#13 / Hiérarchie sociale et politique pour la visibilité sur le territoire dans un espace ségrégé. Le cas des républicains nord-irlandais
Hadrien Holstein
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L’article d’Hadrien Holstein au format PDF
Le Good Friday Agreement (GFA) de 1998 met officiellement fin au conflit nord-irlandais et entame une normalisation de la situation nord-irlandaise, notamment en faisant drastiquement diminuer l’intensité de la violence armée avec le désarmement des différents groupes armés, républicains comme loyalistes1. Dès la signature du traité de paix, des groupes républicains refusent de suivre la ligne politique dictée par le Sinn Féin (SF)2, le parti politique associé à l’IRA, et choisissent de critiquer l’action de celui-ci, voire de poursuivre la lutte armée. Largement dominant au sein du mouvement républicain, le SF réagit à cette contestation de son monopole en stigmatisant ces groupes à travers la dénomination de « dissidents ». Selon la rhétorique du SF, quiconque ne suit pas sa ligne est en réalité opposé à la paix. Pourtant, ces « dissidents » sont dans leur grande majorité opposés au GFA, et non à la paix3.
Les études actuelles sur les anti-GFA se concentrent principalement sur l’idéologie et la stratégie revendiquée par ces groupes (Patterson, 2011 ; Tonge, 2012 ; Whiting, 2015 ; McGlinchey, 2019), sur les raisons de leurs schismes (White, 2010 ; Sanders, 2011 ; Morrison, 2013), ou encore sur leurs formes de violence et les soutiens dont ils disposent (Evans et Tonge, 2012 ; Morrison et Horgan, 2016). Plusieurs analyses se sont penchées sur les discours et la lutte pour la légitimité entre le SF et les anti-GFA (Maillot, 2005 et 2008 ; Bean, 2007 ; Féron, 2011 ; Frampton, 2011 ; Tonge, 2012) en montrant que ces derniers ne se considèrent pas comme des dissidents mais comme les uniques garants des valeurs républicaines (Patterson, 2011 ; Bean, 2012 ; Whiting, 2012 ; McGlinchey, 2019). Si quelques-unes des études sur les anti-GFA intègrent quelques éléments spatiaux à leur recherche (Horgan et Morrison, 2016), une seule analyse les effets spatiaux de cette lutte de légitimité en se centrant sur la justice para-militaire anti-GFA à Belfast (Marotte, 2015 et 2017).
En opposition, on trouve les recherches sur la ségrégation urbaine entre les loyalistes et les républicains, qui répond bien aux situations d’occupation et de séparation spatiale -souhaitée, subie ou imposée- différenciée entre des communautés (Fitoussi et al., 2004 ; Bouzouina, 2008). Caractérisée par une séparation stricte entre les quartiers des deux groupes (Feldman, 1991), cette division produit des effets sociaux et politiques, notamment en termes de polarisation entre les communautés (Jarman, 1997 ; Shirlow et Murtagh, 2006 ; Féron, 2011 ; Holstein, 2019) ou de mobilité des acteurs (Boal, 1996 et 2002 ; Power et Shuttleworth, 1997 ; Shirlow et Murtagh, 2006 ; Shuttleworth et Lloyd, 2012 ; Holstein ; 2019).
Cet article se propose d’analyser les effets spatiaux de la lutte politique entre le SF et les groupes anti-GFA à Belfast et Derry4, à partir des activités de marquage territorial, pour montrer la construction d’une ségrégation militante à l’intérieur d’un espace déjà ségrégé. Face à des recherches centrées sur Belfast, l’intérêt de cette comparaison réside dans le rapport de force politique, et par extension social, en vigueur dans ces deux villes. Dans les quartiers nationalistes, le SF est dominant et majoritaire. À Belfast, surtout dans West Belfast, son influence et son contrôle des institutions prennent la forme d’un pseudo-État (Bean, 2007). En revanche, son influence et son contrôle s’effritent progressivement à Derry qui est une ville considérée comme l’épicentre des activités anti-GFA, que de nombreux épisodes violents viennent rappeler. L’intérêt est d’étudier les variations spatiales de la puissance de cette domination en fonction des activités des groupes anti-GFA dans différents quartiers. L’enjeu de cette ségrégation militante est l’imposition d’une hiérarchie sociale, spatiale et politique. L’hypothèse posée est que l’espace constitue une ressource pour les militants servant à stratifier et à investir le territoire en vue de légitimer ou de stigmatiser politiquement, socialement et spatialement un acteur ou un groupe concurrent. Deux axes seront privilégiés : après une brève présentation des groupes militants anti-GFA, le premier s’attachera aux modes de marquage du territoire et leur mise en scène, le second se concentrera sur la localisation de ces inscriptions pour saisir comment la ségrégation se construit dans le paysage urbain.
Nous nous appuierons sur une enquête de terrain d’une durée cumulée de 7 mois réalisée entre 2015 et 2019 à Belfast et Derry. L’enquête repose essentiellement sur une collecte et une cartographie de ces données iconographiques appuyées par des entretiens et observations réalisés auprès de militants républicains du SF ou anti-GFA. L’analyse d’une ségrégation spatiale à partir des formes scripturales de marquage du territoire comporte deux intérêts. D’abord, dans un contexte où les acteurs revendiquent le contrôle et le monopole de la représentation d’un même territoire dans son intégralité, cette activité peut être quantifiée donc elle offre un socle suffisamment solide pour recenser le militantisme anti-GFA5 et voir comment la conflictualité politique se matérialise dans l’espace à travers des référents symboliques (Jarman, 1997). Ensuite, elle permet de prendre connaissance d’une hiérarchie, plus ou moins bien affichée et intériorisée par les militants eux-mêmes, reposant sur des valeurs communes à l’ensemble du mouvement. À la différence des questions de principes idéologiques ou des stratégies à adopter pour aboutir à la réunification, les militants s’accordent sur une hiérarchie des formes de marquage territorial (reposant sur des critères de visibilité et d’esthétisme) au sommet de laquelle se trouvent des peintures murales, appelées murals. Cette hiérarchie des formes de marquage territorial permet par la suite d’introduire une hiérarchie entre les groupes en fonction des modes d’actions qu’ils utilisent.
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Hiérarchie des formes de marquage territorial : qui peut faire quoi ?
Contraintes sociales et policières au militantisme anti-GFA
Les militants républicains anti-GFA ne forment pas un mouvement homogène en dehors de leur opposition au GFA. Il s’agit d’un ensemble hétérogène et fragmenté issus de scissions successives, souvent du SF soit de leurs propres groupes, dont les membres recourent à des méthodes d’actions violentes ou pacifiques (Frampton, 2011 ; Horgan, 2013 ; Whiting, 2015). Parmi tous ces réseaux, les deux plus importants à Belfast et Derry, en termes de militants et d’activité, sont l’Irish Republican Socialist Party(IRSP) et Saoradh6. Quant au reste, il s’agit d’une multitude de petits partis ou groupe de réflexion/pression (Éirígí7, 1916 Societies, 32 County Soverainety Movement (32CSM), Republican Network for Unity (RNU), Continuity SF (CSF)). Plusieurs d’entre eux possèdent des liens avec des groupes armés actifs (Saoradh – New IRA ; CSF – Continuity IRA) ou des groupes armés en cessez-le-feu/démilitarisé (RNU- Óglaigh na hÉireann8 (ONH), IRSP- Irish National Liberation Army (INLA)).
Les militants de ces différents groupes partagent la stigmatisation socio-politique et la répression policière. D’un côté, le SF, et dans son sillage les autres partis politiques et les médias, les étiquettent comme dissidents car ils refusent de soutenir l’accord de paix. L’idée est de parvenir à faire peser une pression sociale sur ces acteurs : « Le SF a organisé de nombreuses manifestations devant ma maison car je les critiquais fortement. Les taxis refusaient de me prendre, mes voisins ne me parlaient plus. Même si ce n’est pas la raison principale de mon départ vers le sud [de l’Irlande, ndlr], ça a aidé. […] L’année dernière, je suis revenu à Belfast pour des funérailles. En dehors de Michael (vétéran de l’IRA réputé et influent localement), personne n’est venu me saluer ou prendre de mes nouvelles. Ils m’ont tous évité » (entretien avec un militant anti-GFA indépendant, avril 2019). En raison de la position dominante du SF, et de ses tentatives de contrôle resserré des quartiers nationalistes, la pression sociale varie en fonction des quartiers et des réseaux. Dans des quartiers tel qu’Ardoyne à Belfast ou Creggan à Derry, les anti-GFA parviennent à mener leurs activités, y compris violentes, et à tenir une position de concurrent du SF car ils possèdent des militants aguerris ayant structuré des réseaux et bénéficiant de soutiens (Marotte, 2017). À l’inverse, la géographie de certains quartiers tel que Short Strand à Belfast, une enclave catholique dans une zone protestante, conduit à un repli sur soi de ses habitants : « Ce quartier fonctionne comme un village, tout le monde connaît les affaires de tout le monde, parfois même trop » (entretien avec une travailleuse communautaire de Short Strand, août 2019). Ce repli et la bonne structuration d’un réseau SF dans le quartier produit une pression sociale très forte asphyxiant toute tentative de militantisme anti-GFA, surtout si elle s’avère recourir à la violence.
D’un autre côté, cet étiquetage de dissidents amène les militants anti-GFA à subir une pression policière9. L’intensité de celle-ci varie selon la perception de radicalité et de dangerosité du groupe auxquels les militants appartiennent : « Avant quand j’étais au 32CSM, je me faisais contrôler et fouiller quatre fois par semaine. Mais depuis que nous avons créé Saoradh, ça s’est intensifié. Maintenant, c’est tous les jours, et parfois plusieurs fois par jours » (entretien avec un cadre de Saoradh, août 2019). Les militants anti-GFA situés à Derry sont davantage concernés par cette pression policière en raison de la présence plus importante de groupes anti-GFA10, et notamment une activité plus soutenue de la part de groupes armés anti-GFA. Par exemple, celle-ci conduit les militants de Saoradh à collecter les récépissés de contrôle d’identité pour démontrer qu’il existe un « harcèlement » contre eux.
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Hiérarchie des modes d’action : l’injonction à produire des murals
Ces pressions socio-politiques et policières à l’encontre des militants anti-GFA influencent directement leurs activités de marquage du territoire qu’ils mènent dans le cadre de la lutte les opposant au SF pour le contrôle territorial. Pour échapper à ces pressions, et en raison des ressources matérielles dont ils disposent, les militants anti-GFA ont recours à des modes d’actions rapides qui réduisent la durée de leur exposition tout en assurant la diffusion de leurs messages. Ainsi, la grande majorité du marquage territorial opéré par les anti-GFA s’effectue à travers des graffitis, pochoirs, pancartes, affiches et stickers.
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Parmi ces activités, celles exposant le plus les militants (graffitis, pancartes) sont les plus valorisées car elles permettent de rendre davantage visible le groupe. En plus de l’affichage et du maintien d’une conscience contestataire, communs à toutes ces activités, le graffiti constitue une manière spécifique de présence dans l’espace public qui possède ses valeurs et ses codes propres, renforçant de fait sa prédominance sur les autres modes d’actions de marquage territorial (Marche, 2012). À ce niveau, on constate une première distinction entre les groupes totalement ou quasi-absents de cette lutte territoriale (Éirígí, 1916 Societies), ceux réalisant un peu ces diverses activités (RNU, CSF, 32 CSM) et ceux plus prolifiques (IRSP, Saoradh). Par définition éphémères, ces formes de marquage territorial nécessitent une réactualisation permanente. À travers le mode d’action employé et la régularité des inscriptions, tant numériques que temporelles, on assiste à l’instauration d’une hiérarchie interne aux groupes anti-GFA dont les acteurs se servent pour mesurer l’activité des uns et des autres.
Les autres s’engageant dans cette lutte scripturale tentent alors d’engager une forme d’action plus coûteuse pour les réseaux, autant en termes de temps, de militants disponibles que de ressources matérielles nécessaires, mais offrant des rétributions symboliques beaucoup plus importantes. Cette forme d’expression située au sommet de la hiérarchie des pratiques de marquage territorial est le mural, c’est-à-dire une peinture murale diffusant une iconographie de légitimation politique et culturelle (Crettiez et Piazza, 2014). Les murals occupent une position particulière dans l’histoire et la conscience collective des républicains, en renvoyant à une martyrologie de la lutte durant le conflit nord-irlandais et à une posture d’opposants politiques, au point que des cérémonies sont organisées pour leur inauguration. À travers ces représentations d’un passé militant héroïsé, ils inscrivent localement et spatialement une mémoire collective rendant compte de l’inscription du passé dans les mémoires individuelles par rapport au présent (Briquet et Sawicki, 1989). Pérenne dans le temps, ce mode d’action marque durablement la présence d’un groupe sur le territoire renforçant de fait son attractivité pour les militants.
Peu concernés par les pressions socio-politiques et policières, les militants du SF recourent quasi-exclusivement aux murals pour marquer le territoire. Pour un groupe anti-GFA, le mural reste un idéal à atteindre tout en restant l’exception. La présence d’une peinture anti-GFA indique la présence au niveau local d’un réseau de militants apte à le produire (compétence artistique, possession du matériel requis) et de quelques soutiens prêts à l’accueillir. Encore une fois, la production de murals permet d’opérer un tri entre les groupes anti-GFA n’effectuant aucun mural (CSF), ceux dont les anciens murals survivent au déclin du groupe (RNU, 32 CSM), et ceux tentant de multiplier les murals (IRSP, Saoradh).
À titre d’exemple, à Belfast, Saoradh est à l’origine d’une dizaine de murals tandis que le SF en a initié environ 150. Ces distinctions entre les modes d’actions des groupes anti-GFA participent à la construction d’un système politique local interne au milieu militant au sein duquel émergent des relations de pouvoir entre ces groupes marginalisés du champ politique (Vigil, 1988 et 2007). Sommet de cette hiérarchie des valeurs, le mural permet au dominant (SF) d’imposer sa présence aux dominés (anti-GFA) et aux moins dominés (IRSP, Saoradh) d’imposer une domination interne aux plus dominés (les autres anti-GFA) suivant une gradation des pratiques effectuées.
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La mise en scène des murals : une domination du SF via la représentation iconographique
Les conditions de production d’un mural ne sont pas les mêmes pour des peintres du SF et des peintres anti-GFA en raison des pressions socio-politiques et policières. Anciens militants opérant déjà durant le conflit, les peintres du SF sont expérimentés et ils disposent de temps pour effectuer leurs peintures. Ils peuvent se permettre de multiplier les détails, d’effectuer des raccords dans le paysage urbain ou de truster des emplacements mettant en valeur la peinture (espace vert, etc.).
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Les peintres anti-GFA sont souvent plus jeunes, moins expérimentés et disposent d’un temps limité pour réaliser leur œuvre. Ils mettent en place des stratégies afin de pouvoir effectuer ce mode d’action valorisant tout en réduisant la durée de leur présence en extérieur, et par extension leur vulnérabilité. Deux méthodes sont privilégiées. La première consiste à produire des murals réduits au minimum avec le message à diffuser et peu de détails superflus.
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La seconde est de réaliser des murals comportant davantage de détails sur des planches de bois. Peintes à l’intérieur de leurs locaux, elles sont ensuite fixées sur un mur en extérieur.
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Étant donné que le SF détient une forme de monopole sur la pratique du mural, on observe une volonté d’identification de la part des anti-GFA. Ceux-ci signent systématiquement leurs murals, à l’aide du sigle et/ou de l’emblème du groupe, pour empêcher toute confusion sur l’origine de la peinture.
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À l’inverse, le SF ne signe jamais ses murals puisqu’il paraît évident qu’il en est à l’origine. À travers cette volonté d’accéder à des formes plus prestigieuses de marquage territorial, on remarque la construction d’un espace multi-dimensionnel jouant sur la temporalité (durée de l’activité, durée de l’inscription), les ressources mobilisées et l’accès aux hauteurs. Atteindre les hauteurs par d’autres moyens (drapeaux, pancartes) permet aux groupes anti-GFA dominés dans la production de murals, car incapables d’atteindre la régularité de leurs concurrents, de trouver une échappatoire leur assurant de garder la face. C’est le cas de l’IRSP dans le quartier de Creggan à Derry, qui se retrouve dominé par Saoradh et ses soutiens, et justifie la multiplication de ses drapeaux par un objectif de visibilité : « Pour moi, mettre notre drapeau, c’est très important. Ça montre qu’on est là » (entretien avec un militant de l’IRSP, août 2019). Dans un quartier peu fourni en murals et où la lutte de graffitis est féroce, la pratique des drapeaux est un moyen de garder la face en revalorisant son réseau, voire de se recentrer dans le champ contestataire.
Entre ces réseaux républicains, il se joue une politique de la verticalité (Weizman, 2002) où celui occupant les hauteurs parvient à imposer sa domination visuelle aux autres. Cette situation crée une distinction entre le SF et les groupes anti-GFA d’un côté, dans la capacité à produire des murals ; et une distinction entre les groupes anti-GFA de l’autre, entre ceux pouvant produire desmurals, ceux disposant de modes d’action de repli comme les drapeaux, et ceux restant cantonnés au sol et aux modes d’actions peu valorisants.
Cette lutte entre les anti-GFA est plus âpre et féroce que celle des anti-GFA contre le SF. Il est très rare que des murals soient dégradés, quand bien même le SF en est à l’origine. En revanche, il existe une véritable concurrence au niveau des graffitis, remettant celui-ci à l’honneur. Entre les différents réseaux, les inscriptions sont barrées, amendées ou contestées par d’autres inscriptions comme des insultes. En cela, le graffiti devient une mise en lumière de la dimension politique locale et des rivalités entre différents groupes (Le Moigne, 2017). L’enjeu pour les différents groupes anti-GFA est autant à situer dans des questions de contrôle territorial que dans la revendication du statut d’opposant crédible au SF et de véritable révolutionnaire.
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La localisation du marquage territorial : truster des emplacements visibles
Concordance entre lieu et discours : quelles stratégies pour les anti-GFA ?
Le SF ou les anti-GFA revendiquent le monopole de la possession, le contrôle et la représentation d’un même territoire clairement délimité donc la signification du message diffusé occupe une place centrale pour ces acteurs. Comme le SF diffuse un imaginaire politique républicain construit comme légitime, la signification de son message paraît aller de soi pour ses membres. Les anti-GFA, qui promeuvent un imaginaire politique républicain contestataire, sont plus attentifs à la question du discours : « Tu peux mettre autant de murals que tu veux, tant que les gens ne sont pas d’accord avec ton message, ton mural ne sert à rien » (entretien avec un cadre de Saoradh, août 2019). Au-delà de sa signification, c’est surtout la question de la pertinence du discours dans un espace déterminé, en fonction de l’affiliation politique perçue ou supposée, qui est cruciale pour les anti-GFA. Dominant, construit comme légitime, et se sentant exempté de justifications, le SF se permet d’invisibiliser les inscriptions anti-GFA lorsque celles-ci ne correspondent pas à l’usage social que le parti compte faire du lieu. Suivant la hiérarchie des modes d’actions, un mural anti-GFA sera davantage invisibilisé qu’une affiche.
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Dominés, construits comme déviants politiquement, et perdants dans cette lutte territoriale, les militants anti-GFA sont très sensibles à ces pressions exercées par le SF. Un groupe s’estimant floué par ce dernier, s’il tente d’invisibiliser un mural ou qu’il en dégrade (in)consciemment un, va chercher à contester et dénoncer l’action du SF. Néanmoins, ce groupe anti-GFA restera seul car on n’observe pas de solidarité intra-anti-GFA sur ce point.
Cette question de la pertinence rend la ségrégation militante tacite en l’intégrant dans l’espace social des acteurs, c’est-à-dire l’interaction entre leurs lieux de socialisation et l’usage social de ces lieux (Frémont et al., 1984). L’enjeu est que cet usage différencié du territoire influence la perception qu’auront les acteurs d’une adéquation entre l’usage spatial d’un lieu et la signification de ce même lieu (Löw, 2015). La concordance devient un nouvel objet de lutte entre groupes puisque chacun cherche à afficher son discours et à exclure celui de l’autre dans un espace qu’il pense lui être acquis : « J’étais en train de peindre le mural sur les femmes, dans le Bogside. Des jeunes du quartier sont arrivés et m’ont jeté ma chaise dessus. Ils m’ont attaqué ces bâtards. Je leur disais que je faisais juste un mural mais ils criaient qu’ils n’en voulaient pas ici. – Pourquoi ? Parce que je suis au SF, que c’était un mural du SF » (entretien avec un peintre du SF, août 2019). Dans un quartier tel que le Bogside, réputé pour comporter des réseaux anti-GFA structurés (y compris paramilitaires), la venue d’un peintre du SF pour réaliser un mural en plein cœur du quartier est interprété par certains habitants anti-GFA comme inappropriée. Dans certains exemples de ce type, il y a un retour de la vulnérabilité pour le peintre qui renverse le rapport de domination entre le SF et les anti-GFA le temps d’une interaction.
Cette ségrégation militante à travers la concordance entre le lieu et son usage apparaît dans les emplacements choisis par les activistes pour opérer leur marquage territorial. Les acteurs en question cherchent à être visibles donc ils devraient logiquement viser les grands axes de communication ou les grandes places disposant d’un espace dégagé. Si le SF parvient à tenir cet objectif assez facilement en raison de sa position dominante, les groupes anti-GFA sont obligés de tenir compte des différentes pressions qu’ils subissent. À l’instar de la production des murals, on observe des stratégies de leur part. Par exemple, réaliser un graffiti à l’intérieur d’une ruelle piétonne permet de s’extraire de la pression policière étant donné que la police se déplace uniquement en véhicule blindé à l’intérieur des quartiers républicains. Le militant effectuant ce type de graffiti bénéfice du temps nécessaire à sa réalisation mais il en diminue la visibilité.
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Une autre tactique est de profiter de la protection fournie par la concentration momentanée de militants et sympathisants anti-GFA dans un espace déterminé pour accroître le marquage territorial dans le quartier. Un événement tel que les bonfires, des grands bûchers de palettes, offre un bon exemple de cette dynamique. Désigné comme une pratique néfaste et antisociale par le SF et ciblé par la police, le bonfire est l’occasion pour les anti-GFA de contester le contrôle territorial du SF et de se réapproprier l’espace quasi-exclusivement durant un temps limité. La construction d’un bonfire conduit à une concentration de militants anti-GFA suffisamment importante pour permettre à ceux-ci d’intensifier leur marquage territorial et de défendre leur activité, tant symboliquement (graffitis à la gloire du bonfire ou menaçant ceux voulant le retirer) que physiquement (émeutes pour empêcher la police d’approcher).
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La localisation du marquage du territoire : centre ou périphérie du quartier ?
À Belfast, tous quartiers nationalistes confondus, il existe un axe plus central que les autres : Falls Road. Principal point d’accès et artère centrale de West Belfast, offrant de fait une visibilité maximale aux militants, et chargée d’une histoire et d’une tradition militante très riche, en tant qu’un des principaux bastions de l’IRA, cette rue est symbolique : il est impensable pour les militants républicains d’y être absents. Les groupes les plus faiblement dotés en ressources et peu présents usant de modes d’actions peu coûteux se contentent de quelques affiches ou stickers (Éirígí) ou de graffitis (CSF) sur cet axe. En dehors de Falls Road, leur marquage territorial est quasi-absent au sein des quartiers nationalistes. Dans la même logique, les groupes anti-GFA utilisant des formes de marquage du territoire plus ambitieuses, comme les murals, concentrent leur activité sur cette voie de circulation. À titre d’exemple, six des dix murals de Saoradh à Belfast sont situés le long de Falls Road.
En dehors de cette exception, on observe des logiques dans les pratiques de marquage territorial des anti-GFA permettant de parler d’un phénomène de ségrégation alors même que la séparation s’effectue au sein d’une seule communauté. Les militants préfèrent opérer leur marquage à l’intérieur des quartiers plutôt que sur les grands axes de circulation cernant les quartiers, et ils privilégient les modes d’action les plus rapides et peu valorisés lorsqu’ils investissent ces grands axes. Ces deux mécanismes correspondent à un processus de regroupement spatial de groupes partageant des affiliations politiques relativement exclusives des autres groupes. Ils se plient à des principes de séparation (faible interaction entre les groupes), de concentration (fortes interactions en interne) de capitalisation (externalités) et d’exclusion (renforcement des effets d’évitement) dans les interactions graphiques relatives à cette ségrégation spatiale (Baumont et Guillain, 2013). Les quartiers de New Logde à Belfast et du Bogiside à Derry illustrent cette tendance.
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À New Lodge, le SF a peint des murals le long de l’axe de circulation traversant le quartier et permettant de rejoindre deux axes de circulations majeurs de North Belfast. De plus, huit murals sont peints au sommet des quatre barres d’immeubles du quartier. Cet élément offre une forte visibilité à ces peintures mais surtout, il représente pour le SF une domination conséquente dans la concurrence relative à la politique de la verticalité (Weizman, 2002) dans une ville comportant très peu d’immeubles dépassant deux étages. Au Bogside, le SF concentre la grande majorité de ses murals le long de l’axe qui délimite l’entrée du quartier. Cet ensemble de peintures forme une frontière esthétique visible à distance à partir des remparts de la vieille ville. La localisation des peintures est choisie avec minutie pour permettre une visibilité maximale en privilégiant les principaux axes de circulation.
À l’inverse du SF, les militants anti-GFA de New Lodge privilégient le cœur du quartier. Leurs murals se situent au pied des immeubles sur de petites surfaces et leurs motifs sont assez simples. L’unique grand mural est cerné de grilles et ruelles piétonnes offrant une protection au peintre.
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À ces murals s’ajoutent quelques stickers ou graffitis aux bordures du quartier sur des axes de circulation plus importants ou des ruelles plus difficiles d’accès. Les graffitis se réduisent à des acronymes de groupes armés ou des menaces à l’encontre d’un autre groupe.
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Bien que faible, cette présence scripturale des anti-GFA à New Lodge est l’une des plus importantes de Belfast, et d’une manière générale en Irlande du Nord. Seuls certains quartiers de Derry font exception avec une activité de marquage territorial plus importante en raison de la concentration de militants anti-GFA dans cette ville. Dans le Bogside, si l’on observe un faible nombre de murals à l’entrée du quartier (deux de l’IRSP et un de Saoradh), un nombre important de graffitis sature le territoire à l’entrée du quartier et au centre de celui-ci. Cette double concentration de graffitis sur deux rues très proches, dont l’une est un axe de circulation important s’explique par l’activité du Bogside Republican Youth (BRY), un groupe informel réunissant des jeunes du quartier. À la différence des autres graffitis anti-GFA observables en Irlande du Nord, ceux du BRY peuvent être diversifiés. Ceux-ci ne se résument pas uniquement à un acronyme mais ils peuvent également contenir des messages plus développés ou offrir une décoration aux acronymes, ou de contester le SF en inscrivant des graffitis anti-GFA directement au pied de murals du SF.
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Ce contexte peut permettre certains coups d’éclats des anti-GFA où la visibilité du discours est maximale, comme avec un graffiti imposant sur les murailles de la ville.
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Cette profusion de graffitis anti-GFA produit des effets sociaux en conduisant certains soutiens du SF à stigmatiser le Bogside et à dénigrer ses habitants en refusant de pénétrer dans le quartier par peur pour leurs sécurité. En revanche, la rue avec les murals du SF est synonyme de fierté et de lieu à valoriser. Un militant travaillant comme guide touristique se retrouve à glorifier un quartier, à travers l’exhibition de ses murals, tout en refusant d’y mettre les pieds.
Cette lutte pour la visibilité du marquage territorial, et la localisation des activités militantes, est continuellement redéfinie en fonction du rapport de force politique entre les acteurs au niveau d’un quartier. En cas d’asymétrie très forte, un acteur peut investir l’intégralité du quartier tandis que l’autre est réduit à une présence scripturale très succincte. Le quartier de Ballymurphy à Belfast offre un bon exemple de la transposition dans la dimension spatiale de la stigmatisation politique et sociale du SF contre les anti-GFA, accentuant de fait la marginalisation de ces derniers. La même logique s’observe en faveur des anti-GFA dans le quartier de Creggan à Derry renforçant leur légitimation scripturale dans ce quartier.
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Dans ces deux quartiers, on remarque une forte asymétrie dans le marquage du territoire entre les deux groupes. À Ballymurphy, le SF investit totalement l’espace avec 10 murals sur les rues délimitant le quartier et 13 murals au cœur de celui-ci. Ce rapport de force conduit les anti-GFA à se positionner sur la périphérie du quartier au niveau des rues encerclant le quartier avec des modes d’actions peu valorisés. Seul l’IRSP parvient à se démarquer en produisant deux murals. La situation s’inverse à Creggan puisque le SF se trouve marginalisé dans des rues moins accessibles et visibles. Cependant, il continue de recourir aux murals afin de maintenir sa domination sur l’échelle de valeurs des modes d’actions. Quant aux anti-GFA, on remarque une forte concentration de graffitis au cœur du quartier, notamment sur l’axe de circulation central. Alors même qu’ils se retrouvent dominants au niveau de la concurrence en termes de marquage territorial, les anti-GFA continuent de recourir à des modes d’actions moins valorisants mais leur permettant de diminuer la pression sociale et policière.
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Imposer des usages du territoire ?
L’analyse du marquage territorial opéré par les différents réseaux républicains dans les villes de Belfast et Derry aide à appréhender la structuration des rapports de force politique entre les groupes sur un territoire donné. Pour les militants anti-GFA, la nécessité de se rendre visibles dans l’espace se confronte aux pressions sociales et policières. En jouant sur deux variables, le temps exécution et la localisation, les militants bénéficient d’une certaine marge de manœuvre allant des murals, des œuvres ambitieuses, visibles et valorisées, aux stickers, peu visibles et souvent ignorés, en passant par plusieurs variations (affiches, pancartes, graffitis etc.). À partir de cette tendance, les groupes politiques marginalisés tentent de mettre en place des stratégies leur permettant de concurrencer les activités de l’acteur dominant, mais également de s’imposer dans une hiérarchie entre groupes dominés. En plus d’être dominés sur l’aspect esthétique, ces mêmes acteurs sont dominés dans le choix des emplacements. Là où l’acteur peut parvenir plus facilement à truster les positions stratégiques, les dominés sont obligés d’opérer une distinction de nature de l’inscription entre le centre et la périphérie des quartiers.
Cette ségrégation visuelle produit des effets sociaux en enclenchant un processus de double assignation : spatiale et politique. Dans un espace donné, la localisation d’une inscription définit l’appartenance politique d’un groupe et ses rapports avec les autres. En assignant un acteur, ou un groupe, à un espace défini auquel est associé une position politique, il est possible de légitimer ou de stigmatiser, et par extension de valoriser ou de dénigrer cette association entre espace et positionnement politique. Le rapport de force politique détermine la nature du marquage territorial qui accentue à son tour l’asymétrie politique conduisant à une hiérarchie politique fondée sur une assignation spatiale et une hiérarchie spatiale fondée sur une assignation politique.
HADRIEN HOLSTEIN
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Hadrien Holstein est doctorant en science politique, membre de l’Institut des Sciences sociales du Politique (ISP) et rattaché l’Université Paris Nanterre. Ses recherches portent sur le militantisme post-conflictuel des vétérans républicains de l’IRA en Irlande du Nord et les luttes internes au mouvement républicain entre le Sinn Féin et les dissidents.
Hadrienholstein@gmail.com
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Illustration de couverture : Une peinture murale du Sinn Féin rendant hommage à l’engagement des femmes tandis qu’en arrière-plan un graffiti menace de mort la police (Holstein, Derry, avril 2019).
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Bibliographie
Baumont C. et Guillain R., 2013, « Introduction », Revue économique, vol. 64, 765-774.
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Pour citer cet article : Holstein H., 2020, « Hiérarchie sociale et politique pour la visibilité sur le territoire dans un espace ségrégé. Le cas des républicains nord-irlandais », Urbanités, #13 / Minorités/Majorités, février 2020, en ligne.
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- En Irlande du Nord, les républicains et les loyalistes sont perçus comme les éléments radicaux et violents de deux camps politiques, à savoir les nationalistes et les unionistes. Les nationalistes revendiquent une réunification irlandaise, en s’appuyant sur une nationalité et une culture irlandaise, tandis que les républicains prolongent cette position en souhaitant que cette réunification s’effectue en faveur de l’instauration d’une république irlandaise (socialiste). Ils possèdent une longue tradition de la lutte armée pour faire advenir cet objectif. Les unionistes revendiquent une nationalité et une culture britannique passant par le maintien de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni. Les loyalistes usent de la violence pour maintenir ce statu quo. [↩]
- Le Sinn Féin, « nous-mêmes » en gaélique, est le principal parti politique républicain en Irlande. [↩]
- Si une minorité poursuit la lutte armée, la majorité d’entre eux est pacifique. Les positions sur le recours à la violence oscillent entre critiques, compréhension ou refus de la condamner. Nous ne mobiliserons pas la terminologie du SF, beaucoup trop normative, en reprenant à notre compte l’étiquette dissidents. Les groupes et leurs membres opposés au GFA seront simplement désignés comme des anti-GFA. [↩]
- Cette ville possède deux noms officiels : Derry (nom nationaliste) et Londonderry (nom unioniste). Notre article traitant du militantisme républicain, le choix a été fait de conserver le nom que ces militants donnent à cette ville. [↩]
- À ce stade de l’enquête, des éléments ont été recueillis à propos d’une potentielle ségrégation physique entre les militants SF et anti-GFA, qui déterminerait les comportements quotidiens et possédant une plus forte emprise sur les acteurs, mais ils ne sont pas assez fournis et solides pour établir précisément la réalité de cette ségrégation. [↩]
- Libération en gaélique. [↩]
- S’insurger en gaélique. [↩]
- Volontaires d’Irlande en gaélique. [↩]
- Les militants anti-GFA sont perçus par l’institution policière comme (potentiels) membres ou soutiens d’une organisation armée. [↩]
- Cette présence reste relative. Par exemple, le noyau dur des militants de Saoradh à Derry comporte une cinquante d’individus. [↩]