Lu / Ces maires qui changent tout. Le génie créatif des communes, de Mathieu Rivat

Anastasia Mizzulinich

Le Lu d’Anastasia Mizzulinich au format PDF


L’ouvrage de Mathieu Rivat est un carnet de bord. Écrivain de fiction et d’articles critiques, Mathieu Rivat est consultant dans le domaine de l’édition, après une une formation en administration des affaires et sociologie des organisations. Entre récit de voyage et rapport d’entretiens, l’auteur propose en 325 pages une réflexion et un questionnement sur la société actuelle, l’échelle locale et l’importance du municipalisme international dans la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement.

L’ouvrage rassemble des comptes rendus de rencontres faites par l’auteur dans six communes de France sélectionnées par l’éditeur Actes Sud : Puy-Saint-André, Trémargat, Loos-en-Gohelle, Ungersheim, Grenoble et Paris. Ces rencontres ont eu lieu aussi bien avec les maires des communes, qu’avec certains de leurs habitants, voire des représentants d’associations ou des professionnels. En revanche, aucune indication temporelle des rencontres n’est précisée.

À travers son ouvrage, Mathieu Rivat veut montrer que c’est à l’échelle locale qu’une action concrète contre le réchauffement climatique peut être mise en place, mais qu’il est nécessaire d’avoir une dimension internationale pour pouvoir vraiment avoir un impact marquant. Ainsi, c’est en enrichissant l’ouvrage d’exemples étrangers que l’auteur explique la portée et l’ambition de certains mouvements sociaux, qui ont permis à des personnalités comme Ada Colau de remporter la mairie de Barcelone. C’est dans les entretiens avec Anne Hidalgo (maire de Paris), Éric Piolle (maire de Grenoble), Jean-François Caron (maire de Loos-en-Gohelle) ou Jean-Claude Mensch (maire d’Ungersheim) qu’on retrouve la définition du rôle de l’élu·e, et de la personnalité politique. La collectivité locale, représentée par le maire, doit venir en soutien des projets émanant des citoyens, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain.

La rencontre avec les maires de communes rurales rappelle que le maire joue aussi un rôle de moteur-motivateur dans ces initiatives. Ce n’est pas parce que la commune est faiblement peuplée qu’il sera plus simple de porter les projets jusqu’au bout. Les communes rurales ont également permis de montrer qu’elles peuvent montrer l’exemple, jouer un rôle de moteur, voire assurer le leadership dans la mise en place de certaines initiatives, tel le ramassage des ordures ménagères. Au sujet des communes en milieu rural, il est aussi important de montrer l’effet de la création des intercommunalités sur le(s) territoire(s) communal(ux) et les bénéfices que ces dernières tirent des initiatives locales, alors que l’inverse n’est pas toujours vrai.

Le récit de chacune de ces six communes permet de valoriser un ou plusieurs projets portés ou soutenus soit par les maires soit par les habitants. Cependant, l’ouvrage montre également la nécessité des maires d’aller vers leurs habitants et de mettre en place (si ce n’est déjà fait) des initiatives ou démarches pour promouvoir et assurer la participation citoyenne aux débats publics, ainsi que de répondre aux attentes environnementales pour lesquelles ils/elles ont été élu·es. Dans le cadre de ce compte-rendu, il est particulièrement intéressant de se pencher sur les quatre dernières communes, Loos-en-Gohelle, Ungersheim, Grenoble et Paris, puisqu’elles sont en milieu urbain ou périurbain.

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Ungersheim et Loos-en-Gohelle : les communes périurbaines pionnières de la transition énergétique

Les villes d’Ungersheim et de Loos-en-Gohelle permettent d’aborder les questions urbaines à grande échelle. Anciennes villes industrielles, elles sont considérées aujourd’hui pionnières en matière de transition énergétique et représentent un exemple en termes de résilience. Les deux points communs dans le récit de Mathieu Rivat sur ces deux villes sont leur combat pour une transition énergétique et la participation citoyenne. Premièrement, il s’agit certes de réduire l’empreinte carbone de la ville dans la lutte contre le changement climatique, mais aussi de transformer toute une économie urbaine qui est devenue obsolète, par de nouveaux emplois durables. Et deuxièmement, il s’agit d’accorder une importance particulière à la participation et à l’engagement des habitants, avec toutes les difficultés que cela comporte.

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Ungersheim

Commune périurbaine de la périphérie de Mulhouse, Ungersheim vivait autrefois de sa mine de potassium pour l’agriculture et de l’exploitation de sel pour éviter que les routes ne soient glacées en hiver. Cela créait 13 000 emplois jusqu’en 2003, lorsque les mines ont été fermées.

L’entretien avec le maire, Jean-Claude Mensch (élu depuis 1989) révèle que son histoire est liée avec celle de la mine, ainsi son engagement politique l’a poussé à se présenter aux élections pour agir. De fait, après leur entretien, Mathieu Rivat le retrouve avec un peu de surprise sur un chantier de BTP où il fait partie de l’équipe « d’ouvriers » (p. 121) avec d’autres habitants de la commune.

Le portrait de la commune d’Ungersheim permet à l’auteur de présenter le mouvement des villes et villages en transition, dont la commune est membre depuis 2010. Ce mouvement créé par Rob Hopkins en 2006 est aussi à l’origine de la transition précoce de Loos-en-Gohelle (voir l’entretien réalisé avec Jean-François Caron en 2018). Il se fonde sur 6 éléments qui permettraient d’assurer la résilience d’une société : optimiser tout espace pour des cultures ; relativiser tout fonctionnement par rapport à un prix du pétrole élevé ; dans les secteurs de l’énergie, de la construction et de l’alimentation favoriser la « propriété collective et la gestion communautaire » ; répondre aux besoins locaux par des moyens locaux ; « impliquer toutes et tous » ; et faire bon usage de la rhétorique.

La stratégie de résilience d’Ungersheim vise à développer une « autonomie intellectuelle », une « autonomie énergétique » et une « autonomie alimentaire ». Par exemple, pour assurer l’autonomie énergétique, la municipalité a réinvesti des infrastructures existantes, comme celles de la mine, ou encore, elle a installé des gradateurs sur l’éclairage public pour réduire l’intensité lumineuse pendant la nuit. Par ailleurs, la commune a fait le choix de ne pas avoir recours aux pesticides ni aux engrais chimiques pour l’agriculture afin de s’affranchir de l’industrie pétrolière. Dans cette optique, les agents de nettoyage sont équipés de tenues éco-responsables de même que les produits utilisés sont certifiés écologiques.

Pour ce qui est de l’autonomie alimentaire, Mathieu Rivat présente dans le détail le projet Trèfle-Rouge qui assure un suivi de la « graine à l’assiette ». Ce pilier de résilience est aussi l’occasion d’un retour historique sur les « jardins parisiens » (p. 122) du XIXe siècle, chaînons fondamentaux de l’utopie municipaliste de Kroptokine et qui font penser aux multiples initiatives de jardins partagés voire « pirates » qui ont lieu dans les grandes villes comme à Paris (Paddeu, 2020 ; Linou, 2020).

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Loos-en-Gohelle

Loos-en-Gohelle représente l’un des exemples les plus avancés en matière de transition écologique, et cela pour plusieurs raisons.

D’abord, le maire, Jean-François Caron (élu en 2001, 2008 et 2014) a voulu tirer profit du passé industriel et minier de la ville, pour en faire la fierté de la commune. Il a insisté pour définir une identité à partir d’un travail de mémoire sur le passé minier de la ville afin d’en faire la force des habitants de Loos-en-Gohelle. Ensuite, il a été pionnier dans le processus de transition écologique, avant même que les lois au niveau national ne soient promulguées. Renaître de ses cendres était la solution pour reconstruire la communauté loossoise. Il a voulu que se développe une participation citoyenne bien que cela représente un réel défi. Pour le maire il s’agit d’animer les processus, d’encourager les habitants à s’impliquer et de se responsabiliser pour améliorer leur cadre de vie : leur rue par exemple. Les objectifs de lutte contre le changement climatique global ou de protection de la biodiversité sont des aspirations abstraites pour certains. Alors qu’améliorer la rue dans laquelle ils résident est un objectif concret.

Dans cette perspective, parmi les initiatives menées, l’une d’elle vise à montrer les bénéfices d’une rénovation de l’habitat pour lutter contre la précarité énergétique. Jean-François Caron a voulu montrer à ses électeurs que dépenser dans la rénovation des logements permettrait de faire baisser la facture d’électricité et d’augmenter le pouvoir d’achat. Par ailleurs, la lutte contre la précarité énergétique s’accompagne d’une documentation des projets afin de formaliser les processus, ce qui permet de former les techniciens et d’implanter de bonnes pratiques localement. En effet, l’une des limites de la prospérité de Loos-en-Gohelle, c’est que dans la démarche d’accompagnement des entreprises spécialisées dans les éco-activités, la dynamique économique bénéficie d’abord aux Lillois. Les Lillois sont plus formés et qualifiés que les Loossois, ce qui leur permet d’accéder aux postes créés à Loos-en-Gohelle.

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Paris : capitale de la gouvernance écologique ?

Le maire ne fait pas tout

Il est important de montrer en milieu urbain le rôle que jouent les associations de quartier et/ou les collectifs associés à certains projets, comme le Bois Dormoy, « jardin de résistance » dans le 18e arrondissement de la capitale (p. 235). Mathieu Rivat a rencontré Judith Le Blanc, habitante du quartier qui défend cet espace vert, et qui déclare que le Bois Dormoy est une représentation en miniature de la crise environnementale et migratoire à l’échelle planétaire. Le Bois Dormoy avait été transformé par une association locale en jardin partagé, et par extension en lieu de refuge pour migrants clandestins. Parcelle prisée par les projets immobiliers, le jardin collectif risque de disparaître aux dépens de ses adhérents et de ses réfugiés. La résistance organisée par les riverains et soutenue non pas par le maire du 18e arrondissement mais par Anne Hidalgo et une élue EELV a permis de sauver cette « réserve de disponibilité de la ville » (p. 235) et d’assurer aux adhérents de l’association du jardin partagé la survie de leurs activités collectives.

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Entretien avec Anne Hidalgo

Alors qu’elle vient d’être réélue (2020), l’entretien a été réalisé au milieu de son premier mandat (2014-2020) en tant que maire de Paris. Parmi les « maires qui changent tout », Anne Hidalgo figure sûrement parmi les plus actifs·ves. Dans cet entretien avec Mathieu Rivat, elle revient sur de nombreux sujets comme l’importance de la figure du maire, qui « n’est pas un personnage politique comme les autres » en soulignant l’importance de « fédérer autour de sa vision » (p. 259). Elle montre comment son combat contre le diesel et son exclusion de la ville ont eu une influence négative sur la part des ventes de véhicules (baisse de 72 % à 52 %) et en même temps elle revient sur ses discussions avec le monde de l’automobile pour proposer une nouvelle offre fondée sur l’électrique. À travers cet entretien, le lecteur peut retracer l’histoire politique de Paris et l’engagement de ses maires, précoce dans la lutte contre le tout-voiture, comme par exemple avec le déploiement d’Autolib’ qui avait été mis en place sous le deuxième mandat de Bertrand Delanoë, alors qu’Anne Hidalgo était sa première adjointe.

L’entretien permet d’évoquer les sujets inhérents au Bois Dormoy, mais également de l’écologie en ville non seulement pour attirer des jeunes créatifs mais aussi comme levier social. Il s’achève enfin sur la responsabilité de la région à protéger les terres agricoles, plutôt que de tenter de créer des emplois avec des projets comme EuropaCity à Gonesse, abandonné en 2019.

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Grenoble : ville apaisée, ville engagée

Ville apaisée

Cet ouvrage est un moyen de dresser le portrait des communes étudiées, à travers de brèves biographies de leurs habitants, militants ou maires. Par exemple, le chapitre sur Grenoble commence avec le portrait de Salima : femme politique qui continue néanmoins de travailler sur le marché deux fois par semaine (ce qui étonne beaucoup), et qui a monté une liste entièrement féminine. Salima fait partie de Rassemblement citoyen, une association de partis politiques qui a permis à Éric Piolle d’être élu maire de Grenoble en 2014.

Mathieu Rivat rebondit sur les grandes lignes de la vie d’Éric Piolle, autre personnalité politique qui s’engage à faire de Grenoble un lieu plus agréable à vivre, ce qu’il démontre, voire défend dans son entretien. Ainsi Éric Piolle saisit l’occasion pour montrer les actions que la ville entreprend face à la question du changement climatique. Tout d’abord Éric Piolle souhaite développer une logique de coopération plutôt que de compétition entre Grenoble et les communes voisines, tout comme le maire de Loos-en-Gohelle. Par exemple, il soutient l’idée de densifier les centres-villes plutôt que de bétonner les espaces entre les petits centres urbains autour de Grenoble (p. 212). Ensuite, il donne son point de vue sur le projet de ligne TGV Lyon-Turin, comme sur un autre grand projet : Center Parcs (ZAD de Roybon). Pour ce qui est du projet de train, il ne pense pas que les trajets avec l’Italie vont augmenter, vu que depuis plusieurs années c’est l’inverse qui a lieu. Il est en revanche favorable au développement et aux investissements dans les TER.

Grenoble accueille une technopole et Minatec, mais ce n’est pas pour autant que le maire défend un modèle de smart city où tout serait technologique et connecté. Éric Piolle préfère prendre le temps de redonner du « sens » (p. 216) dans les débats qui permettent de faire la ville de demain. Cela permet de faire le lien avec le sujet de la 3e Révolution qui est de faire de Grenoble une ville apaisée. Les habitants du chef-lieu de l’Isère passent en moyenne 39 heures/an en voiture. L’objectif pour M. Piolle n’est pas de bannir la voiture mais de faire en sorte que son usage soit rationnel et que tout mode de déplacement trouve « sa juste place » (p. 217). Ceci-dit, il est fier de la part croissante de l’usage du vélo ces dernières années (6 %).

La 3ème Révolution porte également sur les projets de végétalisation des espaces publics, comme « Jardinons nos rues », ce qui permet non seulement de contribuer à atténuer les îlots de chaleur, mais également d’élargir des trottoirs, de créer des espaces sûrs et donc propices à la marche. La conception des espaces publics est ainsi au cœur du projet de ville apaisée. Ils ne sont plus conçus uniquement pour l’homme blanc jeune, mais en tenant compte du genre, de l’âge et des frontières imaginaires (comme le clivage jour-nuit, etc.) du reste de la population. L’objectif étant de faciliter la mobilité sur l’ensemble du territoire grenoblois. Enfin, la question du couple écologie-gentrification est abordée. Comme pour J.-F. Caron, Éric Piolle soutient que la population doit comprendre qu’entreprendre des travaux d’isolation sur les logements permet à long terme de réduire le coût et la consommation d’électricité. Donc c’est aussi un levier social pour augmenter le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. Tout comme pour les Loossois, on voit que certaines pratiques et mesures peuvent être mises en place aussi bien dans les grandes villes, denses, que dans les plus petites villes, pour certaines périurbaines.

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S’engager pour sa ville

Le portrait de Grenoble souligne la dynamique de faire une politique avec et pour les habitants, plutôt que de créer un univers hermétique et élitiste. Ainsi, Mathieu Rivat revient sur le lien que Grenoble a avec l’Espagne de 2015 et décrit les dispositifs de démocratie participative mis en place. Ce qui illustre le phénomène de municipalisme international et l’intérêt des villes à former des alliances ou de porter des partenariats qui vont au-delà des jumelages.

À Grenoble, le premier dispositif de démocratie participative est le budget participatif. Il invite les habitants à voter pour des projets à réaliser dans la ville (rénovation d’équipements publics, végétalisation des places, etc.) afin d’établir un engagement durable. Le deuxième est l’interpellation et la votation citoyenne dont l’objectif est de faire progresser les actions locales par des pétitions menées par les habitants. Enfin, le troisième dispositif est la création de sept conseils citoyens indépendants qui devraient se substituer aux conseils consultatifs de secteur. Leur rôle est d’être à l’origine de projets collectifs, d’assurer l’animation des débats et d’interpeller le conseil municipal. Ils peuvent également être consultés par la mairie sur un projet en particulier. L’objectif est de créer une véritable culture de participation et d’aller au-delà de la démocratie représentative qui aurait du plomb dans l’aile. Mathieu Rivat fait ainsi référence au community organizing de S. Alinsky qui est d’une part, une forme de lutte contre l’accaparement du pouvoir par une élite politique et d’autre part, un moyen d’agir en fonction de l’organisation des habitants et du pouvoir du nombre afin de défendre les intérêts publics.

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Conclusion

Mathieu Rivat présente six communes en partant des communes rurales, puis périurbaines et enfin urbaines. Ce gradient d’urbanité permet de montrer que les actions menées à l’échelle locale dans des communes peu peuplées ont la même portée et le même besoin d’énergie que des projets portés en milieu urbain dans des communes plus densément peuplées.

Le récit de Mathieu Rivat montre que la transition énergétique et écologique doit être menée par les grandes villes (Grenoble, Paris), mais qu’elle est aussi engagée dans des petites communes, a priori, moins émettrices d’émissions carbone et dont l’empreinte écologique est inférieure à celle des grandes villes.

Les initiatives agricoles ou paysannes qui visent à cultiver la terre dans le respect de ses propriétés physico-chimiques voient le jour dans certaines communes périurbaines et rurales de France, comme Puy-Saint-André, Trémargat ou Feldkirch. Ces démarches rurales inspirent parfois de plus grandes communes, comme Ungersheim. Le monde urbain a donc besoin de l’univers rural, non seulement pour l’approvisionnement alimentaire mais également pour s’en inspirer. Protéger et investir le milieu rural permet d’expérimenter des actions collectives à petite échelle. Entre Ungersheim et ses communes périurbaines, c’est la réappropriation de savoir-faire agricoles qui permettrait de s’affranchir des multinationales agroalimentaires. En présentant des exemples périurbains et urbains, Mathieu Rivat montre que le changement s’opère et qu’il est possible.

L’auteur précise que son ouvrage n’est pas un « travail académique cherchant une objectivité scientifique », cependant, il aurait été pertinent d’informer le lecteur sur la date des entretiens ou la période pendant laquelle l’enquête s’est déroulée. Pour certains entretiens le lecteur peut se repérer dans le temps, mais une indication précise aurait été la bienvenue. En outre, l’ouvrage aurait pu être enrichi par l’insertion de cartes ou de plans géographiques afin que le lecteur ait un repère spatial sur la localisation de certaines communes, notamment en milieu rural. Ceci aurait permis de donner une dimension spatiale aux initiatives amorcées.

L’ouvrage rapporte des faits. Certes parfois les entretiens permettent d’évoquer les difficultés rencontrées ou potentielles notamment dans la mise en place de nouvelles formes de démocratie participative. Néanmoins, l’intérêt de l’ouvrage est de recueillir des méthodes qui se sont révélées être une réussite. De nombreuses initiatives se ressemblent, comme le recours à une agriculture paysanne ou la recherche d’une sobriété énergétique dans les communes de Grenoble, Ungersheim et Loos-en-Gohelle. Cependant aussi bien l’auteur que ses interlocuteurs ne souhaitent pas donner de solutions extrapolables à toute commune. Ils montrent que la recherche et volonté de trouver des solutions adéquates pour un lieu donné sont parfois chères à mettre en place, mais l’opiniâtreté des habitants et élus qui croient à leur projet parce qu’ils y sont impliqués pourra porter ses fruits.

L’ouvrage propose une conclusion à la fin de chaque portrait de commune et résume les évolutions et points importants abordés. Il se termine avec une conclusion générale en trois parties. La première retrace les principales activités et projets découverts dans les six communes. L’auteur montre la limite de l’organisation collective des communautés rencontrées, qui visent une démocratie participative ou directe mais qui restent encore ancrées dans un système de démocratie représentative où le maire joue un rôle politique important. La deuxième partie de la conclusion générale présente le mouvement de l’écologie sociale de Murray Bookchin. Cette partie s’ouvre sur l’idéologie du municipalisme et du municipalisme libertaire et international. Mathieu Rivat revient sur les courants de pensées de d’engagement local, de démocratie participative et directe, et centralise des pistes pour une société alternative. En particulier, il s’attarde sur l’importance d’un retour aux formes politiques existantes avant la création de l’État-nation telles qu’en Suisse ou dans le Nord de l’Italie pendant le Moyen-Âge. Il appuie l’idéologie décrite et proposée par Murray Bookchin de construire une confédération de communes. En revanche il ne fait pas directement référence à Benjamin Barber (2013), qui propose un Parlement des Maires (Global Parliament of Mayors) dans son ouvrage If mayors ruled the world. L’échelon municipal pour ces penseurs est le lieu où attaquer les problèmes sociaux qui ont des conséquences sur l’environnement. La municipalité retrouve dans leurs idéologies sa raison d’être de Cité, ce qu’elle avait été pendant l’Antiquité.

Enfin, les troisième et quatrième parties concluent l’ouvrage en interrogeant l’échelle municipale et sa place dans la création des métropoles. De fait, la conclusion générale de l’ouvrage rassemble différentes pensées, d’Élisée Reclus à Murray Bookchin en passant par Kropotkine, ces auteurs proposent et donnent les outils pour une société alternative au capitalisme dont le point de départ est le municipalisme. Les villes européennes et étatsuniennes représenteraient d’importants lieux de développement pour cette société alternative. Un élément marquant c’est que certaines idéologies datent du XIXe siècle et trouvent toute leur essence en ce début de XXIe siècle. Mathieu Rivat invite donc le lecteur à questionner l’importance du rôle de l’échelle locale dans le millefeuille administratif, décisionnel et territorial pour un changement de paradigme vers une coopération territoriale à toutes les échelles.

ANASTASIA MIZZULINICH

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Anastasia Mizzulinich est diplômée du Master G.A.E.L.E (Géographie, aménagement, environnement et logistique des échanges, spécialité Aménagement, urbanisme, développement et prospective) de l’Université Paris IV-Sorbonne. Après un an comme chargée de mission PLUi au Grand Paris Seine et Oise, elle a suivi un Master de Public Administration (International & European Governance) à Leiden University (Pays-Bas).

anastasia.mizzulinich@gmail.com

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Référence de l’ouvrage : Rivat M., 2017, Ces maires qui changent tout. Le génie créatif des communes, Actes Sud | Colibris, 326 p.

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Couverture : Concert au Bois Dormoy (Association Bois Dormoy, Juin 2020)

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Bibliographie

Barber B., 2013, If mayors ruled the world : dysfunctional nations, rising cities, New Haven & London, Yale University Press.

Caron J.-F., 2018, « Entendu/ Entretiens des maires : la fabrique des transitions », Urbanités, en ligne.

Paddeu F.., 2020, « Il faut multiplier les expériences d’agriculture pirate en ville », Médiapart, en ligne.

Linou S., 2020, « La pénurie alimentaire est un impensé, il n’y a pas de plan B », Socialter, Effacer la dette, numéro 41, août-septembre 2020.

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Pour citer cet article : Mizzulinich A., 2021, « Lu / Ces maires qui changent tout. Le génie créatif des communes, de Mathieu Rivat », Urbanités, en ligne.

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