Entendu / Entretien : « L’urbain semble être partout, sauf dans cette campagne présidentielle »

Entretien avec Renaud Epstein, par Daniel Florentin et Charlotte Ruggeri

Renaud Epstein est maître de conférences en science politique à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Il travaille notamment sur les questions liées à la politique de la ville et est l’auteur de La rénovation urbaine. Démolition-reconstruction de l’État, publié en 2013.

L’entretien de Renaud Epstein au format PDF

PEU DE CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE PLACENT LES ENJEUX URBAINS AU CŒUR DE LEUR PROGRAMME ET ILS SONT RELATIVEMENT ABSENTS DES DÉBATS. EST-CE PROPRE À L’ÉLECTION DE 2017 ?

Il y a eu des périodes dans l’histoire de la Ve République au cours desquelles la question urbaine était une question politique, notamment dans les années 1970. Le PSU (Parti socialiste unifié) a émergé et s’est structuré autour des questions et des luttes urbaines. Dans le programme commun Parti socialiste-Parti communiste de 1972, la question urbaine fait l’objet d’une politisation, même lorsqu’elle est abordée sous des angles très techniques comme le financement du logement social. Aux élections municipales de 1977, le Parti socialiste, a ce slogan « Changer la ville, changer la vie »1. Tout ceci s’inscrit dans un contexte d’urbanisation effrénée, de la fin des Trente glorieuses, donc d’une phase de grandes transformations sociales et politiques. C’est une période pendant laquelle on assiste à un déplacement du domaine de la lutte, de l’usine à la ville, et cela transparaît dans les programmes de gauche ou dans le projet de la CFDT (Confédération française démocratique des travailleurs). C’était aussi une période où les programmes électoraux ne se résumaient pas à des slogans. Le programme commun de gouvernement PS-PCF faisait 192 pages, alors qu’aujourd’hui ces programmes se résument le plus souvent à des listes de mesures floues qui tiennent sur un recto-verso.

Ensuite, la manière dont les questions urbaines sont abordées dans les campagnes électorales a sensiblement évolué au cours des vingt dernières années, avec la montée en puissance de la question des banlieues et de la politique de la ville dans les années 1990. Elle s’est imposée à l’occasion de l’élection de 1995, avec la campagne de Jacques Chirac sur la thématique de la fracture sociale et la promesse d’un « Plan Marshall pour les banlieues ». Ce cadrage des questions urbaines se retrouve dans les campagnes de 2002 et de 2007, mais plus du tout dans les suivantes. L’élection de 2012 marque un tournant, qui se prolonge aujourd’hui, que l’on pourrait appeler la « guillysation » de la campagne présidentielle2. La thèse de la « France périphérique », qui oppose de façon simpliste les métropoles et leurs banlieues d’une part, le reste du territoire d’autre part, a connu un grand succès en 2012 : Le Monde la reprend sans distance et ouvre ses colonnes à plusieurs reprises à Christophe Guilly3. S’impose alors l’idée d’une ligne de fracture opposant territoires gagnants et perdants de la globalisation, les quartiers populaires de banlieue faisant partie des gagnants puisqu’ils bénéficieraient à la fois du développement métropolitain et de la solidarité nationale au titre de la politique de la ville. Nicolas Sarkozy comme François Hollande s’est sont inspirés, en alimentant le ressentiment à l’égard des quartiers populaires pour le premier, et trouvant une formule de synthèse parlant aux électeurs situés des deux côtés de cette ligne de fracture pour le second. Pendant cette campagne de 2012, la « séquence banlieue » se réduit à une journée. Le même jour, Nicolas Sarkozy est à Meaux pour faire un discours sur la rénovation urbaine et François Hollande est en déplacement dans le quartier de La Meinau, à Strasbourg4. C’est à cette occasion qu’il brandit le slogan de « l’égalité territoriale », qui parle aussi bien aux électeurs des quartiers populaires qu’à ceux des villes moyennes, du périurbain et du rural. Ce slogan permet en effet de répondre aux revendications d’égalité des banlieues, meurtries par cinq années de crise économique et de stigmatisation sarkozienne. Mais il répond aussi au sentiment d’abandon de la « France périphérique », durement touchée par les restructurations industrielles et celles des services publics opérées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

1. François Hollande à La Meinau, Strasbourg et Nicolas Sarkozy à Meaux, le 16 mars 2012 (Le Parisien, 2012 et Le Figaro, 2012)

La question urbaine et, au-delà, la question territoriale, a disparu de la campagne de 2017. On trouve bien, dans les programmes des candidats, quelques propositions mais pas de vision politique des enjeux urbains ou de la diversité des territoires. Les questions qui sont centrales dans le champ des études urbaines, relatives à la métropolisation, à la ségrégation ou à la gentrification, sont laissées de côté, tout comme les questions émergentes sur les villes en décroissance, les mobilités ou l’agriculture urbaine. Il est désormais acquis, dans les sciences sociales, que nous vivons une ère d’urbanisation généralisée ; l’urbain est partout, sauf dans cette campagne présidentielle…

C’est d’autant plus frappant que la globalisation constitue un des clivages structurants de la campagne. Et alors même que la globalisation est profondément intriquée à la métropolisation, la question métropolitaine est absente des débats. On ne la retrouve qu’en creux, dans les discours et les commentaires sur la « France des oubliés » ou dans les analyses territoriales du vote Front national qui opposent les métropoles et le reste de la France. Mais à l’exception de Marine Le Pen, qui travaille cette opposition pour se présenter comme la candidate de la France éternelle contre les métropoles cosmopolites, les principaux candidats évitent le sujet. C’est frappant si l’on considère les institutions territoriales : la candidate d’extrême droite est la seule à proposer de les réformer, en organisant le retour au vieux couple commune-département. Les autres n’en parlent pas, ce qui revient à assumer sans le dire la priorité donnée au cours de la dernière décennie aux métropoles et à la structuration d’institutions politiques à cette échelle. Cette priorité avait été affirmée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, notamment autour du Grand Paris, et elle n’a pas été remise en cause par son successeur, puisqu’il y a eu la loi MAPTAM de 2014 (Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) et la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) qui a réorganisé les régions autour d’une métropole.

SOUS LA PRÉSIDENCE DE FRANÇOIS HOLLANDE, ASSISTE-T-ON À UN CHANGEMENT DE LA GÉOGRAPHIE PRIORITAIRE ET QUELS EN SONT LES EFFETS SUR L’APPROCHE DES ENJEUX URBAINS ?

La réforme opérée par François Lamy en 2014 visait à resserrer et simplifier la géographie prioritaire de la politique de la ville, en substituant aux différents découpages préexistants (750 Zones urbaines sensibles, 2 200 quartiers des Contrats Urbains de Cohésion Sociale, 500 quartiers en rénovation urbaine) une géographie unifiée de 1 300 quartiers prioritaires définie à partir d’un critère unique, la concentration de la pauvreté. La communication gouvernementale a alors insisté sur l’entrée dans le périmètre de la politique de la ville de nouveaux quartiers, en particulier ceux de villes petites ou moyennes, comme le Grand-Garros à Auch qui a été particulièrement mis en avant. Communiquer sur Auch, petite ville du Sud-Ouest, c’était une manière de montrer que la politique de la ville ne concernait pas seulement les banlieues des grandes métropoles ou, pour le dire crûment, que les budgets de cette politique n’étaient pas seulement dirigés vers les Noirs et les Arabes résidant dans ces grands ensembles. Le gouvernement a également insisté sur la sortie de quartiers de la géographie prioritaire, à Biarritz ou à Saint-Raphaël, afin de montrer que les moyens étaient concentrés sur les territoires qui en avaient le plus besoin. Mais si on regarde en détail la géographie de la politique de la ville avant et après 2014, c’est globalement la même. Il y a des entrées et des sorties, mais c’est marginal et la présence de quartiers de petites villes en crise est loin d’être une nouveauté pour la politique de la ville.

2. Le ministre de la Ville, Patrick Kanner, en visite dans le quartier du Grand-Garros, à Auch (Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, 2016).

La réforme a donc été mise en scène pour faire écho au message de campagne de François Hollande sur l’égalité territoriale, qui s’était déjà traduit dans la création du Commissariat général à l’égalité des territoires et du Ministère du Logement et de l’Égalité des territoires confié à Cécile Duflot. Mais la géographie prioritaire n’a pas radicalement changé, pas plus que les politiques menées. On peut d’ailleurs noter que, dans son discours à la Meinau, François Hollande s’était livré à une critique des zonages, appelant à leur disparition. À quoi aboutit-on avec cette réforme de la géographie prioritaire ?  À un nouveau zonage ! Comme si la politique de la ville ne pouvait se passer de ces zonages, alors que cela a été le cas jusqu’en 1996.

 

PEU DE CANDIDATS ÉVOQUENT L’IDÉE D’UNE POLITIQUE DE LA VILLE DANS LEUR PROGRAMME. POUR CEUX QUI L’ÉVOQUENT, LEURS PROPOSITIONS DE MAINTIEN DE LA POLITIQUE DE LA VILLE ET NOTAMMENT DE LA RÉNOVATION URBAINE S’INSCRIVENT-ELLES DANS LE PROLONGEMENT DE LA POLITIQUE DE LA VILLE INSTITUÉE EN FRANCE DEPUIS LES ANNEES 1980 ?

La candidate la plus claire en la matière, c’est Marine Le Pen, qui annonce qu’elle mettrait fin aux programmes de la politique de la ville, pour « économiser des milliards d’euros » et qu’elle mettrait en place un « plan national de démantèlement des bandes », qui seraient un millier. Ce chiffre n’a pas de sens, pas plus que les milliards d’euros qu’elle prétend économiser : le budget de la politique de la ville ne s’élève qu’à 410 millions d’euros ! Mais les faits importent peu, il s’agit juste d’accréditer l’idée que ces quartiers concentrant les immigrés et leurs descendants seraient privilégiés par les pouvoirs publics.

Les autres candidats n’ont pas été très diserts sur la politique de la ville. François Fillon, Emmanuel Macron, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon proposent tous de poursuivre voire d’amplifier le programme de rénovation urbaine. Mais ceux qui le proposent, comme Emmanuel Macron qui promet de faire passer son budget de 5 à 10 milliards d’euros, ne précisent pas d’où viennent ces milliards. C’est pourtant la question centrale : s’agirait-il de crédits budgétaires de l’État ou de crédits ponctionnés dans les caisses du 1 % logement ? Il faut aussi souligner qu’aucun candidat n’a questionné les objectifs qui guident la rénovation urbaine et ses modalités d’intervention. Même Jean-Luc Mélenchon, dont l’équipe de campagne a produit un cahier thématique d’une trentaine de pages sur le thème « Quartiers populaires, quartiers solidaires », semble incapable de proposer une lecture renouvelée des enjeux. Il propose certes une politique de la ville participative avec des conseils citoyens qui doivent valider les opérations, qui privilégie la rénovation énergétique des logements plutôt que la démolition, qui limite les hausses de loyers. Autant d’évolutions qui ont déjà été actées avec la loi Lamy et le NPNRU (Nouveau programme national de renouvellement urbain). Le fait qu’aucun des candidats républicains ne questionne la rénovation urbaine témoigne du succès politique de cette politique… qui a pourtant fait la preuve de son incapacité à atteindre les objectifs qui lui avaient été assignés ! Depuis la mise en place de l’ANRU (Agence nationale de la rénovation urbaine) sous Jean-Louis Borloo, les élus de tous bords se sont engagés dans la mise en œuvre de cette politique dont les réalisations sont visibles -et souvent même spectaculaires- dans le paysage urbain. Le fait que ces réalisations urbaines ne produisent pas les résultats attendus en termes de mixité sociale importe peu : avec la rénovation urbaine, les élus peuvent montrer qu’ils agissent, qu’ils se saisissent du problème.

Voilà pour le volet aménageur de la politique de la ville. Sur les volets économique, social et sécuritaire, les propositions des candidats sont plus limitées et plus différenciées. Emmanuel Macron propose de créer des emplois francs pour encourager l’embauche des habitants des quartiers prioritaires : une entreprise qui recruterait un salarié résidant dans un de ces quartiers recevrait sur trois ans une prime équivalente au montant des charges sociales. C’est une mesure qui avait été expérimentée en 2013, mais qui a été abandonnée deux ans plus tard faute de succès et dont la généralisation ne serait pas sans risque. Suivant ses modalités précises de mise en œuvre et de contrôle, le risque serait celui d’un « effet boîte aux lettres », à savoir des personnes qui se domicilient dans les quartiers concernés pour en bénéficier mais sans y résider, ou à l’inverse d’un effet de blocage des mobilités résidentielles puisqu’un salarié qui déménagerait risquerait de perdre son emploi. Au delà de cette mesure, qui est la seule qui figure dans son programme, le discours d’Emmanuel Macron sur les quartiers populaires consiste pour l’essentiel à célébrer les réussites individuelles et les initiatives entrepreneuriales. On est plus là dans la ligne du plan Espoir Banlieue de Fadela Amara que dans celle promue dans le rapport Mechmache/Bacqué de 2013, reprise de façon édulcorée dans la loi Lamy, qui insistait sur les enjeux politiques et les dynamiques de mobilisation collective des quartiers.

3. Les militants d’En marche ! lors d’une marche en banlieue parisienne, entre Montreuil et Saint-Denis, le 8 avril 2017 (Le Huffington Post, 2017)

De tous les candidats, c’est sans doute Benoît Hamon qui développe le discours le plus novateur sur les quartiers populaires. Tout d’abord, il s’est clairement positionné comme le candidat des banlieues dès la primaire socialiste et il a maintenu ce positionnement pendant la campagne présidentielle. C’est sans doute tactiquement suicidaire : les banlieues votent peu et le niveau de défiance des électeurs de ces quartiers à l’égard du Parti socialiste est très élevé après cinq années de présidence Hollande et trois ans de gouvernement Valls. Il faut pourtant souligner que Benoît Hamon est en rupture totale avec la ligne républicaniste qu’avait imposée l’ancien premier ministre Manuel Valls. Sur la laïcité, les discriminations et les questions identitaires, on voit qu’il y a un travail de fond qui a été fait, appuyé sur les sciences sociales. Il tient des positions fortes, qu’aucun leader socialiste national n’a eu le courage d’affirmer depuis un quart de siècle. Il dépasse le discours classique des candidats de gauche consistant, comme le fait Jean-Luc Mélenchon, à promettre plus de moyens pour les territoires qui en ont le plus besoin. À ce discours budgétaire et matérialiste, Hamon substitue un discours de reconnaissance : reconnaissance des minorités, y compris religieuses, reconnaissance du caractère multiculturel des sociétés urbaines, reconnaissance aussi des discriminations produites par les institutions. Il a compris que les habitants des quartiers populaires ne demandaient pas plus de politique de la ville, mais d’être reconnus et traités comme les autres citoyens. Jean-Luc Mélenchon aussi semble avoir saisi cette revendication d’égalité de traitement, mais il y répond surtout par des promesses de renforcement des moyens. Au fond, on retrouve une opposition assez classique entre première et deuxième gauches, entre un Mélenchon étatiste et un Hamon plus tourné vers les mobilisations de la société civile.

4. Benoît Hamon à Villiers-le-Bel, le 12 avril 2017 (Le Parisien, 2017)

LE RAPPORT MECHMACHE/BACQUÉ DE 2013, QUI AVAIT ÉTÉ PARTIELLEMENT REPRIS POUR LA LOI LAMY DE 2014 POUR LA PROGRAMMATION DE LA VILLE ET LA COHÉSION URBAINE, INSISTAIT SUR LA CO-CONSTRUCTION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE AVEC SES HABITANTS. EST-CE UNE DIRECTION EFFECTIVE DANS LA POLITIQUE DE LA VILLE ET QUI S’EN RÉCLAME DANS CETTE CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE ?

Cette réorientation de la politique de la ville se traduit de façon très variable suivant les villes. Certains maires ont accepté de jouer le jeu, en mettant en place des conseils citoyens disposant d’une véritable autonomie et de moyens. D’autres se sont efforcés de neutraliser ces nouvelles instances, en contrôlant leur composition et en les cantonnant dans un rôle purement consultatif. Il est trop tôt pour évaluer la réalité et les effets de cette logique de co-construction, notamment pour ce qui concerne les projets du NPNRU qui sont en cours d’élaboration. En tout cas, le design de ce nouveau programme de rénovation urbaine rend possible la co-construction, contrairement au premier PNRU (Programme national de renouvellement urbain). Celui-ci s’appuyait sur un système d’appel à projets national qui mettait en concurrence les villes pour l’accès au budget de l’ANRU. Les maires étaient donc engagés dans une course de vitesse pour déposer au plus vite un projet à l’Agence nationale, avant que ses caisses ne soient vides. Et ils ne pouvaient donc prendre le risque de s’engager dans une élaboration participative de ce projet, parce que la co-construction, ça prend du temps. Dans le cadre du NPNRU, les villes bénéficiaires ont été définies ex-ante au niveau national. Elles ont du temps pour construire leurs projets, et l’ANRU les incite d’autant plus à prendre leur temps qu’en l’état actuel, sa trésorerie lui permet tout juste de payer la fin du premier programme de rénovation.

 

PARMI LES QUESTIONS URBAINES, LE LOGEMENT, PAS PLUS QUE LA POLITIQUE DE LA VILLE, NE SEMBLE FAIRE L’OBJET D’UNE RÉELLE PRÉSENCE DANS LA CAMPAGNE ÉLECTORALE, ALORS QU’IL CONSTITUE UNE PRÉOCCUPATION QUOTIDIENNE DE LA PLUPART DES ÉLECTEURS. COMMENT L’EXPLIQUE-T-ON ?

Effectivement, sur les questions de logement, les candidats ne disent pas grand chose. Le seul point sur lequel ils se prononcent tous, c’est l’article 55 de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (loi SRU) qui impose aux communes de disposer d’au moins 20 % de logements sociaux dans leur parc, chiffre porté à 25 % par la loi Duflot du 18 janvier 2013. Certains candidats en proposent le renforcement, d’autres l’assouplissement, suivant un clivage gauche/droite très classique. Ce clivage classique se retrouve sur la construction de logements, avec des objectifs de production HLM ambitieux pour les candidats de gauche et une priorité donnée à l’offre privée à droite.

Il y a enfin Marine Le Pen, dont le programme compte deux propositions relatives au logement social. Tout d’abord, elle propose de donner la priorité aux nationaux dans l’accès aux HLM, ce qui est déjà le cas dans les faits sinon dans le droit : on dispose de très nombreuses études qui montrent et quantifient l’importance des discriminations dans les attributions HLM, au détriment des étrangers. Ensuite, la candidate d’extrême-droite propose de vendre 1 % du parc HLM par an. Elle n’est pas la première à promouvoir ainsi la vente HLM. C’était déjà ce que défendait Benoist Apparu, ministre délégué au Logement sous Nicolas Sarkozy, pour financer de nouveaux logements sociaux. C’est une proposition qui a sa cohérence, mais qui est difficile à mettre en œuvre. Dans les zones tendues, là où il y aurait un marché pour cette revente, le parc social est déjà insuffisant pour répondre à la demande. En plus, les seuls logements du parc social qui seraient « vendables », ce sont les « pépites » que les bailleurs sociaux ont tout intérêt à garder s’ils ne veulent pas être cantonnés au rôle de logeurs de pauvres, ce qu’ils ne souhaitent pas devenir. Et il ne faut pas sous-estimer les problèmes de gestion immobilière qui peuvent résulter de ces ventes. Dans la plupart des cas, vendre des HLM à leurs occupants, c’est prendre le risque de produire à terme des copropriétés dégradées.

ENTRETIEN RÉALISÉ EN AVRIL 2017 PAR DANIEL FLORENTIN ET CHARLOTTE RUGGERI

Photographie de couverture : Béziers (Jérault), Vue aérienne sur les Immeubles « La Devèze », Arch. : M. Balladur, 1972.

  1. Il s’agit d’un couplet de l’hymne de campagne : http://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00139/changer-la-vie-l-hymne-du-ps-en-1977.html []
  2. En référence aux ouvrages de Christophe Guilly, Fractures françaises (2010) et La France périphérique (2014). []
  3. Voir les articles « Le peuple introuvable » du 7 avril 2012, « La France d’à côté ne se sent plus représentée », du 6 décembre 2011 ou « La colère sourde des Français invisibles », du 6 décembre 2011. []
  4. Voir l’article « Banlieues : la politique de la ville n’a plus la côte » publié dans Le Monde, 16 mars 2012 []

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