#4 / Edito – Repenser la ville portuaire

Charlotte Ruggeri

L’édito au format PDF


Rotterdam, Marseille, Baltimore, Buenos Aires, Saint Nazaire : de grands ports que la revue Urbanités vous propose de redécouvrir avec son #4, Repenser la ville portuaire. Sont aussi à l’honneur des espaces portuaires moins connus (Campana et Zarate en Argentine), moins traités (Maputo) voire oubliés (Paris). Il s’agissait d’abord de rappeler une évidence : les ports ont avant tout fait naître des villes. Comment, dès lors, comprendre les interactions qui naissent entre port et ville, les tensions que les conflits d’usage peuvent provoquer, mais aussi le syncrétisme culturel qui s’y épanouit autour de la culture maritime et portuaire.

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Le gigantisme portuaire face à la ville

Les ports sont devenus des points d’ancrage majeurs de la mondialisation et les mutations urbaines que cela engendre interrogent le rapport entre port et ville. Le gigantisme portuaire se réalise-t-il fort de sa ville ou à son détriment ? Pour en explorer les enjeux nous partirons tout d’abord en Asie avec Yves Boquet qui explique comment se construit le gigantisme portuaire à l’échelle du continent asiatique et à l’échelle du globe, et quels en sont les impacts pour les villes concernées (Boquet, « La relation ville-port dans la ville asiatique »). Ce numéro #4 permet également de comparer des trajectoires urbaines et portuaires, au prisme de l’histoire d’un pays, parfois mouvementée (Lamy-Giner, « La renaissance du port mozambicain de Maputo ; Temporalités et spatialités ») et de confronter port et ville (Desmoulière, « Le port contre la ville ? Développement portuaire et expulsions à Jakarta (Indonésie) »). Au-delà de l’idée d’un port qui s’épanouirait contre la ville, les politiques d’aménagement portuaire mettent en évidence des situations de gigantisme différenciées entre l’incontournable Rotterdam (Verdol, « Vers une reterritorialisation des ports en Europe. Le cas de Rotterdam ») et les villes argentines de Campana et Zarate, pour qui l’insertion dans la mondialisation passe par leurs activités portuaires (Massin, « Les villes portuaires de Campana et Zarate dans les processus de métropolisation de Buenos Aires »).

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Effacement du port, renouveau urbain

Si le gigantisme a des effets délétères, la question se pose autrement pour tous les ports déclassés qui n’ont pas le loisir d’accueillir Panamax et post-Panamax, ni de raisons de vouloir agrandir leurs darses. La désindustrialisation a dramatiquement scellé le destin de bon nombre de ports, qui ont perdu de leur superbe en même temps que des emplois. Que faire de ces territoires lorsque les activités portuaires s’effacent, voire disparaissent ? Au-delà des villes « modèles » de la requalification urbaine, comme Baltimore ou New York (Baffico, « Baltimore, une saga portuaire » ; Gras, « La recomposition du waterfront new-yorkais : entre patrimoine, mobilisation sociale et gentrification »), il s’agit également d’interroger la pertinence de ces politiques, essaimées un peu partout dans le monde, comme à Toronto (Poiret, « Une requalification portuaire inaboutie, le cas de Toronto ») et Saint-Nazaire (Le Gallou, « Saint-Nazaire, un port entre crise et reconquête urbaine »). Mais nous pouvons aussi aborder la question à l’envers : lorsque la ville a totalement effacé la fonction portuaire, comment peut-on tenter de la retrouver ? (Debrie, « Paris, ville portuaire ? Du pont d’Issy au pont de Tolbiac, balade urbaine en bord de Seine »).

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Un lieu de syncrétisme culturel

Enfin, la culture portuaire est aujourd’hui devenue un enjeu urbain et touristique. Si le renouveau urbain est certain, les ports demeurent des espaces d’échanges légaux et illégaux, formels et informels, propices à l’affirmation de cultures portuaires urbaines singulières. À partir de l’exemple de Marseille, creuset des migrations et des cultures au 19ème siècle (Bechini, « Marseille, carrefour du XIXème siècle »), ce numéro #4 rend compte d’initiatives toujours plus nombreuses visant à célébrer la culture portuaire et maritime, comme à Buenos Aires (Forget, « Rendre le fleuve à la ville : El Puerto de la Musica, Rosario »), Gênes, Marseille (Mondou, « Le développement du port de Marseille comme acteur majeur de la croisière en Méditerranée », Buslacchi, « Les festivals de port : une nouvelle forme de relation entre ville et zones portuaires ») et Caen (Le Thomas, « Art de l’entre-deux : la culture au service de la reconversion portuaire de Caen »).

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Urbanités tient à remercier tous les auteurs qui ont participé à ce numéro en espérant que nos lecteurs prendront autant de plaisir que nous dans ce cabotage, afin de repenser les trajectoires et les relations entre espaces portuaires et urbains.

Charlotte Ruggeri

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Image de couverture : Long Beach (Ruggeri, 2013)

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