Vu / Portfolio : Le e-commerce à New York : quelle empreinte sur l’espace public ?

Matthieu Schorung

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La croissance du commerce électronique, ou e-commerce, est un phénomène qui touche toutes les grandes villes mondiales alimenté par l’évolution du comportement des consommateurs, la généralisation de l’usage d’internet et du smartphone et la pénétration de la vente en ligne dans le commerce de détail en parallèle de la croissance des géants du e-commerce (pure playersa1 et plateformes d’échanges). Aux États-Unis, 82 % des consommateurs font des achats en ligne, l’un des taux les plus élevés au monde. D’après e-marketer, les consommateurs étatsuniens ont dépensé plus de 930 milliards de dollars en 2021 dans des achats en ligne, représentant plus de 15 % du secteur global du commerce (en termes de ventes). Les ventes en ligne devraient dépasser pour la première fois les 1 000 milliards de dollars en 2022. La pandémie de Covid-19 a eu un effet accélérateur sur les ventes en ligne avec une croissance de plus de 16 % pour la seule année 2021, d’après les estimations d’Insider Intelligence.

Le commerce électronique désigne des transactions entre entreprises et consommateurs (« business-to-consumer » ou « B2C ») – comprenant le e-commerce alimentaire (livraisons de repas, courses alimentaires, livraisons d’appoint instantanées) – mais aussi des transactions entre les entreprises (« business-to-business » ou « B2B ») auxquelles on doit ajouter les plateformes numériques de mise en relation des consommateurs (« consumer-to-consumer » ou « C2C »). Dans cette croissance globale du e-commerce, ce sont bien les consommateurs urbains qui représentent la plus grande part des achats en ligne. Une étude du bureau de recherche 6t (2018) pour le compte de la Chaire Logistics City a analysé la consommation en ligne à New York (Manhattan) et à Paris : 97 % des New-Yorkais enquêtés avaient consommé en ligne, 73 % avaient acheté des produits d’épicerie en ligne. Avec l’essor des achats digitaux, les acteurs impliqués dans le e-commerce sont désormais très nombreux : géants du e-commerce (Amazon), places de marché électroniques (eBay), commerçants multicanaux (Target), grande distribution alimentaire (Walmart, Amazon via Whole Foods) et nouveaux entrants, en particulier des start-up à forte croissance pratiquant le blitzscalinga2 (GoPuff, Getir, JOKR, Flink). Par conséquent, le segment de la livraison du dernier kilomètre, dernière étape de la chaîne d’approvisionnement entre le dernier entrepôt où un article est stocké et sa destination finale, est devenu déterminant pour assurer l’acheminement le plus optimal et le plus rapide des commandes en ligne vers les destinataires finaux. Le développement du e-commerce a surtout contribué à la croissance des prestataires de services logistiques du dernier kilomètre (UPS, DHL, Fedex) dont la mission est présentée comme « la bataille contre le temps et l’espace » (Moriset, 2018). Il a aussi poussé certains grands acteurs du e-commerce, comme Amazon, à investir ce segment et à proposer leurs propres services de livraison en complément de prestataires tiers.

Jean-Paul Rodrigue (2020) a identifié quatre effets majeurs du e-commerce sur la distribution des marchandises : effet sur les structures de distribution (croissance des livraisons B2C), effet sur le marché immobilier (diminution de l’empreinte immobilière et foncière du commerce de détail et augmentation de l’empreinte des entrepôts), effet sur les équipements logistiques (développement de nouveaux types d’entrepôts – E-fulfillment centers, sortation centers, urban logistics centers), effet sur les stratégies d’entreprise (intégration verticale, développement de services 3PL et 4PL3 ou de services de transport propres par les « pure players » du e-commerce). Les acteurs du e-commerce cherchent à maximiser l’accès aux marchés urbains et à minimiser les temps de livraison en s’appuyant sur d’importantes économies d’échelle et de densité notamment pour leurs centres de distribution (Houde et al., 2017), en développant leurs propres stratégies de logistique urbaine pour les livraisons du dernier kilomètre (Browne et al., 2019) et en promouvant cette intégration verticale dont Amazon constitue une entreprise pionnière (Lieb and Leib, 2016).

Cette croissance soutenue du e-commerce, et donc des livraisons urbaines, engendre une augmentation des flux de marchandises. Ces flux se matérialisent à la fois par les flux routiers en ville (poids-lourds, véhicules utilitaires légers) et par des mouvements locaux correspondant au transbordement, au tri et à la distribution des colis aux clients (en vélo, en scooter ou en camionnette). En outre, l’empreinte du e-commerce se manifeste par l’aménagement d’espaces logistiques urbains visant à optimiser la chaîne logistique et les tournées et à garantir des livraisons rapides voire instantanées. Des entrepôts logistiques s’installent progressivement dans les villes-centres (dans la couronne péricentrale voire parfois en zone centrale), complétés par des micro-hubs. Ces évolutions récentes provoquent des effets négatifs : la congestion routière, la pollution atmosphérique et les nuisances sonores, les conflits d’usage dans l’espace public et au niveau de la voirie, la concurrence exacerbée pour des espaces logistiques dans les cœurs d’agglomération. Par empreinte, j’entends à la fois l’empreinte paysagère (par les bâtiments et les équipements associés à la logistique urbaine et au e-commerce) et l’expression des différentes pressions et manifestations matérielles et concrètes des activités humaines liées au e-commerce sur l’espace urbain. Le e-commerce, et la logistique urbaine associée, crée donc progressivement un nouveau paysage du commerce de détail à travers la digitalisation et de nouvelles pratiques de consommation et de distribution (Ramcharran, 2013 ; Hagberg et al., 2016) et un nouveau paysage du fret (« freight landscape ») à la fois en termes de structuration de la demande, des caractéristiques de localisation des entrepôts et des centres de distribution, des stratégies de transport (modes et équipements nodaux) et de prise en charge du dernier kilomètre dans les espaces urbanisés centraux (Bowen, 2012 ; Dablanc, 2019 ; Rodrigue, 2017).

La région métropolitaine de New York-Newark-New Jersey, également appelée communément la région des trois États, est la plus grande région métropolitaine du monde en termes de superficie urbaine (12 093 km²), et la consolidated statistical area (CSA) la plus peuplée des États-Unis (20,1 millions de résidents en 2020). Cette CSA est un centre majeur de nombreuses industries, notamment la finance, la fintech, le commerce international, l’immobilier, l’éducation, le divertissement, la biotechnologie, etc. La région métropolitaine de New York est l’une des régions économiques les plus importantes du pays. Elle est également une porte d’entrée multimodale majeure du pays avec trois aéroports internationaux (JFK International Airport, Newark Liberty International Airport, La Guardia Airport), des réseaux autoroutiers et ferroviaires très denses et une porte d’entrée portuaire majeure (troisième port à conteneurs et troisième port pour l’ensemble du trafic (international et domestique) des États-Unis) gérée par la Port Authority of New York and New Jersey. En conséquence, la CSA New York-Newark-New Jersey est la plus grande région métropolitaine des États-Unis pour le nombre d’installations logistiques. Elle comptait 844 entrepôts en 2012 et 993 en 2019, soit une croissance de 17,6 % entre 2012 et 2019.

Ce portfolio vise à comprendre comment les achats en ligne marquent l’espace public new-yorkais de leur empreinte et peuvent provoquer des conflits d’usage. Analysant les micro-impacts concrets, à l’échelle de New York, il n’a pas pour objectif de proposer une explication systémique et holistique du fonctionnement du secteur du e-commerce à New York. Il introduit plutôt une réflexion sur ce que crée le e-commerce « au concret », au plus près des habitants et des usagers de l’espace public. Les photographies mobilisées dans ce portfolio ont été prises lors d’un terrain de recherche à New York en février 2022 visant à procéder à des observations in situ dans l’espace public new-yorkais, essentiellement à Manhattan et en complément quelques pérégrinations à Brooklyn et à Newark. Ces observations visent à appréhender les impacts locaux, à une échelle micro (du quartier au trottoir), des livraisons urbaines et du e-commerce.

Les entrepôts dans l’agglomération new-yorkaise : lieux symboliques du e-commerce

Des grands entrepôts périphériques aux nouveaux entrepôts péricentraux

Le secteur de la logistique new-yorkais se renforce de manière continue : le nombre d’établissements logistiques pour 10 000 habitants a continué d’augmenter de 0,38/10 000 habitants en 2012 à 0,44/10 000 habitants en 2019, soit une croissance de 17,2 % entre 2012 et 2019 (Schorung, 2022). Certaines parties du territoire métropolitain sont concernées par une diminution du nombre d’établissements logistiques, à l’extrême sud de l’aire métropolitaine au nord de Trenton, au nord-ouest de New York, et à Long Island. Par ailleurs, quatre zones de concentration d’entrepôts logistiques sont identifiables, principalement au nord-ouest de Manhattan (Interstate 95), à l’ouest autour de Newark (Interstate 95, aéroport de Newark), au centre de Long Island et enfin un ensemble en péricentre de Manhattan (port de New York-New Jersey, ouest de Brooklyn, nord-ouest du Queens autour de l’aéroport de La Guardia).

Carte 1. Evolution (de 2012 à 2019) de la distribution spatiale des entrepôts logistiques dans la CSA de Newark-New Jersey par zip code4(Thibault Lecourt et Matthieu Schorung, 2022)

Comme dans l’ensemble des grandes agglomérations mondiales, le paysage de la logistique dans l’agglomération de New York se compose d’abord d’entrepôts périurbains de très grande dimension qui se trouvent à proximité des échanges autoroutiers et d’équipements portuaires ou aéroportuaires de grande envergure (Giuliano et al., 2013 ; Dablanc et al., 2014). Lors de ce terrain de recherche, j’ai pu me rendre sur plusieurs sites périurbains, en particulier un grand centre de distribution d’Amazon à Newark à proximité de l’aéroport Newark Liberty International et d’un échangeur de l’Interstate-95 ainsi qu’un centre de distribution d’Amazon à Staten Island en face de Port Elizabeth dans le New Jersey à proximité de l’Interstate-278. Ces grands entrepôts ne sont généralement accessibles qu’en voiture et se situent surtout dans des zones industrielles d’importance, engendrant la constitution de grappes d’entrepôts (à Staten Island, dans la zone évoquée ci-dessus, quatre entrepôts Amazon y sont regroupés). Ce type d’entrepôt est le principal vecteur des représentations de l’entrepôt logistique – le bâtiment de plain-pied de très grande dimension avec un accès poids-lourds facilité, entouré d’un vaste parking et enclosé. Ces pièces stratégiques des systèmes logistiques font partie des fonctions supports d’une aire métropolitaine, souvent invisibilisés, très peu accessibles au public, loin du cœur d’agglomération et souvent dans des zones devenues « coulisses de la ville-monde » qui accueillent des « LULUs » (Locally Undesirable Land Uses) (Delage, 2016).

1. Amazon Fulfillment Center à Newark à proximité de l’aéroport Newark Liberty International (Matthieu Schorung février 2022)

2. Amazon Hub (Delivery & Distribution) situé en face d’un grand centre de distribution à Staten Island (Matthieu Schorung, février 2022)

Des lieux de la logistique en cœur d’agglomération

Néanmoins, on assiste progressivement à un retour de la logistique urbaine dans la ville-centre. En effet, une demande privée pour des entrepôts en zone dense émerge depuis quelques années. Certains secteurs logistiques en lien avec le e-commerce ont commencé à rechercher de nouveaux entrepôts urbains, plus petits, permettant de raccourcir les délais de livraison ou de réorganiser les tournées de livraison. Cette nouvelle demande immobilière correspond par ailleurs aux objectifs de la puissance publique de redévelopper des activités logistiques dans les centres-villes afin de limiter l’étalement logistique. Ainsi, on observe d’une part le développement d’une logistique périurbaine caractérisée par l’essor d’un immobilier logistique de bâtiments de grandes tailles, standardisés, destinés en majorité à des prestataires logistiques, la grande distribution ou l’industrie (Heitz et al., 2017). D’autre part, on assiste à l’essor d’une logistique urbaine composée de bâtiments encore largement « sur-mesure » qui font l’objet d’une attention particulière en termes d’insertion urbaine. Cette dualisation du marché immobilier laisse apparaître deux schémas de développement immobilier logistique : une logistique périurbaine largement majoritaire et une logistique urbaine, minoritaire, émergente. Ces deux types de logistique peuvent toutefois fonctionner aujourd’hui en réseau couvrant l’entièreté du territoire métropolitain, comme dans le cas du système logistique d’Amazon (Schorung et Lecourt, 2021). Ce fonctionnement en réseau s’observe dans l’agglomération new-yorkaise puisque les grands entrepôts périurbains permettent d’alimenter les entrepôts plus centraux, de plus petite taille, qui eux-mêmes assurent la livraison des marchandises, soit directement vers les consommateurs, soit vers des espaces logistiques urbains qui s’occupent du maillon du dernier kilomètre.

Mes pérégrinations à New York m’ont conduit à observer des entrepôts intermédiaires dans la couronne péricentrale ainsi que dans Manhattan. D’abord, un centre de distribution intermédiaire d’Amazon à Hunts Point dans le Bronx. Celui-ci est de taille bien plus modeste que les précédents entrepôts présentés précédemment et se situe dans une zone industrielle du Bronx, à proximité relative de Manhattan. Il assure un double rôle : un centre de tri et de distribution à destination de micro-hubs locaux et pour charger des camionnettes pour la livraison finale à Manhattan ; un centre de récupération de colis pour les particuliers-livreurs qui ont une activité secondaire de livraison. La photo n°3 montre l’arrière du centre de distribution, là où les poids lourds d’Amazon (ceux-là étaient estampillés de la marque avec la nuance de bleu caractéristique de la flotte d’Amazon) approvisionnent le centre et déchargent les marchandises. De l’autre côté du bâtiment, sur la façade avant, j’ai pu observer une file de véhicules de particuliers qui attend de pouvoir récupérer les colis qui leur ont été attribués dans le cadre d’Amazon Flex (prise en charge de commandes et de livraisons, proposée par Amazon, par des particuliers qui peuvent avoir une activité complémentaire par simple engagement numérique sur une application dédiée) – un employé du centre à l’extérieur se charge de la circulation au niveau de la rue.

3. Un centre de distribution intermédiaire d’Amazon dans la zone péricentrale nord dans le quartier de Hunts Point (Bronx) (Matthieu Schorung, février 2022)

De plus en plus d’entrepôts en zone péricentrale sont construits, dans le Bronx secondairement, mais surtout à Brooklyn. La photo n°4 témoigne de cette implantation privilégiée en zone péricentrale, proche de Manhattan. Il s’agit, à nouveau, d’un entrepôt Amazon, qui sert de centre de distribution, prioritairement pour deux services : Amazon Flex et Amazon Fresh (service de livraisons instantanées d’Amazon notamment pour les produits frais et les courses alimentaires d’appoint). Ce qui frappe en se déplaçant autour du bâtiment, c’est la très grande discrétion de la marque, sans sigle, sans panneau, avec un seul petit affichage discret sur la porte. En outre, la récupération des cargaisons pour Amazon Flex, qui sont préparées dans l’entrepôt et déplacées sur des chariots noirs (l’un est visible sur la photo de droite), se fait directement dans la rue adjacente, sans aucun aménagement spécifique pour aider à la manœuvre des chariots. Par observation, on peut comptabiliser sur un chariot jusqu’à 60 sacs et chaque chariot est destiné à un livreur-particulier qui effectue ensuite une tournée jusqu’à une dizaine de clients.

4. Un entrepôt très discret d’Amazon à Brooklyn, dans le quartier de Red Hook (Dablanc, février 2022)

Brooklyn est un terrain d’étude très favorable pour analyser ce recentrage de la logistique urbaine. En effet, le quartier de Red Hook va également accueillir d’ici quelques mois un nouvel entrepôt à étages, qui constitue l’une des innovations les plus marquantes en matière d’immobilier logistique urbain. Le projet est dénommé le 640 Columbia Street dont on voit l’une des façades sur la photo n°5. Ce nouveau bâtiment va prendre place dans une zone logistique et commerciale, à proximité immédiate d’un magasin Ikea. La particularité de ce projet tient d’abord dans sa position dans l’espace métropolitain, dans un tissu urbain dense et dans la zone péricentrale de New York depuis laquelle l’accès à Manhattan et au reste de l’agglomération est facile. Ensuite, une autre particularité concerne l’attention à la qualité de l’insertion urbaine du bâtiment avec un geste architectural assumé et un jeu entre le verre et le béton. D’un point de vue logistique, cet entrepôt devrait permettre de renforcer l’armature logistique de tout New York, dans un contexte de croissance soutenue du e-commerce.

5. Brooklyn comme nouvelle centralité logistique à New York : le projet en construction 640 Columbia Street dans le quartier de Red Hook (Dablanc, février 2022)

Une omniprésence d’Amazon

Ce qui frappe depuis le début de ce portfolio, c’est l’omniprésence d’Amazon. L’entreprise, qui écrase le secteur du e-commerce aux États-Unis5, dispose d’un système logistique extrêmement complexe avec plusieurs centaines d’entrepôts, de tous types et de toutes tailles (Schorung et Lecourt, 2021). Il s’agit d’un acteur non seulement déterminant dans le secteur du e-commerce mais également sur le marché de l’immobilier logistique. La photo n°6 présente un cas unique d’implantation dans le cœur de l’une des plus grandes métropoles mondiales : le centre de distribution d’Amazon dans la 35ème rue entre les prestigieuses 5ème et 6ème avenues au centre de Manhattan. Ce grand entrepôt urbain permet de desservir et d’assurer les livraisons urbaines dans tout Manhattan. La neutralité de la façade (photo n°7 gauche) étonne au premier regard, rien n’indique Amazon, et seul le ballet incessant de livreurs portant une veste avec le logo de l’entreprise et de chariots avec des sacs en papier eux-aussi estampillés du logo trahit la présence de la firme (photo n°8 droite).

6. Le Amazon distribution center de la 35ème rue (entre les 5ème et 6ème avenues) implanté en plein cœur de Manhattan (Matthieu Schorung, février 2022)

7. Les activités aux abords du bâtiment témoignent de la présence de l’entreprise en comparaison d’une façade neutralisée (Matthieu Schorung, février 2022)

Le bâtiment est en lui-même imposant, typique des façades en pierre de taille avec de larges baies vitrées du quartier, occupant plus de la moitié de l’îlot (block). L’entrepôt est alimenté par des camions entrant par une seule grande porte et les marchandises sortent, empaquetées, sur les mêmes chariots noirs que mentionnés précédemment pour l’entrepôt de Brooklyn. Le segment du dernier kilomètre est ensuite assuré de trois manières différentes : soit par des particuliers-livreurs d’Amazon Flex qui repartent avec leur coffre chargé (les paquets sur la photo n°7 droite étaient destinés à une seule voiture particulière – un employé de l’entrepôt amène le chariot puis le particulier l’aide à charger la voiture) ; soit par des chariots ou des vélos-cargos ; soit par des petites camionnettes qui amèneront la marchandise à un autre endroit de la ville pour que des livreurs fassent les livraisons à pied ou en vélo).

Amazon dispose de près d’une quinzaine d’entrepôts sur le territoire de la ville de New York (Manhattan, Bronx, Brooklyn, Queens, Staten Island et franges métropolitaines à la limite du New Jersey), marquant de son empreinte la principale ville des États-Unis. En outre, à travers toute la ville, d’autres formats sont disséminés (voir photo n°8) : Amazon Books (librairie), Amazon Go (épicerie totalement automatisée sans personnel), Amazon Pop Up (magasin éphémère), Amazon Pick-Up (point de click & collect – ci-dessous un partenariat entre Starbucks et Amazon), Whole Foods (grande chaine alimentaire de produits biologiques rachetée par Amazon en 2017)6. Ces formats multiples, mettant en avant la marque Amazon sur les devantures et dans des affiches publicitaires, tranchent avec la discrétion des entrepôts urbains du géant du e-commerce.

8. La variété des formats d’Amazon : un autre moyen de marquer son omniprésence (Matthieu Schorung, février 2022)

Ce terrain de recherche à New York a été l’occasion de constater la diversification des produits de l’immobilier logistique, du grand entrepôt périurbain au centre de distribution urbain ainsi que la pénétration toujours plus importante du commerce digital dans le tissu commercial de la ville. Ce portfolio n’en présente que quelques exemples mais ce qui est frappant lorsque l’on déambule dans les rues de New York c’est la matérialisation grandissante du e-commerce sous toutes ses formes (points de retrait ou click & collect, nouveaux formats commerciaux) complétée paradoxalement par une dématérialisation grandissante des pratiques d’achat (commandes effectuées davantage sur application mobile plutôt que directement en magasin, aménagements de points pick-up dans les magasins physiques). Par ailleurs, ce terrain a été aussi l’occasion de constater le déploiement de la logistique urbaine, en particulier du e-commerce, et le fonctionnement à l’échelle micro du commerce digital.

New York : théâtre privilégié des dernières évolutions en matière de e-commerce et de logistique urbaine

Une matérialité du e-commerce par les véhicules de livraison

Déambuler à New York, en particulier à Manhattan, revient à être constamment sollicité visuellement par des publicités vantant des plateformes numériques, UberEats étant l’un des exemples les plus marquants. Un grand nombre de plateformes de commande de repas et de livraison côtoie une nuée de livreurs Amazon qui eux-mêmes sont de plus en plus côtoyés par des livreurs des nouvelles applications de courses alimentaires d’appoint (Getir, Gopuff). Mes observations ont montré l’utilisation privilégiée par les livreurs de vélos classiques, souvent personnels, et pour le moment très secondairement de scooters électriques pour assurer les livraisons aux clients ; la grande faiblesse d’utilisation de Citibike (l’équivalent new-yorkais du Vélib parisien) pour les livraisons ; la prise de risque sur la voirie des livreurs qui, pour respecter des délais et des rythmes de livraison toujours plus contraints, semblent ne pas vouloir/pouvoir respecter les règles de circulation ou de stationnement.

J’ai aussi pu constater une diversification des véhicules utilisés pour le dernier kilomètre (photos n°9) : vélo classique, vélo électrique, vélo-cargo, scooter électrique, camionnettes, chariots poussés ou tirés à pied. Les livreurs à vélo et en scooter assurent, soit la livraison de petits colis vers les destinataires finaux, soit la livraison rapide de courses ou de repas (avec comme signe distinctif la présence de boîtes ou de housses de transport). Concernant les livreurs en camionnettes, deux activités ont pu être observées : d’un côté, des véhicules utilitaires légers (VUL) (UPS, Fedex, transporteurs tiers pour le compte d’Amazon) permettant d’organiser la livraison des derniers mètres par des livreurs à pied. La photo n°9 au centre montre une camionnette UPS dont les marchandises sont ensuite placées sur un simple chariot à roulettes pour que le livreur puisse faire sa tournée à pied) ; de l’autre, des VUL, généralement de plus petit gabarit, qui servent de coursiers directs pour la livraison de colis.

9. Une diversification des petits véhicules individuels pour le dernier kilomètre (Matthieu Schorung, février 2022)

Enfin, ce qui étonne à Manhattan, ce sont les nuées de livreurs à pied qui assurent le segment final de livraison vers les destinataires des colis (photos n°10). Les livreurs Amazon sont généralement équipés de chariots à roulettes avec des caissons en tissu pour ranger et protéger les colis (photo n°10 gauche). D’autres livreurs peuvent n’être équipés que d’un caisson en tissu transporté sur leur dos ou d’un chariot simple sur lequel est empilé un monticule de colis (photo n°10 droite). Il s’agit là d’une preuve concrète du retour des porteurs, qui avaient disparu depuis la Révolution industrielle et les progrès de la motorisation, et qui font leur grand retour pour répondre à la multiplication des livraisons urbaines. On assiste donc à la (ré)émergence d’une catégorie de travailleurs, effectuant des tâches difficiles, répétitives, soumis aux intempéries et aux aléas de la circulation (sur la route comme sur les trottoirs) – catégorie faisant de manière lointaine écho aux portefaix du Moyen-Âge et de la Renaissance qui portaient les charges lourdes (les fardeaux) dans les villes (Libeskind, 2021). Marcher dans Manhattan consiste donc à croiser des dizaines et des dizaines de livreurs à pied, qui ont pour mission de livrer les colis dans une zone prédéfinie – zone qui a priori ne dépasse pas quelques îlots. Une fois que le livreur a vidé l’ensemble de ses caissons, il repart rejoindre le prochain point de transbordement.

10. Le retour des porteurs ? La multiplication dans l’espace public new-yorkais des livreurs à pied, souvent aidés de chariots pour transporter les colis dans leur tournée des derniers mètres (Matthieu Schorung, février 2022)

Une hybridation entre numérique et « huile de coude »

Le dernier point qui mérite réflexion, et que je vais développer dans cette sous-partie, concerne l’hybridation entre le tout-numérique et une organisation somme toute très artisanale du dernier kilomètre et des livraisons liées au e-commerce. En effet, observer l’organisation et le déploiement du dernier maillon de la chaîne logistique revient à penser avec étonnement que le segment du dernier kilomètre pour le e-commerce repose tout à la fois sur les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) avec sites internet, applications, algorithmes, pads numériques et sur un système de « débrouille » on ne peut plus low tech (porteurs à pied, chariots, recours à la voirie ordinaire, vélos ou vélos-cargo).

Les observations faites dans le Amazon distribution center de la 35ème rue (photo n°6) en plein cœur de Manhattan révèlent les scènes de la vie ordinaire de la logistique urbaine new-yorkaise (photos n°11). En effet, j’ai pu assister aux opérations courantes de préparation, de répartition et de prise en charge des colis par les livreurs professionnels ou par des particuliers-livreurs. Une fois les commandes sorties de l’entrepôt, par une porte très discrète et occultée par des lanières en plastique, les préparateurs de l’entrepôt apportent les marchandises sur les chariots. Commence alors la répartition des commandes pour chaque livreur qui se fait à l’aide de pads numériques et de scanneurs – tous les colis disposent d’un code barres facilitant le traitement et le suivi par les employés de l’entrepôt. Ensuite, c’est principalement l’action humaine qui intervient pour charger les vélos, les vélos-cargos ou les véhicules.

11. Scènes de la vie logistique ordinaire à New York aux abords de l’entrepôt urbain d’Amazon à Manhattan (Matthieu Schorung, février 2022)

Le plus frappant, au-delà de cette hybridation, est l’impression de « débrouille » qui s’applique dans la gestion du dernier kilomètre et dans la livraison des commandes faites en ligne. En effet, on constate qu’il n’existe aucun aménagement spécifique pour faciliter les opérations et le travail des manutentionnaires : il n’y a ni parking aménagé, ni aire de chargement. Toutes ces opérations se font à même la rue, au milieu des passants et du trafic automobile régulier (photo n°11 droite). Le matériel est également garé ou stocké à l’extérieur de l’entrepôt sur la voie publique (photo n°11 gauche). Cette première impression a été consolidée par l’observation d’opérations de transbordement à même la rue et le trottoir. Enfin, mes observations à proximité de cet entrepôt urbain Amazon m’ont permis de constater le fonctionnement de deux services d’Amazon de manière complémentaire, à la fois la sortie de commandes « Amazon Prime » (service de livraisons rapides) de l’entrepôt tel que le montre la photo n°11 au centre, et le chargement de commandes Amazon Prime dans un véhicule de particulier dans le cadre d’Amazon Flex (photo n°11 à droite).

12. Des transbordements à même le trottoir : un problème d’occupation de l’espace public ? (Matthieu Schorung, février 2022)

En effet, sur les deux photographies en haut (photos n°12), on constate au concret l’organisation du transbordement et de la répartition des commandes auprès des livreurs. Là encore, une forme d’hybridation entre utilisation poussée du numérique et débrouille ressort. Le chauffeur doit vider son camion, à même la route et le trottoir – remarquons au passage que les camions sont pleins à craquer, donnant un aperçu de la massification des achats en ligne. On observe une employée d’Amazon à la droite du camion qui a un pad numérique dans les mains, qui est chargée de scanner les colis et de les répartir en fonction de la répartition de la tournée opérée par le logiciel. Par la suite, les colis sont répartis auprès de chaque livreur qui se situe dans la zone et repart avec un à trois caissons de couleur, soit à pied avec un chariot, soit à vélo. Lors de cette seule journée de visite, je suis tombé à quatre reprises sur cette scène, avec parfois une occupation encore plus importante du trottoir jonché de colis Amazon.

Cette organisation n’est pas propre à Amazon et a pu être constatée pour une marque new-yorkaise très présente à Manhattan : Freshdirect. Il s’agit d’un cybermarché alimentaire couvrant l’essentiel de la zone métropolitaine de New York. Cet acteur est également omniprésent à Manhattan pour la livraison de courses alimentaires. Les deux photos en bas (photos n°12) témoignent aussi de cette organisation et cette occupation de l’espace public : un camion rempli de colis se gare, le matériel (chariot, caissons) est déposé sur le trottoir, le chauffeur est chargé ensuite de la répartition des commandes auprès de chaque livreur. Sur ces deux photos, on remarque qu’un seul des camions de Freshdirect occupe, temporairement mais souvent illégalement, 4 à 5 places de stationnement. Ces camions stationnent parfois sur des zones interdites au stationnement ou sur des places de stationnement de véhicules particuliers. Ces photos ne présentent d’ailleurs pas de cas de stationnement en double file alors que New York, comme beaucoup de grandes villes, est concernée par ce phénomène, illustrant la priorité souvent affichée aux États-Unis d’améliorer le « curbside management », littéralement la « gestion des trottoirs ». Sur la photo en bas à gauche, on peut distinguer plusieurs livreurs en train de marcher ou assis à même le trottoir, attendant que leurs cargaisons soient mises à disposition.

Ces scènes ordinaires de la logistique urbaine et du e-commerce marquent de leur empreinte l’espace public new-yorkais. Dans chaque rue, un passant croise nécessairement un livreur à pied et/ou un vélo-cargo et/ou un camion en plein déchargement. Cette omniprésence d’Amazon et des grands expressistes7 (Fedex, UPS) étonne et interroge. Cela ne va pas sans poser une question quant à l’utilisation, voire l’occupation – parfois illégale bien que temporaire – de l’espace public, en particulier des rues et des trottoirs pour le compte d’entreprises privées. Ces pratiques se font au contact des autres usagers (piétons, automobilistes, cyclistes, autres livreurs) et viennent se positionner à côté des autres usages de l’espace public, par exemple sa fonction circulatoire. Se pose in fine la question des impacts de ces livraisons et de ces transbordements qui mériterait des recherches approfondies à la fois quantitatives et qualitatives pour mesurer lesdits impacts. Mes observations à New York me conduisent à penser qu’il faut distinguer les situations entre ce qui se passe sur les trottoirs où les piétons n’ont pas été gênés par ces opérations et ce qui se passe au niveau de la rue et des abords des trottoirs dans un contexte de forte congestion routière et d’un manque de stationnement de surface à New York.

 

New York face à la vague du quick commerce

Enfin, parmi l’un des derniers marqueurs du e-commerce identifiés à New York, j’ai pu constater la présence de plus en plus forte de start-up relevant du quick commerce (branche du secteur de l’alimentaire en ligne qui propose la livraison instantanée, inférieure à 20 minutes, de courses d’appoint), notamment JOKR, Gopuff, Getir (Schorung, Buldeo Rai et Dablanc, 2022).

13. Deux dark stores JOKR à Manhattan (Matthieu Schorung, février 2022)

Depuis la crise sanitaire, de nombreuses métropoles mondiales observent l’émergence de ce service de livraisons instantanées (Dablanc et al., 2017) dédié aux courses alimentaires d’appoint. Les quick commerçants s’appuient sur des espaces de stockage et de traitement des commandes implantés dans les zones urbaines, qui permettent d’organiser des livraisons instantanées dans un rayon d’environ deux kilomètres. Aménagés comme des supérettes et ayant une surface n’excédant pas 400 m², ces petits entrepôts ne sont accessibles qu’au personnel chargé de la collecte et de la livraison des produits, d’où leur nom le plus répandu (dark stores) qui fait aussi référence à la pratique d’occultation des façades (photos n°13). L’explosion de ce segment du e-commerce alimentaire au cours des derniers mois impose désormais sa marque dans le paysage urbain. Ce développement rapide pose des problèmes d’ordre commercial (impact sur le petit commerce de détail), d’ordre juridique (statut des dark stores, respect des règles d’urbanisme et du zonage) ou relatif à la vie urbaine (animation des rues, inaccessibilité et invisibilisation de ces espaces) (Schorung, Buldeo Rai et Dablanc, 2022).

Ce secteur est encore en pleine consolidation et en évolution rapide. J’ai pu observer des dark stores de deux acteurs russes qui étaient en forte dynamique sur le marché new-yorkais : Buyk (qui disposait du plus grand nombre de dark stores en février 2022) et Fridge No More. Depuis ce terrain de recherche, l’invasion russe en Ukraine et les sanctions financières américaines ont eu raison de leurs activités : Buyk et Fridge No More ont annoncé dès mars leur retrait du marché américain et la fermeture de tous leurs sites. Néanmoins, l’exemple du site de Buyk (photo n°14) dans le Lower East Side (au 178 Delancey Street) est emblématique de l’opportunisme commercial du quick commerce de trouver des sites, facilement aménageables, à proximité des grandes artères et des quartiers d’habitation. La photo n°14 montre un dark store de Buyk ouvert en 2021, sur l’emplacement d’un commerce vacant. On constate que ce site n’a fait l’objet d’aucun réaménagement extérieur, pour effacer les stigmates manifestes d’une vacance commerciale et de l’absence d’entretien du bâtiment, et seul un petit panneau portant le logo Buyk à l’entrée indique la présence du quick commerçant. Cet exemple de dark store témoigne du fait que les notions de vitesse et de flexibilité apparaissent être au cœur de la stratégie des quick commerçants : dès qu’un site adapté est identifié, un quick commerçant s’empresse de louer la surface commerciale et la transforme de manière rapide (et souvent à bas coûts avec des installations assez simples : étagères, tables, rangée de réfrigérateurs pour les produits frais et équipements internet et numériques). L’entreprise locataire ne se préoccupe ni d’aménagements extérieurs, ni de rénovation de la surface.

14. Un secteur en évolution rapide : un opportunisme commercial pour répondre à une croissance fulgurante. Le cas du dark store Buyk dans le Lower East Side (Matthieu Schorung, février 2022)

New York offre l’exemple de quelques stratégies d’adaptation de ces acteurs pour répondre à certaines critiques (irrespect du zonage de la ville, occultation des vitres et des façades, etc.). Le dark store Gopuff dans le quartier de Soho/Tribeca (photos n°15) est en fait une implantation hybride, qui a fait l’objet d’une rénovation récente : à l’arrière (sur la photo de gauche) se trouve l’espace logistique avec les vitres occultées ; à l’avant (sur la photo de droite) se trouve un espace de restauration et de vente à emporter (boissons fraiches, confiserie, café). Ce réaménagement permet de répertorier l’établissement comme un commerce, et donc de respecter la destination du zonage défini par la ville, et d’offrir une ouverture partielle sur l’extérieur tout en apportant quelques services au quartier. Il s’agit de l’un des rares exemples récents d’hybridation des fonctions et des usages d’un espace lié au quick commerce mais cette hybridation pourrait être amenée à se développer à mesure que les municipalités revendiquent une position ferme voire agressive vis-à-vis des dark stores (Schorung, Buldeo Rai et Dablanc, 2022).

15. Une stratégie d’adaptation face aux critiques : l’exemple de Gopuff Market (Matthieu Schorung, février 2022)

 

Conclusion

En conclusion, ce terrain de recherche à New York, majoritairement centré sur Manhattan et Brooklyn, atteste de ces évolutions et montre à quel point le commerce digital a modifié les habitudes de consommation et les organisations commerciales et a pénétré l’espace public. Ce portfolio s’applique à New York, l’une des plus grandes métropoles mondiales et l’un des hauts-lieux de la mondialisation. Néanmoins, on peut constater des phénomènes similaires dans d’autres villes mondiales (Los Angeles, Paris, Londres, etc.). Il s’agit ici d’une première étape dans la caractérisation des effets du e-commerce sur l’espace urbain, dimension relativement oubliée jusqu’alors dans la littérature scientifique. L’objectif serait de parvenir à construire un protocole méthodologique permettant d’identifier et de caractériser ces effets urbains à l’échelle micro, permettant de prendre en compte le e-commerce dans son fonctionnement concret au plus près des habitants, des commerces, des navetteurs. Il s’agirait donc de penser le e-commerce comme une reformulation, partielle ou systémique, du fonctionnement du commerce en ville et des pratiques quotidiennes des habitants.

Du fait des conséquences de la massification des volumes de livraison, notamment de messagerie liée aux achats en ligne, la ville de New York comme l’ensemble des grandes villes mondiales mettent de plus en plus à l’agenda la gestion du fret urbain. Le MIT Technology Review estime qu’au printemps 2022 près de 3,6 millions de colis étaient livrés chaque jour à New York, contre 1,8 million en 2019. La municipalité de New York a engagé depuis 2016 une vaste réflexion sur la régulation du transport de marchandises et sur l’atténuation des effets négatifs des livraisons. Le dernier plan d’action du département des transports de New York a été publié en 2021 (NYCDOT, 2021). Parmi les principales mesures en application, on peut citer le programme NLZ (Neighborhood Loading Zone) sur la définition de zones de livraison dans les quartiers résidentiels, le soutien à l’acquisition de vélos-cargos pour accompagner la décarbonation du dernier kilomètre ou encore le programme OHD (Off-Hour Deliveries) visant à proposer des horaires décalés de livraison notamment la nuit (NYCDOT, 2021).

Ce portfolio présente un terrain de recherche à New York qui constitue une première étape dans une réflexion plus ample à la fois sur la prise en compte des impacts du e-commerce sur l’espace urbain, sur l’évolution de l’organisation de la logistique urbaine et sur les stratégies publiques et privées de régulation et de décarbonation de la logistique urbaine.

MATTHIEU SCHORUNG

– 

Matthieu Schorung, chercheur post-doctoral, Chaire Logistics City, Laboratoire SPLOTT, Université Gustave Eiffel.

matthieu.schorung@gmail.com

Couverture : Un dark store JOKR à New York (Manhattan) (Matthieu Schorung, février 2022)

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Pour citer cet article : Schorung, M., 2023, « Portfolio : Le e-commerce à New York : quelle empreinte sur l’espace public ? », Urbanités, Vu, mars 2023, en ligne.

  1. Dans le secteur du commerce (retail), le terme de pure player renvoie aux entreprises qui ne possèdent aucun magasin en dur et qui exercent leurs activités, en ligne, dématérialisées. []
  2. Le blitzscaling exprime une stratégie de croissance ultra-rapide et massive pour construire des entreprises à forte valeur, par la levée massive de fonds, pour écraser toute concurrence potentielle. []
  3. Un 3PL est un prestataire logistique qui propose des espaces de stockage et disposent d’une flotte de véhicules. Un 4PL est un prestataire logistique qui se spécialise uniquement dans la gestion et la supervision des activités logistiques. []
  4. Un zip code est l’équivalent américain du code postal utilisé à la fois par les services postaux américains mais également comme unité statistique dans le cadre des registres et des enquêtes fédérales. []
  5. En 2017, Amazon représentait 37 % du marché total du e-commerce aux États-Unis, pour atteindre 39,8 % en 2020. Cette part a dépassé les 40 % en 2021. Aux États-Unis, la suprématie d’Amazon est évidente : 40,4 % du marché du e-commerce en 2021, 7,1 % pour Walmart (2ème), 4,3 % pour eBay (3ème), 3,7 % pour Apple (4ème), 2,2 % pour Best Buy (5ème). Dans l’ensemble du secteur du commerce de détail, Amazon est le second acteur du marché derrière Walmart. La crise de la Covid-19 a eu un effet accélérateur sur la croissance déjà spectaculaire d’Amazon avec une croissance des ventes de 44,1 % en 2020 – les ventes devraient croître de plus de 15 % en 2021 – et une croissance du chiffre d’affaires de 38 % en 2020 à 386 milliards de dollars (Schorung et Lecourt, 2021). []
  6. Environ un mois après ce terrain de recherche, Amazon a annoncé la fermeture de certains de ses formats pour raison financière, en particulier les Amazon Books et les Amazon Pop Up qui ont tous été fermés aux États-Unis. []
  7. Le transport express (les entreprises du secteur sont désignées sous le terme d’expressistes) se définit par une prestation de livraison rapide, garantie et optimisée. []

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