#15 / Pertes et modifications spatiales : la Promenade des Anglais après l’attentat du 14 juillet 2016
Karine Emsellem, Agnès Jeanjean, Frédéric Vinot, Camille Noûs
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L’article de Karine Emsellem, Agnès Jeanjean, Frédéric Vinot et Camille Noûs au format PDF
« Prudence : c’est la panique à l’échangeur de l’Ariane – gyrophares, pompiers, ambulances, police. Avant-hier tout était calme ici. La ville est frappée de scènes étranges, évidemment, peuplée qu’elle est de milliers de badauds égarés, brebis dispersées dans les collines après la charge du loup, combien ont sauté par-dessus les cadavres et continué à fuir jusqu’à l’épuisement, des heures après la charge du camion ? »
Thierry Vimal, 2019, 19 tonnes, p. 54
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En surgissant le 14 juillet 2016 à 22h35 sur la Promenade des Anglais à Nice, un camion meurtrier a produit une mort de masse1 . 86 victimes décédées ont été recensées, souvent des enfants (20 % de moins de 15 ans), et des familles entières ont été décimées. En juin 2019, soit presque trois ans après, le père d’un enfant décédé est « mort de chagrin » selon les termes de son avocat et a été déclaré 87ème « victime directe » de cet attentat. Cet évènement marque encore aujourd’hui, et tous les jours, l’espace niçois (figure 1.)
Le travail présenté ici est le fruit d’une collaboration pluridisciplinaire entre une anthropologue, un psychologue clinicien, et une géographe. Il s’inscrit dans une recherche sur l’attentat du 14 juillet 20162 et vise plus spécifiquement à saisir les effets spatiaux de ce massacre. L’espace est sans conteste notre point commun, puisque nous abordons les conséquences de l’attentat sur l’espace public urbain et les populations qui habitent et pratiquent les territoires de la Promenade des Anglais et de la ville de Nice. Il est aussi notre singularité dans les recherches portant sur les attentats, tant le terrorisme est peu un « objet géographique », du moins dans le monde francophone (Dory, 2019). Notre posture structuraliste est aussi ce qui nous rassemble, en mettant l’accent sur la continuité entre les conséquences individuelles de ces morts singulières, et les mouvements collectifs (urbains, sociaux) en tant qu’ils sont traversés par les mêmes processus.
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Attentat et mort : quelles places pour ces thématiques en anthropologie, en géographie et en psychologie ?
Nos analyses s’insèrent dans un ensemble de travaux (souvent sociologiques, anthropologiques ou historiques) sur les attentats et la mort en milieu urbain occidental.
En sociologie et en anthropologie contemporaines françaises, les travaux de Gérome Truc sont incontournables (Truc, 2016 ; Truc, 2019 ; Truc et Faucher, 2020). Ce dernier travaille, dans une perspective comparatiste, les questions et objets relatifs à la construction de la mémoire sociale des attentats. Il porte son attention sur les pratiques individuelles et leurs expressions publiques : les manifestations collectives, les mémoriaux officiels ou « de fortune », les mesures de conservation archivistiques muséales… La dimension spatiale n’est pas centrale dans ses travaux. De manière complémentaire, Béatrice Fraenkel a étudié les pratiques d’écriture et de lecture dans l’espace urbain post attentat, notamment les modalités selon lesquelles la remémoration des morts participe de la construction d’une mémoire historique de l’évènement (Fraenkel, 2003). Les attentats et leurs effets mémoriaux sont également abordés sous un angle politique par J. Butler (Butler, 2005) et M. Jouan par exemple (Jouan, 2015). L’une et l’autre interrogent les deuils publics consécutifs aux attentats commis en Occident à partir des morts et attentats (survenus ailleurs) qu’ils invisibilisent. L’ensemble de ces travaux concernent sous des angles différents les questions mémorielles et les effets des attentats d’un point de vue diachronique. En ce sens, ils renvoient également aux recherches d’historiens (Nattiez et al., 2020) ou plus pluridisciplinaires (Hoibian et al., 2018) sur les processus de mémorialisation des attentats dans la société française. Dans ce cadre, notre approche est autre : nous souhaitons adopter ici une posture moins diachronique, moins linéaire, plus structuraliste, pour penser le deuil public à partir de ses effets spatiaux.
En géographie, les attentats et le terrorisme n’ont été longtemps abordés qu’à travers des aspects géopolitiques (Dory, 2017), en s’intéressant aux réseaux et aux acteurs du terrorisme, aux risques représentés par ces évènements, et souvent à des échelles macro-régionales ou nationales. Très rares sont les travaux qui portent sur l’espace urbain, même si certains s’intéressent aux pratiques mémorielles (Pouzoulet, 2003) ou aux reconstructions sécuritaires (Coaffee et al., 2009 ; Benbouzid, 2011) qui découlent des attentats. De manière très étonnante, la mort est la grande absente des recherches géographiques sur les attentats. Certes, les victimes y sont comptées, leurs répartitions spatiales analysées (Dory, 2019) ; mais le sens de leurs morts dans l’espace n’est pas abordé tout comme l’intégration (ou la non-intégration) de ces morts dans la refondation territoriale. Peut-être est-ce parce que, justement, la mort elle-même a été peu défrichée comme champ de recherche géographique. Outre quelques travaux très épars (Ragon, 1981 ; Pitte, 2004), il faut attendre des années très récentes pour que la thématique mortuaire soit étudiée sous l’angle spatial (Doc’geo, 2009), notamment à travers les pratiques funéraires (Vannier, 2019). Ici, nous ne nous centrons pas sur le déroulement de la mort dans l’espace mais plutôt sur les conséquences de la mort – en l’occurrence les morts liées à l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice – dans l’espace et ce qu’elles impliquent en termes de transformations spatiales, individuelles et collectives. Nous nous singularisons également par le fait que notre regard ne s’intéresse pas qu’aux lieux de repos des morts, mais également aux lieux où la mort s’est produite, et à d’autres dont elle a fait écho dans la ville, complétant un des rares travaux géographiques s’intéressant aux « ambiances d’une relation entre l’urbain et la mort » (Thiollière, 2016).
En psychologie et psychanalyse, la littérature sur les attentats s’oriente évidemment sur le traumatisme et est principalement axée sur les processus psychothérapeutiques. Les travaux faisant clairement l’articulation avec les sphères sociale et collective sont rares. Une exception récente (Patino-Lakatos, 2019) envisage le passage de la trace au souvenir lors de traumatisme, et les fonctions que les supports sociaux et techniques (notamment l’acte d’écriture) occupent dans cette construction de la mémoire symbolique. S’il y est question des espaces, ceux-ci sont envisagés comme supports externes. Par ailleurs, pour la question de la mort et du deuil, la psychanalyse est attentive à ce que l’endeuillé perd de lui-même dans le deuil de l’autre (ce que nous appellerons plus bas « redoublement de la perte »). Mais les développements qui peuvent se rapprocher de l’aspect spatial (par ex. sépulture) se font la plupart du temps aux titres de métaphores ou de concepts (Laufer, 2002). Encouragés par les approches de Michel de Certeau ou de Barthes (1967), nous faisons donc sortir l’inconscient dans la rue, à l’écoute de ses manifestations dans les espaces urbains (Vinot, 2011).
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Notre positionnement
En conséquence, notre recherche présente s’axe sur les points suivants. En prenant appui sur l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, ce n’est pas la mort de masse en soi dans l’espace urbain qui attire notre attention, mais les pratiques individuelles et collectives, à différentes échelles, qui s’emparent de l’espace pour y réinstaurer du sens et de l’identité, pour y réinscrire un ordre, par-delà la perte ou l’entropie, avec ou contre elles. Ainsi, nous questionnons plus particulièrement les manifestations spatiales du deuil public à partir de ce qu’elles évincent. Pour le dire en termes psychanalytiques, nous nous intéressons au « redoublement de la perte » (Allouch, 2011), soit le fait que l’acte de deuil prolonge, pour l’endeuillé, la perte du mort par d’autres formes de pertes. Dans une lecture plus anthropologique, nous nous centrons sur le caractère double et forcément politique de ces productions qui, tout en créant ou confirmant un ordre, éliminent ou rejettent ce qui n’en fait pas partie (Douglas, 1971). Nous postulons ainsi que ces morts singulières à Nice prennent place en ville, dans l’espace public, à travers des processus antinomiques : au démembrement correspond l’unification, à la perte répond la trace, la disparition renvoie à l’apparition. Contrairement à d’autres travaux qui se focalisent sur les processus sociaux unificateurs à la suite des attentats et sur des phénomènes consensuels nationaux (Hoibian et al., 2018 ; Truc et Faucher, 2020), nous constatons toutes les diversités de trajectoire des rapports entre les morts et l’espace public urbain et comment elles s’articulent les unes aux autres. Ici donc nous nous ancrons dans le champ théorique de la complexité, cher à la géographie (Pumain, 2003), et appliqué au deuil public.
C’est cette perspective que nous souhaitons développer ici en explorant plus particulièrement deux cas d’étude liés aux morts de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice : le réaménagement urbain de la Promenade des Anglais et la mise en archive des témoignages funéraires. Nos disciplines ont apporté chacune un regard singulier sur la mort en ville, et leurs combinaisons ont nourri la réflexion. L’anthropologie a été attentive aux dimensions symboliques et politiques à partir d’une observation des pratiques ; la géographie s’est centrée sur les lieux, leurs sens et leurs fonctionnements ; et la psychanalyse s’est intéressée à l’envers inconscient du lien social (Assoun, 2008), soit la façon dont celui-ci s’organise autour de la perte et du manque. Nous avons travaillé sur la base d’entretiens auprès de professionnels (archivistes, urbanistes, jardiniers, policiers, croque-morts, etc.), de passants ou d’habitants ; nous avons également pris appui sur les points de vue des victimes, en les interrogeant et en analysant leurs témoignages. En outre, nous avons observé, régulièrement et à des dates clés, ces terrains d’études3 . Grâce à tout ce matériel, nous nous attacherons ici à mettre en valeur les pratiques et la spatialité de cette mort en ville.
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Penser les effets spatiaux de l’attentat sur la Promenade des Anglais
Un lieu, un évènement
La Promenade des Anglais est une avenue de 7 kilomètres qui épouse la courbe de la baie des Anges, lieu surnommé ainsi en référence à des requins aux ailerons d’anges (figure 2). Le 14 juillet 2016, c’est cette grande ligne qui a été parcourue sur 2 kilomètres par le camion meurtrier. Construite à la fin du XVIIIe siècle, cette forme urbaine, inédite à l’époque, représente à la fois un mode particulier d’urbanisme et d’urbanité. Sa position en bordure de la mer ne lui donnait pas vocation à aller d’un point à un autre, mais plutôt à contempler l’horizon marin, inscrivant la ville de Nice dans un nouvel urbanisme « exceptionnellement » (Graff, 2000) balnéaire et mondialisé. De nos jours, la vocation touristique cosmopolite y est toujours essentielle, mêlant commerces, plages privées et publiques, faisant se côtoyer un nombre inqualifiable de nationalités – touristes italiens, russes, américains, étudiants internationaux, etc. – et des populations locales venant de quartiers populaires proches (Magnan, Carras, Gambetta), ou plus aisés. Plus encore, la Prom’ – c’est ainsi qu’elle est souvent surnommée – est l’archétype d’une « fabrique d’espace public » (Paquot, 2006), entraînant une « sorte d’urbanité déambulatoire » (Rieucau, 2012), témoignage d’un rapport particulier au monde (Merlin et Choay, 1996), où s’inscrivent interactions sociales, divertissements, détentes mais aussi richesses et pouvoirs. Hier comme aujourd’hui, on y voit et on y est vu ; les corps s’exposent, se touchent, se rencontrent, se frôlent… La Promenade des Anglais est un objet social singulier résultat de pratiques. Elle est aussi un « lieu de patrimonialisation et un révélateur identitaire » (Augustin, 2008). Les 87 victimes de l’attentat reflètent ces compositions sociales et cette urbanité : elles venaient admirer le feu d’artifice sur la mer.
Lieu de plaisir, la Prom’ est aussi marquée par la mort. Cette dernière y est inscrite depuis longtemps, par des lieux de célébration et de mémoire qui rythment cette longue courbe, voire l’encadrent. D’un bout à l’autre, on trouve ainsi : à l’est, vers Rauba Capeu, l’immense monument aux morts de la Première Guerre Mondiale, puis la stèle dédiée aux Français d’Algérie et aux Harkis qui symbolise la « déchirure entre les peuples ». À l’ouest, à Carras, une autre stèle rend hommage aux 95 victimes du crash de la Caravelle Nice-Ajaccio en 1968. Parfois même, les hommages aux morts s’y mélangent (figure 3).
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Pour résumer, la Promenade des Anglais est tout à la fois géosymbole (Bonnemaison, 2001), haut-lieu (Debarbieux, 2003), mais aussi lieu quotidien, en tant que lieu touristique de renommée internationale, jouant aussi un rôle économique et politique important. Elle entretient un lien métonymique avec la ville de Nice, sous une forme que l’on pourrait qualifier de synecdoque, cette figure de style dans laquelle une partie vaut pour tout. En effet, nos observations donnent à voir combien ce qui touche la Promenade touche Nice dans sa totalité.
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Donner un cadre à la perte
Le 14 juillet 2016, l’attentat de masse est venu ajouter à l’horreur d’une mort multiple, celle d’une mort non seulement indifférenciée mais qui plus est indifférenciante, au sens où ce sont les corps comme individualités qui ont été touchés, déchiquetés, et mêlés les uns aux autres. L’onde de choc, la sidération, le désordre, puis le silence ont gagné l’ensemble de la Promenade et la ville dans sa totalité. À la déshumanisation de la mort de masse est venue se joindre la déshumanisation des corps démembrés (Vimal, 2019 : 41) et mêlés, pour tout dire : indistingués. Ce sur quoi repose toute organisation humaine – soit la capacité de distinction – fut transitoirement anéanti. Cette capacité discriminante, autrement dit ce que les structuralistes ont appelé « la fonction symbolique », s’opère grâce à l’articulation de distinctions oppositionnelles (Levi-Strauss, 1958 ; Saussure, 1995), et s’oppose au chaos, à l’entropie.
Ce qui fut touché – entre autres et peut être temporairement – lors de l’attentat, c’est la capacité symbolique à produire des différenciations : perte des différenciations corporelles permettant de reconnaître les victimes, perte des capacités langagières dans la sidération traumatique, perte transitoire des liens sociaux d’urbanité dans les mouvements de fuite. Quant à l’espace, l’un des premiers soignants arrivé sur place déclara : « la Prom’ ne ressemble à plus rien de connu. À rien qu’on puisse imaginer. C’est l’apocalypse4 » (Magro, 2017 : 73). Un agent de la police municipale évoque également une scène chaotique et l’impossibilité dans un premier temps de « figer la situation » : « tu es déboussolé, perdu (…) ; les gens entrent dans une émotion qu’ils ne connaissent pas (…) puis tout se fige, pas un bruit l’impression que la ville s’est arrêtée » (entretien avec un policier municipal, octobre 2020).
Comme cela a été observé ailleurs (Gensburger, 2017 ; Truc, 2020), des formes d’organisations plus ou moins spontanées se sont alors mises en place dans l’urgence. La Promenade des Anglais, interdite, est restée un temps scène de crime. Puis des marques et messages individuels ou plus collectifs sont venus de façon éphémère recouvrir les traces physiques de l’attentat, accompagner les premières étapes de la transformation en un mausolée ; et de façon rapide et déroutante pour certains, des activités propres à la Promenade (jogging, bronzage, baignade) ont repris. En parallèle, le dénombrement des victimes et la remise en route comptable du un par un ont fait écho à la nécessité de retrouver une individualité sociale aux victimes, dans le récit médiatique, à travers notamment la publication de photos ou de récits de vie individuelle dans les journaux. Les dépôts, sur la Promenade (ou ailleurs), d’objets, de noms, et de mots formant des mémoriaux de fortune ont réarticulé un par un les individus au collectif entre adhésion et singularité, entre public et privé, là où la mort de masse abolit les identités singulière et collective. Leur apparition est venue scander, marquer de nouveaux lieux, de nouvelles différenciations. Dans les cahiers de condoléances déposés en mairie, nous lisons : « On est tous NICE »5 , « Ma ville, ma famille, ma beauté, mon soleil, ma mer, mes amis, mes souvenirs, ma vie, MA PROM. Relève toi, sèche tes larmes et continues de briller, de nous faire rêver. T’es belle, la plus belle. ISSA NISSA ». La répétition du mot Nice, sur une infinité de supports et de tons, est venue confirmer ou invoquer l’existence de la ville et sa dimension symbolique en tant qu’entité signifiante.
Ainsi, à chaque perte, a répondu l’apparition, plus ou moins rapide, d’une nouvelle formation, contribuant au retour de phénomènes aux contours stabilisés et reconnus permettant la vie sociale, sous différents aspects. Ce retour des fonctions nominatives et symboliques s’est déployé à plusieurs échelles, et sur plusieurs thématiques.
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L’approche certalienne de l’espace : une aide précieuse pour penser la perte
L’attentat a donné lieu à de nouvelles pratiques de l’espace qui continuent d’évoluer ainsi qu’à des débats concernant l’instauration ou non de lieux de mémoire. Dès lors, il s’agit de se demander si l’apparition de ces différenciations spatiales (que certains nommeraient du terme à la mode « résilience »), ne contiendrait pas en elle-même un acte d’effacement ou de perte. Bref, il s’agit de s’interroger, comme nous l’indiquons plus haut, sur la possible nécessité d’un redoublement de la perte dans le processus de reconstruction : d’une part, une perte traumatique, effractante ; et d’autre part, une perte qui serait liée, elle, au fait même de la reconstruction, une perte symboligène, pourrions-nous dire. Michel de Certeau (1990), dans son approche des espaces et du fait urbain, considérait que tout fait spatial positif s’appuyait sur une perte. Cette approche, que nous adoptons ici, repose sur la persistance d’une certaine négativité à l’œuvre dans le fait même d’habiter. Une négativité non pas morale, mais presque mathématique : une soustraction à l’ordre positif qui serait au centre même du système symbolique régissant les espaces.
Pour mettre en exergue ce travail de l’espace, nous nous focaliserons ici sur deux aspects : le réaménagement urbanistique sécuritaire de la Promenade et le traitement archivistique des traces de l’attentat et des productions qui lui ont immédiatement succédé.
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La sécurisation de la Promenade des Anglais : empêcher la mort, l’effacer ou la rappeler ?
Dès après l’attentat, des centaines de personnes (Niçois, touristes, habitants) sont venues déposer des fleurs, des dessins, des drapeaux, des bougies, des peluches, des jouets, des anges, des galets et bien d’autres objets personnels ou funéraires, pour témoigner et rendre hommage, mais aussi sans doute recouvrir les traces physiques de l’attentat, glisser sens et émotion là où régnaient désordre et sidération. Très vite, à Nice, plusieurs points de vue – des habitants, des usagers, des victimes, des acteurs économiques, des pouvoirs publics, etc. – se sont exprimés sur la place, la durée et la forme du deuil. Associée à la beauté, au loisir, au tourisme, au plaisir, mais aussi représentative de la ville toute entière, la Promenade pouvait-elle supporter l’angoisse et la peur, les marques du deuil et de la perte, les tâches de sang et la confrontation à la matérialité du massacre (Guy, Jeanjean et Richier, 2013) ? Devait-on y inscrire définitivement la mort massive et le souvenir de l’attentat en y érigeant un mémorial, précisément là, sur les lieux du massacre, ou ailleurs ? Ou fallait-il effacer l’attentat et ses traces au plus vite afin que la ville « [écrive] une nouvelle page, une fois passé l’hommage » (Estrosi, 2017) ? De fait, à peine une semaine après l’attentat, le Maire de Nice a passé commande auprès de la Direction des infrastructures et de la circulation. Avant l’attentat, des travaux d’embellissement étaient en cours sur la Promenade des Anglais. Il s’agissait alors de les poursuivre tout en y intégrant un dispositif de « sécurisation et de sanctuarisation, dans une solution intégrée au paysage, et dans un délai très court » (Équipe de la direction des travaux publics, Ville de Nice, novembre 2019). Le choix politique était d’empêcher un scénario strictement identique à celui déjà vécu. Cette fois, le dispositif devrait bloquer un camion de 19 tonnes (la répétition traumatique n’est pas loin, le dispositif rappelant l’image du camion dans une étrange stase temporelle). Ainsi, dès février 2017, la scène de deuil a laissé place à un chantier. Sens dessus dessous, impraticables, les deux kilomètres parcourus par le camion ont été éventrés par des équipes et engins de travaux publics. Un responsable du projet explique : « Nous devions faire en sorte que les gens se réapproprient la Promenade, y reviennent vite mais de façon non morbide (sic). Les Niçois les premiers et les touristes aussi. Car Nice sans les touristes ce n’est pas le Nice qu’on connaît… » (Chef des travaux, novembre 2019). Les traces de l’attentat devaient être effacées, la peur éliminée, la mort circonscrite. Soulignons ici qu’aucune consultation publique n’a été mise en œuvre. Le pouvoir politique avait à cœur de maîtriser au plus vite cette phase que nous pourrions qualifier de liminale6 , d’en dompter les productions et d’en limiter la durée. Considérations esthétiques et sécuritaires ont été réunies. « Il fallait embellir et sécuriser la Promenade sans la révolutionner » (Chef de travaux, novembre 2019). Le dispositif se devait d’être « invisible » (Responsable de travaux, novembre 2019). Dans ce cadre, nous examinerons plus loin dans cet article la façon dont les mémoriaux de fortune et témoignages ont été déplacés. Néanmoins, la décision fut prise d’installer, peut-être temporairement, un mémorial officiel dans les jardins de la Villa Massena, en bordure de la Promenade mais côté ville, et en retrait, Ce « monument » (figure 8), dont l’analyse déborderait le cadre de ce texte, n’est pas visible à partir du lieu du drame.
Ainsi, la Prom’ devait rester « la même » (Chef de travaux, novembre 2019) tant du point de vue des pratiques que des éléments emblématiques. Le dispositif de sécurité se devait d’être « transparent pour ne pas oppresser » (Chef de travaux, novembre 2019). Un système de câbles et de piliers anti-intrusion rétractables, l’implantation de palmiers séparant les circulations douces de la voie automobile et soulignant la courbe de la baie des Anges ont été choisis (figure 4). La couleur blanche a été adoptée pour ce nouveau mobilier urbain afin de le « rendre transparent » (Chef de travaux, novembre 2019), en harmonie avec le bleu de la mer. Le revêtement a entièrement été refait. Un asphalte étanche, choisi pour son confort et sa finesse, recouvre à présent la belle avenue sur toute sa longueur. Des couloirs de circulations ont été délimités : bordures blanches, asphalte noir pour les cyclistes, et rouge pour les piétons (figure 4). Le chef de travaux se félicite de voir la Promenade lisse et unifiée sur toute sa longueur alors qu’avant l’attentat elle était – selon lui – irrégulière et constituée de portions différentes : un « patchwork tâché » (Chef de travaux, novembre 2019). En reprenant une catégorie proposée par Kenneth E. Foote (Foote, 2003) et développée par G. Truc, nous pourrions dire que la Promenade des Anglais a été « oblitérée » : « on occulte alors toute trace du drame » (Truc, 2011 : 34)7 . Un décideur considère que le nouvel aménagement, en chassant toute morbidité, l’a « sanctuarisée » (Chef de travaux, novembre 2019) ainsi que la beauté et les plaisirs qui lui sont rattachés. Ainsi, une, fermée, délimitée, encadrée, ordonnée et sécurisée d’un bout à l’autre, mais toujours blanche, bleue, la Promenade des Anglais est tout à la fois presque la même et profondément transformée.
Certains usagers approuvent le dispositif et sont soulagés d’avoir pu retrouver « cette part de nous-mêmes (…). Les Niçois aiment la Promenade, c’est Nice, la beauté, le soleil, ce bleu de la mer si particulier ; chacun de nous y a vécu des moments de bonheur. Sans elle, Nice ne serait plus Nice (…) Bien sûr, nous n’oublierons jamais, mais la mort ne doit pas y être rappelée » (Employée municipale, mars 2018). D’autres considèrent que cet aménagement y a définitivement inscrit l’attentat. Un de nos interlocuteurs, natif de Nice, explique que « ce lieu ne ressemble plus à celui que j’ai connu. Ce n’est plus la Promenade de mon enfance. Les caméras de surveillance y sont si nombreuses qu’elles s’enroulent autour des lampadaires comme des totems à l’effigie de la sécurité. Les poteaux dressés me font penser à des herses (…). La Promenade est fermée : d’un espace public, on est passé à un espace politique, un espace de contrôle aux connotations guerrières » (Étudiant, novembre 2020). Ici la sécurisation de la Promenade s’est faite au prix d’une perte, celle de l’insouciance, de la liberté et d’une certaine idée de ce qu’est un espace public.
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Pour certaines victimes, le réaménagement de la Promenade des Anglais redouble la perte. Le père d’une défunte dit son trouble de ne plus retrouver l’endroit exact où sa fille a été heurtée par le camion et qu’il nomme parfois « notre endroit » : « C’est subtil car presque comme avant mais vous ne retrouvez plus les endroits. Tout a été recouvert, enfoui. Je le ressens comme des ruines romaines enfouies, une autre civilisation qui est passé dessus à une vitesse folle. Ça n’existe plus » (Père d’une victime, janvier 2020).
Il semblerait que, pour les uns comme pour les autres, à travers cette remise en ordre que nous pouvons envisager comme un acte spatial positif, la Promenade – mais également certains de ces usagers – aient perdu une part d’eux-mêmes.
Le réaménagement de la Promenade, le déplacement des mémoriaux, et le travail du temps qui les a accompagnés, ont conduit à l’effacement de l’inscription spatiale et massive des émotions individuelles sur l’espace public. Toutefois, aujourd’hui encore, la mémoire de l’attentat et le deuil font irruption au travers de pratiques ténues, qui viennent réinscrire dans des lieux l’identité et la douleur des victimes de façon plus ou moins éphémère et visible (figure 1). On pourrait les qualifier de « pratiques secondaires » (Goffman, 1979) tant elles viennent s’insérer dans les plis, les interstices du nouvel ordonnancement. Des rites plus ou moins partagés, plus ou moins visibles, des pratiques singulières d’évitement, de recueillement évoquent les « figures ou rhétoriques cheminatoires » telles que les envisage Michel de Certeau (Certeau, 1981) : « Mon frère ne met plus les pieds sur la Promenade (…). Moi, j’y vais parfois, et au contraire, la parcourir m’apaise » (Père d’une victime, janvier 2020). On peut apercevoir aussi des dépôts éphémères et discrets d’objets, de fleurs, de messages (figure 5) que les employés du nettoiement disent ne pas toucher. « Il y a un monsieur qui dépose des fleurs de temps en temps plus haut au pied d’un arbre. Je n’y touche pas » (Balayeur, février 2020), contribuant ainsi à leur conférer un caractère sacré (séparé). Parfois, ces traces, bien que toujours discrètes et rares, sont plus pérennes. Quelqu’un a incrusté au sol les 6 lettres d’un prénom ; une discrète plaque vissée sur un banc porte le nom d’une victime décédée (figure 5). Ailleurs, c’est un rosier nain qui pousse au pied d’un palmier. Les jardiniers le « respectent et évitent de l’abîmer » (Balayeur, février 2020). Ces acteurs anonymes inscrivent la singularité, la perte et leur cortège d’émotions en ce lieu.
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Ainsi le travail du négatif revêt différentes formes : l’unité esthétique et lisse d’un ordre sécuritaire mais aussi l’expression fragile et discrète d’émotions singulières plus ou moins tolérées et dont la forme, les matériaux, la durée sont déterminés par ce nouvel ordre. La mort et son traitement spatial mettent en exergue ici la complexité d’un espace public et les multiples échelles auxquelles la perte et les mouvements dialectiques qui l’accompagnent, le constituent.
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La mise en archives de l’attentat : exposer, préserver, ou subir la destruction ?
Comme nous venons de le voir, dès le lendemain de l’attentat, de nombreux objets ont été déposés sur la Promenade, en hommage aux victimes. Cette pratique est devenue habituelle dans les lieux frappés par la mort soudaine (Gensburger, 2017) et implique une occupation de l’espace que les pouvoirs municipaux doivent gérer. À Nice, ces dépôts ont rapidement été déplacés, d’abord sur les terre-pleins et les trottoirs adjacents, puis regroupés le 18 juillet sous un kiosque à musique proche, et ce durant 6 mois au terme desquels ils ont été transférés aux archives. Ces déplacements sont traversés de tensions – comme le souligne le titre d’un article publié par la directrice des archives : « archives sous tension »8 (Duvigneau, 2018). Ils relèvent de dynamiques spatiales entre perte, conservation et production.
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C’est donc sous le mémorial éphémère du kiosque à musique du Jardin Albert 1er que la majorité des témoignages se sont amoncelés, tout l’automne 2016, puis lors des fêtes de Noël. Ce lieu est à l’intersection des deux axes centraux de la ville que sont la Promenade du Paillon et celle des Anglais. Pour l’urbanité niçoise, ce kiosque est un peu à l’écart de la voie urbaine, ce qui en a toujours fait un espace de rencontre et un lieu idéal pour accueillir les concerts. Dans l’histoire urbaine récente, il a déjà été lieu de recueillement et d’hommage après la mort d’Hervé Gourdel, assassiné en Algérie en 2014. Le choix de ce lieu, situé hors du trajet du camion meurtrier, à l’extrémité est de la Promenade, a été fait en accord avec les associations de victimes, « afin de rendre la Promenade plus praticable », (France-Soir, 2016). C’est donc ici qu’une masse d’objets sans cesse grandissante s’est « sédimentée » (figure 6) et dégradée physiquement « sous les outrages du temps » (Duvigneau, 2018), les manipulations, le soleil, le sel, la pluie. Durant 6 mois, sans doute sous la pression des associations et devant la force de la pratique, les instances politiques n’ont pas engagé de mesures de conservation. Cette situation est inédite dans le cadre d’un attentat. Les hommages sont habituellement, rapidement et soigneusement archivés (Bazin et Van Eeckenrode, 2018). En février 2017, les archivistes niçois sont finalement autorisés à procéder à la collecte, avec l’aide et surtout sous le regard des associations. Et « une fois les strates de peluches ôtées du kiosque, ont d’ailleurs reparu des graffitis plus anciens, les « merde au gouvernement » revenant sous les déclarations d’amour aux « anges ». Surtout, de nombreuses pièces visibles sur les images parues dans la presse à l’été 2016 avaient disparu en février et l’ensemble est très abîmé » (Duvigneau, 2018 : 93). Autrement dit, l’impossibilité même de prélever les objets à valeur signifiante – détruits par le temps – a entraîné leur disparition : une perte succède à une autre. Là où le travail classique de l’archiviste implique tri, élimination, nettoyage, puis classement, description, normalisation (on notera ici que toutes ces actions relèvent précisément d’un traitement technique et symbolique de la perte), ce sont les intempéries qui ont œuvré à la perte, et de manière aveugle. En ne souhaitant pas conserver de suite les hommages, pourtant soigneusement délimités et encerclés en un lieu, les instances publiques niçoises ont démembré leurs contenus et ont laissé disparaître une part de leur signification.
Ensuite, l’intégralité des objets collectés a quitté le kiosque pour être transférée dans les locaux du service des Archives, à Saint-Laurent du Var, commune limitrophe de Nice et membre de la Métropole. La masse d’objets et leur état ont alors emmené quelque chose du désordre de l’attentat au cœur même des Archives municipales, bousculant l’espace, les règles de l’art et les catégories habituellement à l’œuvre en ces lieux. Les objets collectés ne correspondaient pas au travail qui aurait pu (ou dû) être fait selon les normes professionnelles. Les Archives se sont retrouvées ainsi avec 90 caisses de peluches, vierges, non identifiables, « comme dans un magasin de jouet » selon le service lui-même ; des caisses de galets encombrants ; des boîtes de « brocante » (figure 7) (Directrice des Archives, novembre 2018). Ces présences mettent en péril non seulement les Archives mais le sens que les archivistes donnent à leur métier, l’idée qu’ils se font de leur mission. Alors que son objectif de départ était de « garder la mémoire de ce que les Niçois ont voulu transmettre pendant leur deuil » et de montrer des objets « classés, archivés, valorisés et numérisés, puis mis en ligne » (Frénois, 2017), la cheffe des archives fait le bilan suivant : « Je suis gênée vis-à-vis de mes successeurs. Nous leur laisserons des caisses de peluches et de galets… sans plus de signification. Ce n’est pas du beau travail… » (Directrice des Archives, janvier 2019). L’attentat et son traitement politique ont exporté la menace de démembrement et de perte de sens au cœur même des Archives. Ces institutions qui « mettent le temps en ordre » (Both, 2017) se retrouvent avec un matériel peu exploitable en tant que tel, témoignant moins des marques et messages déposés au kiosque que de la difficulté manifestée par les instances politiques et sociales à « faire avec » la perte. Cette version contemporaine du « mal d’archive » (Derrida, 1995) pose question : comment dès lors, produire un discours symbolique qui fasse réponse à la perte traumatique ? De quel état de la mémoire collective ce destin des archives parle-t-il ? Et finalement l’impossibilité de conservation des traces spontanées et temporaires ne pourrait-elle pas mieux permettre d’accepter et de faire accepter l’oubli et la perte de cette mort de masse ?
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Conclusion
Notre travail sur l’attentat, la mort de masse et leurs effets spatiaux nous a conduit à interroger la façon dont les usages d’un territoire « font avec » la perte et comment cette dernière transforme les territoires eux-mêmes. À travers ces deux cas d’étude, nous avons commencé à démontrer comment un même processus d’effacement et de production est à l’œuvre au niveau spatial, et comment la production d’une différenciation implique en elle-même une perte. Il nous semble important de souligner que ces pertes « symboligènes », bien qu’étant repérables à chaque fois, ne relèvent pas des mêmes processus. Ainsi, les productions spatiales se différencieraient aussi bien par leurs productions que par les types de pertes avec lesquelles elles apparaissent. Apparition d’éléments spatiaux et perte inhérente à ceux-ci semblent à chaque fois liées, dans des relations que nous avons explorées ici et que nous souhaitons valider encore par la suite avec d’autres terrains. Parmi ceux-ci, sans doute, aurons-nous alors à saisir le destin du monument aux morts du musée Massena, en hommage aux victimes de l’attentat du 14 juillet 2016, comme quatrième monument au mort – temporaire ? – de la Promenade des Anglais. Sa mise en ordre décidée des identités singulières (figure 8) est frappante et permet déjà de mettre en valeur une perte des particularités individuelles, alors qu’en parallèle, se construit un besoin commun de reconnaissance de la part des victimes et de leurs familles, exprimé auprès de la Ville mais aussi la Nation. Commémorer mais jusqu’à quand, comment et où ? : c’est toute la complexité du deuil public en espace urbain qui s’exprime ici.
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KARINE EMSELLEM, AGNÈS JEANJEAN, FRÉDÉRIC VINOT, CAMILLE NOÛS
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Karine Emsellem est Maître de Conférences en géographie à l’UMR 7300 ESPACE, Université Côte d’Azur. Ses recherches portent sur les questions des perceptions spatiales et des transformations urbaines.
karine.emsellem@univ-cotedazur.fr
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Agnès Jeanjean est Professeure d’ethnologie à l’Université Côte d’Azur, membre du LAPCOS, MSH Sud Est. Ses travaux s’inscrivent à la croisée de l’ethnologie du travail et de l’anthropologie urbaine. Elle développe une anthropologie de la société par ses restes.
Agnes.jeanjean@univ-cotedazur.fr
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Frédéric Vinot est Maître de Conférences HDR en Psychologie clinique, membre du LAPCOS, Université Côte d’Azur. Il travaille sur les dispositifs de soin médiatisés par l’art et sur une approche psychanalytique de l’habiter.
Frederic.VINOT@univ-cotedazur.fr
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Camille Noûs dirige le laboratoire pluridisciplinaire Cogitamus. Elle travaille sur le fonctionnement de la recherche en France et notamment sur l’importance de la collégialité, de l’universalité, et du travail scientifique exigeant.
camille.nous@cogitamus.fr
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Remerciements
Ce travail a été réalisé malgré les conditions actuelles difficiles du fonctionnement de la recherche et de l’enseignement supérieur en France. Les auteurs déplorent la contribution décisive de Madame Frédérique Vidal, Ministre de la Recherche, dans la destruction progressive du service public et de la recherche en France, et son absence d’écoute de la communauté universitaire contre la LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche). Ils sont toujours engagés contre la LPR et, en tant qu’universitaires niçois, demandent la démission de Madame Frédérique Vidal.
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Couverture : Hommages populaires aux victimes de l’attentat du 14 juillet 2016, sur la Promenade des Anglais (Karine Emsellem, 17 juillet 2016)
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Pour citer cet article : Emsellem K., Jeanjean A., Vinot F., Noûs C., 2021, « Pertes et modifications spatiales : la Promenade des Anglais après l’attentat du 14 juillet 2016 », Urbanités, #15 / Mourir en ville, juin 2021, en ligne.
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- À propos des morts de masse et de leur étude dans le champ de l’anthropologie, nous renvoyons aux travaux d’E. Anstett (Anstett, 2013). [↩]
- Ce travail a bénéficié d’une aide du gouvernement français, gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du projet Investissements d’Avenir UCAJEDI portant la référence n° ANR-15-IDEX-01. [↩]
- Une partie du travail de terrain a été réalisée par Daphné Mastchenko et Marie Petitdemange, étudiantes en Master I Anthropologie à l’Université Côte d’Azur. Nous les remercions pour la qualité de leur travail. [↩]
- Les témoignages montrent que certains lieux de la Promenade ont cependant fonctionné comme des repères auxquels les personnes présentes ont pu se raccrocher pour se sauver, s’échapper, se réfugier et s’extraire du chaos. [↩]
- Tout comme il y eu « Je suis Charlie » pour d’autres cas d’attentat (Merzeau, 2015) avec une dimension métonymique aussi forte. [↩]
- Van gennep, 1981 (1909). [↩]
- « (…) comme l’a souligné Kenneth E. Foote à propos des États-Unis, tous les lieux frappés par des drames collectifs, tels que des attentats ou des accidents industriels, ne sont pas voués à devenir « sacrés ». Ils peuvent aussi bien être oblitérés (on occulte alors toute trace du drame), rectifiés (sans effacer toutes les traces, on modifie la structure du lieu de manière à ce qu’on puisse y rependre une activité normale), ou simplement désignés (on remet le lieu en l’état, en ajoutant une simple plaque ou un monument rappelant que des personnes y sont mortes) » (Truc, 2011 : 34 et 35). [↩]
- L’expression est de Marion Duvigneau, cheffe du service des archives à la Métropole Nice Côte d’Azur. [↩]