la valeur foncière et symbolique des terres, et par la mise à distance, certes indirecte et partielle, des populations moins pourvues en capitaux. La gentrification prend alors en partie dans le Montana la forme de nouvelles constructions résidentielles, a contrario des rénovations qui caractérisent les gentrifications rurales des terrains de l’autre côté de l’Atlantique (Phillips, 2002 ; Solana-Solana, 2006 ; Perrenoud, 2008 ; Richard et al., 2014). Si la singularité de cette gentrification par la construction ne peut se comprendre qu’au regard de la souplesse réglementaire dont bénéficient les investissements fonciers dans les Rocheuses2, elle participe grandement à l’uniformité et à la standardisation des paysages au regard des particularités architecturales régionales que les opérations de rénovation valorisent au contraire sur d’autres territoires. Cela prend ici la forme de poches de développement résidentiel de faibles densités en périphérie directe des centralités urbaines, qualifiées par Travis d’« emerging exurbia » (2007), et qui garantissent aux nouveaux·velles habitant·e·s la promesse d’une vue sur les montagnes à quelques minutes des services et commerces. À Missoula, ces néo-paysages résidentiels constituent des quartiers entiers sur les marges en hauteur de la ville, principalement au sud et au nord (figure 4).

4. Des formes de gentrification plurielles à Missoula (G. Saumon, 2018)

Pour autant, parce que leur quotidien est fondé sur la sollicitation permanente de leurs actifs culturels et sociaux, certain·e·s néo-arrivant·e·s privilégient dans leurs choix résidentiels une centralité susceptible de leur offrir commerces et services à même de combler leurs appétits. Cela m’amène à souligner la richesse des paysages de la gentrification dans le Montana, qui loin de se limiter aux villas ostentatoires des nouveaux quartiers résidentiels aux marges de la ville, témoignent d’une reconquête de la centralité qu’une recherche portant sur la gentrification rurale ne semblait pas au départ destinée à révéler : or, c’est bien combinées aux aménités urbaines que les aménités environnementales semblent prendre sens et saveurs aux yeux de néo-arrivant·e·s favorisé·e·s et aux attentes ubiquistes – tout autant en quête de nature sauvage que de restaurants étoilés. Ce point invite alors à questionner la dimension urbaine de la gentrification rurale, voire à penser une géographie de la gentrification qui se garderait bien de toute forme de clivage épistémologique (Saumon, 2019 ; Richard, 2021). De manière générale, la diversification de l’offre commerciale ainsi que la montée en gamme des types de commerces existants en ville constituent ainsi un indicateur pertinent de la gentrification. À Missoula plus spécifiquement, des déambulations permettent immédiatement de constater le dynamisme de cette petite ville, où alternent galeries d’art aux devantures soignées, librairies aux rayonnages aguicheurs et magasins de sports de pleine nature, où équipements de pêche côtoient dorénavant les vestiaires des plus grandes marques. La transformation des restaurants et cafés témoigne également de l’évolution de leur clientèle : on n’y propose plus de café dilué mais dorénavant un large éventail de produits frais et locaux, ainsi qu’une offre très diversifiée en macchiato et mocaccino, smoothies à base de baies de goji, dans des ambiances calmes et studieuses propices à la concentration – car tous ces cafés proposent une connexion wifi, parfaitement adaptés aux néo-arrivant·e·s en télétravail. Des excursions dans le quartier populaire de Northside, au nord de la ville, permettent par exemple d’attester de sa progressive transformation – des logements insalubres côtoyant dorénavant des maisons rénovées dans un esprit bohême (figures 4 et 5).

5. Contrastes dans le quartier de Northside : un processus en cours (G. Saumon, juin 2015)

Ainsi, l’émergence de poches de gentrification dans le centre de Missoula interroge la production de nouvelles fragmentations urbaines, particulièrement visibles au quotidien pour les populations d’origine, témoins du développement d’une offre commerciale et résidentielle qui leur est inaccessible, et venant renforcer des disparités socio-territoriales inscrites sur le temps long (figure 4) : les deux quartiers de Northside et de Franklin to the Fort sont ainsi de plus en plus attractifs pour des néo-arrivant·e·s particulièrement bien doté·e·s en capitaux. Mais au-delà, cette dynamique traduit les nouvelles stratégies des politiques publiques, dont l’ambition consiste dorénavant à redensifier le centre-ville pour en épargner les franges (cf. partie 3). Portée par des magasins bio pionniers ou des cafés vegan, elle révèle enfin l’attention portée à la centralité par des gentrifieurs·ses à la recherche de services et commerces alternatifs au regard des modèles de consommation dominant.

Une identité urbaine alternative très attractive

En termes d’esthétique paysagère ou d’accessibilité aux espaces protégés, Missoula ne se singularise pas : à plus de 4h de route du Parc National de Yellowstone et 2h30 de celui de Glacier, elle ne peut pas être considérée comme une porte d’accès aux Parcs nationaux. À l’échelle de l’État, l’attractivité de Missoula ne repose pas sur des aménités environnementales spécifiques, mais s’appuie en réalité sur une identité urbaine reconnue et partagée. Elle est identifiée comme la ville progressive voire contestataire du Montana, ce qui la singulariserait des autres villes : les entretiens réalisés en témoignent (figure 6), « Missoula is a bubble, definitely you know, it’s definitely democrat, and it’s a college town, so it’s very liberal, very open… »3 (entretien anonyme, mai 2015). Une plaisanterie circule à ce propos dans tout le Montana, sous-entendant que la ville en est à ce point différente qu’elle n’appartiendrait pas à l’État : «  « there’s a joke, I don’t know if you heard about, it’s that Missoula is only 30 minutes away from Montana »4 (entretien anonyme, mai 2014).

6. Nuage de mots réalisé à partir des réponses à la question « How would you define Missoula ? » (« comment définiriez-vous Missoula ? ») (G. Saumon, 2018)

Microcosme marginal, la ville se caractérise en effet par la revendication d’un rapport alternatif à l’environnement. Cela est manifeste par l’attention accordée à l’agriculture urbaine et à la valorisation des circuits-courts, mais également par l’essor de structures prônant d’autres modes de transport ou de consommation au regard des modèles dominants, à l’image de l’Adventure Cyclist Association, étape incontournable des adeptes de road trips à bicyclette. Créée depuis 1973 à Missoula, l’association a pour objectif de faciliter et valoriser la pratique de ce mode de transport alternatif en militant pour l’établissement de pistes cyclables à travers le pays : elle met par ailleurs en valeur de manière iconoclaste les « stories » des cyclistes venant faire étape dans ce haut-lieu (figure 7), participant par là à la diffusion et à la reproduction des trajectoires biographiques.

7. Adventure Cyclist Association, Missoula (G. Saumon, mai 2014)

Des altergentrifieurs·ses porteurs·ses de valeurs environnementales

« Hippie town », Missoula attire en conséquence des néo-arrivant·e·s eux·elles-aussi spécifiques. Cette attention portée aux profils des individus rencontrés, qui invite à inscrire ceux-ci dans des typologies, comporte le risque de souscrire à une conception relativement manichéenne du jeu social, car aveugle à la complexité de trajectoires biographiques qu’une rapide entrevue, réalisée qui plus est dans le cadre très normatif d’une enquête, n’est pas à même de saisir. Parce que la rigidité et l’arbitraire de l’affectation de chaque individu à un profil ne permet pas d’épouser les contradictions et revirements d’identités individuelles nécessairement évolutives dans le temps et dans l’espace géographique et social, l’une des solutions méthodologiques proposées par Marianne Morange et Camille Schmoll consistant à définir des « types sociaux archétypaux », soit des coquilles identitaires, à la fois superposables et permutables, semble plus à même de respecter ces complexités identitaires. Par idéal-type, il s’agit alors de faire référence à une « version volontairement stylisée » de la réalité, dont le « caractère fictionnel » est assumé puisqu’il s’agit de construire un objet en en réduisant les caractéristiques à ce qui est nécessaire pour en comprendre la signification et la logique (2016 : 164).

Trois idéal-types de gentrifieur·se peuvent ainsi être identifiés dans le Montana5 (Saumon, 2019), dont celui de l’altergentrifieur·se, particulièrement représenté·e à Missoula. Celui-ci renvoie aux visages que présentent de nombreux·ses néo-arrivant·e·s dont la spécificité, au regard de la population originaire du Montana et des autres néo-arrivant·e·s, s’appuie sur l’importance du capital culturel et

social dont elles·ils disposent et qu’elles·ils mettent à profit au nom d’un idéal environnemental à l’encontre du modèle dominant. La littérature scientifique a déjà tenté de distinguer ce type de gentrifieur·se disposant surtout de capital culturel et social : Martin Phillips en 1993 interroge l’existence de « marginal gentrifiers » sur la péninsule de Gower au Pays de Galles (Phillips, 1993), et des articles portant sur les terres limousines ébauchent un premier portrait de l’alter gentrifieur (Richard et Dellier, 2011 ; Richard et al., 2014), qui verrait dans son nouveau lieu de vie un « champ des possibles pour y développer des projets de sociétés alternatives au modèle dominant » (Richard et Dellier, 2011 : 123).

Si certain·e·s disposent certes d’un capital économique conséquent, ce n’est pas en effet ce qui distingue les altergentrifieurs·ses et, surtout, ils·elles ne semblent pas s’appuyer sur celui-ci pour se forger une identité sociale ; bien au contraire, une gêne est souvent manifeste lorsqu’il s’agit d’évoquer des revenus qui ne correspondent pas à l’image qu’ils·elles souhaitent donner, et il s’agirait presque de s’en justifier ˗ interrogée sur ce point, une femme de Missoula est visiblement mal à l’aise : « Ho, let’s see.. now it’s probably… [elle rit, gênée], it’s like $55 000, which is the most I’ve ever made. You ask me at a good point of my life! Excellent! »6 (entretien anonyme, 17 mai 2014).

Cet idéal-type est surtout porteur d’une éthique environnementale spécifique, qu’il manifeste publiquement par un engagement critique à partir duquel il façonne son identité sociale. Quelle que soit l’activité dans laquelle il ou elle s’investit, l’altergentrifieur·se tend à le faire d’une manière alternative au regard des pratiques dominantes. À titre d’exemple, ses pratiques de chasse, de pêche ou de jardinage urbain, bien qu’elles fassent appel à un héritage local, font l’objet d’une réappropriation qui traduit les valeurs qu’elle·il porte, et qui est caractéristique de la mutation de l’Old West en New West. Ainsi lorsqu’elle·il jardine, l’alter gentrifieur·se s’appuie sur des techniques faisant appel à une éthique de l’autonomie et de la résilience, à contre-courant des systèmes industriels de production et de consommation : la permaculture est ainsi en plein essor dans l’Ouest du Montana. Les individus qui incarnent cet idéal-type revendiquent ainsi un rapport, une proximité très intense à l’environnement, qui les distinguerait des autres néo-arrivant·e·s. Si cette proximité s’exprime sous plusieurs modalités, nombreux·ses sont ceux·celles qui s’investissent dans sa protection dans des organisations dédiées, et qui se sont nouvellement installé·e·s à Missoula parce que celle-ci est particulièrement propice à ces initiatives ˗ en raison d’abord de l’attractivité de l’Environmental Studies Program (ESP) de l’Université, qui alimente ces flux migratoires ; en raison ensuite de la surreprésentation des organisations dédiées à la protection de l’environnement dans la ville. Le fait d’habiter Missoula est ainsi valorisé dans les récits des individus incarnant cet idéal-type, qui discernent une identité urbaine dans laquelle ils se reconnaissent et qui vient justifier le bien-fondé de leur propre parcours migratoire. Ce dernier point m’amène à souligner l’importance du réseau social qui structure et donne sens à leurs pratiques quotidiennes : le cercle environnementaliste est très soudé à Missoula, qu’il s’agisse des associations militantes en tant que telles, ou plus largement, de tout le réseau d’habitant·e·s que celles-ci fédèrent. Le capital social de ses membres s’exprime alors par la force de leur engagement collectif, voire leur prise de pouvoir lorsque l’on constate leur implication dans les politiques publiques, et plus spécifiquement dans les initiatives consistant à préserver les paysages, et plus généralement l’environnement.

Entre reconquête de la centralité et investissement dans des pratiques écologisantes, le rôle des altergentrifieurs·ses dans la fabrique d’un modèle d’urbanité alternatif à l’Amérique de Trump vient ainsi révéler la montée en puissance des valeurs environnementales dans cette île de l’archipel du New West. Mais cela pose aussi question : si les investissements que ces gentrifieurs·ses opèrent dans l’environnement peuvent être considérés comme une forme de résistance face au système productif néolibéral, que révèlent-ils pour autant des nouveaux rapports de force à l’œuvre ?

Des valeurs environnementales hégémoniques ? De l’altergentrification à l’imposition d’un nouveau rapport de force

Les valeurs environnementales prônées par les altergentrifieurs·ses semblent en effet être devenues à ce point hégémoniques à Missoula qu’elles viennent remplacer un rapport de force par un autre. Alors que l’économie de l’Old West était caractérisée par l’investissement capitalistique des grands barons du cuivre ou de l’or dans des mines dont dépendait la survie d’une masse prolétaire, qu’elle désignait les ranchers propriétaires et garants de l’évolution des franges urbaines, l’économie du New West fait entendre d’autres voix, fait se remplir d’autres bourses. Les politiques de conservation easements mises en œuvre pour préserver ses plus beaux paysages sont emblématiques du nouveau rapport de force que l’on peut observer dans l’archipel : à Missoula, elles révèlent la capacité des altergentrifieurs·ses à imposer, de manière certes subtile, une nouvelle définition légitime des contours de la ville, pour mieux dessiner le paradis qu’ils·elles sont venu·e·s chercher.

Protéger les franges du paradis : des valeurs environnementales partagées ?

Les ranchs placés en conservation easements sur les marges de Missoula constituent une illustration emblématique de la manière dont les paysages sont aujourd’hui réinvestis dans le New West. En signant un contrat de ce type avec un organisme de land trust7 (fiducie foncière), les ranchers s’engagent à maintenir leur propriété telle quelle, sans entamer de nouvelle construction notamment, mais en conservant leur activité, et ce de manière permanente, puisque s’ils·elles vendent leurs terres, le contrat s’appliquera au·à la propriétaire suivant·e : les propriétés agricoles, et par là les paysages, sont figés ad vitam aeternam. En contrepartie de cet engagement, une somme d’argent élevée est offerte aux ranchers, qui correspond au différentiel entre la valeur de leur terrain constructible et la valeur de leur terrain devenu ainsi non constructible. Les propriétaires capitalisent ainsi sur la nouvelle valeur environnementale accordée au ranch : cela témoigne de la revalorisation des espaces productifs de l’Ouest en espaces post-productifs, le ranch acquérant un statut de paysage à préserver.

Or, cette enveloppe versée aux ranchers révèle surtout le prix que les habitant·e·s sont prêt·e·s à payer pour cette permanence du paysage : le financement est en effet en partie assuré par la population locale, à l’échelle de la ville ou du comté, qui accepte par un vote d’augmenter ses taxes – ce qui est appelé un Open Space Bound. À titre d’exemple, en 1995, les habitant·e·s de Missoula ont approuvé par un vote un versement global de 5 millions de dollars pour protéger sa frange paysagère, donc en consentant une augmentation de leur taxe foncière. Cela est d’autant plus significatif que la population accepte d’augmenter ses taxes pour conserver un paysage qu’elle ne pourra pas nécessairement pratiquer, puisque les terres placées en servitude de conservation sont souvent des terres privées sans accès public. Porté par des politiques publiques dorénavant soucieuse de préserver les aménités environnementales qui conditionnent l’attractivité du New West, le conservation easement peut alors être interprété comme un outil potentiel de médiation entre le·la rancher traditionnel·lle et l’altergentrifieur·se, réuni·e·s par des valeurs environnementales partagées : il permettrait, face à la menace du développement résidentiel, au·à la premier·e de conserver l’usage agricole de ses terres, et au·à la second·e de conserver les open spaces qui l’ont attiré·e dans le Montana.

Du partage à l’hégémonie : imposer son paradis ?

Pour autant, une toute interprétation de cette dynamique est possible. En effet, l’essor des conservation easements à Missoula peut également être interprété comme une preuve de la réussite des altergentrifieurs·ses à diffuser leurs valeurs et définitions légitimes de l’environnement, le consensus apparent devenant l’instrument d’un rapport de force. Certes, grâce à cette transaction, les ranchers traditionnel·lle·s ont dorénavant les moyens de faire subsister leur exploitation, mais leur ranch perd symboliquement dans l’opération sa portée productive : ses derniers éléments fermiers n’ont désormais vocation qu’à agrémenter le cadre paysager des altergentrifieurs·ses, parvenant par là à modeler le paradis qu’ils·elles projetaient et qui a déterminé leur trajectoire migratoire. Le processus, s’il paraît consensuel, participe ainsi à affirmer et diffuser une identité territoriale façonnée par les valeurs et les représentations des altergentrifieurs·ses.

Cette démonstration permet alors d’éclairer les nouveaux rapports de force qui sous-tendent la gentrification de Missoula, et donc de questionner le caractère réellement alternatif du modèle que la ville semble vouloir promouvoir. Si les altergentrifieurs·ses incarnent une forme de résistance face au système productif néolibéral, l’autre urbanité que, par leurs modes d’habiter et leurs investissements dans l’environnement, ils·elles dessinent, n’est pas construite d’interactions et de coprésences nécessairement plus égales : certes alternative à l’Amérique de Trump, elle est surtout portée par de nouveaux·velles acteurs·trices dominant·e·s, dont les voix font toujours taire celles des exclu·e·s, qu’il s’agisse finalement de l’Old ou du New West.

GABRIELLE SAUMON

Gabrielle Saumon est PRAG au département de géographie de l’Université de Limoges, et chercheure au laboratoire GEOLAB, équipe Capital environnemental. Après avoir soutenu en mars 2019 une thèse sur les recompositions socio-territoriales de l’Ouest du Montana et les phénomènes excluants associés, ses travaux portent aujourd’hui sur les dynamiques contemporaines liées à la montée en puissance des valeurs environnementales (migrations d’aménités, gentrification rurale) et les conflits, inégalités et injustices qui lui sont associés. 

gabrielle.saumon@unilim.fr

Couverture : vue sur Missoula depuis les collines au sud, en conservation easement (G. Saumon, juillet 2018)

Bibliographie

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Pour citer cet article : Saumon G., 2021, « Missoula (Montana), un paradis pour altergentrifieurs·ses au cœur de l’Amérique capitaliste de Trump ? », Urbanités, Dossier / Les villes nord-américaines à l’ère de Trump, novembre 2021, en ligne.

  1. La question raciale n’est volontairement pas abordée ici – il faut déjà savoir que l’État est blanc à 88.9 % (Census Bureau, 2019). Pour ce qui est de la question indienne ensuite (les Natives représentant 6.7 % de la population totale de l’État, majoritairement dans des Réserves), je ne souhaite pas m’adonner ici à une approche approximative et rapide d’un champ d’étude complexe, qui mériterait un article à part entière. []
  2. L’État, particulièrement permissif, ne demande d’établir des « growth policies » qu’aux villes et comtés les plus peuplés du Montana, et celles-ci n’ont pas de caractère coercitif : ce sont avant tout des instruments de planification, au caractère uniquement consultatif, qui ne limitent pas réellement les nouvelles constructions. Cela semble faire écho à la difficulté dans l’Ouest américain à imposer toute forme de cadre réglementaire, dans une région où le culte de la propriété privée ainsi que la valeur accordée à la liberté de s’installer où on le souhaite, dans un esprit délibérément pionnier, restent manifestes. []
  3. « Missoula est une bulle, vraiment, elle est vraiment démocrate, c’est une ville universitaire donc elle est vraiment progressiste/de gauche, très ouverte… » (traduction de l’auteure). []
  4. « Il y a une blague, je ne sais pas si vous en avez entendu parler, c’est que Missoula ne serait qu’à 30 mn du Montana » (traduction de l’auteure). []
  5. À la figure de l’altergentrifieur·se, il peut être ajouté celle du·de la « mécène gentrifieur·se », disposant surtout de nombreux capitaux économiques qu’ils·elles emploient pour investir dans l’environnement et qui lui confèrent son prestige social, ainsi que celle de la « victime de la wilderness tax », désignant celles et ceux qui, malgré la faiblesse de leurs capitaux économiques, persistent à vivre dans le Montana car ils·elles ne peuvent se résoudre à renoncer à ses aménités environnementales (Saumon, 2019). []
  6. « Oh, voyons voir… en ce moment c’est surement… [elle rit, gênée], c’est à peu près 45 500 €, ce qui est le plus que j’ai jamais eu. Vous me demandez ça au bon moment ! Excellent ! » (traduction de l’auteure). []
  7. Cette analyse est nourrie des entretiens réalisés avec le directeur du Five Valleys Land Trust de Missoula mais également avec différent·e·s responsables politiques en charge de ce type de projet pour la ville et le comté, notamment avec l’Open Space Program Manager du comté. Des données ont également été recueillies lors de la visite de plusieurs ranchs sous conservation easement, notamment dans la vallée de Potomac dans le cadre des visites annuelles de contrôle organisées par le FVLT. []

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