Vu / Le MOOC « Ville durable : être acteur du changement »

Lionel Francou

 

Pour la toute première fois, ce mardi 28 janvier 2014, les portes du MOOC Ville durable : être acteur du changement se sont ouvertes sur la plateforme en ligne FUN (France Université Numérique). Nous ne pouvions manquer cette occasion de vous offrir une présentation critique d’un cours qui situe son propos au cœur de la ville.

Pour rappel, un MOOC (qui se prononce « mouk ») est un Massive Open Online Course, c’est-à-dire un cours en ligne ouvert à tous et accueillant des milliers, des dizaines, voire des centaines de milliers d’étudiants à chaque session. Ces cours d’un genre nouveau rencontrent déjà un grand succès en langue anglaise de par les avantages pratiques qu’ils offrent. N’importe qui peut s’inscrire au cours, sans barrières à l’entrée, que ce soit en dilettante, par curiosité, ou pour tenter d’obtenir un certificat à l’issue du cours. Certains valoriseront ce certificat auprès de leur employeur ou dans la recherche d’un emploi, d’autres l’utiliseront pour amorcer une réorientation professionnelle, pour témoigner de leurs connaissances sur un sujet bien particulier, etc. Il y a probablement autant de raisons qui poussent les étudiants à concourir pour le certificat délivré à l’issue du cours que d’étudiants cherchant à l’obtenir. À condition d’avoir accès à Internet, ces cours peuvent être suivis à tout moment et n’importe où ; cette flexibilité est un élément majeur concourant à leur succès. Si, le plus souvent, le contenu du cours est diffusé sur une base hebdomadaire, les étudiants peuvent en prendre connaissance quand cela leur convient le mieux. Si les universités américaines, suivies de nombreuses universités à travers le monde, ont commencé à diffuser des MOOCs il y a moins de deux ans sur Coursera et edX, d’autres plates-formes élargissent l’offre. Ainsi, les universités du Royaume-Uni se sont rassemblées sur FutureLearn, tandis que les universités australiennes s’affichent sur Open2Study. La majorité des cours diffusés sur ces sites web sont dispensés en anglais. Cependant, depuis la mi-janvier, sont progressivement lancés les premiers MOOCs coordonnés par FUN, la toute nouvelle plate-forme rassemblant des cours d’universités et de grandes écoles françaises.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=eW3gMGqcZQc[/youtube[/youtube]

Parmi cette multitude de MOOCs, qui sont le plus souvent introductifs à une discipline ou à un champ d’études particulier, rares sont ceux qui traitent spécifiquement de la ville et des phénomènes urbains. À ma connaissance, jusqu’à présent, seuls trois cours sur plusieurs centaines s’y intéressaient, chacun à sa façon : Designing Cities (University of Pennsylvania), TechniCity (The Ohio State University) et Villes africaines : une introduction à la planification urbaine (École polytechnique fédérale de Lausanne) qui débutera mi-février, tous trois sur Coursera. Dans ce contexte, le lancement d’un cours relatif à la ville, dans la première fournée de MOOCs français, ne peut que retenir notre attention. Les enseignants sont Laurent Vassallo (Maître de conférences associé en droit de l’environnement et du développement durable), et Chrysta Pelissier (Maître de conférences en sciences du langage), de l’Université Montpellier 2. Ils proposent ici un cours avec une finalité plus pratique que théorique. Les exposés-vidéos sont complétés par des lectures et des exercices, ainsi que par une invitation à la discussion sur les forums, dans le but de permettre une appropriation des savoirs par les étudiants. Ceux-ci devraient être capables, à l’issue du cours, de comprendre les enjeux du développement durable dans un environnement urbain et être dotés d’une série d’outils leur permettant d’agir sur ces enjeux. Les enseignants invitent à « prendre conscience des pratiques liées au développement durable » et à « construire ensemble la ville durable d’aujourd’hui et de demain ».

Cet article se penchera sur Ville durable : être acteur du changement, en se calquant sur le rythme du cours, hebdomadairement donc, pendant six semaines. Il est encore temps de prendre le train en marche ! Les grandes lignes des exposés seront reprises chaque semaine ainsi que les éléments à même de nous intéresser plus spécifiquement. À l’issue du cours, à l’occasion d’une mise en perspective plus critique du contenu du cours, nous nous pencherons sur la conception particulière de la ville véhiculée par les enseignants. Au-delà de leurs avantages pratiques, les MOOCs ont la particularité de s’ouvrir au regard extérieur, contrairement à un cours plus classique, ce qui permet d’en débattre et d’en questionner le contenu.

 

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x15c7kp_fun-mooc-ville-durable-etre-acteur-du-changement-laurent-vassallo-chrysta-pelissier-universite-montp_school?start=3[/dailymotion]

 

Durant cette première semaine, portant sur « le citoyen et le développement durable », L. Vassallo expose d’abord les évolutions successives des droits humains qui ont débouché sur l’émergence de droits collectifs, pour nous, mais également pour les générations futures. Les politiques publiques locales sont encouragées à tenir compte de ces droits et à penser leurs actions en terme de développement durable. Ensuite, il lie ce principe du développement durable à la ville à travers les outils de planification, l’urbanisme, et le droit (de l’environnement, notamment). Il s’agit de permettre une cohabitation harmonieuse entre des activités économiques, sociales, environnementales et culturelles, qui se déroulent toutes en ville et constituent également les quatre piliers du développement durable. La planification doit permettre de lutter contre l’étalement urbain et ses conséquences néfastes sur l’environnement, de protéger la biodiversité, d’optimiser la performance énergétique et d’assurer une offre de transports en commun suffisante, en favorisant pour ce faire la densification urbaine. Enfin, la plus grande partie de ce premier module est consacrée à l’Agenda 21 et aux pistes d’action qu’il donne pour améliorer la ville, tant au niveau de l’environnement que des humains. Il s’agit d’un outil utilisable par les gouvernants au niveau d’une commune, d’une ville, par exemple, mais qui n’est pas contraignant. Il donne des orientations pour agir en faveur du développement durable sur un territoire donné ; il s’agit d’une « sorte de calendrier qui va permettre de guider une action publique ». C’est une forme particulière de gouvernance où les différentes catégories d’acteurs collaborent tant au niveau de la définition du projet que des procédures d’évaluation : « ce qui est important, c’est un engagement à la fois réel et un engagement partagé pour qu’un Agenda 21 soit un succès ».

Capture d'écran du MOOC (Francou, 29 janvier 2013)

Capture d’écran du MOOC (Francou, 29 janvier 2014)

—————-

C’est au changement climatique et à l’enjeu énergétique dans un environnement urbain que le cours s’attaque dans cette deuxième livraison également divisée en trois courtes parties. Dans un premier temps, un certain nombre d’éléments techniques sont exposés. On découvre l’utilité de l’effet de serre et les conséquences négatives, sur l’environnement, de son accroissement provoqué notamment par les activités humaines (principalement l’industrie, les transports, l’agriculture et le chauffage). Pour L. Vassallo, « ça ne peut pas durer » ; il est nécessaire d’effectuer une transition énergétique en multipliant les sources d’énergie et en réduisant notre consommation. Ensuite, la ville est abordée au travers des enjeux climatiques et énergétiques auxquels elle doit faire face. Dans les villes qui concentrent pollution et consommation d’énergie, les individus et les autorités doivent répondre à une série d’ « enjeux fondamentaux » en la matière et notamment repenser les façons de se déplacer ou d’habiter et, plus généralement, d’utiliser l’espace1. Le droit serait un outil à même de faciliter et de soutenir les changements nécessaires. Enfin, nous découvrons le plan climat-énergie territorial (PCET)2, un outil d’action publique dont le but est de quantifier les gaz à effet de serre produits sur un territoire donné et de concevoir une « stratégie d’adaptation aux changements climatiques » à y mettre en œuvre.

Capture d’écran du MOOC (Francou, 5 février 2014)

Capture d’écran du MOOC (Francou, 5 février 2014)

——————

Dans ce troisième module, divisé en trois parties, nous sommes invités à considérer les liens entre la santé et l’environnement en ville et les formes prises par le droit et l’action publique en la matière. En premier lieu, nous découvrons le concept de santé environnementale relatif aux liens entre environnement et santé et, plus particulièrement, à l’impact des problèmes environnementaux sur la santé des individus. Si la santé, un droit individuel, et l’environnement, un droit collectif, ont classiquement été opposés, il importe de « dépasser ces oppositions ». Les évolutions du droit ont permis que ces enjeux soient désormais considérés dans leur relation, en tout cas formellement. Ensuite, sont rapidement évoqués les enjeux sanitaires en milieu urbain et les pollutions multiples auxquelles sont soumis les habitants et les usagers de la ville (air, odeurs, bruit, ondes, notamment). C. Pelissier nous présente en quelques mots la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé, texte fondateur en la matière. Enfin, sont abordés les projets « Villes-Santé » qui encouragent la mise en œuvre d’actions en matière de santé et d’environnement au niveau local. Ces « Villes-Santé » reposent sur la combinaison de quatre principes : l’équité dans le traitement des citoyens, la stimulation de la participation des individus et le développement de leur autonomie, la construction de partenariats « avec l’ensemble des partenaires autour de la ville » et, enfin, la solidarité et l’amitié qui consistent à maintenir ou à reconstruire du lien social. En pratique, une commune, par exemple, désireuse de se lancer dans ce processus, devra, dans l’ordre, écrire une politique compréhensible par le grand public, déterminer les objectifs poursuivis, structurer la mise en œuvre, et évaluer son action afin de « permettre une amélioration continue de ce processus ».

————————

Capture d’écran du MOOC (Francou, 13 février 2014)

Capture d’écran du MOOC (Francou, 13 février 2014)

—————-

Cette quatrième semaine, le module porte sur les liens entre les transports en ville et le développement durable. En premier lieu, on découvre que les façons de se déplacer en ville ont été durablement marquées par des évolutions technologiques (apparition des tramways, démocratisation de l’automobile, métros, etc.), qui ont largement influencé les formes prises par nos villes, pour le meilleur et pour le pire3. Les autorités doivent s’interroger sur les transports à privilégier, ce qui aura des conséquences sur l’aménagement et l’urbanisme des villes4 et pourra rendre obsolètes certaines infrastructures actuelles. Chaque ville doit se demander quels modes de transports (individuels ou collectifs) sont les mieux adaptés à ses caractéristiques propres et aux besoins de ses habitants et usagers, tout en tenant compte de la dimension environnementale. En second lieu, est abordée la question de « l’intégration du développement durable dans les déplacements » et dans les politiques de transports, et son impact positif sur l’environnement. Trois scénarios sont présentés par L. Vassallo, chacun nécessitant la réalisation de conditions particulières (cf. image ci-dessous) à même de déboucher sur des déplacements urbains plus écologiques et fonctionnels, notamment en favorisant l’intermodalité. Un acteur de terrain, L. Bacou, en charge des transports pour une communauté d’agglomération, intervient dans le cours pour nous parler du PDU (Plan de déplacements urbains). Il s’agit d’un outil de planification qui augmente la « cohérence » en matière de mobilité dans une agglomération et permet d’impliquer les citoyens et les différents acteurs institutionnels dans le processus.

Capture d’écran du MOOC (Francou, 18 février 2014)

Capture d’écran du MOOC (Francou, 18 février 2014)

————————-

Les liens entre culture et développement durable en ville sont au cœur de ce cinquième module. Premièrement, nous découvrons la façon dont ceux-ci se sont imbriqués progressivement dans le droit et l’action publique ; de la création, en 1945, de l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) censée bâtir « un lien moral entre les individus, entre les peuples, entre les États » au Congrès international de Hangzhou en 2013 qui fait de la culture la « clé du développement durable », en passant par la Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles de Stockholm en 1998 qui établit un droit à la culture. La culture, qui se trouve à l’interface des enjeux économiques, sociaux et environnementaux, peut faciliter l’émergence du développement durable. On s’intéresse en deuxième lieu à l’engagement des villes en faveur du développement durable et de la culture. En 2004, l’UCLG (Cités et Gouvernements locaux unis) initie un Agenda 21 de la culture qui sert de guide aux villes pour les politiques publiques en la matière (droits de l’humain, diversité culturelle, démocratie participative, etc.), qui doivent être pensées à l’échelle du territoire. Ce programme permet de renforcer la culture afin que la ville soit certes « durable », mais également « habitable ». La question du patrimoine urbain fait l’objet du troisième point de la semaine. Il s’agit de s’interroger sur ce qui peut être considéré comme faisant partie du patrimoine, sur ce qui doit ou non être préservé et sur la façon de procéder. Enfin, Benjamin Assié, Directeur du centre interrégional du développement de l’occitan, nous parle de l’accélération de la disparition des langues dans le contexte de la globalisation qui fait s’imposer les « langues rentables » au détriment des « non rentables », ce qui est une immense perte pour l’humanité.

Les déchets et leur gestion sont au centre de la sixième et dernière semaine du cours. Tout d’abord, une introduction à l’enjeu social et environnemental que représentent les déchets, dont la production ne cesse de croître. Il est urgent de trouver des solutions pour les traiter, afin de ne pas être « envahis ». Le recyclage, par exemple, permet à ce que l’on considérait encore il y a peu comme des ordures de devenir de nouvelles matières premières. Il faut distinguer les déchets solides des liquides, les dangereux des non dangereux, ainsi que les déchets des ménages ou des entreprises, afin d’opter pour le meilleur traitement et ainsi d’en maximiser la diminution et la réutilisation. Une nouvelle économie se constitue autour des possibilités d’exploiter nos déchets. Ensuite, nous abordons la question de la gestion de ces déchets par les villes. En France, la commune est compétente en la matière, mais elle peut déléguer cette mission à une collectivité territoriale qui rassemble plusieurs communes ou à une entreprise privée. Enfin, on aborde les moyens dont disposent les autorités publiques pour diminuer les déchets : l’Agenda 21 local est une possibilité. Il permet la construction d’un cadre d’action particulier et d’un calendrier, afin à la fois de sensibiliser les citoyens, de les informer, d’être transparent sur les politiques menées et de faire des progrès dans la gestion et le traitement des déchets pour en réduire les impacts négatifs.

———————–

Capture d’écran du MOOC (Francou, 20 mars 2014)

Capture d’écran du MOOC (Francou, 20 mars 2014)

———————–

Le MOOC Ville durable : être acteur du changement fut donc l’occasion pour L. Vassallo, assisté par Ch. Pelissier pour les aspects relatifs à la pédagogie et à l’apprentissage en ligne, de nous dresser le portrait d’une ville considérée comme un ressort pour le changement. Les autorités et les citoyens sont vus comme les acteurs d’une intégration de la durabilité dans le développement de la ville, qui englobe différents enjeux approchés dans le cadre du cours : l’énergie, la santé, les transports, la culture et les déchets. Sur la forme, on peut regretter que le fil rouge du cours balance continuellement entre deux publics cibles différents supposés trouver ici des informations leur permettant de changer leurs pratiques pour favoriser l’émergence d’une ville durable. La volonté de s’adresser à la fois aux citoyens, aux profanes, et aux acteurs de terrain, experts des administrations locales, territoriales, etc. induit un mélange des genres qui dessert le propos du cours. Chaque groupe d’usagers se retrouve ainsi face à un contenu et à une pédagogie qui ne lui sont pas directement adressés, voire face à une partie qui ne le concerne pas du tout, à mes yeux. D’une part, le niveau du cours est globalement introductif, ce qui limitera l’intérêt des acteurs des politiques publiques pourtant présentées comme essentielles pour agir sur les problèmes sociaux et environnementaux présentés. Cependant, peu de pistes d’action en dehors d’un cadre institutionnel sont présentées, et certains développements semblent bien éloignés des préoccupations d’un public large5. D’autre part, certains développements théoriques, les conseils de lecture permettant d’approfondir le sujet, ainsi que les possibilités offertes pour dialoguer avec d’autres professionnels ou passionnés sur le forum du cours, recueilleront les faveurs des professionnels tout en semblant hors d’atteinte pour de simples citoyens. Il serait intéressant qu’à l’avenir les enseignants puissent recentrer leur cours sur un public plus ciblé ou, comme cela se fait souvent dans les MOOCs, proposent différents parcours d’apprentissage en fonction des profils et des motivations des étudiants. On pourrait ainsi imaginer un parcours pour les professionnels, qui évaluerait leur compréhension technique approfondie et leur capacité à mobiliser les outils présentés pour répondre à des questions complexes, et un parcours introductif permettant à tout un chacun de retirer quelque chose de ce cours sans devoir pour autant se frotter à la technicité de textes législatifs et d’outils qu’il n’utilisera jamais.

S’il est évident que la ville est au centre du propos de ce cours, reste encore à déterminer de quelle ville il s’agit : la façon dont elle est présentée et considérée au travers de cet enseignement en véhicule une image particulière, qui nous fait parfois penser à celle d’une ville sans habitants. Notons au préalable qu’il s’agit de la ville ou de la commune française, ce qui implique que le contenu présenté est très marqué par les réalités, notamment législatives et institutionnelles, caractéristiques du contexte français. On découvre aussi une ville analysée à partir des formes prises par l’action publique et des types d’instruments6 utilisés et, plus spécifiquement, au travers du prisme du développement durable. Notons que les instruments « structurent l’action publique selon leur logique propre » et qu’ils « ne sont pas neutres »,7 contrairement à ce que laisse penser la conception de l’action publique sur les populations et territoires urbains véhiculée par ce cours. L’Agenda 21, par exemple, ne se déploie pas concrètement d’une façon aussi lisse qu’il a été conçu ou qu’il est présenté dans le cadre de ce cours. Les usages qui en seront faits peuvent être divers et variés, d’autant plus que ce dispositif est non contraignant. On peut tout à fait imaginer qu’un tel dispositif permette aux gouvernants de légitimer leurs politiques au moyen de greenwashing sans réellement favoriser une transformation en profondeur de la ville. On peut aussi se demander comment les habitants appréhendent ces politiques : qu’apprenons-nous, par exemple, de l’absence de soutien de ceux-ci à une politique visant à promouvoir la densification urbaine ou le recours aux transports en commun ? On peut regretter le manque de perspective critique de ce cours (à moins que ce ne soit un excès d’enthousiasme de ses géniteurs ?) qui ressemble parfois plus à un catalogue vantant les mérites d’une action publique qui nous offrirait à (très) court terme une ville durable qu’à un cours universitaire. Si de nombreux outils et réglementations encouragent désormais les autorités à prendre en compte l’enjeu de la durabilité, on aurait aimé en savoir plus sur l’ampleur des succès réellement engrangés en pratique et sur les limites rencontrées8, au-delà du développement d’un nouveau cadre normatif qui semble globalement peu contraignant et donc peu opérant et marginal dans ses effets. Dans les pays occidentaux, on assiste notamment au succès du modèle de la ville « aseptisée », une philosophie de l’aménagement du territoire qui promeut une ville « embellie, désencombrée, écologique » qui améliorerait à la fois le quotidien du piéton et la « santé environnementale »9. Il s’agirait-là d’un « regard surplombant » qui ne nous dit rien des appropriations concrètes que font les usagers de l’espace public et des représentations qu’ils s’en font. Cet exemple permet de souligner que penser la ville dans son interrelation au développement durable ne doit pas faire oublier qu’il s’agit d’une conception particulière de l’action publique qui doit tenir compte (ce qui n’est pas toujours le cas) des habitants et des individus qui utilisent la ville, de leurs besoins, de leurs usages, etc., qui peuvent entrer en contradiction avec les objectifs et pratiques des experts.

Malgré ces faiblesses, ce cours est globalement intéressant et a le mérite d’exister. Le fait qu’il s’agisse d’une première version explique probablement les couacs techniques et les formulations des quiz pas toujours inspirées. S’il reste de la place pour des améliorations, je ne doute pas qu’un grand nombre d’étudiants se seront déjà nourris des outils et des développements théoriques présentés dans ce cours pour faire évoluer leur pratique professionnelle ou leurs réflexions relatives en la matière. Si la ville durable n’est pas pour demain, un tel cours ajoute une pierre à l’édifice, ce qui n’est pas négligeable.

Lionel Francou

——————–

Lionel Francou est étudiant en sociologie, master à finalité approfondie, à l’UCL (Université catholique de Louvain). Il réalise un mémoire sur les nouveaux acteurs d’une surveillance non policière des comportements dans les espaces publics urbains de Bruxelles. Il est aussi l’auteur de plusieurs recensions publiées par la revue Lectures.

——————-

———————

  1. Par exemple, comment utiliser les nombreux bâtiments qui restent systématiquement inoccupés durant certaines tranches horaires ? Élisabeth Pélegrin-Genel, architecte et urbaniste, approfondit notamment cette question dans Une autre ville sinon rien, Paris, Les empêcheurs de penser en rond/La découverte, 2012. []
  2. Plus d’explications sur les PCET sur le site du Centre de ressources pour les Plans Climat-Énergie Territoriaux de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’energie), consulté le 14/02/2014 []
  3. Voyez l’exemple du « tout-à-l’automobile » dont la ville de Bruxelles reste un cas emblématique : M. HUBERT, « L’Expo 58 et le “tout à l’automobile”. Quel avenir pour les grandes infrastructures routières urbaines à Bruxelles ? », Brussels Studies, n° 22, 20/10/2008, http://www.brusselsstudies.be/publications/index/index/id/64/lang/fr, consulté le 18/02/2014. []
  4. Notez que ce 18/02/2014 a débuté sur Coursera le MOOC Villes africaines : une introduction à la planification urbaine, dispensé par J. Chenal de l’École polytechnique fédérale de Lausanne. URL : https://www.coursera.org/course/villesafricaines. []
  5. À l’inverse du MOOC How to Change the World, dispensé récemment par Michael S. Roth de la Wesleyan University sur Coursera (https://www.coursera.org/course/changetheworld) qui s’adresse à un large public prêt à s’investir et propose des clés pour comprendre des enjeux importants de notre époque et réfléchir aux leviers d’action possibles pour les individus et les communautés humaines. []
  6. Pour en savoir plus sur l’approche par les instruments, voyez P. Lascoumes et P. Le Galès (dir.) (2005), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po. []
  7. P. Lascoumes et P. Le Galès, « Instrument », in L. Boussaguet, S. Jacquot et P. Ravinet (dir.) (2010), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, p. 325-334 []
  8. Pour en savoir plus sur les rapports entre politiques publiques et développement durable, voir Ph. Hamman (2012), Sociologie urbaine et développement durable, Bruxelles, De Boeck, recensé par M. Berger (2013), « Le développement durable au prisme de la transaction sociale », Recherches sociologiques et anthropologiques, 44-1. URL : http://rsa.revues.org/977. []
  9. R. Thomas (2012). « Les perspectives critiques de la notion d’ambiance », in J.-P. Thibaud et D. Siret (dir.), Ambiances in action/ Ambiance en acte(s). Proceedings of the 2nd International Congress on Ambiances / Actes du 2e Congrès International sur les Ambiances, Réseau International Ambiances, p. 45-50. []

Comments are closed.