Amérique du Nord / Portfolio : Detroit / In the D

Flaminia Paddeu


  • #1 East Canfield Street / Dequindre Street #1 East Canfield Street / Dequindre Street
  • #2 15th Street / Lacombe Drive #2 15th Street / Lacombe Drive
  • #3 Michigan Avenue / Wabash Street #3 Michigan Avenue / Wabash Street
  • #4 Cass Avenue / Peterboro Street #4 Cass Avenue / Peterboro Street
  • #5 Trumbull Street / Holden Street #5 Trumbull Street / Holden Street
  • #6 Park Avenue / West Adams Street #6 Park Avenue / West Adams Street
  • #7 Michigan Avenue / Washington Boulevard #7 Michigan Avenue / Washington Boulevard
  • #8 Woodward Avenue / East Jefferson Avenue #8 Woodward Avenue / East Jefferson Avenue
  • #9 Woodward Avenue #9 Woodward Avenue
  • #10 Cass Avenue / Martin Luther King Jr Boulevard #10 Cass Avenue / Martin Luther King Jr Boulevard
  • #11 Woodward Avenue #11 Woodward Avenue
  • #12 Griswold Street #12 Griswold Street
  • #13 East Jefferson Avenue / Randolph Street #13 East Jefferson Avenue / Randolph Street
  • #14 Inside the Renaissance Center #14 Inside the Renaissance Center
  • #15 East Grand Boulevard / Concord Street #15 East Grand Boulevard / Concord Street
  • #16 East Grand Boulevard / Concord Street #16 East Grand Boulevard / Concord Street
  • #17 East Grand Boulevard / Concord Street #17 East Grand Boulevard / Concord Street
  • #18 Park Avenue / Temple Street #18 Park Avenue / Temple Street
  • #19 Trumbull Street / Holden Street #19 Trumbull Street / Holden Street
  • #20 Trumbull Street / Holden Street #20 Trumbull Street / Holden Street
  • #21 Mount Elliott Street / Heidelberg Street #21 Mount Elliott Street / Heidelberg Street
  • #22 Joseph Campau Street / East Willis Street #22 Joseph Campau Street / East Willis Street
  • #23 Concord Street / Georgia Street #23 Concord Street / Georgia Street

 

Ces photographies ne sont pas des objets esthétiques, elles reflètent le paysage quotidien de mon terrain de recherche à Detroit, en particulier dans l’East Side, un quartier durement touché par la détérioration de la ville1. En les réalisant au printemps 2012, j’ai essayé de me garder du ruin porn, cette fascination esthétique pour les bâtiments en ruine des villes en déclin. Il est vrai que la tentation de l’exploration des usines et des immeubles abandonnés est forte. Faire l’expérience de l’immense Packard Plant, totalement ravagée sur 300 000 m², est absolument inouï. Le moindre cliché photographique, tant la ville est presque partout dépeuplée et dévastée, flirte avec le ruin porn. Mais moins que la facilité de ces photos de ruines immobiles, le problème du ruin porn, c’est l’absence d’explicitation des mécanismes qui ont conduit à cet état, c’est le risque d’oblitération d’une réflexion systémique sur les problèmes, et de prise en compte de ceux qui les subissent. La décontextualisation – permise par la diffusion de masse des images sur internet – occulte les causalités ; conforte la fascination pour le beau. Elle renforce aussi les clichés d’une ville en déclin – les spécialistes parlent de shrinking city – entièrement vidée de ses habitants.

Il est vrai que les faits insistent. Depuis 1950, Detroit a perdu plus d’un million d’habitants et des centaines de milliers d’emplois. Aujourd’hui la ville est touchée par un chômage anormalement élevé, une pauvreté massive – plus d’un tiers des habitants vit sous le seuil de pauvreté –, la ruine d’une proportion démesurée de ses bâtiments et un isolement racial vis-à-vis de ses banlieues. De vastes zones de la ville, des maisons, des usines, des magasins sont abandonnés, condamnés ou brûlés, donnant au paysage urbain un air apocalyptique. La singularité de Detroit – son caractère anomal dans un pays comme les Etats-Unis – implique que ces faits et ces chiffres doivent être rappelés, et ce paysage, décrit. Mais si la ville a perdu plus de la moitié de ses habitants en un demi siècle, il en reste encore près de 700 000, et non les moindres. Ceux qui avaient la possibilité de partir et qui sont restés, l’ont fait par militantisme, par goût pour Detroit, par espoir rageux d’un sauvetage, d’un horizon meilleur.

Detroit est de plus en plus photographiée, d’Andrew Moore à Yves Marchand et Romain Meffre qui ont popularisé cette ville en France, en passant par Thomas Jorion, Dave Jordano, Christian Burkert et des dizaines, des centaines d’autres. Ceux qui échappent finalement au ruin porn évitent de photographier ce qui est visuellement le plus frappant et le plus commun, le paysage urbain quotidiennement partagé par tous, ces décombres spectaculaires. Reste à photographier un Detroit plus singulier, aussi singulier que chacun de ses habitants, et notamment ceux dont les travaux et les jours oeuvrent à la sortie de crise. En effet, les organisations à but non lucratif, appartenant à la sphère associative, ont fleuri à Detroit comme dans beaucoup de quartiers en crise urbaine aux États-Unis. Ce sont majoritairement elles, face à la paralysie de la municipalité urbaine criblée de dettes, qui permettent et encouragent l’existence de pratiques économiques, environnementales et culturelles alternatives. Un soulèvement bottom up de la société civile existe depuis longtemps à Detroit, qui a une tradition de lutte pour ses droits – notamment via les syndicats. En mettant en place ces pratiques, qui ont toutes en commun une volonté d’inversion du modèle traditionnel, fondé sur la croissance et les investissements de capitaux, elles donnent des pistes matérielles pour penser le futur de Detroit selon de nouveaux modèles urbains.

Flaminia Paddeu

Pour aller plus loin :

– sur la crise à Detroit: http://www.armand-colin.com/upload/Paddeu_IG_article_offert.pdf

– sur le ruin porn à Detroit: http://www.vice.com/read/something-something-something-detroit-994-v16n8

 

  1. Ce terrain a été réalisé dans le cadre de ma thèse sur Les pratiques environnementales citoyennes dans les quartiers en crise des métropoles états-uniennes dans le Bronx (NY) et à Detroit (MI). []
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