#5 / Gouvernement de la ville et économie de la punition

Marie Morelle

 

 

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En conclusion de Surveiller et Punir, Michel Foucault se réfère à un article de presse, rédigé en 1836, dressant le plan imaginaire d’une « ville carcérale » où un « réseau multiple d’éléments divers – murs, espace, institution, règle, discours » intervient dans la production et le maintien d’un ordre disciplinaire. La prison y apparaît non pas seule, mais « liée à toute une série d’autres dispositifs carcéraux » qui tendent à « exercer un pouvoir de normalisation » (1975 : 359). Le philosophe ne prêtait alors guère attention à la dimension urbaine du dispositif décrit, la ville restant de l’ordre de la métaphore. Par la suite, il traitera néanmoins des dispositifs de pouvoir en s’appuyant sur l’étude de principes d’aménagement urbain (La Métropolitée d’Alexandre le Maitre, la ville de Richelieu et la ville de Nantes ; 2004). Depuis, des liens plus concrets, partant d’études empiriques, ont pu être établis entre ville et prison. La question de l’emprisonnement, et, au-delà, de la peine, participerait d’une analyse des liens entre espace, société urbaine et pouvoir.

Partant de cette hypothèse, ce texte souhaite tout d’abord revenir sur les liens entre ville et prison avant de tenter de cerner, dans un deuxième temps, les contours d’une économie urbaine de la peine et de ses modes de territorialisation. Une telle étude doit permettre de saisir comment le système des peines peut éclairer les modes de gouvernement urbain. En effet, l’analyse de la production d’un ordre social et politique depuis la pénalité révèle l’entremêlement de logiques d’exploitation et de domination, de coercition et d’obéissance, enfin de compromis et de subversion. Cela incite à étudier les processus de définition de l’objet de la punition, des modes de sanction en eux-mêmes, et enfin la portée sociale et politique de la peine, dans les sociétés urbaines.

En filigrane, faisant le pont entre études carcérales et études urbaines, ce court article souhaite esquisser une contribution à la réflexion sur les liens entre espace et pouvoir (Raffestin, 1980), en particulier tels qu’ils ont pu être appréhendés, en référence aux travaux de Michel Foucault, dans le champ de la géographie politique anglophone (Sharp et al., 2000). L’analyse, à portée exploratoire, sera conduite à partir d’une synthèse critique de la bibliographie existante et en référence à des recherches menées depuis 2010 dans la prison centrale et dans plusieurs points de vente de cannabis à Yaoundé, au Cameroun (Morelle, 2013)1.

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« La ville carcérale » : un espace métaphorique ?

Parler de la « ville carcérale » relève-t-il de la métaphore ? Dans l’entretien que Michel Foucault accorde à Yves Lacoste pour la revue Hérodote, en 1976 (Foucault, 1994a, n°169), le dialogue se noue un temps sur les métaphores spatiales (plus que sur l’espace proprement dit) en lien avec le champ sémantique de la stratégie militaire. Dans quelle mesure l’espace urbain incarne-t-il l’un des champs de bataille contemporains où sont découpés et classés les espaces afin de quadriller, surveiller, tenir à distance « l’ennemi » ? Quel serait alors l’ennemi ? Quelles seraient les menaces à l’encontre de l’ordre public (entendu comme ordre socialement et politiquement construit) ?

Si Foucault avait ouvert timidement la porte à une entrée spatiale dans sa lecture des disciplines, on retrouve, autrement et des années plus tard, l’expression de « ville carcérale » dans l’essai de Mike Davis, parlant de Los Angeles. Il y souligne la démultiplication des architectures sécuritaires, le redéploiement de la surveillance policière, enfin l’agrandissement des prisons et l’augmentation de leur nombre dans le paysage urbain (2000 : 229). On serait tenté de retrouver dans l’analyse de Davis la logique disciplinaire foucaldienne : quadriller et surveiller ce qui fait désordre, prévenir et, le cas échéant, sanctionner et punir toute déviation, avec des prisons où mettre à distance, mais aussi des enclaves sécurisées où se mettre à distance, en somme, une logique de séparations multiples. La surveillance policière, en lien avec les prisons, semble relever d’un dispositif de type panoptique tel que théorisé par le philosophe2.

Dans une perspective voisine de celle de Davis, plusieurs auteurs ont pu étudier les politiques de criminalisation et d’éviction de certains espaces publics de populations « indésirables », au moyen de la vidéosurveillance et de la règle de droit (Mitchell, 1997 ; Coleman et Sim, 2000). Si Mike Davis met l’accent sur la « clôture », ces autres travaux insistent davantage sur le « quadrillage ». Ne sommes-nous pas aux prises avec « l’espace disciplinaire » dont parlait Foucault (1975 : 168) : « à chaque individu, sa place ; et en chaque emplacement, un individu. Éviter les distributions par groupes ; décomposer les implantations collectives ; analyser les pluralités confuses, massives ou fuyantes » ? Pourtant, les auteurs cités ne s’en revendiquent pas. Leurs travaux, sur des thématiques qui se sont multipliées dans les décennies 1990 puis 2000, s’inscrivent davantage dans une approche de géographie critique, en lien avec le déploiement des idéologies néolibérales.

Certains parlent de ville et de punition dans les termes de « punitive neoliberal city » (Herbert et Brown, 2006). Or, on peut se demander en quoi ces dispositifs revêtent une vocation punitive (Herbert, 1996, 1997). Parmi les motifs d’éviction de rues et de places de certains individus, est avancée la notion de risque. La présence d’individus devient légalement proscrite de divers lieux, au prétexte qu’ils pourraient y conduire des crimes et des délits, telles les zones réputées être des points de revente de drogue (Belina, 2007). Toutefois, il s’agit moins de punir et de « réformer » un individu que de prévenir le danger et de produire une forme de sécurité en ville, en construisant puis en évinçant des populations jugées dangereuses. Ce qui limiterait, en définitive, l’idée de ville « punitive ». Il ne s’agit pas de punir en tant que tel mais de prévenir, selon, toutefois, des processus discriminatoires, excluant de fait des catégories de populations.

Dans le même temps, touchant cette fois-ci à la prison, on retrouve des situations d’exclusion : le recours massif à l’incarcération (du moins dans certaines sociétés, tels que les États-Unis, le Brésil ou encore la France et l’Afrique du Sud)3 s’adresse aux « indésirables » (Castel, 1995), précaires et rejetés d’un marché du travail exsangue. La logique n’est-elle pas davantage celle de l’invisibilité et de la mise à l’écart (Milhaud, 2009 ; Moran, Gill, et Conlon, 2013), nonobstant les réformes pénitentiaires dans certains États et la « responsabilisation » des détenus (Chantraine, 2006), ambiguë et qui demeure concomitante aux pratiques disciplinaires intra-muros ? Cette dynamique à l’égard de catégories entières de population a donné lieu à l’émergence de la notion de « continuum carcéral » dans le champ des sciences sociales, et à une appréhension différente des liens entre études carcérales et études urbaines.

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« Le continuum carcéral »

Sans plus s’intéresser, au prétexte de la géographie, aux architectures sécuritaires et punitives, on peut faire l’hypothèse d’une forme de spatialisation des activités délictuelles et criminelles, par les discours politiques et médiatiques mais aussi au gré des politiques de sécurité publique et de l’action judiciaire. En Europe, s’il a été largement question de l’éviction des sans-abri et des consommateurs de drogues des centres-villes, on sait aussi combien, historiquement, les quartiers populaires ont fait l’objet d’une forte catégorisation notamment en lien avec le fonctionnement du système pénal et d’injonctions ministérielles (« politique du chiffre » par exemple). C’est là une autre approche non plus de « la ville carcérale » mais de ce qui a davantage été pensé en termes de « continuum carcéral ». Ainsi a-t-il été établi combien la peine d’emprisonnement touche historiquement, du moins en Europe (Geremek, 1974 ; Petit, 1991), et parfois massivement, les populations pauvres (Aubusson de Cavarlay, 1985). À travers le monde, des chercheurs démontrent comment des hommes, jeunes, déscolarisés et au chômage, issus des ghettos, favelas, banlieues, sont envoyés vers les cellules des établissements pénitentiaires (Wacquant, 2001 ; Gilmore, 2007; Peck et Theodore, 2008 ; Chantraine, 2004 ; Kokoreff, 2004 ; Bony, 2014 ; Telles, 2009 ; Bandyopadhyay, 2010 ; Reed, 2003). Dans cette veine, d’autres études ont mis l’accent sur la circulation de biens et d’informations, le maintien de réseaux sociaux entre quartiers populaires et ceux de la prison (Cunha, 2007 ; Godoi, 2009). Les logiques de répartition des populations au sein de l’espace carcéral empruntent aux dynamiques de ségrégation sociale et raciale présentes en ville (Bony, op. cit.), et en retour, le vécu carcéral peut influer sur la société urbaine et la vie dans les quartiers marginalisés et les ghettos (Clear, 2007). Ici, parler de « ville carcérale » reviendrait alors à saisir l’empreinte de la prison (et donc de la punition) sur les pratiques et les représentations urbaines : celles des habitants d’abord. « Le dispositif carcéral est aujourd’hui une référence urbaine, il redessine les circuits de la ville, dans et hors de ses murs » (Telles, 2009). C’est une option peu présente dans la géographie urbaine, au contraire de la sociologie ou plus encore de l’anthropologie.

Par ailleurs, on ne peut pas simplement dresser la liste des institutions à vocation répressive et des périmètres préventifs dans le paysage urbain, à la manière de Davis4 par exemple, pour cerner l’influence de la peine dans le gouvernement des villes et ses traductions spatiales. Il est nécessaire de voir en quoi la punition (et le contrôle social qui en découle) révèle des rapports de pouvoir autant qu’elle contribue à façonner une manière de gouverner la ville. C’est une économie politique de la punition qu’il faut saisir, en portant attention, en études urbaines, à sa dimension territorialisée. L’objectif n’est pas seulement de voir où punir, ni les effets de la qualification d’un lieu selon sa dangerosité ou le degré de sa surveillance. L’enjeu est de saisir selon quels processus des faits sont érigés en infractions pénales, conduisant à la mise en place de techniques de contrôle, avec quelles rationalités et intentionnalités, avec quelles adhésions ou résistances5. Sans éluder la coercition et la portée disciplinaire d’un système pénal donné, il est nécessaire d’analyser en situation les rapports de pouvoir, mais aussi les négociations, qui se jouent autour de la peine, dans une approche gouvernementaliste (Bayart, 2008). Il s’agit alors de comprendre comment le système pénal, les lois, les acteurs en charge de les appliquer dans leurs interactions avec les citadins concourent au gouvernement des villes, par delà les formes urbaines.

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Gouvernement pénal de la ville

Partant de l’idée d’un « gouvernement par le crime », Bernd Bélina a le grand mérite de faire entrer la pénalité dans le champ d’analyse des pouvoirs urbains, en géographie (Belina, 20146), là où les sociologues appelaient de longue date à faire de la prison un point de départ à partir duquel saisir les rapports de pouvoir et de domination (Faugeron, 1996). Gilles Chantraine, parmi quelques autres (Deleuze, 1986: 49), rappelle ainsi que pour Michel Foucault les prisons avaient été un alibi pour traiter du pouvoir. Ce n’est donc pas tant Surveiller et Punir qui doit aider à saisir le lien entre ville et punition7 que d’autres textes de la boite à outils foucaldienne, à commencer, donc, par la notion de gouvernementalité (Foucault, 2004 : 15, 16) sans évincer celle d’illégalisme (ibidem, 1975)8.

Parler en termes de gouvernement, en géographie, pourrait inviter à saisir le pouvoir localement9. Plus précisément peut-on se demander comment circule le pouvoir, partant de l’étude du pouvoir de punir. Certes, le monopole de la violence légitime revient à l’État. Parler de sanction, en particulier dans une approche weberienne, c’est parler du droit et c’est parler de l’État, de sa souveraineté en un territoire défini. La punition invite à parler de la domination d’État. Selon Durkheim (2013 [1930] :33), c’est la sanction qui appelle au respect de la règle. Aussi peut-on être tenté de voir dans la démultiplication des zones d’exclusion des centres-villes ou dans l’édification de nouvelles prisons la marque d’un pouvoir souverain, surplombant. Cependant, des approches marxistes aux approches postmodernes, en passant par le travail des sociologues du droit ou de la legal geography (Maccaglia, Morelle, 2014), il va sans dire que le droit est une construction sociale, dès lors soumise à des intérêts politiques et sociaux. C’est là que la notion d’illégalisme s’avère féconde. Foucault a démontré comment les intérêts de la bourgeoisie ont conduit à la codification en infraction pénale des illégalismes populaires (rapine, braconnage), en somme à la criminalisation des attaques aux biens, au détriment des classes populaires. En conséquence, il est nécessaire de considérer la manière dont est toléré un manquement à une règle (la loi, les normes sociales, la morale). Cette marge de tolérance conduit à mener des études au plus près de ce qui est ou non sanctionné, comment, en vertu de quels registres de références, au moyen de quels arrangements, et pour quels intérêts. Par ailleurs, Bourdieu (1990) démontre comment le droit est sujet à interprétation par les agents en charge de les appliquer. Or, concernant la pénalité, les travaux sur la police, par exemple (Monjardet, 1996), ont montré de longue date la part d’autonomie des forces de l’ordre et donc la liberté d’action et d’interprétation sur le terrain (non sans dilemmes où interfèrent normes professionnelles, poids des hiérarchies, etc.). Ainsi est-il nécessaire de montrer en quoi les processus lié à la sanction pénale participent de l’émergence et du maintien de pouvoirs urbains éventuellement très localisés et comment ces derniers interagissent entre eux et relèvent plus largement du gouvernement des villes.

Le droit pénal participe du gouvernement des populations. Il revêt une dimension éminemment spatiale du fait qu’il influe sur la position dans l’espace des individus et contrôle les mouvements et les activités : par le recours à l’incarcération (garde à vue et prison), également par les restrictions à la mobilité telles que le bracelet électronique (Devresse, 2012), ou encore les ordres de restriction temporaires (Merry, 2001) ou, à une échelle plus collective, avec les zones d’exclusion (telles que les area ban en Allemagne, les drug free zones aux États Unis) qui vont découper, fragmenter l’espace en des territoires autorisés ou interdits (Devresse, op. cit.). Contrats locaux, zones prioritaires de sécurité sont autant de manière de marquer l’espace et d’assigner à territorialité (Hancock, 2007) des individus et des populations (Germes, 2011) au risque d’une représentation fragmentée de la ville, d’une essentialisation des espaces et des populations (Gillespie, 2014). Dans un cas, des espaces deviennent des « bassins de recrutement » pour les prisons (Bony, op. cit.) ; dans un autre, c’est la qualification juridique de l’espace qui entraine l’émergence d’une catégorie de population, largement stigmatisée, les deux phénomènes interagissant sur une « population » et sur des individus, sur des positions sociales et la capacité à s’affirmer comme sujet. Par conséquent, « il faut compter avec le territoire comme composante essentielle de la sanction » (Devresse, op. cit, 72) et plus largement comme dimension du gouvernement urbain. « Geography is a constituent of social behavior, not just its backdrop »10 (Herbert, Brown, op. cit, 764).

Cependant, on ne saurait s’arrêter à une spatialisation à outrance de cette pénalité sans l’analyser à une échelle plus fine, sauf à entrer dans le jeu du spatialisme (Milhaud, 2015). Il ne s’agit donc pas de s’en tenir aux seuls discours politiques et médiatiques d’abord, aux textes juridiques ensuite afin de comprendre comment une règle de droit (loi, décret, règlement, etc.) est édictée et son périmètre d’application défini. Il faut aussi saisir, en situation, en un espace et en une temporalité donnés, son application, son interprétation, éventuellement son contournement. Il est nécessaire de voir ce qui fait effectivement l’objet d’une surveillance puis, éventuellement, d’une sanction.

Récemment, la notion de gouvernementalité a été reprise dans les études urbaines dans le contexte de déploiement de pratiques d’inspiration néolibérale (Rose, 1996). Elle a permis de poser la question de la multiplicité des acteurs impliqués dans la gestion d’une ville et du croisement de leurs intérêts. Toutefois, plus rares sont les textes à avoir mis l’accent sur la dimension informelle de cette gouvernance urbaine (Lindell, 2008 ; Roy, 2005 ; Benjamin, 2008 ; Yiftachel, 2009) : il s’agit alors d’étudier les pratiques informelles, en marge de la loi, des acteurs politiques et institutionnels, des habitants, voire des acteurs criminels, leurs interactions, et enfin d’en saisir les effets politiques. Il est également nécessaire d’étudier la manière dont des acteurs politiques et institutionnels décident de ce qui relève de l’illégal, tolérant de fait certaines pratiques et activités.

Je prendrais brièvement l’exemple du Cameroun en mentionnant le trafic de cannabis : sous couvert de la menace de la loi, les vendeurs en gros et en semi-détail de la capitale camerounaise achètent leur liberté auprès des acteurs du système pénal (policiers et gendarmes, procureurs et juges). Sans que l’on puisse conclure à la permanence et à la généralisation de la corruption de l’ensemble des acteurs institutionnels, on peut constater l’existence d’une marge de tolérance à l’égard du trafic, moyennant un arrangement négocié sur une base pécuniaire11. Si les quartiers populaires font l’objet d’une surveillance des forces de sécurité, celle-ci ne débouche pas exclusivement sur la criminalisation des activités illégales, l’incarcération des habitants et finalement le recours à la domination d’État. Si on ne peut éluder le maintien des châtiments corporels dans les cellules des brigades et des commissariats comme des prisons (recours fréquent aux coups de bâton, soit pour intimider, soit pour punir), on peut aussi conclure à l’existence d’un espace de négociation et à des pratiques, principalement corruptives témoignant, en définitive, d’une adhésion passive à un système de pouvoir donné. La dimension souveraine du pouvoir d’État participe comme un élément parmi d’autres des modes de gouvernement urbain (Foucault, 1997: 214). La menace de l’application du code pénal et l’omniprésence de la prison (avec la crainte d’être incarcéré, par exemple, à Yaoundé, dans une prison surpeuplée où les lenteurs de la justice conduisent à rester une ou deux années sans condamnation en première instance, cf. Morelle, 2013) influent certes dans ce dispositif de pouvoir, mais côtoient et interagissent avec des échanges d’argent et l’activation de réseaux sociaux pour atteindre un juge ou un procureur, avec les intérêts professionnels ou dilemmes moraux des agents en charge de surveiller mais aussi de pacifier les espaces urbains et qui ne peuvent entrer dans une stricte logique répressive (Debos, Glasman, 2012). Ainsi pourra-t-on conclure, à Yaoundé du moins, que s’il y a discipline, elle serait davantage le fait de la corruption que du recours effectif à l’enfermement. On assiste à une forme d’institutionnalisation du contournement de la loi, en somme à l’émergence d’une norme « pratique » (Olivier de Sardan, 2008) qui concurrence la loi et son application stricte, norme qui permet de surveiller et de circonscrire les activités urbaines. Certains policiers font de leur espace de compétence et d’intervention un support à l’obtention d’une rente de corruption. En participant à la corruption, les dealers adhèrent aussi à un système politique et social donné, lui donnant même les moyens de sa reproduction. En négociant la loi, ils la reconnaissent aussi. Le recours à un échange économique et politique leur évite la violence étatique sans la rendre caduque pour autant. La tolérance et la négociation (que la loi suscite) n’éludent pas la dimension souveraine du pouvoir.

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Yaoundé, Quartiers populaires (Thomas Chatelet, 2013)

Yaoundé, Quartiers populaires (Thomas Chatelet, 2013)

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Dans le même temps, les plus gros dealers (semi-détaillants) de la capitale inscrivent leurs pratiques dans divers réseaux sociaux : en concurrence éventuelle avec des chefs de quartier, certains peuvent devenir les bienfaiteurs de leur voisinage, achetant le silence de leurs voisins par la redistribution d’une partie de leurs gains acquis par le trafic. Ils peuvent légitimer leur présence en un territoire circonscrit auprès des habitants. Sont dessinés les contours d’une économie politique du deal, où se déploient et s’affichent divers pouvoirs très localisés. Si les dealers de Yaoundé sont loin de devenir des entrepreneurs politiques, il suffit de tourner les yeux vers certaines villes d’Amérique latine où des trafiquants sont devenus les références des habitants des quartiers les plus marginalisés en termes de distribution de service comme de résolution de conflits (Telles, 2014), allant jusqu’à influencer les instances participatives locales (Abello-Colak, Guarneros-Meza, 2014).

Dès lors, l’étude du droit pénal participe d’une analyse plus large des pouvoirs urbains. Il faut introduire à cette étude les effets discursifs de l’existence des règles de droit (périmètre d’action, zonages, cartographie du crime ainsi défini), mais aussi ceux de son interprétation, in situ, conduisant parfois à la transgression de la loi, tout au moins à une relative tolérance à l’égard de crimes et délits (sans évincer, parfois, l’ impuissance des pouvoirs publics et des agents de l’Etat). Il s’agit au fond de comprendre le contrôle de l’espace urbain, concrètement et quotidiennement12, au-delà le rapport à l’État qui se joue avec les citadins à travers leurs interactions avec les acteurs institutionnels (forces de l’ordre, magistrats, gardiens), entre coercition et adhésion. De même, les citadins ne forment pas un tout homogène, y compris dans les territoires les plus stigmatisés. Le rapport au délit et au crime, à ce que l’on dénonce ou ce que l’on cache à la police mérite des analyses nuancées. En-deçà des textes et des discours, des acteurs (policiers, juges, vigiles, habitants et groupes d’habitants) interagissent en un terrain donné, aux prises avec diverses réalités, conduisant à rendre complexe l’explication de la répression, sans toujours parvenir à cerner le faisceau d’intentions qui guident ces mêmes acteurs. En cela, l’approche foucaldienne de la gouvernementalité peut nourrir une réflexion sur le pouvoir en ville, saisi à une échelle fine. Cependant, elle court le risque de ne plus étudier que « le comment » à défaut du « pourquoi » et de ne donner à voir que des situations multiples, un pouvoir éclaté, sans que l’on ne parvienne plus à voir comment les articuler. Ainsi, cette approche ne doit pas cesser de dialoguer avec les grands schèmes explicatifs, à commencer par les idéologies néolibérales, qui demeurent une grille d’analyse pertinente sans que l’on puisse pour autant en faire l’unique déterminant surplombant toute réalité sociale et politique (Parnell et Robinson, 2013). De manière plus générale, on ne peut pas éluder les processus politiques et économiques qui ont produit une société dans le temps long et la manière dont se construisent et se structurent, au fil du temps, des processus de discrimination et d’exclusion, au sein desquels la punition joue un rôle. Simplement, « les formes organisées, qu’elles soient d’échelle micro- ou macro-sociale, piègent le regard de l’observateur par leur puissance d’englobement, de régulation, d’assujettissement de leurs membres. Les structures ne sont pas des sujets et ne peuvent ni se maintenir ni agir sans l’activité de ceux-ci. (…) Les formes organisées auxquelles sont soumis les sujets agissants sont aussi des créations continuées de leur activité propre. » (Schwartz, 2012 [1990], 25). Ce sont ces articulations qui méritent d’être approfondies.

 

 

Un autre écueil à relever serait de ne pas enfermer la notion d’illégalisme aux seules sociétés urbaines « du Sud » (et aux régimes politiques de type clientéliste plus particulièrement) et de comprendre la place de ces processus de tolérance négociée à l’égard de la règle et de la sanction dans les sociétés urbaines « du Nord ». A cet égard, on peut mentionner l’enquête du journaliste David Simon et de l’ancien policier Ed Burns (Simon, Burns, 2011) qui démontrent la faible portée des arrestations pour possession voire revente d’héroïne et de cocaïne, la majorité des personnes appréhendées ne faisant finalement pas l’objet de poursuites ni d’incarcérations, à Baltimore, aux Etats Unis. Un tel constat invite à manier l’expression « ville carcérale » avec prudence et nuances.

MARIE MORELLE

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Marie Morelle est docteur en géographie, maître de conférences HDR à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et l’UMR Prodig, membre de l’équipe TerrFerme (http://terrferme.hypotheses.org) et du programme Inverses (www.inverses.org). Après des recherches sur les processus de marginalisation sociale en ville (enfants des rues au Cameroun et à Madagascar), elle a travaillé sur les politiques de sécurité publique et les politiques pénitentiaires au Cameroun. Elle développe actuellement une réflexion sur les liens entre informalité, pénalité et gouvernement urbain, à titre principal en Afrique, à titre secondaire en Europe.

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Image de couverture : Devant la prison centrale de Yaoundé (Thomas Chatelet, 2013)

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  1. Dans le cadre des programmes de recherche TerrFerme (ANR, Réf. : ANR-08-JCJC 2008-0121-01) et Conseil Régional d’Aquitaine, Réf. : 2010407003) et Inverses (Emergences, Mairie de Paris) www.inverses.org. []
  2. A contrario, on peut noter la logique, en France par exemple, visant à s’inspirer d’une certaine vision de la ville (et de ses sociabilités) pour penser les plans architecturaux des prisons (Salle, 2012). La ville n’apparaît guère comme disciplinaire et s’en inspirer doit permettre de rompre (relativement) avec une appréhension sécuritaire de la prison (Milhaud, 2015). []
  3. Au sein des études carcérales existe une tendance à parler en termes de modèles : celui « états-unien » marqué par une hyper-incarcération ou, à l’inverse, « scandinave » défini par ses faibles taux d’incarcération. Aujourd’hui, on peut noter le prisme souvent occidentalo-centré des études au détriment d’une approche plus fine de la réalité de l’enfermement à travers le monde, concluant peut-être trop hâtivement à l’existence d’un « tournant punitif ». []
  4. Cette référence au carcéral a pu être nuancée, à l’instar d’Edward W. Soja qui, revenant sur les discours contemporains sur les villes (la postmetropolis) en appelle à ne pas évincer de l’analyse les lieux et les espaces de mobilisation, de résistance et de solidarité, au-delà de l’appréhension d’une ville perçue parfois au seul prisme de la fermeture et de la surveillance (Soja, 2007: 320 et s.). []
  5. De voir aussi comment se déroule l’incarcération elle-même selon le type d’établissement pénitentiaire, ce que démontrent déjà fort bien les études carcérales autour notamment de la notion « d’ordre carcéral » (Chauvenet, 1998). []
  6. Cependant, tout en expliquant l’importance d’étudier les pratiques, son étude consiste principalement à analyser la production de textes de loi. []
  7. Toutefois, dans cet ouvrage, il propose une histoire du présent de la prison. Plus précisément, il se livre à une « généalogie » de la prison. Il ne s’agit déjà pas, pour lui, de retrouver l’origine de la prison en tant que telle mais davantage de décrire le processus autorisant son existence. []
  8. Rappelons aussi combien les historiens avaient démontré le décalage entre le discours disciplinaire tel que théorisé par Foucault et la réalité de la répression et de l’incarcération (Petit, 1996). []
  9. « [L’exercice du pouvoir] est un ensemble d’actions sur des actions possibles : (…) il incite, il induit, il détourne, il facilite ou rend plus difficile, il élargit ou il limite, il rend plus ou moins probable ; à la limite, il contraint ou empêche absolument ; mais il est bien toujours une manière d’agir sur un ou sur des sujets agissants, et ce tant qu’ils agissent ou qu’ils sont susceptibles d’agir. Une action sur des actions. […] Gouverner, en ce sens, c’est structurer le champ d’action éventuel des autres. Le mode de relation propre au pouvoir ne serait donc pas à chercher du côté de la violence et de la lutte, ni du côté du contrat et du lien volontaire (qui ne peuvent en être tout au plus que des instruments) : mais du côté de ce mode d’action singulier – ni guerrier ni juridique- qui est le gouvernement. » (Foucault 1994a, n° 306, 237). []
  10. La géographie fait partie intégrante du comportement social, elle n’en est pas simplement la toile de fond. []
  11. Le montant versé aux forces de l’ordre varie selon les liens d’interconnaissance, le grade (voir Morelle, 2015). Dans certains cas (opération de police d’envergure par exemple), le dealer ne pourra pas négocier le maintien de son activité et sera déféré au Parquet, obligé de négocier avec le procureur et/ou le juge d’instruction. Les sommes versées deviennent alors plus importantes. Ces illégalismes populaires (deal, prostitution), ancrés dans certains quartiers de la capitale, sont donc tolérés tout en demeurant contrôlés. []
  12. « L’une des premières choses à comprendre, c’est que le pouvoir n’est pas localisé dans l’appareil d’Etat et que rien ne sera changé dans la société si les mécanismes de pouvoir qui fonctionnent en dehors des appareils d’Etat, au-dessous d’eux, à côté d’eux, à un niveau beaucoup plus infime, quotidien, ne sont pas modifiés. » (Foucault, 1994, « De l’archéologie à la dynastique »). []

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