Les villes américaines / Objectivité dans l’action et cartographie collective dans le San Francisco néolibéral. Du travail du collectif Anti-Eviction Mapping Project

Erin McElroy, Florian Opillard et l’Anti-Eviction Mapping Project

L’article d’E. McElroy et F. Opillard au format PDF


Lors du référendum d’initiative populaire de novembre 2015 à San Francisco, 5 des 11 propositions qui devaient être ratifiées par la population concernaient l’urgence de la crise du logement que connaît la ville. Que les propositions concernent le déblocage de 250 millions de dollars en subventions (Housing city bond) pour la construction de logements abordables (Proposition A), un moratoire sur les constructions de luxe dans le quartier de la Mission (Proposition I) ou un encadrement des pratiques permises par Airbnb (Proposition F)1, la place qu’occupe le logement dans les débats locaux est à l’image de l’urgence de la situation. En 2015, le loyer médian atteignait un record de 4 225 dollars, les chiffres officiels municipaux faisaient état d’une augmentation des expulsions locatives de 52 % entre 2012 et 2015, alors que le rythme des nouvelles constructions ne parvenait pas à contenir le taux de croissance démographique de plus de 7 % entre 2010 et 2015. La ville connaît depuis quelques années une augmentation des tensions liée à l’afflux de main d’œuvre à très haut salaire, qui travaille notamment dans le secteur de l’informatique, conduisant à ce que beaucoup qualifient d’ores et déjà de « Tech Boom 2.0 » (Opillard, 2015a), en référence à la première crise qu’avait déclenché le secteur informatique à la fin des années 1990. Cette réappropriation sociale et spatiale de la ville par le secteur technologique, avec à sa tête les entreprises géantes du marché mondial telles que Google, Facebook, Apple, Twitter ou Yahoo, marque une nouvelle étape dans les processus de restructuration néolibérale de la baie de San Francisco. Leur intensité ainsi que la violence des processus de dépossession et de dépeuplement2 des classes populaires racialisées3  (Fassin et Fassin, 2012 ; Clerval, 2014) qu’ils entraînent, comme l’indique la forte proportion d’expulsions des personnes afro-américaines (figure 1), rendent indispensable la construction d’outils pour les identifier, et les combattre.

Le collectif Anti-Eviction Mapping Project (AEMP) est né dans ce contexte de fortes tensions et a pris forme à partir de conversations engagées entre des activistes pour le logement, des chercheur.e.s et des technicien.nes à San Francisco et Oakland. Il produit des cartes numériques, des plateformes interactives et des outils à la disposition des luttes pour le logement dans nombre de villes de la baie de San Francisco. Composé d’environ 25 volontaires actifs, y compris les deux auteurs de ce texte, et accueillant des dizaines de projets en cours, il se définit comme un travail collectif en devenir perpétuel, qui œuvre à la création de savoirs construits avec (à l’opposé de pour) (Tallbear, 2013) les populations qui luttent pour demeurer chez elles alors qu’immobilier de luxe et sociétés financières liées au secteur technologique s’approprient les villes de la région. L’AEMP travaille activement dans des villes telles que San Mateo et Fremont, mais nous choisissons de centrer ici notre analyse sur les projets réalisés à San Francisco, ville dans laquelle les loyers, les prix immobiliers et les inégalités de revenus sont les plus élevés des États-Unis et où les taux d’expulsions locatives sont en augmentation constante depuis la crise des subprimes et l’avènement du Tech Boom 2.0, en 2011.

1. « Cas d’expulsions traités par EDC à San Francisco par race », extrait du rapport de 2014 du collectif Eviction Defense Collaborative (Anti-Eviction Mapping Project, 2014)

1. « Cas d’expulsions traités par EDC à San Francisco par race », extrait4 du rapport de 2014 du collectif Eviction Defense Collaborative (Anti-Eviction Mapping Project, 2014)

Nos analyses, dans le contexte de cette publication, illustreront cette « objectivité dans l’action » (Tallbear, 2013), en contextualisant les technologies de dépeuplement et la dimension raciale du néolibéralisme dans la ville de San Francisco. Nous étudierons dans un premier temps les mécanismes de la dépossession des classes populaires pour dénaturaliser les logiques néolibérales de la gentrification, désignées comme inévitables et co-constitutives de la ville contemporaine. Nous complexifierons ensuite l’approche structurelle du néolibéralisme à partir d’une analyse de la dimension spatiale des processus de racialisation à San Francisco, pour enfin souligner l’importance du travail collectif entrepris par l’AEMP dans la création d’outils de résistance et de construction de mouvement sociaux.

2. Usage des sols et toponymie des quartiers de San Francisco , (Anti-Eviction Mapping Project, 2016)

2. Usage des sols et toponymie des quartiers de San Francisco , (Anti-Eviction Mapping Project, 2016)

Les politiques néolibérales dans le contexte de San Francisco

Les analyses académiques qui portent sur le néolibéralisme invoquent souvent l’un des trois appareillages conceptuels suivants : il peut être présenté comme un « projet idéologique hégémonique », un nombre défini de propositions politiques ou un mode spécifique de gouvernement (Springer, 2010). Dans le même temps, Neil Smith (1996) et Jason Hackworth (2007), parmi d’autres, ont défini les évolutions historiques de la gentrification en parallèle de celles du néolibéralisme (Harvey, 2005), en prenant systématiquement New York comme exemple. Plutôt que de transposer ces interprétations, qui bien souvent réifient le néolibéralisme en tant que « structure » (Clarke, 2008), nous interprétons la recontextualisation du néolibéralisme dans la baie de San Francisco comme un ensemble d’ajustements dépendants des jeux de pouvoir d’acteurs à de multiples échelles.

Prenant le contrepied de nombreuses analyses concernant le Tech Boom 2.0, qui le situent dans la trame linéaire et indépassable du néolibéralisme, nous soutenons qu’il est important d’historiciser les irrégularités du processus. Bien qu’il ne soit pas ici le lieu d’en faire la généalogie, il semble important de signaler quelques éléments. Tout d’abord, la culture du capitalisme financier à haut risque, caractéristique de la fabrique urbaine contemporaine, est ancrée dans l’histoire coloniale européenne et étasunienne. Les processus d’appropriation et de prédation qui les caractérisent continuent de traverser les rapports sociaux de genre, de classe et de race (Atkinson et Bridge, 2004 ; Tuck et Yang, 2012). Ces formes de colonialisme se sont trouvées exacerbées, dans le contexte de l’Ouest étasunien, dans la « ruée vers l’or », dépossédant ainsi les populations natives (Martí, 2006), puis dans les restructurations et économiques post Seconde Guerre mondiale (Schafran, 2013). Ces restructurations, qui ont catapulté la Silicon Valley en épicentre de l’avancement scientifique de la Guerre Froide, coïncident alors avec le processus de « white flight » de San Francisco vers sa périphérie, jusqu’à faire des suburbs la figure du refuge pour le héros citoyen idéal de la Guerre froide (Chun, 2011). La ville de San Francisco est prise dans un mouvement simultané, soumise à la pression des processus de « Manhattanization » en tant que « ville globale » (McGovern, 1998) et de projets de destruction-reconstruction de certains quartiers, tel que Western Addition, qui amorcent le dépeuplement des populations afro-américaines. En 1977, l’expulsion massive des résidents du I-Hotel provoque un mouvement politique d’ampleur contre les expulsions, particulièrement sensible aux dynamiques raciales et de classe inhérentes à ces processus. Des mouvements de coalitions contre la croissance urbaine à outrance (slow growth movements) prennent forme pour s’opposer à des constructions massives, du quartier de South of Market à la Mission (Schafran, 2013). Avec la fin de la Guerre froide, la Silicon Valley, autrefois largement financée par l’industrie militaire, perd sa principale source de revenus, forçant ainsi la reconversion de son économie vers le consumérisme. C’est donc après la Guerre froide que le « Dot Com Boom », autrement appelé « bulle de l’Internet », prend forme et, avec lui, l’infiltration de la Silicon Valley dans les interstices de la ville, qui se confronte alors à d’anciennes et de nouvelles résistances aux processus de dépossession racialisés et de classe (Walker, 1995). L’explosion de la bulle de l’Internet, due en partie à des investissements trop risqués, mène à la consolidation des quelques entreprises survivantes. La crise des subprimes et ses conséquences majeures sur les espaces urbains, les saisies immobilières, provoque alors un nouveau cycle de dépossession à San Francisco et dans l’Est de la baie. Alors que le Tech Boom 2.0 prend forme en 2011 et facilite de nouvelles formes d’investissements de la Silicon Valley dans le tissu urbain, les tensions liées au dépeuplement sont déjà bien à l’œuvre.

C’est dans ce contexte que l’AEMP s’est structuré, dans le but d’analyser et de cartographier les contours de ce nouveau boom, caractérisé par l’entrecroisement croissant des stratégies prédatrices immobilières et de celles des grandes entreprises de la technologie. Les milliers d’ingénieur.e.s au salaire confortable attirés par l’écosystème entrepreneurial local forment un vivier à conquérir pour les sociétés immobilières. Ces dernières s’emploient à faire des quartiers de San Francisco de véritables marques. À titre d’exemple, en 2014, l’agent immobilier Jennifer Rosdail faisait la promotion de secteurs du quartier de la Mission – un quartier habité historiquement par les classes populaires et les populations latin@5 – comme « le Quad, un nouveau méta-quartier », désignant un quadrilatère à cheval sur le quartier de la Mission et Noe Valley dans lequel les valeurs immobilières sont les plus élevées. L’agent immobilier décrit les « Quadsters » (les habitants du quartier) comme « jeunes – de moins de 40 ans. Ils aiment se prélasser au soleil avec leurs amis. Ils travaillent beaucoup – surtout dans la high tech – et gagnent beaucoup d’argent ». Les stratégies du secteur immobilier pour rendre des quartiers attractifs ne comportent rien d’original, mais il semble intéressant de noter que, dans le cas de San Francisco, ces pratiques s’articulent de manière spécifique aux stratégies des entreprises de la technologie pour rendre la ville plus accessible à leurs employés travaillant dans la Silicon Valley. Comme le précise J. Rosdail, « le temps des quadsters est précieux, ils veulent habiter dans des zones accessibles, pouvoir retrouver leurs amis facilement, et marcher ou prendre le vélo au lieu d’être coincés dans les bouchons. Ils prennent le Google bus, l’Apple Bus ou un bus de standing moins élevé, comme le fameux eBay bus. »6 La référence est ici claire : l’existence de ce nouveau méta-quartier est directement liée au programme des bus privés, mis en place par Google en 2005, puis rejoint par Yahoo, Facebook et des dizaines d’autres compagnies. Ce programme permet aujourd’hui à plus de 35 000 employés de faire leur migration pendulaire quotidienne depuis San Francisco vers le sud dans des bus de luxe qui utilisent les infrastructures publiques presque sans contribution financière (Opillard, 2015b). Une étude d’Alexandra Goldman (2013), de l’Université de Berkeley, révélait en 2013 la manière par laquelle la localisation des arrêts de bus privés est un argument marketing des biens à proximité par les sociétés immobilières (Tracy, 2014). En étudiant quatre arrêts de bus et les valeurs locatives attenantes, Goldman calculait une augmentation des loyers 20 % supérieure dans un rayon de 800 mètres autour des arrêts de bus privés. Partant de cette donnée, l’AEMP a déterminé que 69 % des expulsions locatives sans rupture de bail du fait du locataire (no fault eviction) entre 2011 et 2013 avaient eu lieu dans ce rayon de 800 mètres autour des arrêts de bus. Parce que les expulsions touchent de manière disproportionnée les classes populaires noires et latin@, et parce que les statistiques d’embauche des entreprises de technologie favorisent de manière dramatique les hommes blancs (Molla et Lightner, 2016), il nous apparaît que le dépeuplement est l’envers de stratégies de remplacement des classes populaires racialisées, alimenté par l’écosystème de l’entreprenariat high-tech.

3. Arrêts de bus privés et expulsions locatives, 2011-2013 (Anti-Eviction Mapping Project, 2014)

3. Arrêts de bus privés et expulsions locatives, 2011-2013 (Anti-Eviction Mapping Project, 2014)

À San Francisco, la réglementation municipale distingue les expulsions impliquant la responsabilité du locataire (fault) et celles qui ne l’impliquent pas (no-fault). Bien souvent, des locataires expulsés pour « faute » le sont pour des motifs qui semblent manifestement injustes, comme le révèle le rapport que nous avons publié avec l’Anti-Displacement Coalition. Dans un contexte de marché immobilier lucratif, étendre son linge à la fenêtre peut devenir un motif d’expulsion du jour au lendemain. Alors que parfois le non-paiement du loyer peut constituer un motif légitime d’expulsion (idée que l’AEMP conteste par ailleurs dans une ville où le loyer moyen est de 4 000 $ (3 500 €) par mois et est donc impayable pour les classes populaires), les expulsions « sans faute » incluent les démolitions, les emménagements de propriétaires et les Ellis Act7. Parmi ces trois types d’expulsions, nous avons mis en lumière l’utilisation fréquente de l’Ellis Act par des spéculateurs immobiliers. Nos collaborations avec l’organisation californienne Tenants Together ont permis de montrer que 60 % des expulsions par voie d’Ellis Act ont lieu la première année suivant l’acquisition d’un bien immobilier, et que 79 % ont lieu dans les cinq premières années. Ces taux signalent de fait le recours à l’Ellis Act comme outil dans des stratégies immobilières d’expulsions méthodiques d’appartements à loyers contrôlés, qui de ce fait perdent ce statut, pour les transformer en « tenancies in common », c’est-à-dire l’équivalent de copropriétés de luxe.

4. « Données de changement de propriété » , extrait du rapport produit avec Tenants Together sur les expulsions par Ellis Act (Anti-Eviction Mapping Project, 2014)

4. « Données de changement de propriété »8, extrait du rapport produit avec Tenants Together sur les expulsions par Ellis Act (Anti-Eviction Mapping Project, 2014)

5. Expulsions par Ellis Act, 1994-2016 (Anti-Eviction Mapping Project, 2016)9

Sur cette carte des expulsions par Ellis Act entre 1994 et 2016, il apparaît clairement que des quartiers tels que Mission, Chinatown, North Beach et le Castro (Figure 2) ont été significativement touchés, bien qu’aucun quartier ne soit épargné. D’autres quartiers comportant plus de maisons individuelles, comme Bayview au sud-est, continuent d’être touchés par les saisies immobilières. Quel que soit le degré de précision des données concernant les expulsions, il demeure impossible de rendre compte de manière exhaustive du phénomène : l’augmentation des loyers et la pratique du harcèlement de locataires pour précipiter les départs, ou encore les indemnisations illégales (buy outs10.) touchent particulièrement des locataires racialisés, sans-papiers et ne parlant pas anglais, qui sont systématiquement absents des données quantitatives (Zamudio, 2012). En 2015, après une campagne politique avec des collectifs tels que le syndicat des locataires, Causa Justa/Just Cause et le Housing Rights Committee11, nous avons obtenu de la municipalité qu’elle enregistre les buy outs. En les cartographiant, nous avons découvert que les buy outs étaient le plus fréquemment imposés dans le « Quad » de Jennifer Rosdail.

6. Cartographie des « buy outs », mars 2015 – avril 2016 (Anti-Eviction Mapping Project, 201612

En plus de la cartographie des expulsions par Ellis Acts, l’AEMP s’est penché sur l’étude des spéculateurs en tant que tels, mettant sous le feu des projecteurs les nombreuses Limited Liability Corporations (LLC, l’équivalent de la SARL) utilisées comme des outils pour les expulsions. Ces LLC permettent de contourner les taxations tout en épaississant des montages juridiques déjà complexes et obscurs. Il arrive que des sociétés immobilières puissantes, telle que Urban Green, utilisent plus de 20 LLC à la fois, chacune liée à des adresses distinctes, de manière à rendre les actions collectives des locataires impossibles sans enquêtes organisées. D’autres spéculateurs, comme Fergus O’Sullivan, utilisent non seulement plusieurs LLC pour expulser, mais diversifient leurs stratégies, du buy out à l’Ellis Act en passant par le harcèlement. En 2015, O’Sullivan a expulsé ainsi de leur appartement deux latin@ âgées de 90 et 95 ans dans la Mission (McElroy, 2015). Deux semaines après leur expulsion, la personne de 95 ans est décédée, rappelant le caractère potentiellement létal des expulsions locatives, soit de manière directe du fait de la situation de stress et d’anxiété mène fréquemment (Solnit, 2016).

7. Affiche « Evictions = Death », 16th et Mission Street, San Francisco (Anti-Eviction Mapping Project, 2016)

7. Affiche « Evictions = Death », 16th et Mission Street, San Francisco (Anti-Eviction Mapping Project, 2016)

Une partie du passif d’expulsions de O’Sullivan inclut par ailleurs sa participation au business des locations de meublés courte durée : après avoir expulsé ses locataires du quartier de North Beach, O’Sullivan remettait son bien sur le marché locatif sur Lombard Street, une des rues les plus touristiques de la ville, sur la plateforme Airbnb. Cette même entreprise est largement considérée par les résidents comme l’un des responsables de premier ordre des expulsions : il est plus lucratif pour des propriétaires de facturer 200 $ par nuit (le prix moyen d’Airbnb à San Francisco), qu’au mois ou à l’année. Airbnb, née à San Francisco en 2008, est l’auteure de multiples campagnes politiques, finançant allègrement la politique locale pour éviter l’encadrement de ses pratiques. Alimentée par le capital financier d’investisseurs tels que Ron Conway, la startup valorisée à 30 milliards de dollars en bourse joue un jeu libertarien financé par les mêmes investisseurs soutenant les campagnes politiques du maire de San Francisco, Ed Lee, ou la course au Sénat de Californie de l’ancien superviseur de quartier David Chiu, lui-même auteur de l’Airbnb law, qui assouplissait en 2014 la réglementation de la location meublée de courte durée (Opillard, 2016).

8. Infographie des investissements de Ron Conway (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

8. Infographie des investissements de Ron Conway (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

Spatialiser le néolibéralisme racialisé

Les recherches concernant le capitalisme néolibéral recourent souvent à des appareillages marxistes, qui n’accordent qu’une place réduite à la construction historique du capitalisme par la territorialisation des processus de racialisation (Kipfer, 2012). À partir des black feminist geographies (Gilmore, 2002 ; McKittrick, 2006), nous proposons de passer « d’analyses sur la race et le néolibéralisme à des analyses qui s’attachent au caractère intrinsèquement racialisé du néolibéralisme » (Roberts et Mahtani, 2010 : 250). Nous soutenons ainsi que la construction urbaine néolibérale « produit activement des corps racialisés » (Ibid. : 249), en s’appuyant sur et en construisant notamment l’image de « l’antithèse du citoyen néolibéral idéal dans l’image du noir résidant dans un ghetto » (Ibid.), dans la marginalité sociale et spatiale. La compréhension de ces processus est éclairée par l’analyse des multiples discriminations touchant les classes populaires noires de la ville de San Francisco. En déclin constant depuis les années 1970, les populations noires sont en effet à la fois les plus pauvres et les plus affectées par les expulsions et les saisies immobilières, par les projets de développement immobiliers et le profilage racial. Ainsi, en analysant les données du recensement (American Community Survey) sur les cinq dernières années, nous constatons une augmentation constante du revenu médian pour les foyers de personnes se déclarant comme blanches, alors que celui des foyers de personnes se déclarant noires ou latin@ sont stables, voire diminuent, et demeurent à des niveaux bien plus bas.

9. Revenu médian par « race » à San Francisco, 2009-2014 (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

9. Revenu médian par « race » à San Francisco, 2009-2014 (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

Dans le même temps, le rapport de l’organisation Eviction Defense Collaborative (EDC), qui propose une aide juridique aux personnes engagées dans des procédures d’expulsions locatives ou de saisies immobilières, souligne à la fois la concentration des enjeux dans les quartiers marqués par la plus forte présence de populations latino-américaines et afro-américaines (South of Market, Tenderloin, Mission), ainsi que l’augmentation rapide des expulsions dans les quartiers périphériques, comme par exemple Bayview Hunters Point. Ainsi, les quatre quartiers les plus au Sud concentrent à la fois un nombre conséquent d’expulsions et une augmentation rapide de la proportion de cas traités par EDC. Le nombre de personnes se définissant comme noires et ayant recours au service de l’organisation est par ailleurs intéressant : sur les 6 720 personnes qui ont eu recours aux services d’EDC en 2015, 18,5 % d’entre elles se définissent comme noires, alors même que la proportion de personnes noires à San Francisco est de 5,5 % pour la ville entière.

10. Localisation des cas d’expulsion traités par l’association Eviction Defense Collaborative en 2015 (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

10. Localisation des cas d’expulsion traités par l’association Eviction Defense Collaborative en 2015 (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

Cette vulnérabilité des populations racialisées est par ailleurs soulignée par l’évolution sur trente ans de la proportion de la population noire dans la baie de San Francisco. La cartographie réalisée par l’AEMP souligne ainsi cette spatialisation des processus d’éviction en dehors de la ville de San Francisco et, plus généralement, de l’ensemble de la baie de San Francisco. Alors que les pourcentages de populations noires sont encore élevés en 1970, parfois de l’ordre de 40 à 60 % de la population dans certains quartiers tels que Western Addition ou le Bayview, la même carte en 2010 montre une forte chute de la proportion de personnes noires à San Francisco. On retrouve ce phénomène au-delà des frontières de la ville, puisque c’est toute la baie qui voit sa population noire diminuer.

11. Localisation des populations se disant noires dans la baie de San Francisco, 1970 (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

11. Localisation des populations se disant noires dans la baie de San Francisco, 1970 (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

12. Localisation des populations se disant noires dans la baie de San Francisco, 2010 (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

12. Localisation des populations se disant noires dans la baie de San Francisco, 2010 (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)


Cette attention portée à la spatialité des processus de racialisation à l’échelle régionale et urbaine ne doit cependant pas faire l’économie d’une analyse plus fine des moyens par lesquels ces processus de dépeuplement sont rendus possibles au quotidien. L’AEMP s’efforce ainsi de dégager les corrélations entre l’augmentation du profilage racial et le dépeuplement. Par exemple, le service municipal d’appel au numéro 311 permet à la population de signaler une plainte non urgente, et est de plus en plus utilisé via des applications Smartphone. Une étude des motivations de l’appel au 311 révèle que ce dispositif est principalement utilisé pour manifester un désir de nettoyage des rues et des graffitis, et la cartographie des appels indique une forte proportion d’utilisation dans des quartiers en gentrification. Ce bref exemple souligne la généralisation d’un discours dans lequel des technologies construites via des partenariats public-privé deviennent le recours de populations récemment arrivées pour nettoyer les espaces en voie de gentrification. Il met en avant l’une des manières par lesquelles la surveillance et le contrôle des populations deviennent les indices d’une gentrification en cours.

13. Analyse des appels au 311 (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

13. Analyse des appels au 311 (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

Dans les processus de gentrification, contrôle social et surveillance vont cependant plus loin. Ils prennent la forme d’un nettoyage social et racial caractérisé par la volonté de voir disparaître les corps des personnes de couleur de l’espace public. Ce nettoyage peut être initié par des sociétés immobilières, qui vont jusqu’à créer des campagnes d’assainissement des espaces urbains avant la réalisation de leurs projets. L’initiative du constructeur Maxiums pour « Nettoyer la Place », qui visait à débarrasser la place à l’intersection de 16th street et de Mission street de ses sans-abris, devait ainsi dégager l’espace pour l’investissement privé.

Mais le nettoyage social et spatial n’est pas simplement le fait d’acteurs privés, comme en témoignent les multiples destructions de camps de sans-abri et les meurtres de policiers, qui trouvent systématiquement leur source dans la banalisation et l’institutionnalisation de la violence envers les sujets racialisés. À titre d’exemple, l’assassinat de Luis Gongora-Pat, un immigrant mexicain sans-abri à la suite de son expulsion, tué par la police sans motif en 2016, provoquait un mouvement de protestation massif, une grève de la faim et la démission du chef de la police à San Francisco. Autre exemple, celui du meurtre d’Alex Nieto, un homme Latino originaire de Mission/Bernal Heights, tué par 14 balles après qu’un nouveau résident, le trouvant menaçant, a appelé la police pour dénoncer son caractère « dangereux ».

Les actions du collectif Anti-Eviction Mapping Project dans la construction de résistances locales

La profusion de données utilisées par différents collectifs depuis le début du Tech Boom 2.0 témoigne d’un réel enjeu relatif à l’identification et à la compréhension des processus de dépeuplement. Nos propres données, composées à partir de sources variées – structures de soutien aux locataires, données propres produites par questionnaires, données d’expulsions locatives issues du bureau municipal des locations (rent board) et celles des services d’urbanisme – sont destinées à alimenter de manière générale le mouvement social des locataires. Nos données sont systématiquement produites de manière collective, avec l’aide de partenaires, depuis l’Anti-Displacement Coalition et son travail sur les politiques urbaines, jusqu’à la coalition Justice for Alex Nieto qui lutte pour relier les processus de racialisation, la gentrification et les violences policières. Il arrive que nos données et nos analyses soutiennent des campagnes politiques pour l’amélioration de la réglementation locale en collaboration avec la mairie de San Francisco, comme ce fut le cas dans la campagne récente pour la remise en question de l’Ellis Act. Cependant, à la différence d’actions dans le champ institutionnel, nous demeurons attaché.e.s à la sensibilisation des locataires aux victoires par l’auto-organisation collective dans des formes d’action directe (marches et manifestations, occupations), notamment pour lutter contre les expulsions.

Certaines structures se disant « militantes », comme par exemple la « Bay Area Renters Federation » (BARF), brandissent des données comme une garantie d’objectivité. La BARF, largement financée par le PDG de l’entreprise Yelp, s’est lancée dans de multiples campagnes politiques pour défendre l’immobilier de luxe et des projets au prix du marché comme solution à la crise du logement généralisée qui touche la baie. Se comparant publiquement à Machiavel, son leader a conçu une stratégie politique de division des alliances entre les défenseurs du logement abordable, l’équivalent français de l’habitat à loyer modéré, et ceux du contrôle des loyers. Alors qu’elle brandit les données des expulsions locatives et soutient l’idée qu’une sortie de crise ne peut passer que par une densification de la ville, la BARF nous apparaît comme un rappel du sens politique des projets de cartographie construits par et pour les populations les plus affectées. L’action d’un groupe de ce type, parmi d’autres, relève de la réorganisation de la baie de San Francisco en un territoire de haute densité pour les plus riches, qui ne produit ni ses données ni ses analyses avec les populations les plus touchées par la crise actuelle du dépeuplement : les résidents des classes populaires, les sans-abris, les sans-papiers, les populations noires et latin@. En produisant nos données avec EDC plutôt qu’avec les riches PDG et conseillers municipaux de quartiers (supervisors) tels que Scott Weiner, conseiller du Castro et connu pour ses tentatives de destruction des camps de sans-abris et de leurs opportunités d’emploi, nous situons notre travail dans la droite ligne des feminist science studies, critical race and ethnicity studies, et anti-racist geographies. En suivant Kim Tallbear (2013), nous aspirons à « lutter avec » les populations touchées plutôt que de « lutter pour » elles ou les « rétribuer ». Nous définissons ainsi notre action à travers ce que Tallbear (2013) décrit comme une « objectivité féministe dans l’action », ou l’enquête est menée « non pas à distance, mais construite à partir des vies et des priorités des sujets » (p. 6).

À ce titre, notre collaboration, en 2015, avec le collectif de la Nouvelle-Orléans Land of Opportunity pour la création de cartes interactives narratives va dans ce sens. La mise en récit de la lutte de Benito Santiago, qui a lutté contre l’Ellis Act spéculatif par l’action directe nous apparaît comme une méthode primordiale pour créer du lien avec d’autres histoires de résistances à Chicago et à la Nouvelle-Orléans.

14. « We Are Here: Stories of Displacement and Resistance » en collaboration avec le collectif Land of Opportunity (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

14. « We Are Here: Stories of Displacement and Resistance » en collaboration avec le collectif Land of Opportunity (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

L’un de nos projets les plus conséquents réside par ailleurs dans la cartographie numérique interactive d’histoires orales, qui contient plus de 100 histoires de dépeuplement et de résistance dans la baie. Ces dernières contextualisent des histoires de quartiers profondément ancrées et invisibilisées dans les analyses quantitatives. Depuis 2015, cette carte numérique est doublée d’une carte physique dans la rue Clarion Alley, (cf. photo de couverture), et donne la possibilité aux passants d’appeler un numéro de téléphone dessiné sur le mur pour écouter ces multiples histoires de combats et de victoires.

15. Carte interactive des récits de dépeuplements de résistances (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

15. Carte interactive des récits de dépeuplements de résistances (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

Ces derniers mois, nous avons par ailleurs entrepris la construction de « community power maps » avec l’aide de nouveaux partenaires tels que la galerie Betti Ono dans le centre-ville d’Oakland. Sur ces cartes chacun.e peut ajouter ce qu’il.elle considère être une « ressource communautaire », et initier ainsi la mise en forme non pas de la perte, mais des valeurs assignées collectivement à l’espace proche.

16. Community Power Map in Betti Ono Gallery (Anti-Eviction Mapping Project, 2016)

16. Community Power Map in Betti Ono Gallery (Anti-Eviction Mapping Project, 2016)

L’AEMP est un projet technologique, à ceci près qu’il se bat pour un futur dans lequel la technologie ne mène pas au dépeuplement racialisé et à des cycles de gentrification, mais bien plutôt à la création d’outils de résistance. En tant que tel, il nous semble important que ce projet soit formé par un collectif composé notamment d’ingérieur.e.s, d’historien.nes orales et de militant.e.s pour le logement travaillant ensemble contre les effets du capitalisme racialisé dans la baie (Robinson, 1983). En parallèle de la création de cartes des pertes et du deuil, nous sommes attaché.e.s à l’outil cartographique créateur de pouvoir collectif (community power). Attentives et attentifs à l’utilisation fréquente de données et de l’outil cartographique par des États, des entreprises et des propriétaires immobiliers dans le but de déposséder les résidents, nous ancrons notre projet dans une tradition de contre-cartographie (Cobarrubias, 2009 ; Dalton et Mason-Deese, 2012), définie comme « tout effort qui questionne fondamentalement les présupposés ou les postulats des conventions cartographiques, qui met à l’épreuve les effets de pouvoir de la cartographie ou qui la pratique de manière à renverser les relations de pouvoir » (Harris et Hazen, 2005 : 115, cité dans Dalton et Mason-Deese, 2012). Nous inscrivons donc nos efforts de contre-cartographie dans la lignée de collectifs militants tels que Counter Cartographies Collective, qui participent à la construction d’une réflexion militante sur les pratiques de contre-cartographie.

Nous considérons que de telles cartes font partie intégrante de la résilience nécessaire à des histoires de citadinité traumatiques, dans lesquelles expulsion rime trop souvent avec l’arrachement forcé à des réseaux de sociabilités, à des systèmes de soins pour personnes vulnérables ou, tout simplement, au chez-soi, révélés par les histoires orales (Raquel Mirabal, 2009). Nous entendons ainsi apporter notre contribution à un mouvement plus général qui doit se donner les moyens de critiquer les composantes raciales et spatiales de la gentrification, notamment dans la baie de San Francisco, tout comme l’idée trop admise de la perte et du déclin comme seuls horizons pour les classes populaires. Bien que réels, ils ne sont que l’une des multiples expériences de ceux qui font les frais de la matérialisation des rapports sociaux dans l’urbain. Nous nous mobilisons donc pour une contre-cartographie d’un paysage parsemé d’itérations multiples d’un néolibéralisme racialisé, des constructions immobilières de luxe aux Ellis Acts spéculatifs, de la surveillance par les dispositifs technologiques jusqu’au contrôle et à la violence sur les corps.

ERIN MCELROY, FLORIAN OPILLARD ET L’ANTI-EVICTION MAPPING PROJECT

Erin McElroy est la co-fondatrice et co-directrice du Anti-Eviction Mapping Project et participe au travail de collectifs d’action directe tels que Eviction Free San Francisco. Erin est par ailleurs doctorante en Feminist Studies à l’Université de Californie, Santa Cruz. Ses recherches portent sur les utopies technologiques, les dépossessions racialisées et les analyses postcoloniales.

erinmcel AT gmail DOT com

 

Florian Opillard est doctorant en géographie à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris). Son travail concerne la comparaison des résistances aux politiques urbaines néolibérales et les spatialités des pratiques militantes. Dans ce cadre, il participe activement aux travaux de l’Anti-Eviction Mapping Project à San Francisco depuis l’année 2014.

florian.opillard AT gmail DOT com

Illustration de couverture : carte murale du travail de l’Anti-Eviction Mapping Project, Clarion Alley, San Francisco (Anti-Eviction Mapping Project, 2015)

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  1. La liste détaillée des propositions est accessible en ligne : https://ballotpedia.org/San_Francisco_City_and_County,_California_ballot_measures. []
  2. Le terme de dépeuplement est la traduction imparfaite du concept de displacement, que nous utilisons ici en référence aux travaux de la géographe Anne Clerval (2008) pour évoquer le dépeuplement sociologique dans les processus de gentrification. []
  3. L’expression « classes populaires racialisées » insiste ici sur la nécessité d’analyser le caractère performatif des catégories raciales dans la dimension spatiale du champ social. Nous militons activement contre le fondement même de leur existence, mais soulignons l’impérieuse nécessité de l’analyse de la co-construction de ces catégories raciales et de l’urbain. Pour plus de précisions, consulter les travaux de Stephan Kipfer (2012), signalés par Anne Clerval (2014). []
  4. « Les afro-américains représentaient 28 % des clients d’EDC en 2014, alors qu’ils ne représentent que 6 % de la population totale de la ville de San Francisco. Les latinos représentent la deuxième plus grande catégorie de population avec 17 % des clients d’EDC, et 15 % du total de la population de San Francisco ». []
  5. L’emploi du « @ » correspond à la volonté de remplacer le caractère genré des termes « Latinos et Latinas ». Il est fréquemment utilisé dans les milieux militants par des populations se réclamant d’origine latino-américaine. D’autres déclinaisons vont plus loin encore, en utilisant le « x » – Latinx – dans une volonté d’inclusion des personnes discriminées, notamment transgenres. Pour un bref cadrage du débat, lire « The Case FOR ‘Latinx’: Why Intersectionality Is Not a Choice », LatinoRebels, 5 décembre 2015 : http://www.latinorebels.com/2015/12/05/the-case-for-latinx-why-intersectionality-is-not-a-choice. []
  6. Site Internet de Jennifer Rosdail : « the quad is born », URL : http://jenniferrosdail.com/the-quad-is-born/, consulté le 21 octobre 2016. []
  7. L’Ellis Act est une loi de l’État de Californie de 1985, dont le but initial était de permettre à un propriétaire qui ne pouvait plus assumer les charges de son bien (ou de ses biens) de sortir du marché locatif. Pour utiliser ce recours juridique, le propriétaire est obligé d’expulser les locataires de tous les appartements qu’il possède dans un même immeuble. []
  8. Traduction du document 4 : Tenants Together et l’Anti-Eviction Mapping Project ont entrepris une analyse détaillée des données produites par le Rent Board et des données concernant la propriété immobilière. Les résultats furent surprenants : 58 % des expulsions locatives par Ellis Act sont le fait de propriétaires qui possèdent leur bien depuis moins d’un an. La majorité de ces expulsions a eu lieu dans les six mois suivant l’achat. De même, 79 % des expulsions par Ellis Act ont eu lieu dans les cinq années suivant l’achat. Seules 21 % des expulsions sont le fait de propriétaires de long terme. Les données cumulées de 2009 à 2013 sont similaires, avec 51 % des expulsions intervenant dans la première année et 78 % dans les cinq premières années. Les tableaux suivants mettent en avant les données compilées de 2009 à 2013. – En regardant la durée de la possession par immeuble et non plus par appartement, on remarque les mêmes tendances : de 2009 à 2013, les propriétaires de moins d’un an représentent 43 % des immeubles dans lesquels l’Ellis Act est utilisé, tandis que les propriétaires de moins de cinq ans représentent 69 % des expulsions. – Pourcentage d’expulsions par Ellis Act selon la durée de possession, 2013. – Pourcentage d’expulsions par Ellis Act selon la durée de possession, 2009-2013. » []
  9. Légende : les cercles les plus petits correspondent à l’expulsion d’un appartement entier. La taille des cercles est proportionnelle au nombre d’appartements concernés dans un même immeuble, de une expulsion à 102 expulsions pour la plus importante. Pour le détail, se reporter à la carte interactive sur le site Internet du collectif. []
  10. Un buy out est une forme d’expulsion informelle qui consiste à proposer de l’argent à son locataire pour qu’il déménage de son propre fait. []
  11. Ces deux organisations sont toutes les deux d’importants défenseurs des droits des catégories populaires, notamment sur les questions de logement. []
  12. Légende : Les cercles les plus petits correspondent à un buyout déclaré aux services municipaux. La taille des cercles est proportionnelle au nombre de buyouts par immeuble, de un à sept pour les cercles les plus gros. Pour le détail des chiffres, se référer au site Internet du collectif. []

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