Banlieues françaises / La cité des enfants (perdus) : La Grande Borne ou les dérives d’une utopie urbaine

Mame-Fatou Niang

L’article de Mame-Fatou Nian au format PDF


En 1967, l’architecte Émile Aillaud dévoile les plans de la Grande Borne, un grand ensemble de près de 4000 logements à Grigny, commune semi-rurale à 25 kilomètres de Paris1. Résolument utopiste, Aillaud imagine une architecture insolite qui rompt avec la verticalité et la grisaille des banlieues d’alors. Surnommée « la Cité des Enfants », la Grande Borne est un assortiment élaboré de bâtiments bas et colorés qui serpentent entre des cours et coursives aux formes fantasques. Aillaud crée une suite d’îlots et d’impasses aux noms évocateurs : Dédale, Minotaure, Astrolabe etc. Les nombreux passages et replis de l’espace sont conçus comme des lieux qui encouragent le jeu, la déambulation et l’exploration de la mélancolie. Pour l’architecte, les circonvolutions de la cité créent des niches propices à l’introspection et au développement de relations de voisinages « à l’échelle d’affinités humaines »2.

Cinquante ans plus tard, le rêve d’Émile Aillaud semble s’être effrité, et la cité de la Grande Borne s’est embourbée dans la mythologie urbaine française3. Elle y rejoint des territoires tels que le Mas du Taureau à Vaulx-en-Velin, ou la Cité des 4000 à La Courneuve, territoires dont la seule évocation mobilise un réseau d’images allant de la violence endémique à l’invasion religieuse. La cité est rivée au centre d’une géographie de la peur nourrie par les représentations médiatiques et l’échec à répétition des politiques de la ville. Ces représentations atteignent leur apogée en janvier 2015, lorsqu’une France sous le choc découvre le visage de l’un de ces « enfants d’Aillaud », Amedy Coulibaly, né à la Grande Borne et auteur des tueries des 8 et 9 janvier à Montrouge et Paris.

Cet article se propose de sonder l’identité et les réalités de la Grande Borne aujourd’hui, en analysant l’action des mouvements « Élan Citoyen » et « Reporter Citoyen », deux collectifs qui se sont manifestés au lendemain des attaques de janvier 2015. Loin des rêves d’Aillaud, du prisme médiatique et des représentations extérieures, il s’agira d’analyser, au travers des actions de ces groupes d’habitants, l’empreinte que des Grignois veulent apposer sur la définition de leur environnement. Dans l’imaginaire collectif, la Grande Borne aura été tour à tour la « Cité pas comme les autres, » « la Cité des Enfants », un haut-lieu de règlements de compte entre gangs, le temple du trafic de stupéfiants en ÎledeFrance, et aujourd’hui, le berceau du « tueur de l’Hyper Casher ». Comment les habitants peuvent-ils redéfinir l’image d’un espace tenaillé entre cette multitude de définitions et de représentations ? Quels sont les échos de telles initiatives citoyennes dans les perceptions de la Grande Borne ? En quoi ces initiatives permettent-elles à des Grignois de se réapproprier le discours sur leur espace, et de devenir enfin producteurs de sens, artisans de leurs identités ?

Un paradis pour enfants

En 1968, Émile Aillaud publie une tribune dans les Cahiers de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne. Dans la communication intitulée « Qu’est-ce qu’une ville ? », l’architecte écrit :

Devant le résultat catastrophique des grands ensembles, on concède parfois que l’urbanisme a évolué, que cela se passait il y a dix ans. Non, ces formes urbaines ne sont pas maintenant dépassées, elles ont toujours été une erreur. Avec une efficacité diabolique et une certaine simplicité d’esprit, les architectes ont fait dérailler le monde ; et les enquêteurs, sociologues ou autres, constatent le mal mais comme il n’est pas de leur domaine d’inventer une autre forme pour des cités, ils attribuent la « maladie moderne de l’isolement » et la « dépersonnalisation » à des causes variées, sans se dire que la « forme » offerte actuellement à la vie urbaine n’était pas fatale, qu’une toute autre conception de la ville était possible, qui peut-être aurait été moins pernicieuse. (Aillaud, 1968)

En France, la construction dans les années 1950 de grands ensembles d’habitation à l’orée des métropoles laisse une empreinte dans le béton d’une foi inébranlable en un mieux pour l’Homme. Ces logements collectifs à loyer modéré et disposant de tous les agréments de la vie moderne sont considérés à leur début comme une étape transitoire avant l’accession à la propriété individuelle. Pourtant, l’on constate très vite les limites de politiques de l’habitat qui ont « négligé le caractère essentiel de la ville [consistant] à rendre possible la vie en commun » (Aillaud, 1968). Lorsqu’il dessine les plans de la Grande Borne, Aillaud imagine une cité qui rompt avec les lignes droites des grands ensembles traditionnels. Les pouvoirs publics lui confient 90 hectares de terrains agricoles enserrés entre la RN445, la RD310 et l’ A6 dans l’Essonne. En 4 ans, l’architecte y érige près de 3 500 logements qui accueilleront plus de 13 000 habitants de 27 nationalités différentes4. La cité est un labyrinthe de sept quartiers aux immeubles colorés et bas qui serpentent entre ruelles et espaces verts. Aillaud se dit habité par l’obsession de faire sortir de terre un espace de vie où se mêlent fonctionnalité et art, mais surtout un espace de rêve et de développement personnel pour ses jeunes habitants.

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1. Un dimanche après midi à la Grande Borne (Jean-François Noël 1973)

1. Un dimanche après midi à la Grande Borne (Jean-François Noël 1973)

Les débuts d’une utopie

Dans l’émission « La France défigurée », Émile Aillaud présente quelques unes des idées qui ont sous-tendu la création de la Grande Borne, « une cité où les enfants sont rois »5. L’architecte confie vouloir rompre avec la monotonie des quartiers ternes, et créer un projet coloré qui mêle poésie, architecture et humanisme. L’habitat ne doit pas être conditionné par les seuls impératifs de fonctionnalités et de coûts, mais bien par le désir d’offrir un cadre de vie qui soit agréable, insolite et qui invite à repenser la modélisation des grands ensembles. Aillaud insiste sur sa décision de ne pas faire de l’architecture, mais plutôt une non-architecture qui soit au service du vivant. Dans cette optique, il défend l’idée d’un bonheur et d’un ravissement original à portée de truelle. Pour Aillaud : «L’horreur de l’urbanisme actuel, c’est de rendre tous semblables les gens dans ces bâtiments unanimes et qui supposent une vie unanime, inexistante. [Ce système] crée de fausses collectivités, [là] il faudrait qu’on crée des singularités, des possibilités d’isolation, des possibilités d’individualisation. La seule dignité que l’on puisse offrir à des gens démunis par ailleurs, c’est aussi d’être des individus » (Aillaud, 1968).

L’architecte déplore l’uniformisation des modèles, l’effacement des aspérités qui plongent l’individu dans un monde aseptisé et sans attaches. Le projet architectural d’Aillaud se distingue par la singularité qu’il veut offrir aux corps dans ces nouveaux espaces. Les habitants ne sont pas appréhendés comme un groupe uniforme assigné à un lieu, mais bien comme une somme d’individus autour desquels la cité est pensée dès sa conception. Aillaud opte pour une architecture minérale, avec des compositions aux couleurs vives et aux structures labyrinthiques qui rappellent un madrépore.

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2. (à gauche) un madrépore ; (à droite) vue aérienne de la Grande Borne (Banque des Savoirs Essonne, 1990)

2. (à gauche) un madrépore ; (à droite) vue aérienne de la Grande Borne (Banque des Savoirs Essonne, 1990)

Émile Aillaud imagine une suite de bâtiments et de jardins repliés sur eux-mêmes, qui favorisent le développement de relations de voisinage « à l’échelle d’affinités humaines » (Aillaud, 1972). Il place l’enfance au cœur de sa création en imaginant des espaces où foisonnent terrains de jeux, refuges et œuvres d’arts. Aillaud explique cette fixation sur l’enfant, en répétant à la suite de Freud que « l’enfant est le père de l’homme ». En agissant sur l’enfant, il espère que ce dernier « puisse être autre qu’il aurait été s’il avait été ailleurs, qu’il puisse devenir un individu ». La cité regorge d’endroits pour les jeux de groupe, mais Aillaud imagine aussi une foule de refuges et d’abris propices à l’isolation, à la méditation et à la recherche de soi. En octobre 2003, Jean-François Noël, photographe et ancien habitant de la Grande Borne, dévoile une série de photos prises 30 ans plus tôt dans la cité. Ces clichés montrent un espace libéré de l’emprise de l’automobile et envahi par des enfants jouant sous les pigeons de la place de Treille, autour du Gulliver ensablé de la Place de l’Œuf, ou sur le Serpent des Radars.

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3. Un dimanche après midi à la Grande Borne (Jean-François Noël, 1973)

3. Un dimanche après midi à la Grande Borne (Jean-François Noël, 1973)

Où la réalité rattrape l’utopie

En visite à la Grande Borne en 1972, Émile Aillaud confie sa joie de voir la réalisation sur le terrain de son rêve poétique. La ville est un coquillage lové sur lui-même, un immense terrain de jeu où il est ravi de voir les enfants utiliser le matériel urbain exactement comme il l’avait prévu. L’architecte se satisfait d’avoir créé un lieu de vie et d’épanouissement où toutes les composantes sont pensées en amont pour une utilisation spécifique.

Trente ans plus tard, force est de constater l’échec du projet d’Aillaud. Dès le début des années 1980, soit 10 ans après l’arrivée des premiers locataires, la Grande Borne s’impose comme l’un des symboles des banlieues à problèmes, une aire de confinement et un « contre-monde de la mobilité » (Lapeyronnie, 1999 : 57). Espace clos enfermé sur lui-même, « terrain vague pour vague à l’âme .

(Maspero, 1990 : 24) la cité est à mille lieues de la boîte à rêver d’Émile Aillaud. Cet espace, jadis modèle, est devenu un lieu « légendaire […] sans cesse montré et parlé sur le modèle de la contre-exemplarité » (Milliot, 2003 : 123). Son évocation éveille une multitude d’images et de stéréotypes, et les échos d’incivilités relayés par les médias ont contribué à cristalliser dans les imaginaires l’idée d’une zone de non-droit, d’un lieu du ban. Dans le cas précis de la Grande borne, une combinaison de facteurs exogènes et d’éléments spécifiques à l’histoire, au terrain et à la genèse de ce projet, ont contribué à cet échec rapide. Il conviendra de relever ici, entre autres, l’absence de concertations entre les différents acteurs du projet, le cloisonnement spatial et le manque d’équipement publics tels que les écoles, les crèches et les bibliothèques, les problèmes structuraux nés des malfaçons du bâti, les effets de la crise économique des années 1970 et enfin, la concentration exponentielle de populations précaires et d’origines étrangères.

Bien avant le premier coup de crayon d’Émile Aillaud, le projet de la Grande Borne semble compromis par l’absence manifeste de concertations entre deux de ses principaux acteurs, les pouvoirs publics et la municipalité de Grigny. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’État cherche à régler la crise foncière qui est une conséquence du conflit et de l’expansion rapide de Paris. En 1965, il jette son dévolu sur une immense plaine agricole à cheval entre les communes de Grigny et Viry-Châtillon. Le permis de construire du grand ensemble de la Grande Borne est délivré le 10 octobre 1967, et la maîtrise d’ouvrage est confiée à l’Office public HLM interdépartemental de la région parisienne (OPDHLMIRP). Les travaux sont réalisés par l’entreprise Bouygues qui construit 3 775 logements de 1967 à 1971 : 3 479 logements collectifs à loyer modéré (dont 3 115 sur la commune de Grigny et 364 sur celle de Viry-Châtillon), 206 logements individuels et 90 habitations pour les Logements et Gestion immobilière de la Région Parisienne (LOGIREP)6. En 1969, la petite commune de Grigny hérite d’une ville imposée dont elle n’a pas planifié la genèse et qu’elle n’a pas les moyens d’entretenir7. En effet, Grigny ne bénéficie pas des effets de la TLE (Taxe Locale d’Équipement) votée deux ans plus tôt, et qui offre une aide financière aux communes en vue de la réalisation de structures et d’équipements induits par l’urbanisation. Cette situation se traduit très vite par un isolement de plus en plus accru de la cité. Cloisonnée par d’importants axes routiers, et coupée du centre de la commune par l’A68, la Grande Borne manque cruellement d’équipements collectifs, d’infrastructures et de moyens de transport. Au début des années 1980, les malfaçons du bâti viennent s’ajouter aux désagréments liés à enclavement. En effet, l’isolation thermique et phonique des bâtiments a fait les frais de la course aux bas prix, et les logements sont gangrenés par des défauts de construction. Les immeubles ont été construits dans une logique qui a mis en avant le contrôle des coûts de production, au détriment de la qualité du bâti. En 1982, sous la pression d’habitants en colère, plus de 750 logements de la cité de la Grande Borne sont enfin déclarés insalubres et inaptes à être occupés9. Les malfaçons et la vétusté précoce des bâtiments seront aussi aggravées par les difficultés financières de la commune de Grigny et le manque de structures d’entretien.

La cité vit durement les effets de la crise économique des années 1970 qui accroît la masse de familles pauvres et celles des étrangers. Les classes moyennes françaises profitent des programmes gouvernementaux d’accession à la propriété, et dès le milieu des années 1970, elles fuient en masse les HLMs afin de s’installer dans des pavillons. Ils sont progressivement remplacés par des immigrés venus des anciennes colonies françaises10. Le transfert de populations s’effectue de plus en plus entre la Grande Borne et le grand ensemble voisin de Grigny 2 qui traverse aussi de fortes turbulences socio-économiques. Cet échange en vase clos renforce la présence en masse de populations précaires. En 2013, le taux de couverture de la population de la Grande Borne par les Caisses d’Allocations Familiales s’élevait à 70,5 % contre 43,8 % pour l’unité urbaine Paris11. Pour Alec Hargreaves, c’est aussi à partir de ce moment de fuite des classes moyennes françaises que les zones périphériques comme la Grande Borne deviennent progressivement synonymes d’altérité ethnique (Hargreaves, 2006 : 12).

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La Grande Borne dans l’imaginaire national

En 1981, le traitement médiatique de l’été chaud des Minguettes consolide dans l’opinion publique l’idée d’un malaise des espaces urbains périphériques. Dans son édition du 22 septembre 1981, le journal télévisé d’Antenne 2 révèle l’émoi considérable généré par ces premières émeutes urbaines12. C’est une France sous le choc qui découvre les images de véhicules en feu et le mal-être de toute une génération exprimée dans la violence et la destruction. Constitué en majorité d’enfants dits de la « deuxième génération » de l’immigration africaine et maghrébine, ce groupe subit de plein fouet l’impact de la crise économique des années 1970 et la montée de la méfiance vis-à-vis des immigrés. Pendant quatre-vingt-treize jours, une partie de ces jeunes va s’engager dans une véritable guérilla urbaine avec les forces de l’ordre et détruire propriétés privées et symboles de l’État dans la cité. Le saccage des édifices publics et des biens privés inscrit dans le paysage urbain les difficultés d’insertion sociale et économique. L’ampleur des destructions et la découverte de centaines de carcasses de voitures brûlées entérinent dans l’opinion publique l’existence d’une « peur des banlieues » (Rey, 1996 : 44). Bien que les premières émeutes de grande envergure ne touchent la Grande Borne qu’en Septembre 2000, la cité fait régulièrement l’actualité pour la violence de ses groupes de jeunes, l’emprise des trafiquants de drogue, et les vagues de violence qui font fuir services publics et privés. Après les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015, la cité opère un retour exceptionnel sur la scène nationale. Son nom est désormais régulièrement rattaché à celui d’Amedy Coulibaly, originaire de la Place aux Herbes et auteur des tueries de Montrouge et de l’Hyper Casher de la Porte de Vincennes.

Les mots des Grignois

Face à l’horreur des journées de janvier 2015 et la pression médiatique subie par les habitants de la cité, deux collectifs vont se soulever afin d’agir sur la vision et les représentations de leur lieu de vie.

« Élan Citoyen » est un groupe créé aux lendemains des attentats, afin de libérer la parole des Grignois et fournir un exutoire aux habitants profondément choqués. C’est une association laïque et sans attaches politiques, dont les membres, tous Grignois, sont d’origines ethniques et d’appartenances religieuses diverses. L’association regroupe des « habitants, parents et citoyens de Grigny [qui refusent] la fatalité qui consisterait à condamner [leurs] enfants et [leurs] jeunes ». La première action d’envergure a été l’installation, les 3 et 7 février 2015, de « Murs de la parole », d’immenses blocs de papiers installés devant les marchés et hypermarchés de la ville. L’initiative visait à débloquer, écouter et collecter la parole et les sentiments des Grignois face à l’atrocité des actes, mais aussi à interpeller l’opinion nationale sur les dangers des amalgames.

Les murs furent vite remplis de mots qui témoignaient du désir des habitants de libérer une parole coincée par la violence des actes, de partager leurs peurs face à la dérive de l’un des leurs, et de dire leur frustration devant la déferlante médiatique. Ces mots montraient des Grignois, qui, à l’instar de leurs concitoyens, étaient traversés par la colère, l’incompréhension, la peur et le désir de se mobiliser contre l’horreur et la dérive. « Élan Citoyen » a poursuivi cette première initiative en installant des relais de paroles où les habitants étaient invités à partager un mot, une pensée, un projet, de manière anonyme, ou autour d’une tasse de café. Ces espaces de rencontre improvisés et disséminés dans la cité permettaient aux habitants d’échanger, de tisser un lien social qui s’était lentement délité, tout en se réappropriant des portions de leur territoire. De par son appellation même, « Élan Citoyen » s’inscrit dans le sillage d’un mouvement républicain et d’un désir de partager une émotion collective avec le reste de la France. En ce sens, les mots recueillis réintègrent Grigny et la Grande Borne dans le groupe national et s’érigent contre les représentations qui les peignent sous les traits de territoires perdus de la République.

Les initiatives d’« Élan Citoyen » ont été modestement relayées par la presse et les journaux télévisés nationaux, avec moins d’une dizaine d’articles parus dans des quotidiens tels que Le Parisien ou Les Échos. À titre de comparaison, à la mi-janvier 2015, on trouve plus d’une centaine d’articles dans des journaux de référence, en France et à l’étranger, sur la sœur de Coulibaly et le studio de danses urbaines dont elle est propriétaire. Ces choix éditoriaux expliquent sans doute ces mots laissés par un habitant sur l’un des espaces de paroles ouverts par « Élan Citoyen »: « Nous ne sommes pas responsables de ce qu’un homme a fait. Ne venez pas ici chercher Coulibaly. Cherchez les Grignois, parlez-nous et vous saurez qui nous sommes ». Tout de même, il est important de constater que malgré la faible couverture médiatique, l’évocation de cette initiative au niveau national participe d’un début d’élaboration d’un récit qui prenne en compte les contributions et les voix des Grignois. Ces derniers ne sont plus seulement « parlés », pour emprunter l’expression de Bourdieu, mais deviennent acteurs et producteurs de l’information. Un article du Parisien consacré à l’initiative parle de la volonté des Grignois de « se réapproprier leur image ». L’article reprend la bulle d’un habitant pour qui : « Ce sont toujours les mêmes qui parlent de l’islam dans les médias. On veut s’exprimer mais il n’ y a pas la possibilité. Qu’on nous ouvre les outils de la République ! ». Dans sa livraison du 12 février 2015, Le Républicain titre sur le désir des habitants de ne plus « subir le flot médiatique ». Les habitants interrogés s’y insurgent contre les représentations externes et souhaitent montrer leurs villes sous toutes leurs facettes, des plus sombres aux plus positives.

Le travail de l’association a eu un énorme écho dans les médias associatifs et municipaux dans l’Essonne et le reste de la région parisienne. L’analyse de paroles glanées montrent l’impact thérapeutique de cette initiative pour les Grignois et les habitants de la Grande Borne : « Au début, je ne voulais pas en parler. J’avais honte que mon quartier soit encore associé au mal. Des journalistes sont venus du monde entier pour nous voir comme si nous étions des monstres. Je suis fière de voir les gens de mon quartier unis et ensemble pour dire non au mal. Ça montre au reste de la France que nous souffrons avec eux ». Les feuilles noircies disent aussi l’attachement viscéral à la cité et le quotidien de la vie à la Grande Borne, comme dans un effort de contrebalancer le traitement médiatique à charge de la ville. Les organisateurs d’ « Élan Citoyen » ont été dépassés par l’engouement populaire autour de leur initiative, par la diversité d’âge et d’origine des personnes venues apposer un dessin, un mot ou une phrase sur les espaces de paroles ouverts. L’association travaille actuellement en étroite collaboration avec des sociologues afin d’assurer la pérennité de son action sur le terrain.

La seconde action importante est celle de « Reporter Citoyen » qui s’est engagé à replacer les Grignois au centre de la production d’informations sur leur environnement. « Reporter Citoyen » est une initiative supportée par la plateforme indépendante et associative LaTéléLibre et l’École des Métiers de l’Information de Paris. Elle ouvre les portes des métiers de journalisme à des jeunes issus des quartiers sensibles d’Île-de-France en leur offrant gratuitement une formation de trois ans. Le 17 janvier 2015, de jeunes reporters publient un manifeste accompagné d’une tribune vidéo intitulée « Nous Reporters Citoyens Refusons les Préjugés »13. Dans la vidéo, huit étudiants originaires de Grigny, mais aussi de Viry-Châtillon, Créteil, Saint-Denis et l’Île-Saint-Denis apportent une réponse en trois parties à un article du quotidien Le Figaro paru le 15 janvier 2015 intitulé « À Grigny, la ville de Coulibaly, la théorie du complot va bon train ». Dans la première partie, ils s’insurgent contre les amalgames dont ils s’estiment victimes, en refusant par exemple « d’être comparés à des herbes folles condamnées à devenir de mauvaises graines », « que l’on prenne la parole de quelques jeunes collégiens immatures pour l’opinion de tous » ou encore « que les journalistes viennent dans [leur] quartier comme au zoo, pour voir des animaux ». Dans le seconde partie, ils demandent « à être respectés en tant que citoyens, Français et êtres humains », « que l’État reconnaisse ses erreurs et prenne ses responsabilités » ou encore « que la presse traite et relaie de manière équitable l’information ». Enfin dans la troisième partie, les jeunes reporters citoyens se déclarent solidaires « de toutes les victimes », « de toutes les familles en deuil » et « de toutes les actions qui favorisent le vivre ensemble ». Pour ces futurs journalistes aux origines ethniques diverses, l’horreur des actions d’Amedy Coulibaly braque les projecteurs de la presse nationale et mondiale sur toute une ville, au risque de ne mettre en lumière que les comportements radicaux. Dans leur tribune, ils s’insurgent contre la vision tronquée de Grigny et des banlieues en général. Ils condamnent fermement la barbarie de janvier 2015, en affirmant, l’un après l’autre, puis d’une même voix leur attachement à la paix, à la République et à ses valeurs. Ces intervenants offrent un regard neuf sur le signe que représente le « jeune de banlieue ». Popularisé au début des années 1990 par des journalistes du quotidien Le Monde, le terme est vite repris dans les analyses sociales et politiques de la banlieue. Il renvoie aujourd’hui à une image fixe, celle d’un individu en rupture avec la société : âgé de moins de 25 ans, il est facilement reconnaissable à sa piètre maîtrise du français, à son éternelle tenue de sport et à sa casquette vissée à l’envers. Dans « Portrait du décolonisé arabo-musulman et quelques autres » paru en 2004, Albert Memmi met en évidence la confusion sémantique qui s’est installée entre « jeune » et « enfant d’immigré » : « Jeunes Maghrébins » ne valait guère mieux, c’était encore d’une certaine manière une exclusion, une insistance sur la différence ; c’est pourquoi on réduisit les enfants d’immigrés à l’adjectif jeunes, en référence seulement à leur âge, même s’il s’agissait d’une jeunesse particulière, qui ne répondait pas aux critères, aux préoccupations à l’avenir des autres jeunes. (Memmi, 2004 : 137)

Vulgarisé par les discours publics, le terme « jeune » est aujourd’hui devenu synonyme de « Français issus de l’immigration ». En décembre 2010, la secrétaire d’État à la Famille Nadine Morano met ce phénomène en relief lors d’un débat local sur l’identité nationale. Interrogée sur la jeunesse de banlieue, elle déclare : « Moi, ce que je veux du jeune musulman, quand il est Français, c’est qu’il aime son pays, c’est qu’il trouve un travail, c’est qu’il ne parle pas le verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers »14. Outre le raccourci hâtif établi ici entre « jeune de banlieue » et « jeune musulman », il est intéressant de noter que la seule évocation d’un mot en apparence anodine suffit à invoquer les fantasmes les plus divers, de la menace que constitue la rupture sociale d’une frange de la population à la peur de l’invasion religieuse. Pour le sociologue Francis Truong, cette rhétorique n’est pas sans conséquence car : « Parler du jeune de banlieue revient à enfermer une jeunesse plurielle sous un stigmate unique […] la réduisant à l’image de la racaille incivile ou à celle de la victime sociale. Condamnables ou excusable »15.

Les membres de « Reporter Citoyen » se réapproprient ce terme et l’arriment fermement au centre de leur activité journalistique. En associant cette expression à leur ancrage à la République, à leur attachement à la justice et à l’équité des représentations, ils dévoilent le large éventail de personnages qui peuplent l’espace des banlieues, et ébranlent la figure symbolique d’une jeunesse uniforme à la dérive. Cette initiative a été largement relayée par la presse française et internationale, et il est à noter que ce groupe est désormais très sollicité par les politiques dans la recherche d’une solution commune à la situation actuelle de Grigny et des zones périphériques sensibles.

Aujourd’hui, force est de constater que la banlieue est plus connue à travers le discours des médias et celui des édiles politiques qu’à travers les productions de ses habitants. Ces discours forgés de l’extérieur ont pour conséquence la création dans l’inconscient collectif d’images qui dépassent et effacent la réalité de la périphérie. En analysant la fabrique de ces images, Pierre Bourdieu constate en 1993 : « Parler aujourd’hui de banlieues à problèmes ou de ghetto, c’est évoquer, presque automatiquement, non des réalités d’ailleurs très largement inconnues de ceux qui en parlent le plus volontiers, mais des fantasmes, nourris d’expériences émotionnelles suscitées par des mots ou des images plus ou moins incontrôlées, comme ceux que véhiculent la presse à sensation et la propagande ou la rumeur politique. » (Bourdieu, 1993 : 249).

Bourdieu parle ainsi d’ « effets de lieu » afin d’illustrer les associations qui se mettent en place entre territoires, discours et fantasmes. Écrivain et éducateur social, Étienne Liebig lui emboîte le pas lorsqu’il déclare qu’on en arrive « à ne plus observer objectivement le réel, mais à interpréter selon une grille fantasmée les comportements des habitants des quartiers, consolidant encore le mur invisible qui sépare les banlieues du reste du pays » (Liebig, 2010 : 2). Selon Liebig, les banlieues se sont durablement installées dans l’imaginaire collectif comme « un lieu exotique, une zone de relégation et la quintessence du mal. Tout y possible, tout peut s’y faire » (Liebig, 2010 : 2). Pour la sociologue Marilla Amorim, parler de la banlieue revient implicitement à évoquer la ville, de la même manière qu’utiliser le terme « périphérie » évoque l’existence d’un « centre » (Amorim, 2002 : 24). Cette position laisse apparaître les liens et oppositions qui peuvent exister entre ces différents territoires (villes et périphéries) et informent la mise en place de leur construction discursive. Espaces et discours sont indissociables et pour la géographe Mélina Germes, « l’espace est constitué par les discours en ce que les significations d’un espace ou d’un lieu sont élaborées, discutées, façonnées par les différents discours » (Germes 2012 : 517). En France, le discours sur la ville est fortement marqué depuis plus d’une décennie par la question des espaces périphériques qui sont devenus des lieux de la marginalité, « des champs de la sauvagerie moderne, […] lieux des incivilités, de la solitude et des inégalités les plus criantes » (Dubet, 1995 : 52).

La banlieue est le résultat de planifications architecturales et politiques, mais aussi le fruit de perceptions et de projections qui vont cristalliser dans l’opinion publique l’idée de zones de non-droit et de relégation. En réaction à ces discours qui disent ce territoire du dehors, des mouvements tels que « Collectif Élan Citoyen » et « Reporter Citoyen » se fixent comme double objectif de dire leur territoire dans sa banalité et de démontrer l’attachement de ces habitants à une identité française multiple. L’écriture substitue ainsi habilement la peinture du quotidien aux représentations et à l’exceptionnalité des événements. Perec attire notre attention sur le paradoxe d’un quotidien qui devient opaque à force d’être trop évident : « Ce que nous appelons quotidienneté n’est pas évidence, mais opacité, une forme de cécité, une manière d’anesthésie » (Perec, 1974 : IVe de couverture). Dans le cas de la banlieue, cette réflexion prend un double sens qui éclaire l’entreprise de ces deux collectifs. Perec dénonce la cécité dans laquelle nous plongent les automatismes et l’éternelle répétition des événements. Pour le sociologue, seule l’écriture et l’interrogation de ces habitudes sont à mêmes de venir à bout de l’opacité de l’habitude. Ce parallèle est extrêmement saillant pour la banlieue en ce sens que cet espace est enfermé dans des préconceptions que l’on peut comparer aux automatismes perequiens. L’écriture du quotidien de la banlieue apparaît comme une alternative saine afin de lever le voile qui s’est abattu sur la périphérie. Les voix et actions de ces Grignois sont autant d’encouragements à ne plus penser l’identité et le territoire en termes de catégories fixes. Le chemin de la réhabilitation est encore long. Il passe par les efforts de renouveau urbain, la prise en compte des erreurs du passé et l’impératif du « vivre ensemble », mais aussi par un changement des représentations dans et en dehors de la cité. En ce sens, les actions de « Reporter Citoyen » et « Élan Citoyen » sont exemplaires.

Mame-Fatou Niang

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Mame-Fatou Niang enseigne la littérature française et francophone à Carnegie Mellon University (Pittsburgh, USA). Mame-Fatou Niang s’intéresse aux questions urbaines dans la littérature française contemporaine, ainsi qu’à l’étude de la diaspora noire en Europe. Elle a récemment publié « Mères migrantes et filles de la République : Identité et Féminité dans le roman de banlieue », in Hervé Tchumkam (Dir.), La France face à ses Banlieues, Présence Francophone 80 (2013) p. 60-84 ; et « Urbanités Féminines dans le roman Caribéen », in Gladys M. Francis (Dir.), Amour et genre dans la littérature franco-caribéenne, Vents Alizés (à paraître 2015).

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Couverture : La cité de la Grande Borne, Grigny (Niang, 2015)

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Bibliographie

Aillaud E., 1968, Tribune Libre : Qu’est-ce qu’une ville ?, Paris, Cahiers de l’IAURP, 11 p.

Aillaud E., 1972, La Grande Borne à Grigny [Une ville, essai de réponse], Paris, Éditions Hachette, 189 p.

Amorim M., 2002. « La ville comme un autre et l’autre de la ville », in Amorim M. (Dir.), Images et discours sur la banlieue, Paris, Eres, pp. 43-69.

Bourdieu P., 1998. « Effets de Lieu », in Bourdieu P. (Dir.), La Misère du Monde, Paris, Éditions du Seuil, pp. 249-250.

Dubet F., 1995. La Galère : Jeunes en survie, Paris, Fayard, 241 p.

Germes M., Schirmel H., Brailich A. et al, 2012, « Les grands ensembles de banlieue comme menaces urbaines ? Discours comparés – Allemagne, France, Pologne », Annales de géographie, Vol. 2010, n° 675, pp. 515-535.

Hargreaves A.G., 2006, « A Deviant Construction: The French Media and the Banlieues », in New Community 22, pp. 607-618.

Lapeyronnie D., 1999. « Contre-monde. Imitation, opposition, exclusion », in Les Annales de la Recherche Urbaine, pp. 83-84.

Liebig E., 2010, Les pauvres préfèrent la banlieue, Paris, Michalon, 192 p.

Maspero F., 1990, Les passagers du Roissy-Express, Paris, Seuil, 328 p.

Memmi A., 2004, Portrait du décolonisé arabo-musulman et quelques autres, Paris, Gallimard, 224 p.

Milliot V., 2003, « Ville Fragile et Paroles Vives : Notes sur le rôle de l’oralité dans le contexte des banlieues-mondes » in Martin J.-B. et Decourt N. (Dir.), Littérature orale. Paroles vivantes et mouvantes, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, pp. 134-146.

Perec G., 1974, Espèces d’espaces, Paris, Éditions Galilée, 200 p.

Rey H., 1996, La peur des banlieues, Paris, Les Presses de Sciences Po, 128 p.

Rosello M., 1997, « North African Women and the ideology of modernization : From bidonvilles to cités de transit and HLM » in Hargreaves A. G. and McKinney M. (Dir.), Immigration, ‘Race’ and Ethnicity in Contemporary France, London and New York : Routledge, pp. 240-254.

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  1. Dans la même veine iconoclaste et poétique, Émile Aillaud (1902-1988) réalise entre autres le quartier Pablo Picasso à Nanterre et les Courtilières à Pantin. Aillaud imagine des bâtiments, tiges végétales en forme de labyrinthes, qui s’élèvent entre arbres plantés et nuages dessinés. []
  2. Pernoud G. et Van Der Gucht G., La France défigurée, Office National de Radiodiffusion Télévision Française, 10 Décembre 1972, Télévision, http://www.ina.fr/video/CAF93027647 []
  3. Bien que la banlieue désigne tout espace situé à la périphérie d’une ville, le sens de ce terme a beaucoup évolué. Aujourd’hui, il désigne aussi une réalité sociale, économique et mentale qui exclut par exemple les banlieues chics de Paris, Lyon ou Bordeaux que sont Neuilly, Écully ou Caudéran. Son évocation mobilise presque instantanément un réseau de fantasmes et de représentations négatives. Le terme « mythologie urbaine » fait référence à l’ensemble des représentations mentales qui se sont développées autour des banlieues, et plus spécifiquement, autour du type d’habitat urbain social délabré occupé par des populations en grande précarité économique et composée, pour une part importante, d’immigrés ou de Français d’origine étrangère. []
  4. Archives départementales de l’Essonne : http://www.essonne.fr/lessonne/lactualite-lessonne/news/il-y-a-50-ans-lessonne/#.VexNLs7fUQU. []
  5. Vidéo disponible à l’adresse : http://www.ina.fr/video/CAF93027647. []
  6. http://www.savoirs.essonne.fr/thematiques/les-hommes/sociologie/la-grande-borne-une-cite-exemplaire/ []
  7. Ces villes imposées seront aussi implantées dans les communes d’Orsay (le complexe des Ulis), de Viry-Châtillon (la cité de la Cilof) ou de Vigneux-sur-Seine (La Croix Blanche). Malgré les nombreux refus des communes, la construction est autorisée par la puissante DGEN (Direction Général à l’Équipement National) grâce à qui l’État se substitue aux villes en matière d’urbanisme. []
  8. En 2002, un pont est construit sur l’A6 et relie enfin la cité au centre de la commune de Grigny. []
  9. Maison de Banlieue et de l’Architecture. Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement de l’Essonne. Centre de Ressources Politique de la Ville en Essonne. Cahier N° 11 de la Maison de Banlieue et de l’Architecture. mi-décembre 2005. []
  10. Dans les vingt années qui suivent l’implantation des HLM, la banlieue se caractérise de plus en plus par un fort marquage immigré. En 1985, plus de 60 % des 65 000 habitants de la commune des Minguettes à Lyon était d’origine étrangère, et près de 55 nationalités différentes se côtoyaient dans l’espace de la cité (Hargreaves, 2006: 12). À la Grande Borne, l’immigration participe considérablement à la croissance démographique puisque 23,5 % de la population était originaire de l’étranger en 1999. (Il est possible de consulter tous ces chiffres sur le site du Système d’information géographique de la politique de la ville : http://sig.ville.gouv.fr/Territoire/91286/onglet/DonneesLocales#. []
  11. Sources : http://sig.ville.gouv.fr/tableaux/loadTableauIris/codezone/91286/tableCode/ind321. Caisse Nationale d’Allocations Familiales 2011 – Iris, INSEE 2010 – Iris, Caisse Nationale d’Allocations Familiales 2011 – Commune, INSEE 2010 – Commune, Caisse Nationale d’Allocations Familiales 2011 – Unité urbaine, INSEE 2010 – Unité urbaine : http://sig.ville.gouv.fr/tableaux/loadTableauIris/codezone/91286/tableCode/ind321 []
  12. http://www.ina.fr/fresques/jalons/fiche-media/InaEdu01126/le-quartier-des-minguettes-a-venissieux-en-1981 []
  13. La tribune sera aussi publiée dans Le Monde du 16 janvier 2015. http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/16/nous-jeunes-de-grigny-refusons-les-prejuges_4558143_3232.html []
  14. Discours prononcé le 14 Décembre 2010 à Charmes (Vosges). L’intégralité de l’intervention est disponible ici : http://www.youtube.com/watch?v=BgPdqhfiTQI&feature=player_embedded []
  15. Fabien Truong, « Le jeune de banlieue n’existe pas. » Libération. [Paris] 11 Avr. 2010. []

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